Un an après, Biden et l'Amérique ont tourné la page du retrait afghan

Des combattants talibans descendent dans les rues de Kaboul alors qu'ils célèbrent le premier anniversaire du retrait des troupes américaines d'Afghanistan, près de l'ancienne ambassade américaine à Kaboul le 30 août 2022. (AFP)
Des combattants talibans descendent dans les rues de Kaboul alors qu'ils célèbrent le premier anniversaire du retrait des troupes américaines d'Afghanistan, près de l'ancienne ambassade américaine à Kaboul le 30 août 2022. (AFP)
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Publié le Mercredi 31 août 2022

Un an après, Biden et l'Amérique ont tourné la page du retrait afghan

  • Biden a commémoré cette opération ainsi que la mort, le 26 août 2021, de 13 soldats américains tués dans un bombardement à l'extérieur de l'aéroport de Kaboul
  • Mais son administration reste plutôt discrète autour de l'anniversaire de ce retrait qui a mis fin à la plus longue guerre que les Etats-Unis aient jamais connue

WASHINGTON: Durement critiqué pour le fiasco du retrait des troupes américaines d'Afghanistan il y a un an, Joe Biden a néanmoins largement tourné la page même si le pays meurtri par des décennies de guerre fait toujours face à d'énormes défis.

Le président américain a dans un communiqué commémoré cette opération ainsi que la mort, le 26 août 2021, de 13 soldats américains tués dans un bombardement à l'extérieur de l'aéroport de Kaboul. Mais son administration reste plutôt discrète autour de l'anniversaire de ce retrait qui a mis fin à la plus longue guerre que les Etats-Unis aient jamais connue.

Dans un message aux forces armées, le secrétaire à la Défense Lloyd Austin a pour sa part rendu hommage aux 2 461 Américains morts sur le front et salué les efforts engagés par les Etats-Unis pour "construire un avenir meilleur pour le peuple afghan", alors que le pays est à nouveau sous le règne des talibans.

Le président Biden a longtemps critiqué la guerre en Afghanistan car il estimait que l'Amérique n'avait rien à y gagner. Et alors que Kaboul tombait et le gouvernement afghan s'écroulait en août dernier, malgré les 2 000 milliards de dollars investis dans le pays, le démocrate s'est refusé à reculer.

Un an après, vue d'outre-atlantique, les faits semblent lui avoir donné raison du moins politiquement.

Une erreur 

L'Afghanistan ne figure plus dans les priorités de l'actuelle administration américaine et de sa politique étrangère, bousculée par l'invasion russe de l'Ukraine en février dernier.

Selon un récent sondage de l'institut Gallup, 50% des Américains estiment même que la guerre en Afghanistan a été une erreur. Ce taux est à comparer avec la quasi-unanimité qui prévalait après les attentats du 11 septembre 2001 qui avaient justifié l'invasion du pays et la chute des talibans qui s'en était suivie.

"C'est facile de critiquer la décision de retrait sans fournir de bonne foi des alternatives viables", relève Adam Weinstein, du centre de recherches The Quincy Institute. "S'il existe certes une caisse de résonance dans la capitale pour la majorité des Américains, ce n'est pas un anniversaire qui les intéresse ", dit-il.

"Ils s'inquiètent de l'inflation, de l'endettement des étudiants et des divisions qui prévalent dans le pays. Ils ne pensent certainement pas à l'anniversaire du retrait alors que pour beaucoup d'entre eux la guerre était quelque chose de lointain ", ajoute le chercheur.

Reste que les images chaotiques du retrait américain sur le tarmac de l'aéroport de Kaboul avaient choquées et devaient préfigurer une forte chute de popularité du président Biden, qui s'est fait élire sur un programme de renouveau et de leadership après les turbulentes années de son prédécesseur Donald Trump.

La guerre en Afghanistan, qui a concerné quatre présidents successifs, n'est pas bien entendu seule en cause. Il y avait aussi la Covid-19 qui redoublait d'intensité à ce moment-là. Un an après, le taux d'approbation du dirigeant démocrate remonte doucement la pente notamment grâce à une série de victoires législatives.

Joe Biden a aussi démontré que les Etats-Unis avaient les capacités de continuer la guerre contre le terrorisme sans troupes sur le terrain, comme lorsqu'il a ordonné une frappe de drone qui a tué Ayman al-Zawahiri, le chef d'Al-Qaïda, le 31 juillet à Kaboul.

Mais le retour au pouvoir des talibans sonne comme une défaite cuisante pour tous ceux qui ont combattu pour un autre Afghanistan, spécialement le respect des droits de la femme et des filles, désormais à nouveau interdites d'école.

