L’Afrique a besoin d’une solution énergétique créative

Cette image satellite prise le 28 mai 2020 montre le grand barrage de la Renaissance, situé sur le Nil Bleu, dans la région de Benishangul-Gumuz, en Éthiopie (Maxar Technologies, AP)
Cette image satellite prise le 28 mai 2020 montre le grand barrage de la Renaissance, situé sur le Nil Bleu, dans la région de Benishangul-Gumuz, en Éthiopie (Maxar Technologies, AP)
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Publié le Mercredi 11 novembre 2020

L’Afrique a besoin d’une solution énergétique créative

L’Afrique a besoin d’une solution énergétique créative
  • L’approvisionnement en énergie de l’Afrique est en crise en raison de la dégradation des infrastructures, d’une croissance démographique rapide et de la pression liée au changement climatique
  • L’Afrique contribue à 3,8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde – en comparaison, la Chine, les États-Unis et l’Union européenne contribuent respectivement à 23%, 19% et 13%.

L’approvisionnement en énergie de l’Afrique est en crise en raison de la dégradation des infrastructures, d’une croissance démographique rapide et de la pression liée au changement climatique. Cette crise ne sera pas résolue par des moyens conventionnels, et certainement pas par des tensions régionales croissantes.

Il est temps de trouver des solutions innovantes: construire des projets énergétiques transnationaux impliquant des centrales à combustibles fossiles, ainsi que des infrastructures d'énergie verte et d'énergie nucléaire. Cela peut sembler utopique, mais pourrait se réaliser si la volonté est là. Et il n'y a pas d'autre choix que de la trouver.

D’abord, parlons du barrage. Le grand barrage de la Renaissance est une source de tensions pour l’Éthiopie, le Soudan et l’Égypte pour toute une série de mauvaises raisons. Il pourrait faire de l’Éthiopie un exportateur d’énergie. Toutefois, son remplissage limiterait également la circulation de l’eau du Nil vers l’Égypte et le Soudan. Ironiquement, ce confit souligne la nécessité d'une production d'électricité régionale (et d'une coopération).

Le coût économique des difficultés croissantes de l’Afrique en matière d’électricité est immense. La voie à suivre doit être tout simplement révolutionnaire. La solution réside dans des centrales électriques conçues pour alimenter des régions entières. Mais comment et sous quelle forme cette solution doit-elle être conçue?

Commençons par le «comment». La solution doit certainement être durable, mais les énergies solaire et éolienne présentent des inconvénients évidents avec une production soutenue. L’énergie nucléaire permettrait de résoudre ces problèmes et de fournir une énergie propre et peu coûteuse. Cependant, étant donné que de nombreux pays africains sont politiquement instables, le continent n’inspire pas confiance en matière de sécurité et de non-prolifération. En attendant qu'un mélange d'énergie éolienne, solaire et nucléaire puisse être construit pour répondre aux besoins actuels et futurs, le continent a besoin de réponses rapides.

Le meilleur moyen pour répondre à ces besoins serait de construire un parc de centrales à combustibles fossiles modernes et plus propres (mais certainement pas propres) qui finiraient par être progressivement supprimées à mesure que le solaire, l'éolien et le nucléaire entreraient en service avec une capacité suffisante. On peut immédiatement objecter que le but est évidemment de réduire les émissions de dioxyde de carbone, et non de les augmenter.

L’Afrique contribue à 3,8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde – en comparaison, la Chine, les États-Unis et l’Union européenne contribuent respectivement à 23%, 19% et 13%. Si les pays africains réussissaient à mettre en œuvre les options actuelles, les émissions du continent augmenteraient jusqu’à environ 5% de la part mondiale. Mais un plan clair pour de nouvelles centrales à combustibles fossiles plus propres alimentant des régions transnationales pourrait sans doute avoir des taux d'émission de dioxyde de carbone plus faibles. En attendant, des plans peuvent être mis en place pour construire des centrales électriques durables.

L’avenir de l’Afrique est entre ses propres mains, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne peut pas accepter l’aide d’amis qui ont des intérêts communs. 

