Comment l'histoire de l'Albanie peut-elle inspirer les peuples des pays du Moyen-Orient ?

Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, Arab News).
Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, Arab News).
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Publié le Dimanche 18 septembre 2022

Comment l'histoire de l'Albanie peut-elle inspirer les peuples des pays du Moyen-Orient ?

  • Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, évoque deux époques différentes: avant et après le communisme
  • L'Arabie saoudite et les autres pays du Golfe peuvent contribuer à insuffler une énergie positive aux autres pays du Moyen-Orient

NEW YORK: Il existe peu de formes de souffrance humaine dans le monde d'aujourd'hui que l'Albanie, pays des Balkans, n'ait pas connues tout au long de son parcours plein de souffrance au XXe siècle.

L’Albanie a connu un isolement comparable à celui de la Corée du Nord lorsque la dictature stalinienne répressive qui l'a gouvernée de 1945 à 1985 l'a coupée des informations et des influences extérieures, sans compter son défaut d'être un pays historiquement obscur et inaccessible.

Enver Hoxha a coupé les liens non seulement avec l'Occident, mais aussi avec l'ancienne Yougoslavie, l'Union soviétique elle-même et, finalement, la Chine.

Sous son règne de 41 ans, les Albanais avaient connu ce que les Syriens contemporains ne connaissent que très bien — la cruauté et l'absurdité de la vie sous un régime totalitaire, avec d'innombrables morts et la disparition forcée d'êtres chers dans des camps de prisonniers, pendant que le reste du pays plongeait dans le dénuement économique et la misère.

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Le chef d'État albanais Enver Hoxha vote en novembre 1978 (Photo, AFP).

Comme les Libanais et les Yéménites d'aujourd'hui, les Albanais d'alors n'avaient connu qu'une vie de files d'attente pour le pain et le carburant.

Le grand stratagème de Ponzi auquel les Libanais se sont réveillés et qu'ils continuent de subir depuis 2019 a également un précédent en Albanie. Dans les années 1990, le pays a été secoué par la montée et l'effondrement dramatiques des systèmes pyramidaux, mais dans un sens plus littéral.

Des centaines de milliers d'Albanais ont perdu leurs économies. Lorsque les systèmes se sont effondrés, des émeutes ont éclaté dans tout le pays, le gouvernement est tombé, la nation a sombré dans l'anarchie et une quasi-guerre civile s'est ensuivie, au cours de laquelle 2 000 Albanais ont été tués.

Et comme les Afghans, les Ukrainiens et les plus de 200 millions d'autres migrants en déplacement dans le monde aujourd'hui, les Albanais connaissent la douleur de l'exil et du déplacement. Pendant la guerre civile, ils ont fui le pays en masse. De nombreux Albanais qui tentaient de s'échapper ont été abattus.  De nouveau, à la fin des années 1990, des centaines de milliers d'Albanais de souche ont fui le Kosovo pour échapper aux forces serbes en maraude.

Mais la rupture est arrivée. En décembre 1990, un peu plus d'un an après la chute du mur de Berlin, le gouvernement communiste de l'Albanie est tombé, marquant la fin de l'histoire, après laquelle l'Albanie ne pouvait suivre qu'une seule voie — vers le capitalisme, la démocratie et la liberté. 

Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, se souvient clairement d'un monde violemment scindé en deux: avant et après le communisme autoritaire.

Il a déclaré à Arab News: «J'ai grandi dans un pays où il y a un seul journal, une seule voix, une seule ligne, et où l'on n'a pas le droit de penser. Mes parents m'ont dit de réfléchir à deux fois à ce que je disais et à qui je le disais.»

«La liberté commence lorsque vous mettez en doute ce que vous entendez. La liberté ne signifie pas que vous pouvez faire tout ce que vous voulez. Non. La liberté se construit à travers les institutions, les lois, les règles, la responsabilité, la justice», a-t-il ajouté.

La quête de la liberté a une résonance profonde dans un pays comme l'Albanie, dont la chronique de l'histoire politique, selon Hoxha, a un thème récurrent: la domination.