Pour Teresa Casale, qui dirige l'organisation Mina's List, les Etats-Unis auraient dû exiger des garanties avant de quitter le pays. "Sans quoi, on peut dire de façon catégorique que le retrait a été un désastre et je dirais même une trahison", a-t-elle dit à l'AFP.

"L'Afghanistan est devenu le pire endroit au monde pour les femmes alors qu'il y a tout juste un an, il y avait 27% de femmes représentées au Parlement", souligne-t-elle encore, en dénonçant à la fois la précédente administration Trump qui a négocié le retrait américain avec les talibans et la décision de l'administration Biden de quitter effectivement le pays.

Quant à l'opposition républicaine, elle fustige un président Biden qui a "affaibli" l'Amérique et mis en jeu, selon l'élu républicain Mike Waltz, "la sécurité nationale et l'image des Etats-Unis dans le monde". Elle a promis d'organiser des auditions au Congrès si les républicains remportent les élections de mi-mandat en novembre.


Tesla continue de flancher en Allemagne, mais les voitures électriques séduisent

Des policiers se tiennent devant un centre de service Tesla dans le quartier de Reinickendorf à Berlin, alors que des manifestants ont donné le coup d'envoi des "Semaines de protestation" contre l'entreprise automobile américaine Tesla, le 29 mars 2025. (AFP)
Des policiers se tiennent devant un centre de service Tesla dans le quartier de Reinickendorf à Berlin, alors que des manifestants ont donné le coup d'envoi des "Semaines de protestation" contre l'entreprise automobile américaine Tesla, le 29 mars 2025. (AFP)
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  • Les ventes du constructeur automobile américain Tesla ont continué de s'effondrer en Allemagne en avril, tandis que celles du segment électrique ont atteint leur plus haut niveau depuis fin 2023

BERLIN: Les ventes du constructeur automobile américain Tesla ont continué de s'effondrer en Allemagne en avril, tandis que celles du segment électrique ont atteint leur plus haut niveau depuis fin 2023, dans un marché automobile stagnant à un faible niveau, selon des chiffres officiels publiés mardi.

D'après un communiqué de l'agence fédérale pour l'automobile (KBA), 885 voitures Tesla ont été immatriculées en avril en Allemagne, soit une chute de 46% sur un an. Sur quatre mois, de janvier à avril, le recul sur un an est même de 60%.

Le désamour envers le pionnier des voitures électriques s'est accéléré avec les polémiques entourant son patron Elon Musk, proche conseiller du président américain Donald Trump, et le vieillissement de la gamme de véhicules de tesla.

Selon le cabinet EY, les chiffres de ventes de Tesla ont aussi chuté de 50% en avril dans 13 autres pays d'Europe de l'Ouest.

Comme les mois précédents, Tesla ne profite pas du rebond du segment électrique en Allemagne, où les immatriculations de véhicules 100% électriques ont bondi en avril de 53,5% à 45.535 unités.

Cette embellie bénéficie notamment aux constructeurs chinois, avec une accélération fulgurante du leader BYD qui a multiplié ses immatriculations par sept sur un an, avec 1.566 nouvelles unités mises en circulation le mois dernier, près du double de celles de Tesla.

C'est le niveau le plus haut enregistré depuis décembre 2023, quand le gouvernement d'Olaf Scholz avait abandonné ses subventions publiques à l'achat de voitures électriques.

Après une année 2024 marquée par une rude concurrence chinoise et une baisse de la demande, la part de marché des voitures électriques est remontée à 18,8% en avril, se rapprochant ainsi de son niveau de 2023.

Selon Constantin Gall, expert chez EY, "la taxation très avantageuse des voitures de service électriques" est une "incitation considérable" pour les entreprises, mais ce rebond de l'électrique n'est qu'un rattrapage.

En parallèle, les véhicules à moteur thermique sont toujours moins plébiscités, essence (-26% en avril) comme diesel (-19%).

Sur le marché automobile global, 242.728 véhicules neufs ont été immatriculés en Allemagne en avril, soit 0,2% de moins qu'un an plus tôt, après une chute de 3,9% en mars.

C'est 22% de moins que le niveau d'avant crise, en avril 2019, d'après le cabinet EY.

"Les prix élevés [...], une faible évolution de la conjoncture et l'énorme volatilité politique et économique" sont un "poison pour le marché des voitures neuves", a expliqué Constantin Gall.

En plus d'un virage vers l'électrique complexe, les constructeurs automobiles allemands en crise doivent faire face à des surtaxes américaines de 25% imposées par Donald Trump.

Malgré des exemptions adoptées pour les constructeurs fabriquant des véhicules aux Etats-Unis avec des pièces importées, l'incertitude pèse sur le secteur.


