Le HCR met en garde contre la montée des tensions entre les Libanais et les réfugiés syriens

Des citoyens libanais et syriens devant une boulangerie, dans la banlieue sud de Beyrouth, mardi 12 avril 2022 (Photo, AP).
Des citoyens libanais et syriens devant une boulangerie, dans la banlieue sud de Beyrouth, mardi 12 avril 2022 (Photo, AP).
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Publié le Dimanche 31 juillet 2022

Le HCR met en garde contre la montée des tensions entre les Libanais et les réfugiés syriens

  • On estime à 1,5 million le nombre de réfugiés syriens résidant au Liban, dont 900 000 sont enregistrés par l’UNHCR comme réfugiés vivant dans des camps
  • «Nous achetons désormais la farine et nous faisons cuire notre pain dans le camp pour éviter d'entrer en contact avec des Libanais en colère», a déclaré l'un des responsables des camps

BEYROUTH: Ces dernières semaines, le Liban a connu une série d'agressions violentes et d'autres crimes commis par des Libanais contre des réfugiés syriens et vice-versa.

Ces attaques ont entraîné une augmentation de la rhétorique discriminatoire à l'encontre des réfugiés syriens au Liban, tandis que le soutien populaire en faveur de leur rapatriement en Syrie a également pris de l'ampleur; la situation en Syrie étant largement perçue comme s'étant suffisamment améliorée pour permettre aux réfugiés de rentrer chez eux.

En effet, le premier ministre intérimaire du pays, Najib Mikati, a récemment menacé «d'adopter une position indésirable à l'égard des pays occidentaux, en rapatriant illégalement les réfugiés (si) la communauté internationale ne coopère pas».

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Liban a fermement défendu les réfugiés.

Dans une déclaration, l’UNHCR a exprimé sa «grave préoccupation concernant les pratiques restrictives et les mesures discriminatoires prises sur la base de la nationalité, qui affectent les réfugiés et d'autres groupes marginalisés».

L’UNHCR parle d'une «augmentation des tensions entre les différents groupes, en particulier des violences à l'encontre des réfugiés, ce qui entraîne une escalade des actes de violence sur le terrain dans de nombreux districts et quartiers».

Il a souligné que la crise économique au Liban «affecte terriblement tout le monde, en particulier les plus vulnérables» et a averti les autorités libanaises que «le soutien continu apporté par la communauté internationale au Liban — qui accueille les réfugiés — est une question très importante qui garantit la sécurité alimentaire et les autres besoins fondamentaux».

L’UNHCR a demandé aux autorités libanaises de «garantir l'état de droit et de mettre rapidement fin à la violence et à la discrimination visant les personnes résidant sur le territoire libanais».

On estime à 1,5 million le nombre de réfugiés syriens résidant au Liban, dont 900 000 sont enregistrés par l’UNHCR comme réfugiés vivant dans des camps. La grande majorité des réfugiés syriens au Liban sont confrontés à des conditions de vie extrêmement difficiles, aussi bien dans les camps que dans le pays où ils vivent et travaillent.

L'essentiel

La situation semble également s'aggraver. Les autorités libanaises ont commencé à affirmer que les réfugiés syriens sont en partie responsables de la grave pénurie de pain dans le pays, car ils ont consommé de grandes quantités de blé subventionné.

Certaines boulangeries dans les régions où se trouvent des réfugiés syriens ont eu recours à la ségrégation, obligeant les réfugiés à montrer leur carte d'identité et à attendre dans de longues files d'attente, les séparant des autres clients. Lorsqu'ils sont servis, ils n'ont droit qu'à un seul paquet de pain par famille, car certains réfugiés syriens ont été accusés d'envoyer leurs enfants dans des boulangeries pour acheter du pain qu'ils revendaient ensuite au marché noir.

