Iran: Les minorités ethniques portent le fardeau de la répression violente du régime contre les manifestations

Des manifestants se rassemblent dans les rues de Sanandaj, la capitale de la province iranienne du Kurdistan, au moment où les manifestations continuent de se propager des semaines après la mort en détention de Mahsa Amini, malgré les appels croissants à la retenue. (AFP)
Des manifestants se rassemblent dans les rues de Sanandaj, la capitale de la province iranienne du Kurdistan, au moment où les manifestations continuent de se propager des semaines après la mort en détention de Mahsa Amini, malgré les appels croissants à la retenue. (AFP)
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Publié le Mardi 18 octobre 2022

Iran: Les minorités ethniques portent le fardeau de la répression violente du régime contre les manifestations

  • En quelques heures, les manifestations se sont propagées à d’autres villes de la province et, le 18 septembre, toute la région s’est mise en grève
  • La répression en cours contre ceux qui ne se conforment pas au régime iranien est tout simplement le résultat de décennies de pratiques oppressives

RACCA (Syrie): Mahsa Amini – ou Jina Amini – est une jeune femme kurde qui a été tuée par la police des mœurs iranienne le 16 septembre. Son nom a fait le tour des réseaux sociaux, entraînant un mouvement de protestation qui pose aux dirigeants religieux un défi tel qu’ils n’en ont pas connu depuis bien des années.
Pour les forces de l’ordre iraniennes, Mahsa Amini n’était qu’une personne anonyme qui faisait partie d’une minorité ethnique opprimée depuis des décennies. Elles ne se doutaient pas que sa mort aux mains de l’une de ses unités déclencherait un soulèvement massif susceptible de renverser le régime lui-même.
Le 13 septembre, la jeune femme de 22 ans a été arrêtée à Téhéran pour avoir prétendument porté le voile – obligatoire en Iran – de manière inappropriée. Son frère, à qui elle avait rendu visite, a été informé qu’elle serait emmenée dans un centre de détention et libérée au bout d’une heure. Deux heures plus tard, elle s’est retrouvée dans le coma.
Trois jours plus tard, elle est décédée.
Bien que le régime iranien ait signalé que son décès était le résultat de conditions médicales préexistantes, les témoignages de ses codétenus et les examens tomodensitométriques montrent qu’elle a été sévèrement battue et qu’elle a subi une fracture du crâne ainsi qu’une hémorragie cérébrale.
La mort de Mahsa Amini a immédiatement déclenché une vague massive de protestations à travers l’Iran. Des troubles civils ont éclaté dans le pays, de la province occidentale du Kurdistan, dont la jeune femme est originaire, au centre de l’Iran, en passant par la province du Sistan-et-Baloutchistan, au Sud.
Selon un militant du Kurdistan qui souhaite garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, les manifestations auraient commencé lorsque la jeune femme a été enterrée.
«Les gens ont commencé à scander le slogan kurde “Femmes, vie, liberté” et de nombreux autres slogans nationalistes lors des funérailles. Plus tard, ils ont pris d’assaut les rues de la ville et se sont rassemblés devant le bureau du gouverneur», raconte-t-il à Arab News.
En quelques heures, les manifestations se sont propagées à d’autres villes de la province et, le 18 septembre, toute la région s’est mise en grève. Les boutiques ont fermé leurs portes, les gens ont envahi les rues en signe de protestation et, en quelques jours, les manifestations se sont propagées à travers le pays.
La répression en cours – bien que ce soit la plus sanglante depuis des décennies – contre ceux qui ne se conforment pas au régime iranien est tout simplement le résultat de décennies de pratiques oppressives contre les groupes minoritaires par les autorités iraniennes.
L’article 15 du chapitre 2 de la Constitution iranienne autorise l’enseignement des langues régionales et tribales dans les écoles et leur utilisation dans les médias. L’article 19 du chapitre 3 stipule que «tous les Iraniens, quelle que soit l’ethnie ou la tribu à laquelle ils appartiennent, jouissent de droits égaux».
Malgré une prétendue protection constitutionnelle et le fait que les groupes ethniques et linguistiques non persans représentent près de 40% de la population iranienne, les minorités sont victimes de mauvais traitements qui vont de la discrimination politique à l’oppression au moyen d’arrestations et d’exécutions arbitraires.
Les Kurdes sont le troisième plus grand groupe ethnique en Iran. Ils représentent environ 10% de la population. Diverses estimations évaluent leur nombre à quarante millions environ, répartis entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie.