Vivre sans l'énergie russe : l'UE cherche la formule magique

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  • l'Union européenne dévoilera mardi son plan pour tenter de se passer d'énergie russe.
  • Depuis l'invasion russe en Ukraine, l'Union européenne a instauré un embargo sur le pétrole russe et s'est efforcée de tarir ses approvisionnements en gaz par gazoducs.

BRUXELLES : Après plusieurs reports, l'Union européenne dévoilera mardi son plan pour tenter de se passer d'énergie russe, un défi redoutablement difficile étant donné que l'Europe importe actuellement du gaz naturel liquéfié (GNL) depuis la Russie.

En marge d'une session des eurodéputés à Strasbourg, le commissaire européen Dan Jorgensen présentera cette feuille de route très attendue, qui fait suite à plusieurs mois de flottement.

Depuis l'invasion russe en Ukraine, l'Union européenne a instauré un embargo sur le pétrole russe et s'est efforcée de tarir ses approvisionnements en gaz par gazoducs.

Mais l'UE s'est en partie tournée vers le gaz naturel liquéfié (GNL), transporté par navire, déchargé dans des ports, regazéifié puis injecté dans le réseau européen de gaz.

Et derrière les États-Unis (45,3 %), la Russie occupe une grande place avec près de 20 % des importations de GNL de l'UE en 2024 (17,5 % d'après Eurostat et 19 % d'après l'IEEFA, un centre de réflexion spécialisé).

Pour tenter de se passer de l'énergie russe, « le principe directeur est la diversification des approvisionnements », a indiqué il y a quelques jours Paula Pinho, une porte-parole de la Commission.

Il y a plusieurs mois, l'UE avait évoqué la possibilité d'augmenter encore ses importations de GNL américain. Mais les tensions commerciales avec Donald Trump ont brouillé les cartes.

« Nous sommes tous d'accord pour dire que nous devons nous débarrasser du gaz de Poutine », mais le plan européen pour se passer de l'énergie russe « a été retardé en raison de la situation géopolitique », avait déploré l'eurodéputée centriste danoise Sigrid Friis (Renew).

Il a fallu attendre le 1^(er) mai pour que le commissaire européen chargé du commerce, Maros Sefcovic, suggère de nouveau dans une interview au Financial Times de « résoudre très rapidement » le différend avec l'administration Trump grâce à des achats de GNL américain ou de produits agricoles comme le soja. 

Dans les couloirs de la Commission, on reconnaît que les discussions ont été particulièrement houleuses sur le sujet. En effet, certains États membres, comme la Hongrie, ne cachent pas leur proximité avec la Russie.

Certains pays sont d'ailleurs plus dépendants que d'autres au GNL de Moscou.

La France est par exemple en première ligne avec ses cinq terminaux de regazéification, dont celui de Dunkerque. Selon l'IEEFA, elle a augmenté de 81 % ses importations de GNL russe entre 2023 et 2024 et a versé 2,68 milliards d'euros à la Russie.

Rien n'a filtré pour l'instant du plan qui doit être présenté mardi. Y aura-t-il une proposition d'embargo contre le gaz liquéfié russe à plus ou moins long terme ? 

« Cette option pourrait être très difficile à mettre en œuvre, car elle nécessite l'unanimité des 27 », expose Simone Tagliapietra, spécialiste des questions européennes au centre de réflexion Bruegel.

Compte tenu de cette contrainte, une hausse significative des droits de douane sur toutes les importations de gaz russe (gazoducs et GNL) « pourrait être l'option la plus viable pour l'UE », estime-t-il.

Au-delà de la question sensible du gaz liquéfié, la Commission européenne ne cesse de souligner tous les efforts entrepris pour réduire la dépendance aux énergies fossiles russes depuis l'invasion de l'Ukraine.

En quelques années, nous sommes ainsi passés de 45 % à 18 % d'importations de gaz (gazoducs et GNL) en provenance de Russie. Nous sommes ainsi passés d'un baril de pétrole sur cinq à un baril sur cinquante », a insisté Ursula von der Leyen fin avril à Londres.

Mais, a-t-elle ajouté, « nous savons tous qu'il reste encore beaucoup à faire », car « nous ne voulons plus dépendre d'une puissance hostile pour notre approvisionnement en énergie ». 


