La France met en garde le Liban contre le risque d'une «vacance du pouvoir»

Le président libanais, Michel Aoun, rencontre la ministre française des Affaires étrangères et européennes, Catherine Colonna, à Baabda, vendredi (Photo, AFP).
Le président libanais, Michel Aoun, rencontre la ministre française des Affaires étrangères et européennes, Catherine Colonna, à Baabda, vendredi (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Samedi 15 octobre 2022

La France met en garde le Liban contre le risque d'une «vacance du pouvoir»

  • Catherine Colonna appelle à l'élection rapide d'un nouveau président lors des négociations clés de Beyrouth
  • Elle a prévenu que l'accord que le Liban a signé en avril avec le FMI doit être mis en œuvre

BEYROUTH: La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a appelé à l'élection rapide d'un nouveau président libanais après l'échec d'un second vote au Parlement pour choisir un successeur au président sortant, Michel Aoun.

Le Liban «ne peut aujourd'hui risquer une vacance du pouvoir», a déclaré Colonna à l'issue d'une brève visite dans le pays, exhortant les dirigeants à assumer leurs responsabilités.

L'élection du prochain président ne dépend que des Libanais, a-t-elle souligné, affirmant que la communauté internationale se réjouit de voir le processus électoral achevé.

Le peuple libanais doit choisir un président capable de le diriger et de travailler avec les pays régionaux et internationaux afin de surmonter la crise actuelle et assurer la stabilité et la sécurité du Liban, a signalé Colonna.

Colonna a rencontré Aoun, le président du Parlement, Nabih Berri, et le Premier ministre intérimaire, Najib Mikati.

La visite du ministre est intervenue après que Aoun a officiellement approuvé la proposition américaine concernant la démarcation de la frontière maritime avec Israël.

Aoun a également annoncé le début du processus de rapatriement des réfugiés syriens, alors que l'on craint un vide présidentiel après la fin de son mandat le 31 octobre.

Le Parlement doit encore élire un nouveau président ou approuver les réformes exigées par la communauté internationale comme condition pour aider le Liban à sortir de son effondrement économique actuel.

Selon Colonna, l'accord historique conclu entre le Liban et Israël sur la démarcation des frontières maritimes ne doit pas éclipser les réformes, qui restent une priorité.

Après l'approbation du Liban, elle a déclaré que la compagnie gazière française TotalEnergies commencerait à vérifier la qualité du pétrole existant dans les eaux libanaises et s'assurerait que l'ensemble du processus se déroule sans heurts.

Colonna a prévenu que l'accord que le Liban a signé en avril avec le Fonds monétaire international doit être mis en œuvre.

«C'est la seule option pour envoyer un message de confiance aux investisseurs et apporter les financements dont le Liban a besoin.»

Elle a souligné: «Il est inacceptable que le peuple libanais continue à endurer les conséquences d'une crise dont il n'est pas responsable. Nous soutiendrons et aiderons les Libanais tant qu'ils s'aideront eux-mêmes.»

Colonna a réitéré: «La mise en œuvre des réformes nécessaires et le respect des délais constitutionnels constitueront un message positif pour les pays qui souffrent à leur tour de crises bien connues, afin qu'ils puissent entamer des aides.»

«D'où l'importance du rôle du Parlement dans l'approbation des lois de réforme nécessaires.»

Les messages relayés par Colonna, qui émanent selon elle du président Emmanuel Macron, portent également sur les enquêtes bloquées liées à l'explosion du port de Beyrouth.

«Cela fait plus de deux ans et les Libanais attendent toujours la justice, loin de toute influence politique.»

Colonna a affirmé que le peuple libanais «est capable de s'unir quand il le veut et après l'élection d'un nouveau président, il y aura un gouvernement qui fonctionnera pleinement».

Le président Macron exhorte tous les pays amis à aider le Liban, a indiqué la ministre.

Elle a révélé que l'UE était en mesure de lever des fonds afin d’aider les réfugiés syriens, car leur déplacement est une tragédie humaine qui touche le Liban. Elle a aussi révélé que la clé de cette situation est liée à l'amélioration de la situation en Syrie.

Au cours des entretiens, le président Aoun a demandé à Colonna le soutien de la France pour aider les plus de 2 millions de réfugiés syriens vivant actuellement au Liban à rentrer dans leur pays.

«Ils vivent dans des conditions difficiles en raison de l'incapacité du Liban à assurer leurs besoins nécessaires, en plus des cas de choléra qui ont apparu récemment dans certains camps de réfugiés, sans mentionner les problèmes économiques, de subsistance et de sécurité causés par ce nombre énorme de personnes déplacées», a expliqué Aoun.

Aoun a souligné le rejet catégorique par le Liban de l'installation de réfugiés au Liban à cause des conséquences négatives qu'elle entraînerait pour les peuples syrien et libanais.

Dans une déclaration publiée vendredi, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a salué l'accord conclu sous médiation américaine sur la démarcation des frontières maritimes entre le Liban et Israël.

Le porte-parole de Guterres, Stéphane Dujarric de la Rivière, a affirmé que le Secrétaire général «croit que ce développement encourageant peut favoriser une stabilité accrue dans la région et renforcer la prospérité des peuples libanais et israélien».

Guterres a souligné l'engagement continu de l'ONU à aider les deux pays et à soutenir la mise en œuvre effective de la résolution 1701 du Conseil de sécurité et d'autres résolutions pertinentes qui restent essentielles à la stabilité de la région, a-t-il mentionné.

Dans la nuit de jeudi, le président Aoun a annoncé que le Liban acceptait d'adopter la formulation finale élaborée par le médiateur américain pour délimiter les frontières maritimes sud.

S'adressant aux Libanais, il a déclaré: «Ce résultat n'aurait pas été atteint sans l'unité et la solidité de la position libanaise qui a résisté à toutes les pressions, n'a fait aucune concession substantielle et ne s'est engagée dans aucune forme de normalisation.»

Aoun a ajouté: «La prochaine étape devrait être de tenir des pourparlers fraternels avec la Syrie de manière à résoudre le problème de la zone maritime contestée, qui s'étend sur plus de 900 km² et revoir les frontières tracées avec Chypre et décider de ce qu'il faut faire à l'avenir.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

Short Url
  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Short Url
  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.