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La diaspora iranienne a soutenu les manifestations contre le régime de Téhéran dans plusieurs villes à travers le monde. (AFP)

«La situation est si mauvaise au Kurdistan que je ne sais même pas par où commencer», affirme le militant.
«Notre peuple subit des traitements qui dépassent l’imagination. Les Kurdes sont considérés comme des citoyens de troisième classe en Iran. D’abord, parce que nous sommes kurdes; ensuite, parce que nous sommes des musulmans non chiites ou que nous suivons d’autres religions kurdes; enfin, à cause de notre opposition au gouvernement central.»
L’activiste poursuit: «Nous sommes privés de nos droits les plus élémentaires en tant qu’êtres humains. La langue kurde et les partis kurdes sont bannis du système. Les villes kurdes souffrent d’extrême pauvreté et de chômage, résultat des politiques discriminatoires de l’Iran à l’égard des Kurdes.»
«Le Kurdistan est la région la moins développée et la société kurde a payé au prix fort cette marginalisation officielle.»
Les Kurdes d’Iran souffrent depuis 1979. Les partis kurdes d’Iran ont boycotté le référendum de mars 1979 pour créer la République islamique d’Iran et ils en paient le prix depuis.
Les services de renseignement iraniens ont persécuté des Kurdes même en dehors de leur juridiction. En 1989, un homme politique kurde et dirigeant du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran a été assassiné en Allemagne.

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Des manifestations ont eu lieu dans tout l’Iran, y compris au sein de la capitale du Kurdistan, Sanandaj. (AFP)

Son successeur et trois autres personnalités de l’opposition kurde ont également été tués trois ans plus tard, et pas moins de dix dissidents kurdes iraniens ont été assassinés en dehors des frontières de l’Iran depuis 1989.
Bien que la vague actuelle de troubles ait commencé au Kurdistan avec la mort d’une femme kurde, la persécution des groupes minoritaires par le régime iranien s’est étendue au-delà de la minorité kurde.
En mai 2022, une vague de protestations contre la détérioration des conditions économiques a secoué l’Iran et une flambée des exécutions en a découlé. Cependant, les groupes minoritaires ont été ciblés de manière disproportionnée par les forces de sécurité, selon l’organisation de défense des droits humains Iran Human Rights.
Le peuple baloutche, un groupe musulman principalement sunnite qui habite la région sud du Baloutchistan, en Iran, ne représente que 2% de la population.
Il a longtemps souffert de sous-développement économique. Il possède à la fois l’indice de développement humain et le revenu national brut par habitant les plus bas de toutes les provinces iraniennes, selon les statistiques de 2019 du Global Data Lab, un institut de recherche situé aux Pays-Bas. Malgré cela, les membres de la communauté ont été victimes de violations flagrantes des droits de l’homme.
Un rapport publié en juin dernier par l’organisation Iran Human Rights indique que les exécutions en Iran ont atteint cette année leur pic en cinq ans. Le nombre est passé de 110 en 2021 à 168 au cours des six premiers mois de 2022. Les minorités arabe, kurde et baloutche étaient les principales victimes des exécutions – les prisonniers baloutches représentant 22% de l’ensemble des personnes exécutées.
Les Arabes, qui représentent environ 2% de la population iranienne, ont eux aussi été confrontés à l’oppression et à la discrimination. La plupart d’entre eux résident dans la province du Khouzistan, qui est riche en ressources pétrolières et constitue un pôle industriel majeur.