«À travers les siècles, les Albanais se sont battus afin de trouver réellement leur place, leurs droits pour définir leur avenir. Ils n'en ont pas toujours eu la possibilité», a-t-il affirmé . Il a mentionné que les Albanais ont toujours résisté grâce à «la langue, la culture, l'identité».

Il a rappelé une époque où son pays était un paria dans le monde. «Et certainement, quand vous êtes un petit pays et pas un pays important comme nous l'étions à l'époque, vous êtes tout simplement oublié. Vous pouvez penser que vous êtes le centre du monde, mais en réalité, vous êtes oublié.»

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Photos d'ecclésiastiques catholiques romains tués ou persécutés en Albanie, avant la visite du pape François en 2014 (Photo, AFP).

 

Trente ans plus tard, l'Albanie est tout sauf oubliée. Alors que le monde connaît des bouleversements sans précédent, avec des malheurs allant de la pandémie de coronavirus et de la guerre en Ukraine à la sécheresse et à la famine imminente en Somalie, l'Albanie a été l'une des voix les plus fortes à défendre les laissés-pour-compte depuis son siège au Conseil de sécurité des Nations unies.

Les pays membres, qui font souvent campagne pendant des années pour obtenir un siège, ont leur mot à dire sur les missions de maintien de la paix et les autres approches du Conseil concernant les zones sensibles de conflit, ainsi qu'une voix forte sur les questions de paix et de sécurité internationale.

Comment cela s'est-il produit ? Qu'est-ce qui, au cours des 30 dernières années, a fait passer l'Albanie du statut d'État paria à celui de grand défenseur des valeurs universelles sur la scène internationale ?

Hoxha a clarifié: «Ce qui s'est passé, c'est une transformation. Les progrès et les changements observés (au début des années 1990) ne ressemblaient à rien à ce que l'Albanie avait connu au cours des 2 500 dernières années. Le changement était si radical, le désir si fort, et la transformation si profonde.»

Il est conscient que le passé douloureux de l'Albanie semblera familier aux habitants de nombreux pays, même en ces temps postmodernes

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Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, AN).

Ses discours passionnés au Conseil de sécurité portent en eux la conviction de l'expérience vécue. Lorsqu'il inscrit la Charte des Nations unies et les principes universels dans ses déclarations, celles-ci prennent un sens nouveau. Ses paroles dans la salle prennent le son de la vérité et de la clarté.

Lors d'une récente réunion du Conseil de sécurité sur la Syrie, par exemple, Hoxha a commencé par dire qu'il n'y avait pas d'autre endroit dans le monde où l'expression «aucune fin en vue» s'applique qu’à la Syrie.

Il a souligné qu'après 11 ans de violence et «tous les crimes commis par beaucoup, mais surtout par le régime qui a tout déclenché, la solution en Syrie repose désormais sur le processus politique, et je ne crois pas qu'il y aura un processus politique significatif sans responsabilité».

Hoxha a ajouté: «Si j'étais une personne âgée en Syrie aujourd'hui, malgré tout ce que j'ai pu souffrir, malgré le nombre de membres de ma famille qui sont morts ou disparus parmi les 130 000 personnes portées disparues, et malgré le fait que de nombreux membres de ma famille se trouvent dans les prisons notoires du régime, je me poserais une question: Puis-je construire mon avenir avec les mêmes personnes ? Puis-je construire mon avenir avec la même domination d'une partie du pays sur tout le reste ?»

«Si la réponse est oui, alors nous allons voir le prochain chapitre de la guerre commencer.»

«Parce qu'il y a une chose que nous avons appris à travers les milliers d'années de domination de l'Albanie — en fin de compte, quoi que nous fassions, les gens veulent la liberté, la paix et la prospérité. Au fond de vous, vous avez ce désir ardent de vivre réellement une vie digne. Il n'y a aucun être humain sur Terre qui aimerait vivre sans un minimum de dignité», a-t-il indiqué.

Il a poursuivi: «C'est pourquoi pour moi, sans rendre des comptes, la Syrie ne verra pas de fin.»

