Comment l'histoire de l'Albanie peut-elle inspirer les peuples des pays du Moyen-Orient ?

Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, Arab News).
Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, Arab News).
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Publié le Dimanche 18 septembre 2022

Comment l'histoire de l'Albanie peut-elle inspirer les peuples des pays du Moyen-Orient ?

  • Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, évoque deux époques différentes: avant et après le communisme
  • L'Arabie saoudite et les autres pays du Golfe peuvent contribuer à insuffler une énergie positive aux autres pays du Moyen-Orient

NEW YORK: Il existe peu de formes de souffrance humaine dans le monde d'aujourd'hui que l'Albanie, pays des Balkans, n'ait pas connues tout au long de son parcours plein de souffrance au XXe siècle.

L’Albanie a connu un isolement comparable à celui de la Corée du Nord lorsque la dictature stalinienne répressive qui l'a gouvernée de 1945 à 1985 l'a coupée des informations et des influences extérieures, sans compter son défaut d'être un pays historiquement obscur et inaccessible.

Enver Hoxha a coupé les liens non seulement avec l'Occident, mais aussi avec l'ancienne Yougoslavie, l'Union soviétique elle-même et, finalement, la Chine.

Sous son règne de 41 ans, les Albanais avaient connu ce que les Syriens contemporains ne connaissent que très bien — la cruauté et l'absurdité de la vie sous un régime totalitaire, avec d'innombrables morts et la disparition forcée d'êtres chers dans des camps de prisonniers, pendant que le reste du pays plongeait dans le dénuement économique et la misère.

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Le chef d'État albanais Enver Hoxha vote en novembre 1978 (Photo, AFP).

Comme les Libanais et les Yéménites d'aujourd'hui, les Albanais d'alors n'avaient connu qu'une vie de files d'attente pour le pain et le carburant.

Le grand stratagème de Ponzi auquel les Libanais se sont réveillés et qu'ils continuent de subir depuis 2019 a également un précédent en Albanie. Dans les années 1990, le pays a été secoué par la montée et l'effondrement dramatiques des systèmes pyramidaux, mais dans un sens plus littéral.

Des centaines de milliers d'Albanais ont perdu leurs économies. Lorsque les systèmes se sont effondrés, des émeutes ont éclaté dans tout le pays, le gouvernement est tombé, la nation a sombré dans l'anarchie et une quasi-guerre civile s'est ensuivie, au cours de laquelle 2 000 Albanais ont été tués.

Et comme les Afghans, les Ukrainiens et les plus de 200 millions d'autres migrants en déplacement dans le monde aujourd'hui, les Albanais connaissent la douleur de l'exil et du déplacement. Pendant la guerre civile, ils ont fui le pays en masse. De nombreux Albanais qui tentaient de s'échapper ont été abattus.  De nouveau, à la fin des années 1990, des centaines de milliers d'Albanais de souche ont fui le Kosovo pour échapper aux forces serbes en maraude.

Mais la rupture est arrivée. En décembre 1990, un peu plus d'un an après la chute du mur de Berlin, le gouvernement communiste de l'Albanie est tombé, marquant la fin de l'histoire, après laquelle l'Albanie ne pouvait suivre qu'une seule voie — vers le capitalisme, la démocratie et la liberté. 

Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, se souvient clairement d'un monde violemment scindé en deux: avant et après le communisme autoritaire.

Il a déclaré à Arab News: «J'ai grandi dans un pays où il y a un seul journal, une seule voix, une seule ligne, et où l'on n'a pas le droit de penser. Mes parents m'ont dit de réfléchir à deux fois à ce que je disais et à qui je le disais.»

«La liberté commence lorsque vous mettez en doute ce que vous entendez. La liberté ne signifie pas que vous pouvez faire tout ce que vous voulez. Non. La liberté se construit à travers les institutions, les lois, les règles, la responsabilité, la justice», a-t-il ajouté.

La quête de la liberté a une résonance profonde dans un pays comme l'Albanie, dont la chronique de l'histoire politique, selon Hoxha, a un thème récurrent: la domination.