Maher al-Masri, coordinateur des camps d'Arsal dans la région de la Bekaa au nord du Liban, près de la frontière syrienne, a décrit une situation plus positive: «Nous partageons la même nourriture avec les Libanais dans la région qui nous accueille et si un problème survient aux réfugiés, les résidents libanais d'Arsal se précipitent pour désamorcer la situation.»

Toutefois, l'un des responsables des camps a signalé: «Nous n'allons plus dans les boulangeries pour acheter du pain. Nous achetons désormais la farine et nous faisons cuire notre pain dans le camp pour éviter d'entrer en contact avec des Libanais en colère.»

Le Parti socialiste progressiste libanais a averti que «l'escalade inquiétante de ces problèmes pourrait conduire à des dérapages dangereux qui élargissent les écarts sociaux et augmentent la pauvreté et le racisme».

Cela semble déjà être le cas. Vendredi, un Libanais a été poignardé à mort par des réfugiés syriens dans le quartier de Jnah à Beyrouth, après une dispute. Un autre Libanais a été tué le 19 juillet à Mirna Chalouhi. Il a été poignardé 19 fois. Ils ont indiqué que la victime avait été tuée par «des réfugiés syriens qui l'accusaient d'avoir des relations physiques avec l'une des réfugiées syriennes».

Les plateformes de médias sociaux ont été inondées de commentaires incendiaires demandant le rapatriement des réfugiés syriens. Mais il s'est avéré par la suite que le tueur était en fait libanais et un ami du défunt, qu'il aurait assassiné en raison d'un différend familial.

Le 21 juillet, un jeune syrien de 13 ans, Khaled Hammoud al-Saleh, a été tué après avoir été agressé par un Libanais et ses fils dans la région de Sarafand, dans le sud du pays.

Le 24 juillet, un camp situé dans la région de Akkar, dans le nord du Liban, a été incendié par des membres de la famille de Diab Khouweilid, 43 ans, père de sept enfants, dont le corps a été découvert au bord de la mer à Qlayaat après avoir été porté disparu pendant deux jours. Sa famille soupçonnait qu'un ou plusieurs des résidents du camp avaient des informations sur la mort de Khouweilid.

L'incendie a touché 85 des 90 tentes et les habitants du camp ont été contraints de partir pour éviter de nouvelles violences. La plupart d'entre eux ont perdu leurs biens.

Le ministre libanais intérimaire des déplacés, Issam Charafeddine, doit se rendre à Damas pour discuter du plan de rapatriement des réfugiés syriens. Charafeddine a affirmé que le plan consiste à rapatrier 15 000 réfugiés par mois, malgré les mises en garde des organisations internationales contre un rapatriement coercitif, suite à des rapports faisant état de crimes contre un certain nombre de réfugiés rapatriés.

Les activistes syriens pour les réfugiés au Liban, ont déclaré dans un communiqué: «Les réfugiés dans les régions d'accueil évitent les tensions. Les réfugiés syriens souffrent de la crise économique au Liban, tout comme les Libanais. La question du rapatriement attend des solutions pratiques. Nous entendons parler des appels et des déclarations des responsables libanais, mais nous n'avons encore rien reçu de la part de l’UNHCR.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La France plaide pour l'application du cessez-le-feu au Liban face à la recrudescence des attaques israéliennes

Anne-Claire Legendre et Joseph Aoun. (Fourni)
Anne-Claire Legendre et Joseph Aoun. (Fourni)
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  • Anne-Claire Legendre, conseillère du président français pour les affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, a déclaré que Paris continuerait à soutenir le Liban et à œuvrer à la stabilisation de la région sud
  • La visite de Mme Legendre intervient alors qu'Israël intensifie ses raids aériens sur les sites liés au Hezbollah, faisant craindre un conflit plus large

BEYROUTH : La France a réaffirmé jeudi son engagement en faveur de la stabilité du Liban et a promis un soutien accru à ses forces armées et à ses efforts de reconstruction, alors que les attaques israéliennes dans le sud du pays continuent de s'intensifier.