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Un officier salue les membres du train de la seule académie militaire d'Albanie, à 30 kilomètres de Tirana, qui se préparent à travailler avec la force internationale qui sera déployée dans le pays (Photo, AFP/Archives).

De la Palestine au Yémen, en passant par la Libye et le Liban, il y avait un point commun, selon Hoxha, et c'était «l'instabilité». Bien que chaque situation soit unique, Hoxha attribue la responsabilité de l'instabilité aux classes politiques qui n'ont pas réussi à s'unir ou à passer de leurs intérêts étroits à ceux de leur peuple et de leur pays.

Il a ajouté: «C'est l'une des grandes faiblesses de la classe politique. Lorsque la classe politique n'est pas vraiment capable de s'unir, alors vous avez des institutions faibles qui ne permettent pas au pays de vraiment avancer.»

«Il y a donc un grand test de maturité à acquérir pour de nombreux pays. Voulons-nous construire des choses pour nous tou, ou seulement pour certains d'entre nous ?», a-t-il avisé.

Hoxha a indiqué: «C'est pourquoi nous sommes maintenant si désireux de soutenir la trêve, de la prolonger et de résoudre les problèmes restants, comme la fermeture des routes à l'entrée et à la sortie de Taïz, le manque de coopération des Houthis, etc.»

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«Il y a une chose que nous avons appris à travers les milliers d'années de domination de l'Albanie — en fin de compte, quoi que nous fassions, les gens veulent la liberté, la paix et la prospérité.»

 Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès de l'ONU

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En Libye, le problème était la légitimité, selon Hoxha.

Il a indiqué: «Aujourd'hui, nous avons deux gouvernements en Libye, deux cadres parallèles et rien de bon ne peut en sortir tant qu'une certaine légitimité n'est pas restaurée.»

Tout comme l'Albanie avait des amis qui soutenaient son peuple alors qu'elle s'efforçait de trouver ses repères dans un monde nouveau après des années d'isolement, Hoxha croit que le Moyen-Orient peut bénéficier de «l'énergie positive» que l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe peuvent insuffler à une région autrement misérable.

Hoxha a souligné que leur rôle n'était nulle part aussi nécessaire que dans le conflit israélo-palestinien.

Il a décrit l'Arabie saoudite et le reste des pays du Golfe comme des acteurs importants qui deviennent plus actifs.

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Une poignée de communistes albanais crient des slogans en tenant un portrait du défunt dictateur communiste albanais, Enver Hoxha, lors d'une marche du 1er mai à Tirana, le 1er mai 2016 (Photo, AFP).

Hoxha a poursuivi: «L'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe peuvent être extrêmement utiles pour faire avancer non seulement la cause des femmes, de la paix et de la sécurité, et pour faire progresser les droits partout, mais aussi, plus que tout, ils peuvent contribuer à insuffler aux pays du grand Moyen-Orient une énergie positive, pour leur permettre de sortir de l'ornière dans laquelle ils sont coincés depuis 70 ans ou plus.»

Hoxha a affirmé que le pouvoir des pays du Golfe était «immense», que leur influence augmentait et que leur capacité était là, mais qu'ils devaient agir de manière plus coordonnée.

«Parce qu'ils sont importants en soi, mais ils ont aussi des amis et des relations avec d'autres puissances. Et j'espère que cela sera utilisé non seulement au niveau bilatéral, mais aussi au niveau régional et mondial, afin de faire vraiment pression pour la paix et pour une solution pour le Moyen-Orient.»

«Nous demandons un rôle plus important et mieux coordonné avec les autres acteurs pour nous assurer que nous avons un processus qui aiderait vraiment tout le monde à avancer dans le conflit le plus complexe et le plus tragique que nous ayons connu depuis la Seconde Guerre mondiale, à savoir le conflit israélo-palestinien», a-t-il soutenu.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


L’Iran minimise l’impact de l’attaque israélienne, la communauté internationale appelle à la retenue

