Au Yémen, une trêve à reconduire dans l'interminable attente de la paix

Depuis le 2 avril, le Yémen vit au rythme relativement apaisé de trêves temporaires de deux mois, renouvelées à deux reprises. La dernière en date doit se terminer dimanche, et l'ONU s'efforce de la faire reconduire. (AFP)
Depuis le 2 avril, le Yémen vit au rythme relativement apaisé de trêves temporaires de deux mois, renouvelées à deux reprises. La dernière en date doit se terminer dimanche, et l'ONU s'efforce de la faire reconduire. (AFP)
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Publié le Vendredi 30 septembre 2022

Au Yémen, une trêve à reconduire dans l'interminable attente de la paix

  • Soutenus par l'Iran, les rebelles Houthis ont pris le contrôle d'une grande partie du Yémen dans une guerre acharnée contre les forces du gouvernement
  • Les trêves sont loin d'avoir tout réglé, en particulier à Taëz, la grande ville du sud-ouest contrôlée par le gouvernement mais assiégée par les rebelles

SANAA: Loujain al-Ouazir travaille depuis trois ans sur son projet d'élevage de chèvres et de volailles à Sanaa, mais il n'a vu le jour que ces derniers mois, à la faveur d'une trêve temporaire dans la guerre qui ravage le Yémen depuis huit ans.

Jeune diplômée de la faculté d'agriculture, elle nourrit avec attention ses animaux puis trait les chèvres dans une petite ferme établie sur le toit de sa maison, l'une des bâtisses antiques qui ont fait la renommée mondiale de la capitale, tenue par les rebelles Houthis depuis 2014.

Soutenu par l'Iran, ce mouvement a pris le contrôle d'une grande partie du Yémen dans une guerre acharnée contre les forces du gouvernement.

"Grâce à la trêve, les prix des aliments pour animaux et ceux de l'essence ont baissé. Et c'est plus facile de faire venir des aliments et des chèvres d'autres régions", dit à l'AFP Loujain al-Ouazir.

Selon elle, la cessation relative des violences, et notamment des bombardements, a instauré un environnement plus sûr pour son activité, qui consiste principalement en la vente de lait et d'oeufs via les réseaux sociaux.

"J'espère que la trêve continuera jusqu'à ce que la guerre s'arrête complètement pour qu'on puisse poursuivre nos petits projets", confie la jeune femme, disant rêver d'une ferme "au sol et pas sur le toit de la maison".

Depuis le 2 avril, le Yémen vit au rythme relativement apaisé de trêves temporaires de deux mois, renouvelées à deux reprises. La dernière en date doit se terminer dimanche, et l'ONU s'efforce de la faire reconduire.

«La vie reste difficile»

Ces trêves temporaires ont apporté un certain répit à une population d'environ 30 millions d'habitants, épuisée par huit ans de guerre et par une crise humanitaire parmi les plus graves au monde.

Selon l'ONU, le conflit a fait des centaines de milliers de morts, des millions de déplacés, et plongé les deux tiers de la population dans le besoin d'aide, avec une situation proche d'une famine à grande échelle.

Les trêves successives ont notamment permis le retour des vols limités depuis et vers l'aéroport de Sanaa. Elles ont également facilité l'acheminement des marchandises, des carburants et de l'aide humanitaire dont dépendent deux tiers de la population.

Mais les trêves sont loin d'avoir tout réglé, en particulier à Taëz, la grande ville du sud-ouest contrôlée par le gouvernement mais assiégée par les rebelles. Le cessez-le-feu devait permettre, en vain, la réouverture des grands axes routiers autour de la ville.

Dans le centre de Taëz, de vieux 4x4 font le plein de passagers qui veulent se rendre dans la ville voisine d'Al-Hawban, empruntant des routes alternatives cahoteuses à travers la montagne. Le simple trajet, qui était de 15 minutes avant le siège, est devenu un périple de plusieurs heures.

"J'avais l'habitude d'aller à Al-Hawban en peu de temps, et maintenant j'ai besoin de quatre ou cinq heures", déplore à l'AFP Bassem al-Sabri, un habitant de Taëz.

Diego Zorilla, coordinateur humanitaire adjoint de l'ONU pour le Yémen, constate que la trêve a certes amélioré la situation "à bien des égards" mais "la vie reste difficile pour la grande majorité".

«Pas d'autre alternative»

"D'un point de vue humanitaire, le renouvellement de la trêve le 2 octobre est un impératif moral", affirme le diplomate à l'AFP.

Mais, insiste-t-il, "seule une résolution du conflit peut permettre à l'économie de se redresser, de sortir la population de la pauvreté et de réduire les besoins humanitaires".

Or, les pourparlers pour mettre définitivement un terme au conflit restent au point mort, alors que, en août, l'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, avait parlé de "consolider l'opportunité offerte par la trêve de s'orienter vers une paix durable".

Sur le long terme, la trêve n'a donc "rien changé fondamentalement" et s'avère être "un échec à certains égards" puisque son "objectif certes très ambitieux était de voir des progrès dans les négociations" de paix, souligne à l'AFP Thomas Juneau, professeur à l'université d'Ottawa.

"Du côté des Houthis, il n'y a pas de volonté sérieuse de négocier et donc de faire des compromis avec le gouvernement", observe ce spécialiste du Yémen.

Côté gouvernemental, "on a vu les lignes de fracture qui étaient très profondes s'élargir, les tensions s'empirer et dans plusieurs cas devenir violentes", entre les différentes factions anti-rebelles.

