Retraites: l'exécutif temporise mais veut une réforme «avant la fin de l'hiver»

Le Premier ministre français Elisabeth Borne (à gauche) et le ministre français du Travail Olivier Dussopt quittent la salle après une réunion du cabinet à l'Elysée, à Paris, le 26 septembre 2022. (AFP).
Le Premier ministre français Elisabeth Borne (à gauche) et le ministre français du Travail Olivier Dussopt quittent la salle après une réunion du cabinet à l'Elysée, à Paris, le 26 septembre 2022. (AFP).
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Publié le Jeudi 29 septembre 2022

Retraites: l'exécutif temporise mais veut une réforme «avant la fin de l'hiver»

  • A l'issue d'un dîner à l'Elysée autour d'Emmanuel Macron mercredi soir réunissant les cadres de la macronie, a prévalu «le choix du dialogue et de la concertation», a déclaré la Première ministre
  • La cheffe du gouvernement souhaite présenter «un bilan» de ces discussions avec les partenaires sociaux et forces politiques «avant Noël»

PARIS : L'exécutif a décidé de temporiser sur sa réforme critiquée des retraites, en rouvrant un cycle de concertations pour l'adoption d'un projet de loi "avant la fin de l'hiver", a annoncé Elisabeth Borne à l'AFP, sans pour autant exclure une dissolution en cas de blocage au Parlement.

Il n'y aura donc pas de passage en force sur ce sujet hautement inflammable, comme cela était redouté au sein même de la majorité alors que se profile jeudi une journée de grèves et de manifestations, la première de l'automne, concernant les salaires mais également présentée comme un coup de semonce sur les retraites.

A l'issue d'un dîner à l'Elysée autour d'Emmanuel Macron mercredi soir réunissant les cadres de la macronie, a prévalu "le choix du dialogue et de la concertation", a déclaré la Première ministre, en détaillant un calendrier relativement souple, mais aussi cramponné à la promesse présidentielle d'une application de la réforme à l'été 2023.

La cheffe du gouvernement souhaite présenter "un bilan" de ces discussions avec les partenaires sociaux et forces politiques "avant Noël", laissant ainsi quasiment trois mois de pourparlers potentiels autour d'une réforme déjà en gestation lors du précédent quinquennat, avant d'être interrompue par la pandémie de Covid-19.

Dans cette perspective, Mme Borne a demandé au ministre du Travail Olivier Dussopt "d'engager dès la semaine prochaine" des négociations avec les organisations patronales et syndicales, ainsi qu'avec les "groupes parlementaires" pour discuter carrières longues, pénibilité, usure au travail, ou encore emploi des seniors, régimes spéciaux, et petites retraites.

49.3

Cette décision, qui repose sur une "convergence totale entre les différentes composantes de la majorité" selon Mme Borne, met fin à plusieurs jours d'atermoiements et divisions sur la façon d'engager cette réforme des retraites, qui prévoit notamment un "report progressif de l'âge de départ de 4 mois par an, aboutissant à 65 ans en 2031", a rappelé la Première ministre.

La méthode faisait débat: faut-il un simple amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) examiné en octobre à l'Assemblée, piste la plus controversée ? Un passage par un PLFSS rectificatif en janvier? Ou un projet de loi ad hoc?

Cette dernière option semble donc privilégiée à ce stade par l'exécutif... à condition de parvenir à ouvrir les concertations, alors que syndicats et une grande partie des oppositions politiques sont vent debout contre le fond même de cette réforme.

Mais un projet de loi dédié présente un risque pour l'exécutif, qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée.

Il pourrait l'obliger à dégainer l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote sauf motion de censure, mais n'est utilisable qu'une fois par session parlementaire. En revanche le gouvernement peut utiliser cette arme du 49.3 à volonté sur les textes budgétaires, que sont donc les PLFSS.

Dissolution

"Il y a des sujets importants sur lesquels on souhaite ouvrir la discussion et donc on se place dans une hypothèse où l'on peut mener une concertation", a souligné Mme Borne, en refusant toutefois d'écarter définitivement la possibilité d'un amendement au PLFSS.

Comme pour faire pression sur LR, favorable à une réforme mais hostile à la voie de l'amendement, le président Emmanuel Macron n'a pas exclu pour sa part de dissoudre l'Assemblée nationale si les oppositions votaient une motion de censure contre le gouvernement, a rapporté M. Dussopt.