Vendredi, avant l'aube, des explosions ont été entendues près d'une base militaire dans la région d'Ispahan dans le centre de l'Iran (Photo, AFP/Archives)
Vendredi, avant l'aube, des explosions ont été entendues près d'une base militaire dans la région d'Ispahan dans le centre de l'Iran (Photo, AFP/Archives)
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  • Des drones ont été abattus mais "il n'y a pas eu d'attaque de missiles", a indiqué le porte-parole de l'agence iranienne de l'espace
  • Selon le New York Times, qui cite des responsables iraniens, l'attaque a été menée par de petits drones, probablement lancés depuis le territoire iranien

TEHERAN, La communauté internationale appelle à la retenue après une attaque de représailles contre l'Iran attribuée à Israël, dans un contexte d'escalade au Moyen-Orient depuis la guerre dévastatrice à Gaza où les frappes se poursuivent samedi.

Après une journée de haute tension vendredi dans la région, les frappes aériennes continuent dans différents secteurs de la bande de Gaza.

En Irak, un "bombardement", dont l'origine demeure inconnue, a fait des victimes sur une base abritant des troupes de l'armée et d'anciens paramilitaires pro-Iran de la coalition Hachd al-Chaabi, ont rapporté des sources de sécurité, le tout dans un contexte régional déjà explosif.

Vendredi, avant l'aube, des explosions ont été entendues près d'une base militaire dans la région d'Ispahan dans le centre de l'Iran. Mais les autorités iraniennes ont minimisé l'impact des explosions et n'ont pas accusé directement Israël, qui ne les a pas revendiquées.

Des médias aux Etats-Unis, citant des responsables américains, ont affirmé qu'il s'agissait d'une opération israélienne menée en riposte à une attaque iranienne inédite aux drones et aux missiles contre Israël le 13 avril. Israël a juré de faire payer à l'Iran, son ennemi juré, le prix de son attaque.

Un haut responsable auprès du Congrès américain qui n'a pas souhaité être nommé a confirmé une attaque israélienne en Iran.

Des drones ont été abattus mais "il n'y a pas eu d'attaque de missiles", a indiqué le porte-parole de l'agence iranienne de l'espace. Il n'y a "eu, jusqu'à présent, aucune attaque aérienne depuis l'extérieur des frontières contre Ispahan ou d'autres régions du pays", a-t-il ajouté.

Selon le New York Times, qui cite des responsables iraniens, l'attaque a été menée par de petits drones, probablement lancés depuis le territoire iranien.

De son côté, le Washington Post, citant un responsable israélien ayant requis l'anonymat, a affirmé que l'attaque visait à montrer à l'Iran qu'Israël avait la capacité de frapper à l'intérieur de son territoire.

Pour sa part, l'armée israélienne a refusé de commenter ces événements en Iran.

Désescalade

Les Etats-Unis "n'ont pas été impliqués dans une opération offensive" a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, soulignant que "l'objectif" de son pays et des autres membres du G7, réunis à Capri, en Italie, était "la désescalade".

La Maison Blanche n'a pas commenté ces événements sinon pour dire que le président Biden était informé en "temps réel" par ses conseillers à la sécurité nationale et que Washington ne veut pas "d'une guerre étendue avec l'Iran".

Signe de l'inquiétude croissante, l'ambassade américaine en Israël a néanmoins ordonné à ses employés de limiter leurs déplacements dans le pays. Et l'ambassade de Chine en Iran a appelé ses ressortissants à prendre leurs "précautions".

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a fait état de contacts avec l'Iran et Israël. "Nous avons dit aux Israéliens que l'Iran ne veut pas d'escalade", a-t-il précisé.

"Il est grand temps d'arrêter le cycle dangereux de représailles au Moyen-Orient", a dit le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, cité par son porte-parole.

 Contre-attaque calibrée

Pour Sanam Vakil, expert à Chatham House, "la contre-attaque d'Israël contre l'Iran (...) a été calibrée pour éviter des dommages et une nouvelle agression iranienne".

"Tant que l'Iran continue de nier l'attaque et d'en détourner l'attention et qu'aucune autre attaque n'est constatée, les deux parties ont pour l'instant la possibilité de faire baisser l'escalade", a-t-il fait valoir.