Lors d'une visite officielle à Beyrouth, Anne-Claire Legendre, conseillère du président français pour les affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, a déclaré que Paris continuerait à soutenir le Liban et à "travailler à la stabilisation de la zone sud".

Cette visite intervient alors qu'Israël intensifie ses raids aériens sur les sites liés au Hezbollah, ce qui fait craindre une extension du conflit.

Lors d'une réunion avec de hauts responsables libanais, Mme Legendre a réaffirmé l'intention de la France d'organiser deux conférences internationales pour soutenir les efforts d'aide et de reconstruction du Liban et renforcer l'armée libanaise.

Elle s'est également engagée à activer le comité de surveillance de la cessation des hostilités (mécanisme), en réponse à la demande du Liban de mettre en œuvre le cadre du cessez-le-feu.

La visite de l'envoyée française s'inscrit dans le cadre des efforts diplomatiques urgents visant à alléger la pression sécuritaire croissante exercée par Israël sur le Liban et à relancer la dynamique de l'accord de cessez-le-feu du 20 novembre, qui est au point mort et qui vise à mettre en œuvre la résolution 1701 des Nations unies, initialement rédigée pour mettre fin à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah.

Les violations continues par Israël de l'accord de cessation des hostilités comprennent des frappes sur ce qu'il prétend être des cibles du Hezbollah dans le sud, ce qui alimente les craintes au Liban qu'Israël ne prépare le terrain pour une nouvelle guerre sous le prétexte d'arrêter le réarmement présumé du groupe.

Le président libanais Joseph Aoun a déclaré à M. Legendre que la poursuite des hostilités par Israël et son occupation de cinq positions stratégiques empêchaient l'armée libanaise de se déployer pleinement au sud du fleuve Litani, comme le prévoyait l'accord de cessez-le-feu.

Les hostilités quotidiennes d'Israël, a-t-il ajouté, entravent également les efforts de reconstruction du Liban après la guerre.

Selon son bureau de presse, M. Aoun a affirmé que l'armée libanaise poursuivait ses opérations dans les zones où elle s'est déployée au sud du Litani, saisissant les armes et les munitions et inspectant les tunnels et les entrepôts.

Il a ajouté : "L'armée remplit ses fonctions avec précision, en dépit de la propagande qu'Israël diffuse pour saper ses capacités et son rôle - un rôle qui continue de bénéficier du soutien de tous les Libanais."

Il a précisé qu'une douzaine de soldats avaient été tués jusqu'à présent dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Aoun a réaffirmé à l'envoyé français que l'option des négociations diplomatiques avec Israël, qu'il avait proposée il y a plusieurs semaines, constituait la voie la plus viable pour rétablir la stabilité dans le sud et dans l'ensemble du Liban.

Il a toutefois confirmé que son pays "n'a pas encore reçu de réponse à sa proposition de négociations".

Dans un communiqué de son bureau de presse, M. Aoun a déclaré : "La poursuite de l'agression ne donnera rien : "La poursuite de l'agression ne donnera aucun résultat. Les expériences passées dans de nombreux pays ont montré que la négociation est la seule alternative durable aux guerres futiles."

Il a souligné que le soutien international, en particulier celui de la France et des États-Unis, peut contribuer à faire avancer les négociations avec Israël. Le comité du mécanisme fait partie des organes capables de parrainer de tels pourparlers, a-t-il déclaré.

M. Aoun a souligné auprès de l'envoyé français que les conférences internationales que la France entend organiser, aux côtés des États-Unis et de l'Arabie saoudite, pourraient aider l'armée libanaise à obtenir l'équipement militaire dont elle a tant besoin pour son déploiement et faciliter le retour des habitants du sud dans leurs maisons et villages détruits.

Il a salué "toute contribution européenne au maintien de la stabilité après le retrait de la FINUL du sud, en coordination avec les unités de l'armée libanaise, dont le nombre passera à 10 000 soldats d'ici la fin de l'année".

Les raids israéliens sur le sud du Liban se sont poursuivis jeudi.

