Succession de Paul Biya, conflits, pauvreté : les défis du Cameroun

Le président camerounais Paul Biya arrive à un défilé à Yaoundé, le 20 mai 2022 pour le défilé du 50e anniversaire de l'unité du pays, qui a mis fin au fédéralisme entre les parties anglophone et francophone. (Photo AFP)
Le président camerounais Paul Biya arrive à un défilé à Yaoundé, le 20 mai 2022 pour le défilé du 50e anniversaire de l'unité du pays, qui a mis fin au fédéralisme entre les parties anglophone et francophone. (Photo AFP)
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Publié le Samedi 23 juillet 2022

Succession de Paul Biya, conflits, pauvreté : les défis du Cameroun

  • Le Cameroun, qui accueille lundi le président français Emmanuel Macron, est confronté à des défis sécuritaires et un processus de «succession» périlleux
  • Le Cameroun est le théâtre de deux conflits sanglants: séparatiste dans l'ouest et djihadiste dans le nord

YAOUNDÉ, Cameroun : Après quatre décennies d'un règne autoritaire du président Paul Biya, à la santé chancelante à 89 ans, le Cameroun, qui accueille lundi le président français Emmanuel Macron, est confronté à des défis sécuritaires et un processus de «succession» périlleux.

- «Succession» à risque

Malgré un état de santé manifestement dégradé depuis quelques années, Paul Biya continue de donner le sentiment d'administrer seul le pays, en s'appuyant certes sur un cénacle très restreint mais dont il nomme et bannit impitoyablement les membres à sa guise. Les plus chanceux ont connu la disgrâce, d'autres la prison.

Au pouvoir depuis 1982, il ne fait plus que de brèves apparitions publiques, manifestement à la peine pour se déplacer, et ses rares discours enregistrés sont prononcés laborieusement.

Dès lors, la rumeur enfle régulièrement sur un Paul Biya mort ou moribond, démentie à chaque fois par une vidéo ou des photos, tandis que parler de sa succession est tabou, même pour les plus proches. Personne n'a jamais osé sortir du bois, ni même esquissé, du moins publiquement, la moindre intention.

Le candidat qui sera promu par le tout-puissant Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de M. Biya sera sans nul doute élu, comme le fut M. Biya, sept fois sans coup férir au nom du RDPC.

«L'opposition n'est pas suffisamment unie et solide pour briguer sérieusement la magistrature suprême», juge le politologue Jacques Ebwea. D'un autre côté, le RDPC «risque de s'émietter en plusieurs factions à la mort du président» et de se diviser sur les prétendants, prévient son confrère Louison Essomba.

Parmi les plus sérieux: le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, réputé proche de la très influente première Dame Chantal Biya. Il exerce de facto par délégation une bonne partie du pouvoir exécutif et a placé ses pions au sommet de l'administration.

- Deux conflits sanglants

Le Cameroun est le théâtre de deux conflits sanglants: séparatiste dans l'ouest et djihadiste dans le nord.

Depuis cinq ans, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, peuplées principalement par la minorité anglophone de cette ex-colonie française majoritairement francophone, sont en proie à une guerre entre des groupes armés réclamant l'indépendance et des forces de sécurité massivement déployées par un Biya intraitable, même avec les plus modérés qui réclament une solution fédéraliste.

Les rebelles comme les forces de l'ordre sont régulièrement accusés par l'ONU et les ONG internationales de crimes contre les civils, principales victimes d'un conflit ayant déjà fait plus de 6.000 morts depuis 2017 et déplacé un million d'habitants, selon International Crisis Group (ICG).

Dans la région d'Extrême-Nord, les jihadistes de Boko Haram et du groupe Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap) ont quitté leur berceau du Nigeria voisin ces dernières années pour mener de nombreuses attaques meurtrières.

- Répression de l'opposition

Enfin, Paul Biya fait impitoyablement réprimer, notamment depuis sa réélection très contestée en 2018, toute opinion dissonante avec les arrestations et de lourdes condamnations de centaines de cadres et militants de l'opposition à la suite de marches pacifiques en 2020.

En décembre dernier, une cinquantaine de personnes ont été condamnées à des peines de un à sept ans de prison pour «rébellion» et Amnesty international a accusé en janvier le pouvoir d'en avoir fait «torturer» certaines.

Récemment sermonné ou blâmé par l'ONU, les ONG internationales et des capitales occidentales, dont la France, pour les atteintes répétées aux droits humains par les forces de sécurité et la justice selon elles, Paul Biya ne fait pas grand cas de ces critiques.

