Liban: des habitants s'insurgent contre les files d'attente interminables pour le pain

Un homme sort d'une boulangerie avec un sac de pain plat subventionné, tandis que d'autres continuent d'attendre dans une file d'attente, dans la capitale libanaise Beyrouth le 29 juillet 2022, au milieu d'une pénurie de blé. (AFP)
Un homme sort d'une boulangerie avec un sac de pain plat subventionné, tandis que d'autres continuent d'attendre dans une file d'attente, dans la capitale libanaise Beyrouth le 29 juillet 2022, au milieu d'une pénurie de blé. (AFP)
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Publié le Dimanche 31 juillet 2022

Liban: des habitants s'insurgent contre les files d'attente interminables pour le pain

  • «J'ai attendu trois heures aujourd'hui, plus de deux heures hier, pour obtenir un sac de pain... Et puis quoi encore ?», s'indigne M. Mansour, père de famille de 48 ans, devant une boulangerie de Beyrouth.
  • La situation se complique avec la guerre en Ukraine, d'où le Liban importe habituellement 80% de son blé. Aussi, l'explosion dévastatrice en août 2020 au port de Beyrouth a rendu l'importation et le stockage d'autant plus compliqués

BEYROUTH: Pour mettre du pain sur la table, Khalil Mansour doit attendre des heures à la boulangerie: depuis deux semaines, les files d'attente se multiplient à Beyrouth comme ailleurs au Liban où les boulangeries rationnent le pain subventionné sur fond de pénuries.

"J'ai attendu trois heures aujourd'hui, plus de deux heures hier, pour obtenir un sac de pain... Et puis quoi encore ?", s'indigne M. Mansour, père de famille de 48 ans, devant une boulangerie de Beyrouth.

Dans ce pays frappé depuis 2019 par une crise économique sans précédent, 80% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté de l'ONU alors que les autorités ont levé les subventions sur l'ensemble des produits essentiels, à l'exception du blé.

Beyrouth s'efforce de maintenir le prix du blé, denrée alimentaire de base, alors que la livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur entraînant une inflation galopante.

Mais la situation se complique avec la guerre en Ukraine, d'où le Liban importe habituellement 80% de son blé. Aussi, l'explosion dévastatrice en août 2020 au port de Beyrouth a rendu l'importation et le stockage d'autant plus compliqués.

"Je dois nourrir mes enfants, que voulez-vous que je fasse ?", clame M. Mansour, employé de pâtisserie qui ne touche pas plus que l'équivalent de 50 dollars par mois.

Des sacs contenant 6 pains traditionnels ronds et plats, subventionnés et achetés en grande quantité sont revendus au marché noir à un prix plus élevé que le prix officiel, actuellement de 13 000 livres libanaises (43 centimes de dollar américain) et qui augmente régulièrement du fait de la dévaluation de la monnaie nationale.

"Je ne peux pas me permettre d'acheter 30 000 livres le sac ..." au marché noir, déplore M. Mansour. "La semaine passée, je suis resté trois jours sans pain".

«Armes à feu et couteaux»

"Depuis 16 jours, les files d'attente sont devenues courantes", observe Mohamed Mehdi (49 ans), propriétaire d'une boulangerie à Beyrouth. "La pénurie est grave" et "les gens viennent parfois avec des armes à feu, des couteaux".

Les disputes devant les boulangeries sont fréquentes. Mardi encore, l'armée a dû intervenir dans une boulangerie prise d'assaut et vandalisée par des clients en colère à Taalbaya (Est), selon des médias locaux.

"Les gens s'entassent, pour du pain... C'est humiliant !", s'élève M. Mehdi.

Dans un quartier voisin et sous un soleil de plomb, Dania Hassane (22 ans) fait la queue devant une autre boulangerie. Elle dit avoir eu de la chance car elle n'a dû attendre que 30 minutes pour avoir du pain.

"Mon père (...) travaille du matin au soir pour acheter ce sac de pain et nourrir ses trois filles", déplore la jeune étudiante. "Pour un droit élémentaire ... c'est affligeant."

Pour M. Mahdi, "la crise sévit depuis environ six mois, mais elle s'est accentuée. Il y a près d'un mois, certaines minoteries ont dû fermer parce que la Banque (centrale) du Liban ne leur a pas accordé de prêt."

«Mesures discriminatoires»

Le ministère de l'Economie accuse certaines boulangeries de stocker la farine subventionnée ou de l'utiliser dans la production de produits non subventionnés. Les boulangeries accusent, elles, la Banque centrale de ne pas ouvrir les lignes de crédit suffisantes à l'importation.

Pour assurer l'approvisionnement, le Parlement a approuvé mardi un prêt de 150 millions de dollars de la Banque mondiale (BM) destiné à financer les importations de blé.

Les autorités libanaises font porter une partie de l'effondrement économique sur les plus d'un million de réfugiés syriens présents sur le sol libanais, où les discours sont de plus en plus hostiles envers ces réfugiés ainsi que les appels à les expulser.