 

Quelques chiffres

- Les Perses ethniques représentent 60% des 86,7 millions d’habitants en Iran.
- Les 40% restants comprennent les Azéris, les Kurdes, les Lors, les Baloutches, les Arabes, les Turkmènes et les Turcs.

Malgré cela, la province souffre d’une pauvreté et d’un chômage généralisés, selon le député arabe Mohammed Saïd Ansari, qui soutient qu’environ la moitié des travailleurs du pétrole viennent de l’extérieur de la province et que les Arabes y sont souvent privés de possibilités d’emploi.
Le Minority Rights Group International, basé au Royaume-Uni, rapporte que près d’un quart de million d’Arabes au Khouzistan ont été déplacés à cause de grands projets gouvernementaux d’infrastructure.
Le chef d’un mouvement séparatiste arabe en Iran, Ahmed Molla Nissi, a été assassiné devant son domicile de La Haye en 2017. Son nom vient s’ajouter à la longue liste des assassinats étrangers de dissidents minoritaires par l’Iran.
En juillet 2021, au moins neuf personnes ont été tuées au Khouzistan alors qu’elles manifestaient, réclamant l’accès à l’eau potable, selon Human Rights Watch.
Au milieu des troubles actuels, des manifestations ont éclaté au Khouzistan; de nombreuses installations pétrolières et pétrochimiques sont en grève et les travailleurs remplissent les rues. Le 12 octobre, une vidéo partagée sur Twitter présente une bannière géante qui montre la photo du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, incendiée à Ahvaz, la capitale de la province.

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Des manifestations ont lieu dans plusieurs villes à travers l’Iran depuis Mahsa Amini, une Iranienne de 22 ans, a trouvé la mort le 16 septembre après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran. Elle avait prétendument enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique. (AFP)