Lors de la première attaque directe jamais menée par l'Iran contre le territoire israélien le 13 avril, Israël a affirmé avoir intercepté avec ses alliés, principalement les Etats-Unis, la quasi-totalité des quelque 350 drones et missiles iraniens.

L'Iran a dit avoir agi en "légitime défense" après l'attaque qui a détruit son consulat à Damas le 1er avril et coûté la vie à sept de ses militaires dont deux hauts gradés. Téhéran a accusé Israël qui n'a ni confirmé ni démenti.

Gaza, Turquie, Washington

Les tensions entre Israël et l'Iran se déploient dans le contexte de la guerre en cours depuis plus de six mois dans la bande de Gaza et qui a fait 34.012 morts, principalement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Israël a lancé une vaste offensive à Gaza après une attaque sur son territoire le 7 octobre par des commandos du Hamas, soutenu par l'Iran, et qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles.

Plus de 250 personnes ont été enlevées durant l'attaque et 129 restent retenues à Gaza, dont 34 sont mortes d'après des responsables israéliens.

En représailles à l'attaque du 7 octobre, Israël a dit vouloir anéantir le Hamas, mouvement islamiste palestinien qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et est considéré comme une organisation terroriste par Israël, l'Union européenne et Israël

Outre le lourd bilan humain et les destructions, les quelque 2,4 millions d'habitants sont menacés de famine selon l'ONU qui exhorte à l'entrée de plus d'aide humanitaire dans ce petit territoire.

Le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh est arrivé vendredi soir en Turquie et doit être reçu par le président Recep Tayyip Erdogan au moment où le Qatar dit vouloir "réévaluer" son rôle de médiateur dans le conflit à Gaza.

Le Qatar, qui piétine dans la négociation d'une trêve entre le Hamas et Israël, menace de se retirer sous les critiques israéliennes et de certains démocrates américains. Or la Turquie, qui a des relations avec Israël et le Hamas, pourrait en profiter pour tenter de reprendre la médiation.

A Washington, la Chambre américaine des représentants va voter samedi sur un grand plan d'aide pour l'Ukraine, Taïwan et Israël, avec notamment 13 milliards de dollars d'assistance militaire à cet allié en guerre avec le Hamas.

 


Turquie: une "flotille de la liberté" pour Gaza prête à appareiller

Vue de la proue du navire RoRo Akdeniz avant son départ du port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024. Une nouvelle "flottille de la liberté" est prête à partir pour Gaza
Vue de la proue du navire RoRo Akdeniz avant son départ du port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024. Une nouvelle "flottille de la liberté" est prête à partir pour Gaza
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  • Après cette opération, les relations entre Israël et la Turquie ont connu une succession de crises jusqu'au rétablissement complet de leurs liens diplomatiques en août 2022, avec le retour des ambassadeurs et consuls dans les deux pays.
  • "Israël a attaqué notre flotte en 2010, tué dix de nos volontaires sans jamais avoir eu de comptes à rendre", a renchéri l'avocate américaine Huwaida Arraf, keffieh palestinien autour du cou.

TURQUIE : Une "flottille de la liberté" est prête à appareiller pour Gaza depuis le port turc de Tuzla (ouest) afin de forcer le blocus et d'apporter de l'aide à la population de l'enclave palestinienne.

Au moins trois bâtiments transportant 5.000 tonnes de vivres, d'eau potable et d'aide médicale attendent le feu vert des autorités turques pour lever l'ancre depuis ce port sur la mer de Marmara, au sud d'Istanbul, si possible la semaine prochaine, ont indiqué les organisateurs vendredi.

Quelque 280 militants, défendeurs des droits, avocats et médecins sont prêts à prendre place à bord, venus de plus d'une trentaine de pays dont les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Norvège, l'Allemagne, l'Espagne ou la Malaisie.

Devant la presse, ils ont réclamé la garantie de leur libre passage et un cessez-le-feu immédiat dans le territoire de Gaza soumis au blocus et aux bombardements israéliens depuis le 7 octobre.

