Iran: le mouvement résilient de protestation est-il condamné sans leader ?

L'absence d'une figure de proue centrale est à la fois «une chance et une malédiction» pour les protestations iraniennes en plein essor, expliquent des experts à Arab News. (AFP/File Photos)
L'absence d'une figure de proue centrale est à la fois «une chance et une malédiction» pour les protestations iraniennes en plein essor, expliquent des experts à Arab News. (AFP/File Photos)
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Publié le Samedi 29 octobre 2022

Iran: le mouvement résilient de protestation est-il condamné sans leader ?

  • La «révolution Mahsa Amini» est devenue le mouvement le plus vaste et le plus large auquel le régime ait jamais été confronté
  • Les experts estiment que l'absence d'une figure de proue bien définie pourrait à la fois profiter et nuire aux protestations

LONDRES: Quarante jours plus tard, les manifestations qui secouent l'Iran depuis la mort de Mahsa Amini, 22 ans, aux mains de la fameuse police des mœurs du régime, ne semblent pas s'apaiser. Cependant, les experts sont partagés quant à la capacité du mouvement à aboutir à un réel changement.

De multiples vagues de protestation antigouvernementale ont secoué l'Iran au cours des deux dernières décennies, depuis les manifestations étudiantes de 1999, au cours desquelles sept étudiants ont trouvé la mort, jusqu'au Mouvement vert de 2009, qui a pris fin après que 72 manifestants ont été tués par les forces de sécurité.

Plus tard, la crise du gaz et du carburant de 2019 a rassemblé 200 000 personnes dans les rues et fait au moins 143 morts, selon l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International.

Toutefois, les manifestations actuelles, qui font suite à la mort d'Amini en garde à vue pour avoir prétendument enfreint les règles strictes du pays relatives au port du voile, représentent une sorte de changement radical, la réponse habituelle et brutale du régime n'ayant pas réussi à freiner leur élan.

«En 2009, la plupart des manifestants étaient issus des classes moyennes. En 2022, les manifestants appartiennent aux classes populaires et aux sections inférieures des classes moyennes», a expliqué à Arab News Yassamine Mather, rédactrice en chef de la revue universitaire britannique Critique et spécialiste de la politique iranienne.

«Cela signifie qu'il y a un plus grand nombre de personnes impliquées dans les protestations et que les manifestants sont plus jeunes et plus courageux qu'en 2009. Ils ne semblent pas découragés par les attaques des forces de sécurité.»

«La situation actuelle est comparable à celle de 1979. Tout cela coïncide avec des grèves de travailleurs et des troubles généraux sans précédent. Il semble que la répression, les restrictions d'accès à Internet, les arrestations et les meurtres de manifestants ont échoué.»

Les manifestations nationales qui ont eu lieu en Iran cette année sont les plus importantes depuis des décennies. (AFP)
Les manifestations nationales qui ont eu lieu en Iran cette année sont les plus importantes depuis des décennies. (AFP)

En effet, à l'heure où ces lignes sont écrites, ce que les groupes anti-gouvernementaux appellent la «révolution Mahsa Amini» est devenu le mouvement le plus important, le plus profond et le plus sanglant auquel le régime ait été confronté depuis sa prise du pouvoir lors de la révolution de 1979.

Des manifestations ont eu lieu dans plus de 80 villes du pays, impliquant des hommes et des femmes, des personnes de tous âges et de toutes origines ethniques. Les affrontements ont fait plus de 200 morts, dont des écoliers.

Au départ, les revendications du mouvement portaient sur les exigences vestimentaires strictes imposées aux femmes en Iran, avant d'inclure des appels à une plus grande liberté civique, pour finalement aboutir à une demande concertée de suppression pure et simple du régime clérical.

Sanam Vakil, chercheuse associée au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de Chatham House, a déclaré à Arab News que les dernières manifestations étaient les plus importantes auxquelles le régime ait été confronté.

«Malgré la répression du gouvernement, la persistance des manifestations et la multitude de groupes qui viennent exprimer leurs doléances –  femmes, étudiants, syndicats, groupes ethniques, groupes de jeunes – révèlent l'ampleur du mécontentement en Iran», a précisé Vakil.

«Ces groupes ne se sont pas encore réunis en même temps, et cette approche décentralisée est également une qualité distinctive.»

Vakil et Mather considèrent l'approche décentralisée comme «une chance et une malédiction» à la fois, et craignent que l'absence d'une figure de proue ne s'avère encore plus problématique alors que les troubles se poursuivent.

Des manifestants iraniens se rassemblent autour d'une moto en feu lors d'une manifestation contre la hausse des prix de l'essence dans la ville centrale d'Ispahan, le 16 novembre 2019. (AFP, photo)
Des manifestants iraniens se rassemblent autour d'une moto en feu lors d'une manifestation contre la hausse des prix de l'essence dans la ville centrale d'Ispahan, le 16 novembre 2019. (AFP, photo)

«Le manque de coordination et d'organisation peut devenir un problème grave au moment où les manifestations s'intensifient et où la répression augmente", a affirmé Mather. «L'absence d'une alternative (au gouvernement) constitue un problème et je ne crois pas à l'idée que le leadership progressiste émerge spontanément des rangs des manifestants. Cela ne s'est encore jamais produit.»