«Les citoyens arabes vivent comme les personnes les plus pauvres sur la terre la plus riche: le Khouzistan. C’est le nom officiel qui lui a été donné, mais cet endroit est l’Arabistan ou Ahwaz», précise Youssef Yassin Azizi, un ancien administrateur arabo-iranien de l’université de Téhéran et membre de l’Union des écrivains iraniens, dans un entretien accordé à Arab News.
«À l’époque du chah et de la République islamique, des non-Arabes ont été installés dans les villes et villages arabes de la région.»
M. Azizi pense que le régime a délibérément chassé les Arabes et d’autres minorités de la vie publique iranienne.
«Les Arabes n’occupent qu’environ 5% des postes au sein des institutions publiques», explique-t-il à Arab News. «La langue arabe est interdite dans les écoles. Beaucoup d’Arabes ne peuvent pas trouver d’emploi dans les usines pétrochimiques simplement parce qu’ils portent un nom arabe.»
«Ce phénomène a atteint une telle ampleur qu’ils peuvent dire ouvertement: “Je ne t’embaucherai pas parce que tu es arabe.” La compagnie pétrolière d’Ali Khameini à Ahwaz a embauché 4 000 travailleurs au cours des dix dernières années et seuls sept d’entre eux étaient des Arabes.»
De telles attitudes suggèrent que les vies arabes en Iran sont considérées comme dérisoires.
«Les Arabes se sont rebellés à plusieurs reprises et ils ont souvent fini en prison ou ils ont été tués», déclare M. Azizi à Arab News. «Nous avons toujours été opprimés par la brutalité des autorités. Il y a à peine dix jours, Emad Heydari a été torturé à mort dans la prison d’Ahvaz.»
Selon le site Internet du Front populaire démocratique ahwazi, M. Heydari, 31 ans, un militant nouvellement marié qui habitait le quartier de Malashieh, a été arrêté le 27 septembre et il est mort en prison le 6 octobre. Les autorités iraniennes ont déclaré qu’il avait été victime d’un accident vasculaire cérébral, mais les militants ne croient pas au récit officiel.
«Lors des manifestations contre l’augmentation du prix du carburant de 2019, qui ont commencé avec les Arabes d’Ahwaz avant de se propager, deux cents Arabes auraient été tués. Ils n’ont montré aucune pitié envers les Arabes», souligne M. Azizi à Arab News.
«Il est important que la presse arabe et que la société civile soient au courant de ce qui nous arrive. Il faut couvrir les événements jour après jour. Elles devraient en parler sur tous leurs réseaux et dans l’ensemble de leurs publications et de leurs réunions. Elles devraient nous soutenir parce que nous sommes seuls. Jusqu’à présent, aucune chaîne n’a parlé de notre douleur pour la faire connaître. Mais notre résistance continuera.»
Le ciblage disproportionné des communautés minoritaires pendant les troubles civils actuels qui se déroulent en Iran reflète son traitement passé des minorités. Le Kurdistan, le Sistan-et-Baloutchistan ont été les plus exposés à la violence, selon le Critical Threats Project, un projet d’analyse des renseignements créé par l’American Enterprise Institute en 2009.
Deux semaines après la mort de Mahsa Amini, des manifestants se sont réunis à l’issue de la prière du vendredi dans la ville à majorité baloutche de Zahedan pour exprimer son soutien aux manifestations nationales afin d’exiger que justice soit rendue après qu’une jeune Baloutche de 15 ans a été sexuellement agressée par un commandant de police iranien.
Amnesty International rapporte que les forces de sécurité iraniennes ont ouvert le feu sur la foule à l’aide de balles réelles et qu’ils ont aspergé les manifestants de gaz lacrymogène. Des images montrent des tireurs sur les toits qui prennent les manifestants pour cible. Entre 66 et 96 personnes auraient été tuées et des centaines d’autres blessées en quelques heures seulement. Cette journée est désormais connue sous le nom de «vendredi sanglant».
Le New York Times s’est depuis entretenu avec dix habitants de Zahedan, parmi lesquels des témoins et des militants, des membres de la famille des victimes et un médecin qui a aidé à soigner plus de 150 personnes qui souffraient de blessures.
Tous ont accusé les forces de sécurité d’avoir tiré sans discernement sur des manifestants non armés et des civils avec des balles et du gaz lacrymogène. Des hélicoptères auraient également été déployés, selon des témoins.
«Selon les habitants, les violences du 30 septembre auraient été précédées d’une petite manifestation, deux jours plus tôt, dans une autre ville de la même province, Chabahar», déclare le quotidien américain dans un rapport du 14 octobre.
Le traitement brutal du régime iranien envers les zones de minorités ethniques ne fait que s’intensifier à mesure que le mouvement de protestation prend de l’ampleur et appelle à mettre fin au régime théocratique conservateur.
«J’appelle la communauté internationale à redoubler d’efforts pour reconnaître nos problèmes et nous aider à les résoudre», déclare le militant qui habite au Kurdistan à Arab News.
«Aujourd'hui, les peuples du Kurdistan et de l’Iran ont besoin d’un soutien total pour renverser ce régime.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Kiev et Moscou acceptent de cesser les hostilités en mer Noire, annonce Washington

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  • Moscou et Kiev ont accepté d'"assurer la sécurité de la navigation, de supprimer l'usage de la force et d'empêcher l'utilisation de navires commerciaux pour des objectifs militaires en mer Noire", a indiqué la Maison Blanche
  • Kiev s'est engagé dans la foulée à "mettre en oeuvre" les annonces de Washington, de "bonnes mesures" selon le président Volodymyr Zelensky

WASHINGTON: La Russie et l'Ukraine ont accepté de cesser les hostilités en mer Noire, ont annoncé mardi les Etats-Unis, Washington se disant prêt à aider Moscou à exporter ses produits agricoles et engrais sur les marchés mondiaux.