Une journaliste russe critique de l'invasion de l'Ukraine se réfugie en France

Sur cette photo de famille diffusée par l'agence d'État russe Sputnik, le président russe Vladimir Poutine s'adresse aux journalistes à Moscou, le 21 avril 2025. (AFP)
Sur cette photo de famille diffusée par l'agence d'État russe Sputnik, le président russe Vladimir Poutine s'adresse aux journalistes à Moscou, le 21 avril 2025. (AFP)
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  • Elle s'est évadée en pensant au chanteur Brassens et à l'acteur Pierre Richard: la critique de cinéma russe Ekaterina Barabach, qui risquait jusqu'à dix ans de prison dans son pays pour avoir dénoncé la guerre en Ukraine, a fui pour la France
  • Le service pénitentiaire fédéral russe avait annoncé le 21 avril qu'elle était placée sur la liste des personnes recherchées

PARIS: Elle s'est évadée en pensant au chanteur Brassens et à l'acteur Pierre Richard: la critique de cinéma russe Ekaterina Barabach, qui risquait jusqu'à dix ans de prison dans son pays pour avoir dénoncé la guerre en Ukraine, a fui pour la France grâce à l'aide de Reporters sans frontières (RSF).

"J'ai laissé ma mère de 96 ans en me disant que je ne la verrai plus jamais. Mais il était préférable de ne plus la voir en étant en liberté plutôt que ne plus la voir à cause de la prison", a déclaré la journaliste de 64 ans, lundi lors d'une conférence de presse au siège de RSF à Paris.

"L'aventure" de son évasion a duré deux semaines et demie mais Mme Barabach, qui s'exprimait en anglais, n'a pas dévoilé les détails de son périple, pour des raisons de sécurité.

"Maintenant, je suis ici et ce ne sera pas facile de commencer une nouvelle vie", a poursuivi la journaliste, en remerciant tous ceux qui l'ont aidée dans sa fuite, dont RSF et des Russes en exil. Elle demande désormais l'asile politique en France.

Le service pénitentiaire fédéral russe avait annoncé le 21 avril qu'elle était placée sur la liste des personnes recherchées.

Mme Barabach avait disparu de son domicile le 13 avril, alors qu'elle était assignée à résidence dans le cadre d'une enquête pour diffusion de "fausses informations" sur l'armée russe. Cette mesure avait été ordonnée par un tribunal de Moscou après son arrestation fin février.

"Pire que la mort" 

Selon elle, les autorités russes lui reprochent quatre anciennes publications sur les réseaux sociaux, dans lesquelles elle critiquait avec virulence l'offensive menée en Ukraine depuis février 2022.

"Alors, bande de salauds, vous avez bombardé (l'Ukraine), rasé des villes entières, tué une centaine d'enfants, abattu des gens pacifiques, maintenu Marioupol sous blocus, privé des millions de personnes d'une vie normale, forcées de partir à l'étranger?", avait-elle écrit dans une publication citée par le média indépendant Meduza.

"Cette guerre est particulièrement horrible pour moi car mon fils et sa famille vivent en Ukraine, à Kiev, et j'imagine les missiles s'abattre sur leur maison", a expliqué la journaliste née à Kharkiv sous l'URSS (en Ukraine actuelle).

Selon elle, sa "chance" est d'avoir été assignée à résidence après son arrestation, plutôt qu'emprisonnée: "C'est pourquoi j'ai décidé de m'échapper". "La prison en Russie, c'est pire que la mort", a-t-elle ajouté, en assurant avoir pensé au suicide.

Selon RSF, Mme Barabach a arraché son bracelet électronique pour s'échapper et a parcouru plus de 2.800 kilomètres.

Son voyage a été "long et éreintant", a précisé le directeur général de l'ONG, Thibaut Bruttin.

"Plusieurs fois, on a pu croire qu'elle avait été arrêtée ou risquait de l'être; plusieurs fois, le plan a changé. Une fois, on l'a cru morte", a-t-il renchéri, en louant "sa détermination morale" et son "courage physique".

"Censure" 

"Elle a fait le choix de la France avec gaieté et joie: tout au long de son évasion, elle a chanté Georges Brassens et elle rêvait de Pierre Richard lors de sa première nuit de liberté", a souri le responsable, en espérant que Mme Barabach puisse assister au festival de Cannes, qui commence le 13 mai.

Journaliste pour le service en langue russe de Radio France Internationale (RFI) jusqu'en 2022, Ekaterina Barabach collaborait depuis avec le média indépendant Republic.

En octobre 2022, RSF avait déjà participé à l'évasion d'une autre journaliste russe, Marina Ovsiannikova, qui encourait dix ans de prison après avoir brandi une pancarte anti-guerre à la télévision d'Etat.

"Depuis l'évasion de Marina Ovsiannikova, les possibilités de s'échapper se sont réduites. C'est pour ça que nous sommes soulagés aujourd'hui, car cela prouve que c'est possible", même si "c'est très dangereux", a commenté M. Bruttin.

Dans le dernier classement annuel de RSF sur la liberté de la presse, publié vendredi, la Russie est 171e sur 180.

"Il n'y a plus de journalisme en Russie" à cause de "la censure", a déploré Mme Barabach, qui espère pouvoir continuer son métier en France.