«À travers les siècles, les Albanais se sont battus afin de trouver réellement leur place, leurs droits pour définir leur avenir. Ils n'en ont pas toujours eu la possibilité», a-t-il affirmé . Il a mentionné que les Albanais ont toujours résisté grâce à «la langue, la culture, l'identité».

Il a rappelé une époque où son pays était un paria dans le monde. «Et certainement, quand vous êtes un petit pays et pas un pays important comme nous l'étions à l'époque, vous êtes tout simplement oublié. Vous pouvez penser que vous êtes le centre du monde, mais en réalité, vous êtes oublié.»

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Photos d'ecclésiastiques catholiques romains tués ou persécutés en Albanie, avant la visite du pape François en 2014 (Photo, AFP).

 

Trente ans plus tard, l'Albanie est tout sauf oubliée. Alors que le monde connaît des bouleversements sans précédent, avec des malheurs allant de la pandémie de coronavirus et de la guerre en Ukraine à la sécheresse et à la famine imminente en Somalie, l'Albanie a été l'une des voix les plus fortes à défendre les laissés-pour-compte depuis son siège au Conseil de sécurité des Nations unies.

Les pays membres, qui font souvent campagne pendant des années pour obtenir un siège, ont leur mot à dire sur les missions de maintien de la paix et les autres approches du Conseil concernant les zones sensibles de conflit, ainsi qu'une voix forte sur les questions de paix et de sécurité internationale.

Comment cela s'est-il produit ? Qu'est-ce qui, au cours des 30 dernières années, a fait passer l'Albanie du statut d'État paria à celui de grand défenseur des valeurs universelles sur la scène internationale ?

Hoxha a clarifié: «Ce qui s'est passé, c'est une transformation. Les progrès et les changements observés (au début des années 1990) ne ressemblaient à rien à ce que l'Albanie avait connu au cours des 2 500 dernières années. Le changement était si radical, le désir si fort, et la transformation si profonde.»

Il est conscient que le passé douloureux de l'Albanie semblera familier aux habitants de nombreux pays, même en ces temps postmodernes

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Le représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies, Ferit Hoxha, lors d'une interview accordée à Arab News à l'Assemblée générale des Nations unies (Photo, AN).

Ses discours passionnés au Conseil de sécurité portent en eux la conviction de l'expérience vécue. Lorsqu'il inscrit la Charte des Nations unies et les principes universels dans ses déclarations, celles-ci prennent un sens nouveau. Ses paroles dans la salle prennent le son de la vérité et de la clarté.

Lors d'une récente réunion du Conseil de sécurité sur la Syrie, par exemple, Hoxha a commencé par dire qu'il n'y avait pas d'autre endroit dans le monde où l'expression «aucune fin en vue» s'applique qu’à la Syrie.

Il a souligné qu'après 11 ans de violence et «tous les crimes commis par beaucoup, mais surtout par le régime qui a tout déclenché, la solution en Syrie repose désormais sur le processus politique, et je ne crois pas qu'il y aura un processus politique significatif sans responsabilité».

Hoxha a ajouté: «Si j'étais une personne âgée en Syrie aujourd'hui, malgré tout ce que j'ai pu souffrir, malgré le nombre de membres de ma famille qui sont morts ou disparus parmi les 130 000 personnes portées disparues, et malgré le fait que de nombreux membres de ma famille se trouvent dans les prisons notoires du régime, je me poserais une question: Puis-je construire mon avenir avec les mêmes personnes ? Puis-je construire mon avenir avec la même domination d'une partie du pays sur tout le reste ?»

«Si la réponse est oui, alors nous allons voir le prochain chapitre de la guerre commencer.»

«Parce qu'il y a une chose que nous avons appris à travers les milliers d'années de domination de l'Albanie — en fin de compte, quoi que nous fassions, les gens veulent la liberté, la paix et la prospérité. Au fond de vous, vous avez ce désir ardent de vivre réellement une vie digne. Il n'y a aucun être humain sur Terre qui aimerait vivre sans un minimum de dignité», a-t-il indiqué.