Ann Wright, militante pacifiste et ancienne colonelle de l'armée américaine, qui a précisé avoir "démissionné en 2003 pour protester contre la guerre en Irak", a mis les autorités israéliennes en garde: "Toute tentative d'arraisonner ou d'attaquer nos bateaux sera illégale", a-t-elle prévenu.

Des ouvriers préparent un navire de la coalition de la flottille de la liberté alors qu'il jette l'ancre dans le port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024.
Des ouvriers préparent un navire de la coalition de la flottille de la liberté alors qu'il jette l'ancre dans le port maritime de Tuzla, près d'Istanbul, le 19 avril 2024.

"Nous représentons la société civile qui réclame la paix et la justice. Nous demandons au monde de garantir notre sécurité afin de livrer (les biens) de première nécessité à nos frères et sœurs de Gaza", a ajouté Mme Wright.

"Comme vous le savez, cette flottille n'est pas la première", a-t-elle glissé en référence à une précédente expédition restée célèbre, car source de grandes tensions entre Israël et la Turquie.

- Le précédent de 2010 -

En 2010, une "flottille de la liberté" forte de huit cargos et transportant près de 700 passagers, de l'aide humanitaire et des matériaux de construction, avait pris la mer au départ d'Antalya (sud) pour tenter de forcer le blocus de la bande de Gaza et ravitailler la population.

Neuf jours après son départ, le 31 mai, une opération militaire israélienne et l'abordage d'un de ses bâtiments, le Mavi Marmara, avaient fait dix morts et 28 blessés parmi les militants et dix blessés côté israélien.

Après cette opération, les relations entre Israël et la Turquie ont connu une succession de crises jusqu'au rétablissement complet de leurs liens diplomatiques en août 2022, avec le retour des ambassadeurs et consuls dans les deux pays.

"Ce que le peuple palestinien endure actuellement est inimaginable", a insisté Mme Wright. "Le siège de Gaza est illégal, c'est une forme de châtiment collectif qui constitue un crime de guerre".

"Israël a attaqué notre flotte en 2010, tué dix de nos volontaires sans jamais avoir eu de comptes à rendre", a renchéri l'avocate américaine Huwaida Arraf, keffieh palestinien autour du cou.

"Mais de la même façon que le siège de Gaza est illégal, toute tentative d'Israël de nous attaquer ou tenter d'intercepter nos navires sera contraire au droit", a-t-elle insisté.

La gynécologue obstétricienne malaisienne Fauziah Mohd Hasan a remarqué que, pendant que l'escalade des tensions se poursuit entre l'Iran et Israël, "les tueries continuent à Gaza".

"Nous ne pouvons pas laisser Israël distraire le monde sur ce qui cause de plus en plus de morts, de maladies et de destructions à Gaza", a plaidé le Dr Hasan, en évoquant les "plus de 50.000 femmes enceintes" dans l'enclave bouclée.

"Nous savons que des femmes subissent des césariennes sans anesthésie, qu'elles donnent naissance à des bébés prématurés et trop petits, qu'elles ne peuvent allaiter en raison du stress", avance aussi la Malaisienne.

La Turquie est l'un des principaux pays fournisseurs d'aide humanitaire à la population palestinienne.

Un neuvième "navire de la Bonté" envoyé par le gouvernement turc est arrivé vendredi au port égyptien d'El-Arish, chargé de 3.774 tonnes d'aide humanitaire.

 


Le vote d'hindous pour Modi et la «gloire de la civilisation de l'Inde»

Une femme vêtue d'une burqa arrive pour voter dans un bureau de vote lors de la première phase des élections générales indiennes à Kairana, dans l'État de l'Uttar Pradesh, le 19 avril 2024. (Photo de Sajjad HUSSAIN / AFP)
Une femme vêtue d'une burqa arrive pour voter dans un bureau de vote lors de la première phase des élections générales indiennes à Kairana, dans l'État de l'Uttar Pradesh, le 19 avril 2024. (Photo de Sajjad HUSSAIN / AFP)
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  • Agé de 73 ans, M. Modi reste très populaire après deux mandats, au cours desquels l'Inde a accru son influence diplomatique et son poids économique
  • Cette ferveur nationaliste hindoue exponentielle inquiète d'importantes minorités, dont quelque 210 millions d'Indiens musulmans

HARIDWAR: Le vieux Ram Bhakt a bravé vendredi la chaleur accablante dans la ville sainte de Haridwar pour donner son vote au Premier ministre Narendra Modi qui, selon lui, est le garant de la "gloire de la civilisation" de l'Inde.