"Les Libanais ont perdu patience. Ils travaillent d'arrache-pied, pour pouvoir apporter ce sac de pain à leurs enfants", déclare Ahmed Saleh, employé de boulangerie de 22 ans, faisant écho à un sentiment qui se répand.

Le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) s'est dit "préoccupé actuellement par des pratiques restrictives et des mesures discriminatoires fondées sur la nationalité."

Mais "l'impact de la crise économique au Liban a un effet dévastateur sur tout le monde", souligne le HCR.


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.


Soudan: le chef de l'armée exhorte Trump à mettre fin à la guerre

Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
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  • Abdel Fattah al-Burhane appelle Donald Trump à intervenir pour imposer la paix au Soudan
  • Alors que les violences s’intensifient, les initiatives internationales peinent à avancer

PORT-SOUDAN : Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, en guerre depuis avril 2023 contre un groupe paramilitaire rival, a appelé mercredi le président américain Donald Trump à instaurer la paix.

« Le peuple soudanais se tourne désormais vers Washington pour la prochaine étape : s’appuyer sur l’honnêteté du président américain et travailler avec nous — ainsi qu’avec ceux dans la région qui recherchent sincèrement la paix — pour mettre fin à cette guerre », écrit le dirigeant de facto du Soudan dans une tribune publiée dans The Wall Street Journal.

Les tentatives de paix entre Burhane et son ancien adjoint, le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdan Dagalo, ont échoué à maintes reprises au fil d’un conflit ayant fait des dizaines de milliers de morts, déplacé 12 millions de personnes et provoqué les pires crises de faim et de déplacement au monde.

Trump s’est intéressé pour la première fois à cette guerre la semaine dernière, promettant d’y mettre fin après avoir été exhorté à s’impliquer par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

« Le consensus parmi les Soudanais est que M. Trump est un dirigeant qui parle directement et agit avec détermination. Beaucoup estiment qu’il a la capacité de s’opposer aux acteurs étrangers qui prolongent notre souffrance », écrit Burhane.

Les États-Unis et les Émirats arabes unis, aux côtés de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, tentent actuellement de négocier une trêve.

Dans son texte de 1 200 mots publié mercredi, Burhane affirme qu’il s’agit de choisir « entre un État souverain qui tente de protéger ses citoyens et une milice génocidaire déterminée à détruire des communautés ».

Le gouvernement de Burhan est reconnu au niveau international, et en janvier, les États-Unis ont déterminé que la RSF avait commis un génocide dans la région occidentale du Darfour.

Mais ses propres forces ont également été accusées d’exactions depuis le début de la guerre, notamment d’avoir visé des civils et bombardé sans discrimination des zones résidentielles.

Le militaire de carrière, qui avait collaboré avec Dagalo en 2021 pour écarter les civils d’un gouvernement de transition, écrit mercredi : « J’ai longtemps reconnu que les FSR étaient une poudrière. »

Le chef des FSR, Dagalo, dont les combattants avaient été initialement recrutés par Khartoum pour mener ses guerres dans les périphéries du Soudan, était devenu le bras droit de Burhane après le soulèvement de 2018-2019.

Un long conflit de pouvoir, resté latent, a finalement explosé en guerre ouverte le 15 avril 2023.


Tunisie: l'ambassadeur UE convoqué par le président Saied pour «non respect des règles du travail diplomatique» 

Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
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  • Le président Saied a exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques"
  • L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents

TUNISIE: Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés.

Le président Saied a également exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques".

Lundi, M. Perrone avait reçu Noureddine Taboubi, chef du principal syndicat tunisien UGTT -- qui a récemment menacé de déclencher une grève générale pour obtenir des hausses salariales -- et avait salué "le rôle important" de l'organisation "en faveur du dialogue social et du développement économique" en Tunisie, selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis.

L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents.

Le diplomate européen avait "réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec l'UGTT et de continuer à soutenir la Tunisie sur les plans social et économique, dans divers secteurs", selon la même source. De son côté, le secrétaire général de l'UGTT avait appelé à renforcer et développer la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne.

La semaine passée, M. Taboubi a présidé une réunion de l'UGTT où il a apporté son soutien à différents mouvements de grève en cours dans le secteur privé pour réclamer des augmentations de salaires. Il a salué le succès d'une grève générale ayant eu lieu dans la grande ville de Sfax (centre-est) et menacé d'organiser prochainement une grande grève au niveau national.

"L'organisation se dirige vers une grève générale pour défendre les acquis matériels et sociaux des travailleurs face aux difficultés quotidiennes".

M. Taboubi a dénoncé "une baisse du pouvoir d'achat" des Tunisiens face à "des conditions de vie précaires sur le plan des transports, de la santé et de la maladie", défendant "leur droit syndical à se défendre" afin d'obtenir "un salaire décent qui leur fait défaut actuellement".

Le salaire minimum en Tunisie est d'environ 520 dinars (150 euros) pour 48 heures par semaine. Le taux d'inflation reste très élevé notamment pour les produits alimentaires. Il est récemment revenu à environ 5% après avoir atteint un pic de 10% en 2023.