Il a poursuivi: «C'est pourquoi pour moi, sans rendre des comptes, la Syrie ne verra pas de fin.»

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Un officier salue les membres du train de la seule académie militaire d'Albanie, à 30 kilomètres de Tirana, qui se préparent à travailler avec la force internationale qui sera déployée dans le pays (Photo, AFP/Archives).

De la Palestine au Yémen, en passant par la Libye et le Liban, il y avait un point commun, selon Hoxha, et c'était «l'instabilité». Bien que chaque situation soit unique, Hoxha attribue la responsabilité de l'instabilité aux classes politiques qui n'ont pas réussi à s'unir ou à passer de leurs intérêts étroits à ceux de leur peuple et de leur pays.

Il a ajouté: «C'est l'une des grandes faiblesses de la classe politique. Lorsque la classe politique n'est pas vraiment capable de s'unir, alors vous avez des institutions faibles qui ne permettent pas au pays de vraiment avancer.»

«Il y a donc un grand test de maturité à acquérir pour de nombreux pays. Voulons-nous construire des choses pour nous tou, ou seulement pour certains d'entre nous ?», a-t-il avisé.

Hoxha a indiqué: «C'est pourquoi nous sommes maintenant si désireux de soutenir la trêve, de la prolonger et de résoudre les problèmes restants, comme la fermeture des routes à l'entrée et à la sortie de Taïz, le manque de coopération des Houthis, etc.»

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«Il y a une chose que nous avons appris à travers les milliers d'années de domination de l'Albanie — en fin de compte, quoi que nous fassions, les gens veulent la liberté, la paix et la prospérité.»

 Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès de l'ONU

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En Libye, le problème était la légitimité, selon Hoxha.

Il a indiqué: «Aujourd'hui, nous avons deux gouvernements en Libye, deux cadres parallèles et rien de bon ne peut en sortir tant qu'une certaine légitimité n'est pas restaurée.»

Tout comme l'Albanie avait des amis qui soutenaient son peuple alors qu'elle s'efforçait de trouver ses repères dans un monde nouveau après des années d'isolement, Hoxha croit que le Moyen-Orient peut bénéficier de «l'énergie positive» que l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe peuvent insuffler à une région autrement misérable.

Hoxha a souligné que leur rôle n'était nulle part aussi nécessaire que dans le conflit israélo-palestinien.

Il a décrit l'Arabie saoudite et le reste des pays du Golfe comme des acteurs importants qui deviennent plus actifs.

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Une poignée de communistes albanais crient des slogans en tenant un portrait du défunt dictateur communiste albanais, Enver Hoxha, lors d'une marche du 1er mai à Tirana, le 1er mai 2016 (Photo, AFP).

Hoxha a poursuivi: «L'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe peuvent être extrêmement utiles pour faire avancer non seulement la cause des femmes, de la paix et de la sécurité, et pour faire progresser les droits partout, mais aussi, plus que tout, ils peuvent contribuer à insuffler aux pays du grand Moyen-Orient une énergie positive, pour leur permettre de sortir de l'ornière dans laquelle ils sont coincés depuis 70 ans ou plus.»

Hoxha a affirmé que le pouvoir des pays du Golfe était «immense», que leur influence augmentait et que leur capacité était là, mais qu'ils devaient agir de manière plus coordonnée.

«Parce qu'ils sont importants en soi, mais ils ont aussi des amis et des relations avec d'autres puissances. Et j'espère que cela sera utilisé non seulement au niveau bilatéral, mais aussi au niveau régional et mondial, afin de faire vraiment pression pour la paix et pour une solution pour le Moyen-Orient.»

«Nous demandons un rôle plus important et mieux coordonné avec les autres acteurs pour nous assurer que nous avons un processus qui aiderait vraiment tout le monde à avancer dans le conflit le plus complexe et le plus tragique que nous ayons connu depuis la Seconde Guerre mondiale, à savoir le conflit israélo-palestinien», a-t-il soutenu.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.