Le Kremlin a toutefois posé une condition qui ne semble pas près d'être remplie : il a prévenu que cet accord ne pourra entrer en vigueur qu'après la "levée" des restrictions occidentales sur le commerce de céréales et d'engrais russes.

Moscou et Kiev ont accepté d'"assurer la sécurité de la navigation, de supprimer l'usage de la force et d'empêcher l'utilisation de navires commerciaux pour des objectifs militaires en mer Noire", a indiqué la Maison Blanche dans deux communiqués distincts rendant compte des discussions ces derniers jours avec les Ukrainiens et les Russes en Arabie saoudite.

Kiev s'est engagé dans la foulée à "mettre en oeuvre" les annonces de Washington, de "bonnes mesures" selon le président Volodymyr Zelensky.

Les deux pays alliés se sont aussi mis d'accord pour impliquer des pays "tiers" dans la supervision d'une trêve, ce dont s'est aussi félicité le Kremlin.

Les Etats-Unis s'engagent par ailleurs, en ce qui concerne l'Ukraine, à "soutenir les efforts en vue d'échanges de prisonniers, de la libération de civils et du retour d'enfants ukrainiens déplacés de force".

La Russie peut compter sur l'appui de la Maison Blanche pour "rétablir l'accès de la Russie au marché mondial pour les exportations de produits agricoles et d'engrais, réduire les coûts d'assurance maritime et améliorer l'accès aux ports et aux systèmes de paiement pour ces transactions", un grief majeur de Moscou après les sanctions radicales imposées à la suite de l'invasion de l'Ukraine.

Cela constitue un "affaiblissement des sanctions", a regretté Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse. Cette possibilité n'était pas "dans notre agenda, la partie américaine l'a soulevée" lors de négociations à Ryad, a-t-il affirmé.

Moscou et Washington vont aussi "élaborer des mesures" pour permettre l'application de la trêve de trente jours dans les frappes sur les infrastructures énergétiques en Russie et en Ukraine, selon le Kremlin.

Mardi soir, il a par ailleurs indiqué que cette trêve, discutée lors de pourparlers avec les Etats-Unis, concernait notamment les raffineries, les gazoducs et les centrales électriques.

Cette trêve de trente jours avait été annoncée le 18 mars par les présidents Vladimir Poutine et Donald Trump mais jamais réellement appliquée, Kiev et Moscou s'accusant mutuellement de poursuivre les attaques.

A Paris, la présidence française a estimé que les accords annoncés mardi par la Maison Blanche allaient "dans la bonne direction" mais étaient insuffisants pour aboutir à un "cessez-le-feu durable, solide, et encore moins à un accord de paix".

"Détails" à régler 

Pendant les pourparlers, les Etats-Unis ont "répété que le président Donald Trump voulait impérativement mettre fin aux tueries de part et d'autre".

Le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumerov, a appelé à organiser des "consultations techniques supplémentaires" pour régler les "détails" des accords annoncés par la Maison Blanche.

Il a aussi prévenu que "tout mouvement" de navires de guerre russes en mer Noire au large de l'Ukraine constituera une "violation" de l'accord de cessation des hostilités.

Un accord céréalier en mer Noire avait permis à l'Ukraine, de juillet 2022 à juillet 2023, d'exporter ses céréales, vitales pour l'alimentation mondiale, malgré la présence de la flotte russe dans la zone.

La Russie, elle-même grande exportatrice de blé et d'engrais, s'en est ensuite retirée unilatéralement, accusant les Occidentaux de ne pas respecter leurs engagements censés assouplir les sanctions sur les exportations russes.

"Pas facile, mais très utile" 

La Russie est accusée par Kiev de jouer la montre pour profiter de son avantage sur le front.

L'un des négociateurs russes, Grigori Karassine, a affirmé que le dialogue avec les Américains lundi avait été "intense, pas facile, mais très utile".

"Nous sommes loin d'avoir tout réglé (...) mais il me semble qu'une telle conversation est très opportune", a estimé M. Karassine.