"Si toutes les oppositions se coalisaient pour adopter une motion de censure et faire tomber le gouvernement, il (le président de la République, NDLR) s'en remettrait aux Français et les Français trancheraient et diraient quelle est la nouvelle majorité qu’ils veulent", a-t-il affirmé sur LCI.

"Chiche" à la dissolution, a répondu sur Twitter Marine Le Pen, à la tête d'un groupe inédit de 89 députés.

Pour Olivier Marleix, chef de file des députés LR, relancer des concertations est "un progrès" . Mais il n’a pas voulu dire si LR voterait un tel projet, préférant attendre le "terme" des discussions. "Il ne peut pas y avoir de réforme sans un minimum de confiance" et il est "hors de question de donner un chèque en blanc", a-t-il prévenu.

Sur la menace d’une dissolution pour éviter la "chienlit", selon des propos rapportés d'Emmanuel Macron, M. Marleix a estimé que "celui qui met le feu aux poudres en disant +on va faire la réforme en trois jours+ c'est lui".

Signe d'ouverture, le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a jugé sur BFMTV et RMC cette réforme "indispensable", et estimé que "l'inspiration (de l'exécutif) n’est pas très éloignée de celle" du Sénat, dominé par la droite, qui chaque année dépose un amendement en faveur d'une réforme des retraites.

Le patron des patrons Geoffroy Roux de Bézieux a, lui, jugé sur FranceInfo "raisonnable" la concertation prévue et indiqué que le Medef "évidemment" y participerait.


A Paris, une réunion des droites sous l'égide des médias Bolloré

Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027. (AFP)
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  • Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné
  • Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama

PARIS: Animateurs, politiques en pré-campagne et formules choc: le temps d'une grand-messe devant quelques milliers de sympathisants, les médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré ont mis en avant leurs thématiques fétiches - identité, immigration, sécurité - et un éventail de personnalités de droite et d'extrême droite susceptibles de les porter pour 2027.

Mardi 20H00, les 4.000 places du Dôme de Paris, plongées dans le noir, sont remplies. Musique épique, jeu de projecteurs bleus, blancs, rouges, le ton est donné.

Pour chauffer la salle, le directeur du JDD, Geoffroy Lejeune commence par quelques railleries sur Libération, Mediapart et Télérama. Huées puis rires quand il lance: "On sait quel article ils vont écrire, on l'a rédigé comme ça ils pourront aller au bistrot".

Apparaît Philippe de Villiers, largement promu par le groupe du milliardaire breton - il est chroniqueur chez Cnews et son dernier livre est publié chez Fayard, également dans la galaxie Bolloré.

Le souverainiste commence par "remercier Jean-Luc Mélenchon" - qui lui aurait inspiré son ouvrage - déclenchant une nouvelle bronca.

Puis, il sert son discours habituel sur une France "au bord de l'abîme", menacée par "un changement de peuplement" encouragé par "un parti sarrasin", et abandonnée par des "élites écartelées entre le wokistan et l'islamistan".

Pour le fondateur du Puy du Fou, la solution est simple: "la remigration ou la françisation". Nouvelle salve d'applaudissements, on entend quelques "Philippe président". L'hypothèse d'une candidature pour 2027 a encore été entretenue en une de Valeurs actuelles la semaine dernière, où l'intéressé affirme être "redescendu dans l'arène".

Il n'est pas le seul. Surgit l'animatrice Christine Kelly de Cnews, pour lancer une discussion sur "notre civilisation judéo-chrétienne" entre Michel Onfray et Eric Zemmour.

Au terme d'un échange théologique parfois confus, le président du parti Reconquête conclut que "la croisade a sauvé l'Occident" et qu'"à partir du moment où nous retrouverons notre identité, tout ira beaucoup mieux". L'ancien polémiste de Cnews, propulsé par l'empire Bolloré dans la course à l'Elysée en 2022, espère déjà rendosser son costume de candidat en 2027. En attendant, il reste lui aussi en tête de gondole chez Fayard.

"Le côté sans filtre" 

D'autres ne bénéficient pas de la même bienveillance. Comme Aurore Bergé, lors d'une tumultueuse séquence "insécurité" face à Claire Géronimi, devenue vice-présidente de l'UDR d'Eric Ciotti après avoir été victime d'un viol par un étranger sous OQTF.

La ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, conspuée, reste combative: "Je suis venue pour accepter l'idée du débat (...) Ma ligne ne changera pas, quel que soit le public".

Plus en phase avec l'assistance, l'avocat Gilles-William Goldnadel fustige "le racisme anti-blanc" et le "féminisme d'extrême gauche".

Un discours familier aux oreilles de Philippe, 55 ans et sans emploi, qui a déboursé 25 euros pour "voir le côté sans filtre" de ces personnalités médiatiques dont il "partage les idées, sans ambiguïté". Plus intéressé par l'aspect politique, Foucauld, 24 ans, étudiant en école de commerce, reconnaît que l'événement "participe à faire avancer les pions vers l'union des droites".

Pourquoi pas avec David Lisnard? Invité à ouvrir le chapitre du "grand enjeu" des municipales de mars 2026, le maire de Cannes fait florès avec ses leitmotiv: "Vive la liberté" et "Afuera!" la "bureaucratie" et la "technocratie".

Lui succèdent une brochette de candidats plus ou moins déclarés, dont la députée RN Laure Lavalette déplorant qu'il y ait "autant de barbiers et de kebabs" dans sa ville de Toulon.

Signe d'un rapprochement entre le parti à la flamme et la galaxie Bolloré? Après tout, Jordan Bardella en est à son deuxième livre publié chez Fayard.

Mais c'est une autre étoile montante qui est mise à l'honneur mardi soir. Clou du spectacle, l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo vient délivrer un "message d'espérance" face à l'essayiste Eric Neaulleau, dans le rôle du décliniste persuadé que "tout est foutu" car "les lieux de pouvoir sont tous tenus par des gens animés d'une idéologie immigrationniste".

Au contraire, les idées infusent dans la société et "le combat de la lucidité est gagné", réplique la nouvelle coqueluche de la "bollosphère", qui assure "qu'on peut changer les choses, avec méthode, détermination et travail". Et quelques solides appuis.


Pour la présidente de l'Assemblée Braun-Pivet, une majorité absolue n'est plus «souhaitable»

Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi. (AFP)
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  • "J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français"
  • Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées"

PARIS: Le retour d'une majorité absolue n'est pas "souhaitable" à l'Assemblée nationale, où son absence depuis 2022 oblige à rechercher des compromis, a estimé la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, dans un nouveau podcast diffusé mercredi.

"J'ai une conviction personnelle forte qui est que nous n'aurons pas demain à nouveau une majorité absolue mais je pense surtout, et c'est ça ma conviction forte, c'est que ce n'est pas souhaitable pour notre pays", a-t-elle déclaré dans le podcast "Dans l'Hémicycle".

"Je suis convaincue que la délibération collective avec des groupes politiques qui ne partagent pas les mêmes orientations mais qui essayent de trouver des solutions, elle est bénéfique", a-t-elle poursuivi.

Depuis 2022, le camp présidentiel auquel appartient Mme Braun-Pivet ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Face à une fragmentation de l'hémicycle encore accentuée depuis la dissolution de juin 2024, de nombreux députés disent espérer le retour d'une majorité absolue après l'élection présidentielle de 2027. Mais pas la présidente de l'Assemblée.

"J'ai toujours privilégié le travail en collégialité, (...) et je m'étais toujours dit, au fond de moi, une Assemblée où il y a une majorité absolue, c'est une Assemblée qui finalement ne représente pas bien les Français", a-t-elle déclaré dans cette interview.

Sans majorité, pour décider par exemple de la création d'une commission d'enquête ou encore de la tenue d'un débat, "vous présentez nécessairement des décisions qui sont les plus justes pour l'institution et les plus équilibrées, parce qu'autrement, ça ne passe pas", a-t-elle dit.

Cette situation force aussi à "inventer des nouvelles façons de faire", a-t-elle ajouté en donnant l'exemple des semaines dédiées aux textes proposés par les députés, auparavant dévolues à ceux de la majorité. Depuis 2022, ces semaines sont devenues "transpartisanes", avec des propositions soutenues par différents groupes.

Au moment où les débats budgétaires peinent à aboutir, Mme Braun-Pivet a toutefois estimé qu'il fallait encore "adapter" les règles de l'Assemblée à cette nouvelle configuration. Elle a rappelé avoir lancé une réflexion autour d'une modification du règlement de l'institution.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.