Nichée entre les contreforts de l'Himalaya et les rives du Gange dans l'Etat de l'Uttarakhand (nord), Haridwar est une vieille cité parsemée de temples hindous. Un des sites de prédilection des pèlerins de la foi majoritaire du pays le plus peuplé du monde.

C'est aussi un bastion de M. Modi dont le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) a placé l'hindouisme au coeur de sa politique, dans ce pays qui a inscrit la laïcité dans sa Constitution.

Il a déjà donné au BJP deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.

"Je vote pour la gloire de la civilisation de l'Inde", affirme le saddhu Ram Bhakt, homme saint de 96 ans, au front ridé couvert de pigment vermillon et de cendre, appuyé sur sa canne en bois, drapé dans une modeste robe couleur safran.

«Le pays dont nous rêvions»

"Sous Modi, notre pays est devenu ce dont nous, les sages, rêvions depuis toujours", se réjouit-il auprès de l'AFP.

Agé de 73 ans, M. Modi reste très populaire après deux mandats, au cours desquels l'Inde a accru son influence diplomatique et son poids économique.

Les analystes politiques l'ont d'ores et déjà donné vainqueur de ces élections générales qui ont débuté vendredi et se poursuivront en sept étapes jusqu'au 1er juin.

Cette année, il a inauguré dans la ville d'Ayodhya un grand temple dédié à la divinité hindoue Ram, bâti sur le site d'une mosquée vieille de plusieurs siècles détruite par des fanatiques hindous.

Cet événement, très attendu par ses militants, a bénéficié d'une ample couverture médiatique et de festivités publiques dans toute l'Inde.

"La nation est en train de créer la genèse d'une histoire nouvelle", a-t-il clamé aux milliers de personnes rassemblées pour la cérémonie, parmi lesquelles des célébrités de Bollywood et des stars du cricket.

Shiv Shankar Giri, 28 ans, membre d'un ordre monastique hindou à Haridwar, a dit à l'AFP avoir voté pour "celui qui nous a rendu Ram".

"Nous votons tous pour celui qui a rendu l'hindouisme fort", souligne-t-il. "Nous votons pour Modi".

«La protection de notre foi»

Mais cette ferveur nationaliste hindoue exponentielle inquiète d'importantes minorités, dont quelque 210 millions d'Indiens musulmans.

L’Etat de l’Uttarakhand, considéré comme la pierre angulaire géographique de l’hindouisme, est en proie à de vives tensions sectaires.

Des groupes radicaux, vaguement affiliés au BJP, appellent à l’expulsion des musulmans de cet Etat.

Plusieurs musulmans y ont été tués en février lors d'affrontements avec des riverains hindous, à la suite de la démolition par les autorités municipales d'une mosquée qui, selon elles, avait été construite illégalement.

Pour Mukesh Dubey, prêtre d'un petit temple hindou à Haridwar, le fait que le gouvernement Modi défende sa foi est une "duperie" destinée à détourner de difficultés plus graves et urgentes auxquelles l'Inde est confrontée, avec des millions de jeunes diplômés d'universités au chômage.

Les cadeaux religieux ne servent à rien si "les gens n'ont pas de travail et de nourriture", dit-il à l'AFP.

Le BJP devrait néanmoins remporter la victoire à Haridwar, où son candidat avait remporté aux dernières élections 250.000 voix de plus que son principal adversaire.

Uday Bharti, saddhu de 59 ans, est catégorique, le BJP agit en faveur de ce qui "compte le plus".

"Modi a assuré la protection de notre pays et de notre foi", affirme-t-il à l'AFP devant un bureau de vote. "Nous sommes ici pour garantir que Modi continue de faire du bon travail".