UE: accord historique, au forceps, pour un "plan Marshall" contre le virus

Les négociations ont été "difficiles, à un moment très difficile pour tous les Européens", a souligné le président du Conseil européen, Charles Michel, chef d'orchestre du sommet, qui a duré plus de 90 heures. (Photo John THYS/AFP).
Les négociations ont été "difficiles, à un moment très difficile pour tous les Européens", a souligné le président du Conseil européen, Charles Michel, chef d'orchestre du sommet, qui a duré plus de 90 heures. (Photo John THYS/AFP).
Short Url
Publié le Mardi 21 juillet 2020

UE: accord historique, au forceps, pour un "plan Marshall" contre le virus

  • Le plan prévoit un fonds de 750 milliards d'euros, qui pourront être empruntés par la Commission sur les marchés. Il se compose notamment de 390 milliards de subventions
  • Outre ces subventions, 360 milliards d'euros seront disponibles pour des prêts, remboursables par le pays demandeur

BRUXELLES : Les dirigeants européens ont conclu mardi un accord historique sur un plan de soutien à leurs économies frappées par la crise du coronavirus, basé pour la première fois sur une dette commune, après quatre jours d'un sommet marathon sous haute tension à Bruxelles.

Ce paquet, d'un montant total de 750 milliards d'euros, a été conclu au terme d'intenses négociations, au cours desquelles le président français Emmanuel Macron s'est mis en colère, le dirigeant hongrois a brandi la menace d'un veto et La Haye et Vienne ont longtemps résisté contre un plan trop généreux à leur goût.

"Une étape majeure a été franchie", a affirmé M. Macron, lors d'une conférence de presse commune avec la chancelière Angela Merkel. Il s'agit d'"une réponse à la plus grande crise de l'UE depuis sa création", a ajouté l'Allemande, dont le pays préside actuellement l'Union.

Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a salué lors d'une conférence de presse distincte "un grand accord pour l'Europe", allant jusqu'à le qualifier de "vrai plan Marshall".

Les négociations ont été "difficiles, à un moment très difficile pour tous les Européens", a souligné le président du Conseil européen, Charles Michel, chef d'orchestre du sommet, qui a duré plus de 90 heures.

En termes de longueur, ce sommet a failli battre, à 25 minutes près, le record historique de celui de Nice en 2000, consacré aux réformes des institutions européennes, qui avait duré presque 92 heures.

Transfert de richesses

Pour soutenir l'économie européenne, qui affronte une récession historique, le plan prévoit un fonds de 750 milliards d'euros, qui pourront être empruntés par la Commission sur les marchés. Il se compose notamment de 390 milliards de subventions, allouées aux Etats les plus frappés par la pandémie, une dette commune à rembourser par les 27.

Outre ces subventions, 360 milliards d'euros seront disponibles pour des prêts, remboursables par le pays demandeur.

Ce plan de relance est adossé au budget à long terme de l'UE (2021-2027), qui prévoit une dotation de 1.074 milliards d'euros, soit environ 154 milliards d'euros par an.

Cette émission de dette commune, une première, repose sur une proposition franco-allemande, qui suscitait une farouche opposition de la part des quatre pays dits "frugaux" (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède), rejoints ensuite par la Finlande. 

A l'issue du sommet, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, chef de file de ces quatre pays, a affirmé que cet emprunt commun n'était pas le début d'une "Union des transferts", avec un transfert permanent de richesses du nord au sud - ce dont il avait mis en garde avant les pourparlers. 

"Il s'agit d'une opération ponctuelle, dont la nécessité est évidente compte tenu de la situation", a-t-il déclaré aux journalistes. 

Les pays "frugaux" ont longtemps menacé de faire capoter ce plan massif de soutien à l'économie, qui profiterait avant tout aux pays du Sud, comme l'Italie et l'Espagne. Ces deux pays, les plus touchés par l'épidémie, sont jugés trop laxistes en matière budgétaire par leurs partenaires du Nord.

Etat de droit 

Pour vaincre les réticences des frugaux, le président du Conseil européen, Charles Michel, a dû revoir sa proposition initiale et leur fournir des gages.

Notamment en révisant à la baisse les 500 milliards de subventions prévus au départ et défendus par Berlin et Paris.

Mais aussi en augmentant de façon substantielle les rabais accordés à ces pays, qui jugent leurs contributions nettes au budget de l'UE disproportionnées. La correction accordée à l'Allemagne reste stable.

"Pour la première fois dans l'histoire européenne, le budget est lié aux objectifs climatiques, pour la première fois, le respect de l'Etat de droit devient une condition pour l'octroi des fonds", s'est par ailleurs félicité Charles Michel.

Ce lien entre le versement des fonds et le respect de l'Etat de droit fait suite à une proposition de la Commission européenne, qui permettra de "prendre des mesures à la majorité qualifiée en cas de violations", a précisé la présidente de l'institution Ursula von der Leyen.

Cette conditionnalité rencontrait une forte opposition de la Pologne et la Hongrie, deux pays dans le collimateur de la Commission et du Parlement européen, qui ont enclenché une procédure à leur encontre.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui avait fait planer des menaces de veto au sommet, a réclamé la fin de cette procédure dite de "l'article 7" à l'encontre de son pays, qui peut en théorie déboucher sur des sanctions.               


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Short Url
  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Short Url
  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
Short Url
  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".