Un drone israélien a frappé une voiture à Toul, près de Nabatieh, tuant son conducteur. Plusieurs raids aériens ont également frappé des installations à Aitaroun et Tayr Felsay.

Le porte-parole de l'armée israélienne, Avichay Adraee, a déclaré que "l'armée israélienne a effectué un raid sur un dépôt d'armes et sur des infrastructures du Hezbollah situées près de résidences civiles, sur la base de directives des services de renseignement".

Entre-temps, la 13e réunion du Comité du mécanisme, présidée par le général américain Joseph Clearfield, s'est tenue mercredi à Ras Naqoura.

Lors de cette réunion, le Liban a présenté un exposé sur les récentes violations israéliennes, notamment l'utilisation renouvelée des avertissements d'évacuation émis avant de viser plusieurs bâtiments, actions décrites comme une violation flagrante de l'accord de cessez-le-feu.

Le secrétaire général du Hezbollah, Sheikh Naim Qassim, a déclaré que le groupe avait l'intention de conserver ses armes au nord du fleuve Litani, une position qui viole les termes de l'accord de cessez-le-feu.

Après la déclaration de Qassim selon laquelle "il n'y a pas de menace ou de danger pour les colonies du nord", nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur la raison pour laquelle le Hezbollah conserve ses armes au nord du fleuve Litani.

En réponse, le parti phalangiste a déclaré que le fait de rassurer Israël sur le fait que les colonies du nord ne sont pas menacées, tout en exprimant la volonté de débarrasser le sud de ses armes, soulève de sérieuses questions quant à l'objectif de la conservation de ces armes.

Le parti a demandé : Où est la soi-disant "résistance contre Israël" si sa priorité aujourd'hui est de rassurer Israël plutôt que de l'affronter ?


Cisjordanie: deux adolescents palestiniens abattus, l'armée israélienne dit avoir déjoué une attaque

 L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque". (AFP)
L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque". (AFP)
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  • L'armée israélienne avait indiqué plus tôt que des soldats en opération dans le secteur de Karmei Tzur, colonie juive voisine du village palestinien de Beit Omar, à quelques kilomètres au nord de Hébron, avaient "éliminé deux terroristes"
  • L'armée israélienne n'a pas fourni plus de détails sur cette affaire intervenant sur fond de recrudescence des violences en Cisjordanie, qui ont atteint en octobre un pic inédit en près de deux décennies selon l'ONU

DAYR ISTIYA: L'Autorité palestinienne a annoncé jeudi que des soldats israéliens avaient tué dans le sud de la Cisjordanie deux adolescents de 15 ans, présentés par l'armée israélienne comme des "terroristes en passe de perpétrer une attaque".

Le ministère de la Santé palestinien a annoncé sans plus de détail "le martyre de Bilal Bahaa Ali Baaran (15 ans) et Mohammad Mahmoud Abou Ayache (15 ans) tués par des balles de l'occupation [Israël, NDLR], cet après-midi, jeudi, près de Beit Omar, au nord de Hébron", grande ville du sud de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

L'armée israélienne avait indiqué plus tôt que des soldats en opération dans le secteur de Karmei Tzur, colonie juive voisine du village palestinien de Beit Omar, à quelques kilomètres au nord de Hébron, avaient "éliminé deux terroristes en passe de perpétrer une attaque".

L'armée israélienne n'a pas fourni plus de détails sur cette affaire intervenant sur fond de recrudescence des violences en Cisjordanie, qui ont atteint en octobre un pic inédit en près de deux décennies selon l'ONU.

Jeudi également, le ministère des Affaires étrangères de l'Autorité palestinienne, basée à Ramallah, a accusé des colons israéliens d'avoir incendié la mosquée Hajja Hamida à Dayr Istiya, dans le nord de la Cisjordanie.

Un photographe de l'AFP sur place a vu des murs noircis, des corans brûlés et des graffitis sur un mur de la mosquée.