Une nouvelle réunion entre les équipes ukrainienne et américaine s'est tenue mardi matin à Ryad.

Depuis le début dimanche de ces pourparlers impliquant Washington, Moscou et Kiev, la navette américaine entre les belligérants n'a pas donné lieu à une trêve globale ou un consensus sur un moratoire sur certaines frappes aériennes.

Les combats se poursuivent 

Le président Donald Trump, à force de pression, avait réussi à obtenir l'accord théorique de Kiev pour un cessez-le-feu inconditionnel de trente jours.

Mais Vladimir Poutine, tout en prenant soin de ne pas rabrouer son homologue américain, a listé de nombreuses exigences et dit vouloir limiter une trêve aux seules frappes sur les infrastructures énergétiques.

M. Trump, qui a exercé une pression considérable sur Kiev, s'est jusqu'ici montré indulgent à l'égard de la Russie, même s'il a évoqué la possibilité de nouvelles sanctions au cours des dernières semaines.

Vladimir Poutine, dont l'armée avance sur le terrain malgré de lourdes pertes, ne semble pas pressé de conclure un accord, notamment car les forces ukrainiennes contrôlent encore du territoire dans la région russe de Koursk.

 


Turquie: nouvelle mobilisation après l'incarcération du maire d'Istanbul

Des étudiants manifestent dans le quartier de Besiktas à Istanbul pour soutenir le maire de la ville, principal rival du président turc, quatre jours après son arrestation et sa détention dans le cadre d'une enquête pour corruption et terrorisme, le 24 mars 2025. (AFP)
Des étudiants manifestent dans le quartier de Besiktas à Istanbul pour soutenir le maire de la ville, principal rival du président turc, quatre jours après son arrestation et sa détention dans le cadre d'une enquête pour corruption et terrorisme, le 24 mars 2025. (AFP)
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  • L'opposition a organisé de nouveaux rassemblements lundi soir en Turquie avec une mobilisation étudiante qui enfle pour protester contre l'incarcération du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu
  • Des manifestations ont également eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces du pays

ISTANBUL: L'opposition a organisé de nouveaux rassemblements lundi soir en Turquie avec une mobilisation étudiante qui enfle pour protester contre l'incarcération du maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu.

"Ce n'est pas un rassemblement mais une action de défiance contre le fascisme", a lancé Ozgur Ozel, le leader du CHP, principal parti d'opposition, aux dizaines de milliers de personnes réunies devant la municipalité d'Istanbul où des manifestations sont organisées tous les soirs depuis l'arrestation du maire mercredi dernier.

"Enterrez ceux qui vous ignorent", a également déclaré M. Ozel, en référence aux chaînes progouvernementales qui ne diffusent pas les images des manifestations.

Il a appelé au boycott de ces chaînes et d'une dizaine de compagnies qu'il estime proches du gouvernement, dont une chaîne de cafés.

Des manifestations ont également eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces du pays, selon un décompte de l'AFP.

Ce mouvement, d'une ampleur inédite depuis la grande vague de protestation de Gezi à Istanbul, en 2013, suscite une réaction musclée des autorités.

Les manifestations ont été interdites dans les trois plus grandes villes du pays - Istanbul, Ankara et Izmir - et plus de 1.130 personnes ont été interpellées en six jours tandis que 43 ont été arrêtées lundi soir, selon le ministre de l'Intérieur.

"Cessez de troubler la paix de nos concitoyens par vos provocations", a martelé lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan en s'adressant à l'opposition lors d'un discours télévisé.

"Ne jouez plus avec les nerfs de la nation", a-t-il affirmé.

Démis de ses fonctions et incarcéré dimanche, le maire d'Istanbul était au même moment investi par son parti, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force de l'opposition, comme son candidat à la prochaine présidentielle prévue en 2028.

Cette primaire purement symbolique, maintenue dimanche par le CHP de Mustafa Kemal, le fondateur de la République turque, a réuni quelque 15 millions de votants en soutien à l'édile.

