Que va devenir la Tunisie après le référendum constitutionnel?

Après la victoire à 94,6% mardi du "oui" au référendum sur une nouvelle Constitution qui renforce les pouvoirs présidentiels, la Tunisie, seule démocratie issue du Printemps arabe de 2011, se dirige vers "un durcissement" de son régime politique. (AFP).
Après la victoire à 94,6% mardi du "oui" au référendum sur une nouvelle Constitution qui renforce les pouvoirs présidentiels, la Tunisie, seule démocratie issue du Printemps arabe de 2011, se dirige vers "un durcissement" de son régime politique. (AFP).
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Publié le Mercredi 27 juillet 2022

Que va devenir la Tunisie après le référendum constitutionnel?

  • La nouvelle Constitution défendue par le président Kais Saied doit entrer en vigueur dès la proclamation des résultats du référendum
  • D'ici à la prochaine échéance électorale, les législatives prévues le 17 décembre, grâce à la nouvelle Constitution, "Kais Saied aura plus de pouvoirs qu'un pharaon, qu'un calife du Moyen Age ou que le bey de Tunis (sous les Ottomans)"

TUNIS: Après la victoire à 94,6% mardi du "oui" au référendum sur une nouvelle Constitution qui renforce les pouvoirs présidentiels, la Tunisie, seule démocratie issue du Printemps arabe de 2011, se dirige vers "un durcissement" de son régime politique, selon des experts, évoquant "une dictature aménagée".

Que va-t-il se passer dans l'immédiat?

La nouvelle Constitution défendue par le président Kais Saied doit entrer en vigueur dès la proclamation des résultats du référendum. Les premiers chiffres officiels sont tombés mardi mais les autorités ont jusqu'à fin août pour publier des chiffres définitifs.

Pour l'analyste Youssef Cherif, "il n'y aura pas de changement immédiat car Kais Saied ne fera (avec la nouvelle Constitution, ndlr) qu'officialiser une situation qui dure depuis un an", quand ce président élu démocratiquement en 2019, s'est arrogé les pleins pouvoirs, jugeant le pays ingouvernable.

D'ici à la prochaine échéance électorale, les législatives prévues le 17 décembre, grâce à la nouvelle Constitution, "Kais Saied aura plus de pouvoirs qu'un pharaon, qu'un calife du Moyen Age ou que le bey de Tunis (sous les Ottomans)", dit à l'AFP le politologue Hamadi Redissi.

Selon lui, le président est "décidé à passer en force" et "à aller très vite en besogne" pour arriver aux législatives avec "une opposition exténuée qui sans doute boycottera les prochaines échéances" comme pour le référendum.

"Il gouverne seul, l'opposition est marginalisée, la population est désintéressée", confirme Youssef Cherif.

Peut-on dire que l'on va vers une dictature?

"La Tunisie va vers un système moins parlementaire et plus présidentiel. Les exemples de la région et de l'histoire tunisienne indiquent que ceci va conduire à un durcissement du régime et à moins de démocratie", estime M. Cherif.

On peut parler de "dictature aménagée", estime Hamadi Redissi: ce sera "la stratégie de la cocotte-minute, on préserve des espaces de liberté comme le fait Poutine en Russie mais ce n'est pas une vraie démocratie".

Plusieurs experts notent qu'il n'y a pas pour le moment de restrictions à la liberté d'expression en Tunisie.

Youssef Cherif souligne cependant que "les forces de sécurité se sont renforcées ces derniers mois et que leur popularité ainsi que celle de l'armée est toujours élevée". Ce qui fait, selon lui, que "les contestataires auront moins de libertés dans les semaines qui viennnent".

Qu'est-ce qui pourrait freiner l'élan de Kais Saied?

Il n'est pas garanti, selon les analystes, que la société civile tunisienne, constituée d'environ 24.000 associations, partis et ONG, et qui fut la protagoniste de la Révolution de 2011, puisse se rebeller.

"Jusqu'à présent la résilience des acteurs politiques a été contrebalancée par la fragilité des institutions démocratiques tunisiennes (...) il a suffi d'une étincelle avec le coup de force de Kais Saied pour que tout s'embrase, comme un feu de forêt qu'on n'arrive pas à arrêter", souligne M. Redissi.

La situation économique catastrophique pourrait être un frein en raison des décisions douloureuses pour la classe moyenne et les couches défavorisées que le gouvernement va devoir prendre afin d'obtenir un prêt du Fonds monétaire international (FMI) attendu depuis trois ans. D'autant que "de plus en plus de Tunisiens vont imputer leur mauvaise situation économique au président maintenant qu'il est seul maitre à bord", note M. Cherif.

"Mais il faudra du temps, peut être un an et demi pour que l'exaspération atteigne son comble", prévoit M. Redissi.

"Il y a encore des contrepouvoirs", souligne M. Cherif, citant la puissante centrale syndicale UGTT, co-lauréate du Prix Nobel de la paix 2015, mais aussi "une pléthore de partis politiques et d'ONG qui vont se faire de plus en plus bruyants une fois les vacances d'été terminées".

Et l'opposition?