- Economie à la peine

Malgré d'abondantes ressources naturelles (pétrole, bois, minerais, coton...), le Cameroun stagne dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la Banque mondiale.

Son économie n'est pas, et de loin, à la hauteur de son potentiel après quatre décennies de promesse d'un pouvoir accusé de corruption et de mauvaise gouvernance. Le pays est classé 144e sur 180 dans l'indice de perception de la corruption 2021 de Transparency International et ne parvient pas à attirer suffisamment l'investissement, notamment étranger, selon la Banque mondiale.

Un tiers de ses 28 millions d'habitants vit avec moins de deux euros par jour et le taux de pauvreté atteint près de 40%, selon l'ONU. Seuls 10% des actifs ont un emploi dans le secteur formel.


La juge au procès fédéral de Trump pour l'élection de 2020 refuse de se récuser

L'ancien président Donald Trump, à Drake Enterprises, un fabricant de pièces automobiles, le 27 septembre 2023 à Clinton Township aux Etats-Unis (Photo d'illustration, AFP).
L'ancien président Donald Trump, à Drake Enterprises, un fabricant de pièces automobiles, le 27 septembre 2023 à Clinton Township aux Etats-Unis (Photo d'illustration, AFP).
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  • Les avocats de l'ex-président lui avaient demandé le 11 septembre de se récuser, invoquant des propos de la magistrate lors d'audiences de condamnations
  • En campagne pour reprendre la Maison Blanche, Donald Trump attribue ses tracas judiciaires à l'administration démocrate du président Biden

WASHINGTON: La juge Tanya Chutkan, qui présidera les débats au procès fédéral de Donald Trump pour ses tentatives d'inverser le résultat de l'élection présidentielle américaine de 2020, a rejeté mercredi sa demande de se récuser, réaffirmant son impartialité.

Les avocats de l'ex-président lui avaient demandé le 11 septembre de se récuser, invoquant des propos de la magistrate lors d'audiences de condamnations de participants à l'assaut du Capitole, siège du Congrès, le 6 janvier 2021.

Ce jour-là, des centaines de partisans de Donald Trump chauffés à blanc avaient violé ce sanctuaire de la démocratie américaine afin de tenter d'y empêcher la certification de la victoire de son adversaire Joe Biden.

"La juge Chutkan a, en relation avec d'autres affaires, suggéré que le président Trump devrait être poursuivi et emprisonné", affirmaient-ils.

Mais la juge fait valoir que ses observations lors de ces audiences, notamment que les participants à l'assaut du Capitole avaient agi "par loyauté aveugle envers une personne qui, soit dit en passant, reste libre aujourd'hui", relevaient de constatations de fait et répondaient aux arguments des prévenus pour réclamer la clémence du tribunal.

Aucune de ses déclarations dans ce cadre, ajoute-t-elle, ne traduit "un favoritisme ou antagonisme viscéral qui rendrait impossible un jugement équitable", condition fixée par la jurisprudence de la Cour suprême pour motiver une récusation, qui doit rester une décision exceptionnelle, souligne-t-elle.

Donald Trump avait déjà accusé la juge Chutkan de le "détester", lorsqu'elle avait fixé le début du procès au 4 mars, au grand dam des avocats du favori des primaires républicaines qui demandaient qu'il se tienne en avril 2026, soit bien après l'élection présidentielle de novembre 2024.

Dès avant sa comparution le 3 août pour plaider non coupable, il avait affirmé que son seul tort était d'"avoir contesté une élection truquée" et dénoncé une "juge injuste", apparemment en référence à Mme Chutkan.

En campagne pour reprendre la Maison Blanche, Donald Trump attribue ses tracas judiciaires à l'administration démocrate du président Biden, qu'il pourrait retrouver sur sa route en 2024 pour une revanche de l'élection de 2020.


Biden contre Trump, une rude bataille pour le vote ouvrier

A Detroit, elle sera rude, la bataille que se livrent Donald Trump et Joe Biden pour le vote des ouvriers et de l'électorat populaire blanc (Photo d'illustration, AFP).
A Detroit, elle sera rude, la bataille que se livrent Donald Trump et Joe Biden pour le vote des ouvriers et de l'électorat populaire blanc (Photo d'illustration, AFP).
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  • Joe Biden et Donald Trump se battent pour «séduire l'électorat ouvrier, en particulier blanc», qui sera décisif l'an prochain, analyse Jefferson Cowie
  • Boudant le débat des autres prétendants à la candidature républicaine, Trump se rend mercredi dans une petite usine automobile proche de Detroit

DETROIT: Comment on vote, quand on fabrique des voitures qu'on ne peut pas se payer? A Detroit, elle sera rude, la bataille que se livrent Donald Trump et Joe Biden pour le vote des ouvriers et de l'électorat populaire blanc.