- Plus de 1.300 arrestations -

Face à la contestation, les autorités ont déployé d'importants effectifs de police qui ont procédé à plus de 1.300 arrestations depuis mercredi, selon le ministre de l'Intérieur. Ce dernier a affirmé que 123 policiers avaient été blessés dans des heurts en marge des rassemblements.

Au moins dix journalistes, dont un photographe de l'AFP, ont été arrêtés lundi à l'aube à leur domicile à Istanbul et Izmir, a rapporté l'association turque de défense des droits humains MLSA.

"Ces attaques et entraves à la liberté de la presse doivent cesser immédiatement. (...) Nous demandons la libération des journalistes interpellés et appelons le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya à prendre des mesures pour s'assurer que les forces de l’ordre respectent le droit d'informer", a réagi Erol Önderoglu, représentant de RSF en Turquie.

"Les autorités turques doivent mettre fin à l'usage inutile et aveugle de la force par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques, et enquêter sur les actes de violence illégaux commis par la police", a déclaré de son côté Amnesty International dans un communiqué.

La Grèce s'est émue lundi de la situation "instable et préoccupante" chez sa voisine. Et l'Union européenne a appelé la Turquie à "respecter les valeurs démocratiques".

- "Atteinte à la démocratie" -

"L'incarcération du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu ainsi que de nombreuses autres personnalités constituent des atteintes graves à la démocratie", a déploré dimanche soir la diplomatie française, après avoir déjà condamné son arrestation mercredi.

À l'unisson, l'Allemagne, où vit la plus grande communauté turque à l'étranger, a condamné lundi l'incarcération et la suspension "totalement inacceptables" de M. Imamoglu, Berlin y voyant un "mauvais signal pour la démocratie".

Une manifestation a réuni plus d'un millier de personnes dimanche à Berlin, ont rapporté les médias locaux.

Outre M. Imamoglu, près de cinquante co-accusés ont également été placés en détention dimanche pour "corruption" et "terrorisme", selon la presse turque.

Parmi eux figurent deux maires d'arrondissement d'Istanbul, membres eux aussi du CHP. Les deux élus ont été destitués et l'un d'eux, accusé de "terrorisme", a été remplacé par un administrateur nommé par l'Etat, ont annoncé les autorités.

L'arrestation du maire a mis sous pression l'économie de la Turquie, déjà aux prises avec une grave crise inflationniste, entraînant une chute de la Bourse ainsi que de la livre turque, tombée à son plus bas historique face au dollar.

Le président turc a évoqué lundi "des fluctuations artificielles sans fondement dans l'économie".

"Nous avons géré avec succès la récente volatilité du marché en utilisant efficacement les outils à notre disposition", a-t-il assuré.


Ukraine: Russes et Américains discutent à Ryad d'une possible trêve

L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions. (AFP)
L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions. (AFP)
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  • Washington et Kiev poussent pour, au minimum, un arrêt provisoire des frappes sur les sites énergétiques, largement endommagés du côté ukrainien
  • L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions

RIYAD: La Russie et les Etats-Unis se sont retrouvés lundi en Arabie saoudite pour des négociations, qualifiées d'emblée de "difficiles" par le Kremlin, visant à instaurer une trêve partielle en Ukraine après plus de trois ans d'offensive russe.

Le président américain, Donald Trump, dont le rapprochement avec Vladimir Poutine a rebattu les cartes du conflit, affirme vouloir mettre fin aux hostilités et a dépêché ses émissaires à Ryad pour des pourparlers avec les deux parties.

Les pourparlers entre les émissaires russes et américains ont commencé lundi matin à l'hôtel Ritz-Carlton à Ryad, a annoncé l'agence Tass, après des discussions entre Ukrainiens et Américains qui se sont poursuivies jusque tard dans la nuit.