Pour Thomas Juneau, "il y a de l'absurdité à reconduire une trêve qui ne fonctionne pas" et ne fait que "retarder le retour d'une violence accrue". "Mais je ne vois pas d'autre alternative".


Liban: deux morts dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud 

Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
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  • Deux personnes ont été tuées jeudi dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud du Liban
  • Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre

BEYROUTH: Deux personnes ont été tuées jeudi dans des frappes israéliennes sur une localité du sud du Liban, a annoncé le ministère libanais de la Santé.

Le ministère a indiqué dans un communiqué qu'une frappe "menée par un drone de l'ennemi israélien contre une voiture dans la localité de Maiss el-Jabal a tué un Libanais et blessé deux Syriens".

Une autre personne a été tuée dans une seconde frappe sur cette localité, a ajouté le ministère dans un autre communiqué.

Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre.

Au début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas, le Hezbollah a tiré des roquettes à partir du sud du Liban sur Israël, affirmant agir en soutien à son allié palestinien.

Israël a réagi en septembre 2024 par d'intenses bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, qui est sorti très affaibli de la guerre.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire de cinq positions frontalières où il a maintenu des troupes, malgré l'accord.

Le Liban affirme respecter l'ensemble de ses engagements et impute à Israël la responsabilité du non-respect de l'accord.

Lundi, l'armée israélienne a indiqué avoir frappé plus de 50 "cibles terroristes" en un mois au Liban "après des violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, posant une menace pour l'Etat d'Israël et sa population".

 


Les Emirats vont lever l'interdiction à leurs ressortissants de se rendre au Liban

Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
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  • En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers Riyad
  • Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas

DUBAI: Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi.

Cette décision a été annoncée au lendemain d'une rencontre à Abou Dhabi entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue émirati Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.

"Les deux parties sont convenues d'autoriser les citoyens à voyager, après avoir pris les mesures nécessaires pour faciliter les déplacements entre les deux pays et mis en place les mécanismes appropriés", indique le communiqué.

En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers l'intervention militaire de Ryad au Yémen.

Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas.

Le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement, qui soutient des projets d'infrastructure dans les pays en développement, enverra une délégation au Liban pour étudier d'éventuels projets communs, ajoute le communiqué.

Les liens entre les deux pays se sont détériorés au cours de la dernière décennie en raison de l'influence du Hezbollah pro-iranien sur le Liban.

Mais depuis que le Hezbollah est sorti affaibli fin novembre de plus d'un an d'hostilités, dont deux mois de guerre ouverte, avec Israël, les Emirats arabes unis manifestent à nouveau leur intérêt pour le Liban, à la suite d'autres pays du Golfe.

En mars, l'Arabie saoudite avait déclaré qu'elle examinerait les "obstacles" à la reprise des importations libanaises et à la levée de l'interdiction faite à ses ressortissants de se rendre au Liban.

M. Aoun avait auparavant rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, à Ryad, où il effectuait son premier voyage à l'étranger depuis son entrée en fonction en janvier.

M. Aoun, qui a les faveurs de Ryad et de Washington, a été élu après que l'affaiblissement du Hezbollah et le renversement en Syrie de l'allié du mouvement, Bachar al-Assad, ont modifié l'équilibre des pouvoirs au Liban.

 


Syrie: l'un des principaux chefs religieux druzes dénonce une «campagne génocidaire» contre sa communauté

 Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
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  • Des combats avaient opposé mercredi à Sahnaya, près de Damas, des groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite à des combattants druzes, avant un retour à un calme précaire
  • Les 15 combattants druzes, qui se rendaient à Sahnaya, ont été pris pour cible "par les forces de sécurité, et des hommes armés qui leur sont affiliés", selon l'ONG

DAMAS: La plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie a dénoncé jeudi une "campagne génocidaire" contre sa communauté et s'en est pris au pouvoir d'Ahmad al-Chareh, au lendemain de combats confessionnels ayant fait des dizaines de morts près de Damas.

Ces heurts entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l'instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une "campagne génocidaire injustifiée" visant des "civils à leur domicile" et réclamé "une intervention immédiate de forces internationales".

"Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (...) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés". "Un gouvernement protège son peuple."

Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.

Affirmant vouloir défendre les druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.

Les druzes sont une minorité ésotérique issue de l'islam chiite et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l'islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.

"Engagement ferme" 

Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet. L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message.

Les heurts à Jaramana ont fait 17 morts mardi avant de s'étendre mercredi à Sahnaya où 22 combattants de deux camps ont péri, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Mercredi aussi, 15 combattants druzes ont péri dans une embuscade sur une route menant à Sahnaya, d'après l'ONG.

Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.

Les autorités syriennes avaient averti qu'elles "frapperaient d'une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie", accusant des "groupes hors-la-loi" d'avoir provoqué les violences.

Le pouvoir syrien a dans ce contexte réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze". Il a aussi exprimé "son rejet catégorique de toute ingérence étrangère" après l'intervention militaire israélienne.

"Etendre le chaos" 

Israël a mené plusieurs frappes affirmant cibler des objectifs du pouvoir syrien.

Les druzes d'Israël forment une minorité arabophone d'environ 150.000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l'armée et la police par rapport à leur nombre.

Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d'instrumentaliser les druzes de Syrie. "Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (...) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos", a-t-il déclaré fin mars.

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les druzes.

Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.

"En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (...)", estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.