"Acheter une nouvelle voiture, ce serait la moitié de mon salaire annuel", assène Curtis Cranford.

Cet ouvrier de 66 ans vient de serrer la main du président américain, qui s'est brièvement joint à un piquet de grève mardi, devant une usine General Motors à Belleville, dans la grande banlieue de Detroit (Michigan, nord-est).

Il a remercié Joe Biden pour sa venue, mais à cause de la transition énergétique qui "coûtera des emplois", et surtout à cause des positions démocrates sur l'avortement et l'immigration, il "votera probablement républicain" l'an prochain.

Et donc potentiellement pour Donald Trump, grand favori de la primaire du parti conservateur.

Boudant le débat des autres prétendants à la candidature républicaine, l'ancien président se rend mercredi dans une petite usine automobile proche de Detroit, qui n'est pas dans le giron du grand syndicat automobile, l'UAW.

Ce dernier a lancé une grève historique contre les trois grands constructeurs américains: General Motors, Ford et Stellantis.

Joe Biden et Donald Trump se battent pour "séduire l'électorat ouvrier, en particulier blanc", qui sera décisif l'an prochain, analyse Jefferson Cowie, professeur à l'université Vanderbildt, dans un entretien avec la radio NPR.

"Seront-ils séduits par la rhétorique habituelle de Trump, notamment autour de la race et du nationalisme? Ou verrons-nous un mouvement davantage tourné vers (...) la vision un peu rooseveltienne de Biden, c'est vraiment la question centrale", résume-t-il.

Joe Biden, qui mise énormément sur le soutien des syndicats, et qui vante à la moindre occasion ses grands plans de relance en faveur de la classe moyenne, est désormais le premier président américain à avoir jamais rejoint un piquet de grève.

En empoignant un mégaphone pour encourager les grévistes, le démocrate de 80 ans a voulu frapper un grand coup dans la campagne pour sa réélection.

Carolyn Nippa, 51 ans dont 26 ans à travailler pour GM, n'en revient toujours pas de l'avoir salué: "C'était surréaliste."

«Cuits»
"Je ne suis pas pour Trump. Je le dis tout net. Je pense qu'il a travaillé pour les multinationales et les milliardaires", déclare cette ouvrière, qui a changé plusieurs fois d'usines au gré des fermetures de sites.

"Si je ne gagne pas l'élection, les ouvriers de l'automobile sont cuits", a pour sa part assuré l'ancien président sur son réseau Truth Social.

Arrivé bien en avance à l'usine où parlera mercredi soir le ténor républicain, Gerry Henley, un machiniste de 33 ans, confie son désir de voir l'ex-président revenir à la Maison Blanche.

Si Trump gagne, dit-il, "je vois déjà les baisses d'impôt". Alors que, actuellement, "je regarde mon bulletin de salaire et je me demande: où est passé mon argent? Ils l'envoient tout simplement en Ukraine".

Alors, Joe Biden ou Donald Trump, lequel est le champion des ouvriers?

"C'est difficile à dire", souffle Kristy Zometsky, 44 ans, qui travaille elle aussi dans cette usine de pièces détachées de General Motors, comme son père et son oncle avant elle.

"Cette grève ce n'est pas vraiment une affaire politique", assure l'ouvrière.

Ses préoccupations sont les mêmes que celles de tous les grévistes rencontrés: la vie trop chère, les salaires qui ne suivent pas, malgré les sacrifices consentis en 2009 pour renflouer les multinationales.

C'est à ce moment, lors de la grande crise économique et financière, que Sarah Polk s'est demandé: "Mais qui nous soutient vraiment?"

Cette graphiste de 53 ans, rencontrée au centre de Detroit, n'est pas ouvrière dans l'automobile, mais, en tant qu'employée de l'assureur Blue Cross, n'en est pas moins syndiquée auprès de l'UAW, et donc gréviste.