Savoir comment réaliser cela pourrait être encore plus intéressant. Les Émirats arabes unis, importants producteurs de pétrole et de gaz, sont également à l'avant-garde des solutions neutres en carbone pour l'avenir. Peut-être pourrait-on convaincre un consortium impliquant les Émirats arabes unis et d'autres producteurs de pétrole en transition de financer et de construire l'avenir énergétique de l'Afrique. Ils ont le capital et les relations avec des sociétés d'ingénierie mondiales pour construire des usines alimentées par des combustibles fossiles, et peuvent ensuite fournir des matières premières à des taux inférieurs à ceux du marché, compte tenu des revenus que généreraient les usines.

Les Émirats arabes unis pourraient ensuite mener la prochaine étape, avec l’aide de la Corée du Sud. Ils sont au premier plan de la recherche scientifique et exploitent une centrale nucléaire construite par la Korea Electric Power Corporation de Séoul. En effet, les Émirats, en tant que producteurs d’énergie nucléaire reconnus sur la scène internationale, peuvent apporter leurs meilleures pratiques de non-prolifération en Afrique.

Étant données leurs relations amicales avec certains pays africains sans le bagage colonial de l'Occident ou, plus récemment, les relations tendues du continent avec la Chine, les Émirats arabes unis peuvent s'associer aux nations africaines pour assurer la sécurité. Après la construction de la centrale nucléaire des Émirats, la Corée du Sud souhaite ajouter des marchés non traditionnels à son portefeuille nucléaire. Le coût d’un parc de centrales nucléaires pourrait être fixé en fonction des avantages d’une économie d’échelle.

Pour les pays du Golfe, investir en Afrique assurerait que leurs hydrocarbures sont toujours vendus alors que l’Occident et l’Asie réduisent leur utilisation de pétrole et de gaz. Cet investissement se transformerait donc en flux de revenus provenant des énergies renouvelables.

Pour l’Afrique, cela signifie l’investissement et l’approvisionnement en énergie à un faible coût et, éventuellement, à de faibles taux d’émission de dioxyde de carbone. Dans le cadre d'une stratégie globale de réduction des émissions de dioxyde de carbone, les investisseurs en énergie du Golfe pourraient être incités à financer des projets d'atténuation du changement climatique sur tout le continent afin de réduire la production de gaz à effet de serre des centrales à combustibles fossiles initiales.

Grâce un éventail de centrales construites et exploitées par des pays étrangers et qui fournissent de l’électricité aux pays du continent, les économies africaines élimineraient un obstacle majeur à la croissance.

Certes, ce scénario est optimiste. Le nationalisme est profondément ancré sur tout le continent, et il s’est manifesté dans le conflit en cours sur le projet du barrage éthiopien. Les récentes découvertes de pétrole dans les eaux territoriales d’Afrique du Sud ainsi que les larges gisements de gaz naturel au Mozambique pourraient empêcher les liens entre les pays de la région. En outre, la coopération continentale fait face à de nombreux obstacles depuis plusieurs années, comme en témoigne la Zone de libre-échange continentale africaine, qui est bloquée par la réticence des pays comme le Nigeria à ratifier les conditions de cette coopération.

Cependant, en dépit des difficultés évidentes, l’Afrique a besoin d’une solution créative avant que le changement climatique et l’urbanisation rapide ne la forcent à prendre des mesures plus agressives. Ce continent abrite l’une des populations les plus jeunes du monde et possède des taux d’urbanisation exceptionnellement élevés.

Les besoins en électricité ne feront qu’augmenter avec le temps et il n’y a aucune solution viable à cette crise énergétique.

En l’absence d’une approche à l'échelle du continent, les pays individuels seront contraints de prendre des mesures imprudentes (comme la construction de barrages sur des rivières transnationales) ou d'accepter une aide extérieure à des conditions extrêmement défavorables. Il est donc impératif que l'Afrique crée la volonté politique nécessaire pour faciliter une solution énergétique continentale. L’avenir de l’Afrique est entre ses propres mains, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne peut pas accepter l’aide d’amis qui ont des intérêts communs.


Joseph Dana, qui vit entre l’Afrique du Sud et le Moyen-Orient, est le rédacteur en chef d’Emerge85, un laboratoire qui étudie le changement dans les marchés émergents et son impact au niveau mondial. Droits d’auteur: Syndication Bureau.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com