"La discussion a été productive et ciblée. Nous avons abordé des points clés, notamment l'énergie", a rapporté le ministre de la Défense, Roustem Oumerov, à la tête de la délégation ukrainienne, ajoutant que l'Ukraine s'efforçait de concrétiser son objectif d'une "paix juste et durable".

Washington et Kiev poussent pour, au minimum, un arrêt provisoire des frappes sur les sites énergétiques, largement endommagés du côté ukrainien.

L'Ukraine se dit "prête" à un cessez-le-feu "général" et sans conditions.

Mais Vladimir Poutine, dont l'armée avance sur le terrain malgré de lourdes pertes, semble jouer la montre, tant que ses hommes n'ont pas expulsé les troupes ukrainiennes de la région russe frontalière de Koursk.

A ce stade, le Kremlin assure s'être uniquement mis d'accord avec Washington sur un moratoire concernant les bombardements des infrastructures énergétiques.

"Au début" 

"Il s'agit d'un sujet très complexe et il y a beaucoup à faire", a d'ores et déjà tempéré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, estimant que les négociations seraient "difficiles". "Nous n'en sommes qu'au début", a-t-il dit.

L'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, s'est malgré tout montré optimiste, disant s'attendre à de "vrais progrès", "particulièrement en ce qui concerne un cessez-le-feu en mer Noire sur les navires entre les deux pays".

"Et, à partir de cela, on se dirigera naturellement vers un cessez-le-feu total", a dit l'émissaire américain.

Malgré l'accélération des efforts en vue de rapprocher les vues des belligérants sur les moyens de parvenir à un cessez-le-feu dans la guerre déclenchée par l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les combats se poursuivent avec des frappes meurtrières en Ukraine et en Russie.

Les autorités ukrainiennes ont fait état dans la nuit de dimanche à lundi de frappes touchant les régions de Kiev, Kharkiv (est) et Zaporijjia (est), faisant plusieurs blessés, au lendemain de bombardements meurtriers sur la capitale.

L'armée ukrainienne a annoncé dimanche avoir repris le petit village de Nadia, dans la région orientale de Lougansk, un succès rare pour les militaires ukrainiens dans cette zone quasi entièrement contrôlée par la Russie.

Les forces russes ont elles déclaré s'être emparées de la localité de Sribné, également dans l'est de l'Ukraine.

Accord céréalier 

Symbole des divergences à combler pour arriver à une trêve, la délégation ukrainienne est emmenée par le ministre de la Défense, tandis que la délégation russe est formée d'un sénateur ex-diplomate de carrière Grigori Karassine et de Sergueï Besseda, un cadre du FSB, les services de sécurité.

Autre différence notable: Dmitri Peskov a affirmé que "le principal" sujet de discussion avec les Américains serait "la reprise" de l'application de l'accord céréalier en mer Noire, omettant de mentionner un éventuel engagement concernant la suspension des combats, limité ou sans conditions.

Cet accord, en vigueur entre juillet 2022 et juillet 2023, avait permis à l'Ukraine d'exporter ses céréales, vitales pour l'alimentation mondiale, malgré la présence de la flotte russe dans la zone.

La Russie s'en est ensuite retirée, accusant les Occidentaux de ne pas respecter leurs engagements censés assouplir les sanctions sur les exportations russes de produits agricoles et d'engrais.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump a repris contact avec Vladimir Poutine, rompant avec la politique d'isolement menée par les Occidentaux contre le président russe.

Il s'est montré très critique envers l'Ukraine, un durcissement marqué par l'altercation avec Volodymyr Zelensky fin février à la Maison Blanche, suivie d'une suspension, depuis levée, de l'aide militaire à Kiev, vitale pour l'armée ukrainienne.

Les Européens sont, eux, marginalisés dans ces discussions, malgré l'envie affichée notamment par le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron de faire entendre la voix du Vieux Continent.

Un sommet est prévu jeudi à Paris, en présence de Volodymyr Zelensky et des alliés de Kiev.