Avec la normalisation, la peur des «infiltrés» soudanais en Israel d'un retour forcé

Demandeur d'asile soudanais et chef de l'Organisation des étudiants africains en Israël, Usumain Baraka s'exprime lors d'un entretien à Tel Aviv (Photo, AFP)
Demandeur d'asile soudanais et chef de l'Organisation des étudiants africains en Israël, Usumain Baraka s'exprime lors d'un entretien à Tel Aviv (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 29 octobre 2020

Avec la normalisation, la peur des «infiltrés» soudanais en Israel d'un retour forcé

  • Ces Soudanais parlent couramment arabe et hébreu, de quoi espérer oeuvrer à un rapprochement entre ces deux pays que tout a opposé pendant sept décennies
  • « Nous n'avons pas d'endroit où aller », insiste Usumain

TEL-AVIV : Avec l'annonce d'une normalisation des relations entre Khartoum et Israël, ils pourraient servir de trait d'union entre les deux nations. Mais des milliers de demandeurs d'asile soudanais craignent d'être expulsés par l'Etat hébreu vers leur pays, notamment le Darfour, où la guerre menace encore.

Après les Emirats arabes unis et Bahreïn, le Soudan est le troisième pays arabe depuis août à annoncer un tel accord. Si les deux premiers n'ont pas de diaspora en Israël, il en va autrement pour le Soudan.

L'Etat hébreu abrite aujourd'hui 6.000 Soudanais (après un pic à 12.000), appelés « infiltrés » par les autorités car entrés clandestinement sur le territoire avant d'obtenir un statut leur permettant de rester et, pour certains, de travailler, sans toutefois obtenir la citoyenneté.

Ces Soudanais parlent couramment arabe et hébreu, de quoi espérer oeuvrer à un rapprochement entre ces deux pays que tout a opposé pendant sept décennies.

Mais depuis l'annonce de l'accord, « les gens ont vraiment peur de voir le gouvernement nous renvoyer au Soudan », explique Barik Saleh, demandeur d'asile soudanais d'une vingtaine d'années.

« Avec la normalisation (...) la première chose qui vient à l'esprit du gouvernement c'est: on va pouvoir renvoyer les infiltrés », affirme Jean-Marc Liling, avocat israélien spécialisé dans les questions d'asile.

Après l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, les autorités israéliennes avaient traqué les « infiltrés » originaire de ce territoire --qui a rapidement replongé dans la guerre civile-- pour les y renvoyer.

A Tel-Aviv, dans le quartier de Neve Shaanan, où des demandeurs d'asile égrainent les jours entre boutiques et restaurants dont certains offrent des plats de fèves rivalisant avec les meilleurs bouis-bouis de Khartoum, une expression hébraïque décrit l'accord de normalisation: « kakha-kakha! ». « Couci-couça ».

« 100% en danger »

C'est le paradoxe de cet accord pour les demandeurs d'asile soudanais arrivés pour certains à l'adolescence en Israël. D'un côté, ils ont souhaité la normalisation des relations Soudan-Israël mais, de l'autre, plusieurs craignent d'en faire les frais.

« Je suis le premier à vouloir de cette normalisation mais si je suis déporté, je vais être 100% en danger », résume Barik, qui a vécu jusqu'à neuf ans dans la province du Darfour-Occidental.

En 2003, au début de la guerre civile au Darfour, il fuit avec sa famille au Tchad voisin. Adolescent, il part vers la Libye mais plutôt que tenter de traverser la Méditerranée, il bifurque vers l'Egypte puis Israël.

« Si je rentre, ce sera pour retrouver ma famille. Mais ma famille vit (toujours) dans un camp de réfugiés », confie-t-il.

Idem pour Usumain, Monim, Sadig, Adam et d'autres ayant fui à l'adolescence ces camps au Darfour ou au Tchad voisin.

« La raison pour laquelle nous sommes ici n'est pas à cause de l'absence de relations diplomatiques (...) mais à cause du génocide et du nettoyage ethnique d'où nous venons », soupire Monim Haroon, originaire du Jebel Marra, au coeur du Darfour, un fief du rebelle Abdelwahid Nour.

Combattre ou partir

Omar el-Béchir, au pouvoir durant trois décennies (1989-2019), reste recherché par la Cour pénale internationale pour crime de guerre et génocide au Darfour, où le conflit a fait plus de 300.000 morts, essentiellement dans les premières années selon l'ONU.

Après la chute de celui qui accusait Israël de soutenir des rebelles darfouris, le gouvernement de transition a signé la paix avec des rebelles, hormis l'Armée de libération du Soudan d'Abdelwahid Nour (SLA-AW).

Monim Haroon a été son représentant en Israël. « J'ai moi-même appelé à la normalisation avec Israël lorsque cela était interdit par le Soudan. Mais, à moins qu'Abdelwahid signe un accord de paix, je ne peux pas retourner au Soudan », explique-t-il.

D'autant que des dirigeants du gouvernement de transition ont eux-mêmes participé au conflit dont Mohamed Hamdan Daglo qui dirigeait une puissante milice pro-gouvernementale.

Les milices « ont tué mon père, ils ont tué mon grand frère, puis ils ont pris tout ce que nous avions au village », souligne Usumain Baraka, lui aussi parti du Darfour à neuf ans pour le Tchad, où sa mère vit toujours dans un camp de réfugiés.

« A un moment, j'avais deux options: soit retourner au Darfour pour combattre dans un groupe rebelle, soit quitter le camp pour tenter d'avoir une vie normale », raconte-t-il. 

Pont Khartoum/Tel-Aviv

Rester demandeurs d'asile en Israël ou rentrer dans un camp au Soudan? Des Darfouris craignent donc d'y perdre avec la normalisation.

« Nous n'avons pas d'endroit où aller », insiste Usumain, pantalon ajusté, chemise de marque, montre dorée et master d'administration publique en poche lui donnant davantage des airs de jeune premier que de maquisard.

Certains de ces jeunes Soudanais souhaiteraient être considérés comme « un atout » par Israël, qui doit bientôt parler d'immigration avec Khartoum.

« Nous pourrions être un pont entre les deux pays », dans le commerce mais aussi pour aider ces deux peuples à se comprendre, songe Monim.

« Israël est ma seconde demeure, il n'y pas de langue que je parle mieux que l'hébreu, même ma langue maternelle, le Four », renchérit Barik, qui rêve du jour où il pourra rentrer au pays. « Mais pas tout de suite ».


La diplomatie française estime qu'Israël doit faire preuve de « la plus grande retenue » au Liban

Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
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  • l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, Hezbollah.
  • Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

PARIS : La France a exhorté mercredi Israël « à faire preuve de la plus grande retenue » au Liban après la frappe israélienne qui a touché Beyrouth dimanche dernier, et a souligné que le démantèlement des sites militaires du Hezbollah revenait « exclusivement aux forces armées libanaises ».

Malgré un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après plus d'un an de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, très affaibli, qui affirme de son côté respecter l'accord.

Le week-end dernier, Israël a assuré avoir visé un entrepôt de missiles.

Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

« La France rappelle que le respect du cessez-le-feu s'impose à toutes les parties sans exception afin de garantir la sécurité des populations civiles des deux côtés de la Ligne bleue », la frontière de facto délimitée par les Nations unies, a souligné mercredi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« La France appelle donc Israël à faire preuve de la plus grande retenue et à se retirer au plus vite des cinq points toujours occupés sur le territoire libanais », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les États-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire des cinq positions frontalières où il s'est maintenu dans le sud du pays, malgré l'accord.


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
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  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.