L'opposition est "aujourd'hui divisée et stigmatisée", dit M. Cherif, en particulier le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, qui a dominé toutes les coalitions gouvernementales des 10 dernières années. Mais "la liesse populaire va être confrontée aux réalités économiques sur lesquelles les différentes forces de l'opposition vont baser leurs messages".

M. Redissi est moins optimiste, disant craindre que M. Saied ne cherche à "asphyxier progressivement" les formations politiques, "comme une plante qu'on n'arrose plus".

Le politologue en veut pour preuve une loi en préparation pour régir le fonctionnement des associations, partis et ONG.

Il avertit: même si M. Saied a assuré qu'il n'allait pas dissoudre "les partis, déjà très faibles et en crise, il va les étouffer avec des mesures draconiennes sur leur financement et organisation".


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.


Soudan: le chef de l'armée exhorte Trump à mettre fin à la guerre

Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
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  • Abdel Fattah al-Burhane appelle Donald Trump à intervenir pour imposer la paix au Soudan
  • Alors que les violences s’intensifient, les initiatives internationales peinent à avancer

PORT-SOUDAN : Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, en guerre depuis avril 2023 contre un groupe paramilitaire rival, a appelé mercredi le président américain Donald Trump à instaurer la paix.

« Le peuple soudanais se tourne désormais vers Washington pour la prochaine étape : s’appuyer sur l’honnêteté du président américain et travailler avec nous — ainsi qu’avec ceux dans la région qui recherchent sincèrement la paix — pour mettre fin à cette guerre », écrit le dirigeant de facto du Soudan dans une tribune publiée dans The Wall Street Journal.

Les tentatives de paix entre Burhane et son ancien adjoint, le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdan Dagalo, ont échoué à maintes reprises au fil d’un conflit ayant fait des dizaines de milliers de morts, déplacé 12 millions de personnes et provoqué les pires crises de faim et de déplacement au monde.

Trump s’est intéressé pour la première fois à cette guerre la semaine dernière, promettant d’y mettre fin après avoir été exhorté à s’impliquer par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

« Le consensus parmi les Soudanais est que M. Trump est un dirigeant qui parle directement et agit avec détermination. Beaucoup estiment qu’il a la capacité de s’opposer aux acteurs étrangers qui prolongent notre souffrance », écrit Burhane.

Les États-Unis et les Émirats arabes unis, aux côtés de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, tentent actuellement de négocier une trêve.

Dans son texte de 1 200 mots publié mercredi, Burhane affirme qu’il s’agit de choisir « entre un État souverain qui tente de protéger ses citoyens et une milice génocidaire déterminée à détruire des communautés ».

Le gouvernement de Burhan est reconnu au niveau international, et en janvier, les États-Unis ont déterminé que la RSF avait commis un génocide dans la région occidentale du Darfour.

Mais ses propres forces ont également été accusées d’exactions depuis le début de la guerre, notamment d’avoir visé des civils et bombardé sans discrimination des zones résidentielles.

Le militaire de carrière, qui avait collaboré avec Dagalo en 2021 pour écarter les civils d’un gouvernement de transition, écrit mercredi : « J’ai longtemps reconnu que les FSR étaient une poudrière. »

Le chef des FSR, Dagalo, dont les combattants avaient été initialement recrutés par Khartoum pour mener ses guerres dans les périphéries du Soudan, était devenu le bras droit de Burhane après le soulèvement de 2018-2019.

Un long conflit de pouvoir, resté latent, a finalement explosé en guerre ouverte le 15 avril 2023.


Tunisie: l'ambassadeur UE convoqué par le président Saied pour «non respect des règles du travail diplomatique» 

Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
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  • Le président Saied a exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques"
  • L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents

TUNISIE: Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés.

Le président Saied a également exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques".

Lundi, M. Perrone avait reçu Noureddine Taboubi, chef du principal syndicat tunisien UGTT -- qui a récemment menacé de déclencher une grève générale pour obtenir des hausses salariales -- et avait salué "le rôle important" de l'organisation "en faveur du dialogue social et du développement économique" en Tunisie, selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis.

L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents.

Le diplomate européen avait "réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec l'UGTT et de continuer à soutenir la Tunisie sur les plans social et économique, dans divers secteurs", selon la même source. De son côté, le secrétaire général de l'UGTT avait appelé à renforcer et développer la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne.

La semaine passée, M. Taboubi a présidé une réunion de l'UGTT où il a apporté son soutien à différents mouvements de grève en cours dans le secteur privé pour réclamer des augmentations de salaires. Il a salué le succès d'une grève générale ayant eu lieu dans la grande ville de Sfax (centre-est) et menacé d'organiser prochainement une grande grève au niveau national.

"L'organisation se dirige vers une grève générale pour défendre les acquis matériels et sociaux des travailleurs face aux difficultés quotidiennes".

M. Taboubi a dénoncé "une baisse du pouvoir d'achat" des Tunisiens face à "des conditions de vie précaires sur le plan des transports, de la santé et de la maladie", défendant "leur droit syndical à se défendre" afin d'obtenir "un salaire décent qui leur fait défaut actuellement".

Le salaire minimum en Tunisie est d'environ 520 dinars (150 euros) pour 48 heures par semaine. Le taux d'inflation reste très élevé notamment pour les produits alimentaires. Il est récemment revenu à environ 5% après avoir atteint un pic de 10% en 2023.