Avoir une figure de proue à la tête d'un mouvement permet de formuler clairement ses objectifs au nom de l'ensemble de la population. En revanche, les manifestations actuelles ressemblent moins à une révolution qu'à un déversement public de colère, qui finira par s'éteindre.

Dania Koleilat Khatib, cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, pense que les figures de proue peuvent renforcer les mouvements sociaux de plusieurs façons importantes.

«[Ces figures] peuvent vous emmener au-delà de la colère», a indiqué Khatib à Arab News. Cependant, on a tendance à «oublier que ces choses prennent du temps». Les mouvements anti-gouvernementaux réussis prennent généralement «au moins deux ans», a-t-elle poursuivi.

Vakil, qui reconnaît que l'identification d'un leader «nécessite du temps», ajoute que le processus a été perturbé par le fait que le régime iranien a été très efficace dans ses efforts d'emprisonnement, d'exil et de réduction au silence de toute figure de proue potentielle.

En un sens, l'absence d'un leader clairement identifié pourrait constituer une force. Selon Mather, l'approche décentralisée rend beaucoup plus difficile l'endiguement des manifestations par des leaders «réformistes» issus du système, qui peuvent simplement vouloir remplacer des fonctionnaires en poste et assouplir certaines règles sociales impopulaires, mais qui ont finalement l'intention de ne pas toucher à la majeure partie du régime et de ses politiques.

Nadim Shehadi, membre associé de Chatham House et ancien responsable de son programme pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, estime que la désignation d'une figure de proue serait préjudiciable au mouvement.

Des manifestants iraniens scandent des slogans lors d'une manifestation en août 2009 contre la prestation de serment du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à Téhéran. (AFP, photo)
Des manifestants iraniens scandent des slogans lors d'une manifestation en août 2009 contre la prestation de serment du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à Téhéran. (AFP, photo)

«Je crois fortement qu'une figure de proue serait une énorme erreur susceptible de renforcer le régime», a dit Shehadi, interrogé par Arab News. «Cela permettrait d'abattre très facilement n'importe qui, ce qui rendrait le régime plus fort.»

«J'ai dit la même chose en 2011 lors de plusieurs réunions avec la communauté internationale alors qu'elle était occupée à essayer de former une opposition syrienne crédible. Il incombe à l'opposition de prouver sa viabilité, sa force, sa légitimité et son leadership.»

«Une opposition diffuse et généralisée qui délégitime son pouvoir est le moyen d'affaiblir le régime iranien. Il s'agit de maintenir l'attention sur son incapacité à gouverner.»

Arash Azizi, historien à l'université de New York et auteur de «The shadow commander: Soleimani, the US and Iran's global ambitions», estime qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une figure de proue, mais que «l'organisation et le leadership» sont nécessaires pour faire face à la nature «supercentralisée» d'un régime soutenu par de puissantes forces de sécurité et environ 15 % de la population.

«Le mouvement requiert une organisation dont les points de contact sont reliés les uns aux autres», a déclaré Azizi à Arab News. «Cela peut émerger à l'intérieur de l'Iran, bien que ce soit difficile, mais aussi de l'extérieur si les dirigeants iraniens à l'étranger parviennent à mettre fin à leurs querelles et à s'unir.»

«Ces [dirigeants] ont un très bon accès interne à l'Iran. Une opposition unie pourrait passer à la télévision tous les soirs, mais l'occasion n'a pas encore été saisie. J'espère qu'ils s'en rendront compte.»

Shehadi, de Chatham House, a souligné que la durée de vie des manifestations était quelque peu «intangible» et qu'elle dépendait autant du régime que des manifestants. Il a rappelé que l'Égyptien Hosni Moubarak a résisté à 11 jours de manifestations avant de se retirer, que le Libyen Mouammar Kadhafi a été tué et que Bachar Assad a répondu en «brûlant le pays» et demeure en poste à ce jour.

Cette image UGC publiée sur Twitter le 26 octobre 2022 montre une femme non voilée debout sur le toit d'un véhicule alors que des milliers de personnes se dirigent vers le cimetière d'Aichi à Saqez, la ville natale de Mahsa Amini, dans la province du Kurdistan, à l'ouest de l'Iran. (AFP)
Cette image UGC publiée sur Twitter le 26 octobre 2022 montre une femme non voilée debout sur le toit d'un véhicule alors que des milliers de personnes se dirigent vers le cimetière d'Aichi à Saqez, la ville natale de Mahsa Amini, dans la province du Kurdistan, à l'ouest de l'Iran. (AFP)

Khatib, du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, semble plus réservée quant à l'approche d'Assad. Elle estime qu'il «vit en sursis», mais que la capacité des manifestants iraniens à tolérer des niveaux croissants de brutalité jouera un rôle important.

