Autour de Taïwan, des chaînes d'approvisionnement cruciales mais menacées

Une vue aérienne montre le port de Keelung le 4 août 2022, alors que la Chine organisait des exercices militaires autour de Taïwan. (AFP)
Une vue aérienne montre le port de Keelung le 4 août 2022, alors que la Chine organisait des exercices militaires autour de Taïwan. (AFP)
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Publié le Jeudi 04 août 2022

Autour de Taïwan, des chaînes d'approvisionnement cruciales mais menacées

  • Par mesure de sécurité, l'Administration chinoise de la sûreté maritime a «interdit» aux navires de pénétrer dans les zones concernées
  • Ces manoeuvres surviennent au niveau de routes commerciales parmi les plus chargées de la planète, et d'une importance cruciale

PEKIN: Les manoeuvres militaires menées jeudi par la Chine autour de Taïwan, au niveau de routes commerciales très fréquentées, risquent de perturber les chaînes d'approvisionnement déjà mises à mal par la pandémie et la guerre en Ukraine.

Ces exercices, les plus importants de son histoire autour de l'île, sont une réponse à la visite, mardi et mercredi, de la cheffe des députés américains Nancy Pelosi à Taipei.

Destinés à simuler un "blocus" de Taïwan, ils incluent "des tirs d'artillerie à munitions réelles et de longue portée", des missiles devant survoler l'île pour la première fois, selon plusieurs médias d'Etat.

Par mesure de sécurité, l'Administration chinoise de la sûreté maritime a "interdit" aux navires de pénétrer dans les zones concernées.

Ces manoeuvres surviennent au niveau de routes commerciales parmi les plus chargées de la planète, et d'une importance cruciale: elles connectent au monde les usines de semi-conducteurs et équipements électroniques d'Asie de l'Est et servent aussi au transport de gaz naturel.

Lors des sept premiers mois de l'année, près de la moitié des porte-conteneurs du monde sont passés par le détroit de Taïwan, selon les données compilées par Bloomberg.

"Etant donné qu'une grande partie de la flotte mondiale de conteneurs passe par cette voie navigable, le déroutement (provoqué par les manoeuvres) entraînera inévitablement des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement mondiales", indique James Char, chercheur associé à l'Ecole d'études internationales S. Rajaratnam à Singapour.

Vols annulés 

Or les chaînes d'approvisionnement ont déjà été bien malmenées par la pandémie et la guerre en Ukraine.

"La fermeture de ces voies de transport - même temporairement - a des conséquences non seulement pour Taïwan, mais aussi pour les flux commerciaux liés au Japon et à la Corée du Sud", souligne dans une note Nick Marro, analyste de l'Economist Intelligence Unit.

Même chose dans les airs: ces deux derniers jours, plus de 400 vols ont été annulés dans les principaux aéroports du Fujian, la province chinoise la plus proche de Taïwan.

Les autorités taïwanaises ont averti que les exercices perturberaient 18 liaisons aériennes internationales traversant la zone.

A la Bourse de Taïwan, l'indice Taiex dédié aux entreprises de transport aérien et maritime reculait de 1,05% mercredi, ayant perdu 4,6% de sa valeur depuis le début de la semaine.

Mais plusieurs compagnies maritimes contactées par l'AFP ont dit attendre de voir l'impact des exercices avant de changer leurs itinéraires. Car la saison actuelle des typhons complique le passage des navires du côté est de Taïwan, par la mer des Philippines.

D'autres ne prévoient aucun changement de plan.

"Nous ne prévoyons pas d'impact pendant (cette) période et nous n'avons pas prévu de réacheminement de nos navires", a ainsi indiqué Bonnie Huang, porte-parole en Chine de Maersk, l'une des plus grandes compagnies de transport maritime du monde.

«Bloquer l'île»

Lors de la précédente crise dans le détroit de Taïwan dans les années 1990, les exercices militaires chinois, incluant des tirs de missiles dans les eaux au large de l'île, avaient duré des mois.

Cette fois, les Chinois veulent sans aucun doute "démontrer leur détermination d'une manière qui va au-delà de ce qu'ils ont fait en 1996", estime Bonnie Glasser, directrice du programme Asie au Fonds américain German Marshall.

Le journal Global Times, connu pour son ton nationaliste, assure que les manoeuvres viseront à prouver que l'armée chinoise est "capable de bloquer l'île entière".

Mais alors que son économie souffre des restrictions sanitaires appliquées depuis 2020, Pékin ne va sans doute pas risquer un blocage commercial majeur, soulignent les analystes.

"Fermer tout trafic à l'intérieur du détroit pour une longue période, cela ferait mal à l'économie chinoise", observe James Char.

Même opinion chez Natasha Kassam, du think-tank australien Lowy Institute: "Ce n'est pas dans l'intérêt de Pékin d'interrompre les voyages et le commerce dans la région".

A sa démonstration de force militaire, la Chine pourrait ajouter des attaques cybernétiques, et elle a déjà commencé à appliquer des sanctions commerciales. Mais pas sûr qu'elle veuille aller beaucoup plus loin.

"Compte tenu de l'expansion spectaculaire des capacités aériennes et maritimes chinoises ces dernières années, la Chine a très probablement la capacité d'imposer un blocus aérien et maritime à Taïwan", juge Thomas Shugart, expert en innovation militaire au Centre pour une nouvelle sécurité américaine, groupe de réflexion basé à Washington.

"La question de savoir si la Chine choisira de tenter un tel blocus (...) dépend largement du risque politique et économique que les dirigeants du Parti communiste chinois sont prêts à encourir pour le faire".


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.