La venue de Biden, comme de Trump, "c'est une opération de comm", dit cette mère de trois enfants, dont elle s'occupe seule, avec "toujours un mois de retard" pour payer ses factures.

Comme électrice, avant, elle "était plutôt démocrate". Elle voterait bien pour Robert F. Kennedy Junior ou Marianne Williamson, deux candidats qui n'ont aucune chance ou presque de figurer sur le bulletin de vote de novembre l'an prochain.

Alors, qui aura sa voix en 2024? "Je ne sais pas."


Nagorny Karabakh: près de la moitié de la population réfugiée en Arménie

Des réfugiés se reposent sur la route entre Kornidzor et Goris après avoir traversé la frontière, le 26 septembre 2023. (AFP)
Des réfugiés se reposent sur la route entre Kornidzor et Goris après avoir traversé la frontière, le 26 septembre 2023. (AFP)
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  • Plus de 100 personnes sont toujours portées disparues après l'explosion d'un dépôt de carburant pris d'assaut par les habitants, lundi soir en plein exode
  • Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian s'était dit prêt à accueillir 40 000 réfugiés dans le pays de 2,9 millions d'habitants. Mais le gouvernement n'a pu loger pour l'heure que 2.850 personnes

GORIS: Un flot incessant: près de la moitié de la population du Nagorny Karabakh a fui la région du Caucase depuis l'offensive éclair de l'Azerbaïdjan la semaine dernière, qui a brutalement mis fin aux rêves d'indépendance des séparatistes arméniens.

Ils sont désormais 50.243 à s'être réfugiés en Arménie, selon de nouveaux chiffres communiqués mercredi par Erevan, à la suite de l'opération militaire qui a fait plus de 400 morts dans les deux camps.

Pour ajouter aux tourments de l'enclave, plus de 100 personnes sont toujours portées disparues après l'explosion d'un dépôt de carburant pris d'assaut par les habitants, lundi soir en plein exode. Le drame a fait 68 morts et 290 blessés.

L'Azerbaïdjan avait ouvert la veille la seule route reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie, quatre jours après la capitulation des séparatistes et un accord de cessez-le-feu qui place sous le contrôle de Bakou la région d'environ 120 000 habitants, essentiellement peuplée d'Arméniens.

Les autorités se sont engagées à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes de partir. Elles ont cependant arrêté mercredi l'homme d'affaires Ruben Vardanyan, qui a dirigé le gouvernement séparatiste de l'enclave de novembre 2022 à février 2023, alors qu'il tentait de rejoindre l'Arménie.

Crise humanitaire 

De l'autre côté de la frontière, c'est le chaos qui règne. Première étape pour la plupart, la ville de Goris est méconnaissable.

Des centaines de voitures encombrent ses rues dans le plus grand chaos, sous les yeux de policiers impuissants à les orienter. Des hélicoptères survolent la zone.

Nombre de réfugiés, affamés, ont passé la nuit dans leurs véhicules dont ils émergent les yeux rougis de fatigue, beaucoup disant n'avoir aucun endroit où dormir ni lieu où aller en Arménie.

Alekhan Hambardzyumyan, 72 ans, a dormi dans son fourgon utilitaire. Il montre les traces d'impact d'obus sur la carrosserie.

Le retraité, dents en or et veste délavée aux couleurs d'une équipe de base-ball américaine, a échappé de peu à un bombardement en allant chercher son frère, blessé sur le front le 20 septembre.

Son fils a péri dans les derniers combats qui ont fait 213 morts du côté des séparatistes arméniens. Bakou a indiqué pour sa part avoir perdu 192 de ses soldats et un civil dans l'opération militaire.

"Je veux aller à Erevan mais je ne sais pas ce que l'Etat est en mesure de me proposer", explique-t-il à l'AFP.

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian s'était dit prêt à accueillir 40 000 réfugiés dans le pays de 2,9 millions d'habitants.

Mais le gouvernement n'a pu loger pour l'heure que 2.850 personnes, ce qui laisse présager d'une crise humanitaire.

"L'Arménie manque de ressources pour gérer la crise des réfugiés et ne pourra pas y arriver sans une aide de l'étranger", estime l'analyste politique Boris Navasardyan, interrogé par l'AFP. Selon lui, cette situation "va avoir de sérieuses répercussions sur la scène politique" sur fond de "mécontentement généralisé".

La capitale Erevan a été secouée ces derniers jours par une série de manifestations contre un Premier ministre accusé de passivité face à l'Azerbaïdjan.