Shehadi partage son avis et affirme que les manifestants devront être capables de «tolérer énormément de décès», et que la seule limite à la violence du régime réside dans la volonté de la communauté internationale de la laisser se produire. «Nous avons vu en Syrie que la communauté internationale peut être très tolérante à cet égard», a-t-il souligné.

«Tout dépend vraiment de l'endurance des manifestants», a ajouté Khatib. «Je ne les vois pas tenir le coup parce que ce régime se révèle extrêmement brutal et, s'il parvient à unir ses différentes factions, je pense que les protestations cesseront, mais alors le régime vivra en sursis.»

Bien que leurs avis divergent quant à la manière dont les manifestants pourraient aboutir à un changement, tous les analystes interrogés par Arab News ont reconnu que des fissures semblaient se former dans le régime. Khatib a par ailleurs évoqué les disparités entre le Corps des Gardiens de la révolution islamique et le Conseil suprême de sécurité nationale.

«Je pense que nous risquons de voir se développer une lutte entre ces centres de pouvoir, notamment avec la succession imminente de (l'ayatollah) Khamenei, qui a poussé son fils Mojtaba à le remplacer, bien qu'il soit profondément détesté», a déclaré Khatib.

Quant à Azizi, il pense que certains éléments indiquent que Mojtaba aurait bénéficié d'un soutien de la part des Gardiens de la révolution islamique, même si l'hypothèse selon laquelle Khamenei serait à l'origine de cette initiative n'est que pure spéculation. «Mais, quand Khamenei sera parti, peut-être que le CGRI n'aura pas besoin de son fils», a-t-il fait remarquer.

Azizi, Mather et Vakil s'accordent également à dire qu'il existe des divisions au sein de l'establishment sur la manière de gérer les manifestations, alors que les partisans de la ligne dure, qui considèrent le compromis comme une faiblesse, sont déterminés à redoubler d'ardeur, quitte à détruire le pays.

«Les réformistes pragmatiques comme (Ali) Larijani perçoivent le compromis sur les questions sociales comme une voie pour restaurer la légitimité perdue du gouvernement», a ajouté Vakil. «Mais sans consensus sur la façon de traiter ces questions, la stagnation politique suivra, et les protestations l'emporteront.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Vision 2030: le Cabinet remercie les agences impliquées

Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, assiste à la session du Cabinet, mardi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, assiste à la session du Cabinet, mardi. (SPA)
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  • Le Conseil des ministres a souligné que la sécurité du Moyen-Orient exigeait d'accélérer la recherche d'une solution juste et globale à la question palestinienne
  • Le Conseil a affirmé que le Royaume poursuivait ses efforts pour accélérer le redressement économique de la République arabe syrienne

RIYAD: Le Conseil des ministres a salué les efforts des agences gouvernementales ayant contribué aux avancées réalisées dans le cadre de la Vision saoudienne 2030, alors que le Royaume se rapproche de l’atteinte de ses objectifs clés, a rapporté mardi l’Agence de presse saoudienne (SPA).

D’après le rapport annuel 2024 de la Vision, 93% des principaux indicateurs de performance ont été entièrement ou partiellement atteints depuis le lancement de l’initiative il y a neuf ans.

Le ministre des Médias, Salman al-Dosari, a précisé que le cabinet avait discuté de la troisième et dernière phase de la Vision 2030, qui débutera en 2026. Cette phase visera à pérenniser l’impact des transformations déjà engagées tout en exploitant de nouvelles opportunités de croissance.

Le Conseil des ministres a également salué le don généreux d’un milliard de riyals saoudiens (266,6 millions de dollars; 1 dollar = 0,88 euro) effectué par le prince héritier Mohammed ben Salmane, destiné à soutenir des projets de logement pour les bénéficiaires saoudiens éligibles et les familles dans le besoin.

Le cabinet a souligné que ce don illustre l’engagement constant du prince héritier à améliorer la qualité de vie des citoyens, ainsi que son intérêt soutenu pour le secteur du logement et les initiatives visant à offrir des logements décents aux familles méritantes à travers le Royaume.

Le prince Mohammed a également informé le Conseil de sa rencontre avec le roi Abdallah II de Jordanie, ainsi que de ses échanges avec le Premier ministre indien Narendra Modi.

Le cabinet a salué les résultats de la deuxième réunion du Conseil de partenariat stratégique saoudo-indien, soulignant le développement continu des relations économiques, commerciales et d’investissement entre les deux pays.

Le Conseil des ministres a souligné que la sécurité du Moyen-Orient exigeait d'accélérer la recherche d'une solution juste et globale à la question palestinienne, conformément aux résolutions de la légitimité internationale, à l'initiative de paix arabe et à la création d'un État palestinien indépendant le long des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Le Conseil a affirmé que le Royaume poursuivait ses efforts pour accélérer le redressement économique de la République arabe syrienne et a renouvelé son appel aux institutions financières régionales et internationales pour qu'elles reprennent et étendent leurs opérations dans le pays.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
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  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
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  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.