"Cela viole, et de façon flagrante, le caractère sacré des lieux de culte et reflète le racisme profond des colons qui agissent en se plaçant sous la protection du gouvernement de l'occupation", a déclaré dans un communiqué le ministère.

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a déclaré que des forces de sécurité avaient été dépêchées sur les lieux après avoir reçu "des informations et des images [...] concernant des suspects ayant incendié une mosquée et tagué des graffitis".

Les soldats n'ont identifié aucun suspect sur place, a ajouté l'armée, condamnant "toute forme de violence".

"Schéma de violences extrémistes" 

Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné l'attaque de la mosquée, jugeant "que de tels actes de violence et de profanation de lieux de culte sont inacceptables", a déclaré son porte-parole, Stéphane Dujarric, dénonçant "un schéma de croissance de violences extrémistes qui attisent les tensions et doivent cesser immédiatement".

La veille, le lieutenant général Eyal Zamir, chef d'état-major de l'armée israélienne avait affirmé vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie, territoire palestinien où vivent désormais plus de 500.000 Israéliens - dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international - au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons, jeunes, et de plus en plus violents et organisés, se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants israéliens ou étrangers contre la colonisation, des journalistes, et parfois des soldats.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.005 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.


Tunisie: la famille d'un opposant en grève de la faim dénonce des «violences» en prison

L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
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  • M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste"
  • Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille

TUNIS: L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture".

M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste". Son procès en appel aux côtés d'une quarantaine d'autres personnalités est prévu le 17 novembre.

Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille.

"Les agents ont ordonné aux détenus de l'agresser. Ils l'ont torturé car il refusait de manger", a dénoncé dans une vidéo sur Facebook, l'avocate Dalila Msaddek, soeur de M. Ben Mbarek qui, la semaine passée, s'était inquiétée de son état "alarmant".

"Des agents et des détenus l'ont frappé, les traces de coups sont visibles sur son flanc avec des ecchymoses. Ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Six détenus et cinq agents ont fait cela", a affirmé Mme Msaddek, en pleurant. "Nous avons atteint le stade de la barbarie", a-t-elle dit.

L'avocate Hanen Khemiri, qui lui a rendu visite mercredi matin en prison, a confirmé en conférence de presse des "traces de torture et une côte cassée" et annoncé le dépôt d'une plainte au Parquet.

Le père de M. Ben Mbarek, le militant de gauche Ezzedine Hazgui, a rencontré le directeur de la prison qui a accusé l'avocate d'"exagérer la situation". Mais M. Hazgui s'est dit convaincu que "des gardiens criminels ont tabassé son fils".

En fin de semaine dernière, plusieurs autres opposants emprisonnés dont le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha Rached Ghannouchi, 84 ans, ont annoncé une grève de la faim en solidarité avec M. Ben Mbarek.

Mardi, Mme Msaddek avait déploré une nouvelle détérioration de son état, assurant qu'il avait subi "deux crises au niveau des reins".

Le même jour, le Comité général des prisons, rattaché au gouvernement, avait démenti dans un communiqué "les rumeurs sur la détérioration de l'état de santé de tous les détenus, y compris ceux prétendant être en grève de la faim", affirmant qu'ils faisaient "l'objet d'un suivi médical constant".

Le parquet de Tunis a ordonné mercredi l'ouverture d'une enquête à l'encontre de trois avocats sur la base de plaintes de l'administration pénitentiaire qui a dénoncé la diffusion "de rumeurs et fausses informations" concernant les grèves de la faim en cours, ont indiqué des médias locaux.

Sans divulguer les noms des avocats, les médias citant une source judiciaire ont indiqué que les plaintes portent aussi sur la circulation de données jugées "erronées" relatives à la dégradation de l'état de santé de détenus déclarant observer ces grèves.

Plusieurs ONG tunisiennes et étrangères ont déploré un recul des droits et libertés en Tunisie depuis un coup de force par lequel le président Kais Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.