Les accords Israël-EAU-Bahreïn au menu du débat stratégique d'Abou Dhabi

(De gauche à droite) Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président américain Donald Trump, le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn Abdullatif al-Zayani                     et le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis Abdullah bin Zayed Al-Nahyan salue leurs spectateurs depuis le balcon Truman à la Maison Blanche, après la signature de l’Accord d'Abraham, à Washington, DC, le 15 septembre 2020 (AFP / Fichier Photo)
(De gauche à droite) Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président américain Donald Trump, le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn Abdullatif al-Zayani et le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis Abdullah bin Zayed Al-Nahyan salue leurs spectateurs depuis le balcon Truman à la Maison Blanche, après la signature de l’Accord d'Abraham, à Washington, DC, le 15 septembre 2020 (AFP / Fichier Photo)
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Publié le Jeudi 12 novembre 2020

Les accords Israël-EAU-Bahreïn au menu du débat stratégique d'Abou Dhabi

  • Les accords d'Abraham sont une nécessité en raison de la concurrence géopolitique «omniprésente» dans la région
  • Un autre potentiel stratégique cité par Yadlin est une coopération accrue entre les États du Golfe, Israël et les États-Unis pour faire face à «l'activité terroriste iranienne»

DUBAI: La récente normalisation des relations entre Israël et les deux pays du Conseil de la coopération du Golfe (CCG), les Émirats arabes unis et le Bahreïn, pourrait très bien préparer le terrain pour une résolution du conflit israélo-palestinien. C’est l’une des principales observations d’experts qui ont pris part à une table ronde dans le cadre du débat stratégique de trois jours d’Abu Dhabi.

Parsemée de références aux «nouveaux calculs» stratégiques et aux «changements des règles du jeu», la session de mardi, intitulée «Le Golfe: nouveaux calculs», a été l’un des temps forts du septième débat stratégique d’Abou Dhabi, organisé par le Centre des politiques des Émirats.

«La carte géopolitique de la distribution de la puissance au Moyen-Orient a complètement changé», a déclaré Abdulla bin Ahmed Al-Khalifa, président du Centre d'études stratégiques, internationales et énergétiques (Derasat) de Bahreïn.

«Si nous examinons les deux dernières décennies, nous constatons que certains pays jouaient un rôle central auparavant mais, pour des raisons de guerres civiles, d'insécurité ou de stagnation économique, ne sont pas capables de le faire maintenant. Si nous analysons les pays du Golfe en particulier, nous constatons qu’ils sont rapidement devenus des favoris menant la région en termes de paix, de développement économique et d'affaires politiques et régionales.

Al-Khalifa a déclaré que les États du CCG ont réussi à préserver leur sécurité intérieure par rapport au reste de la région. Ils ont continué de se concentrer sur un développement économique positif en fournissant des services nécessaires et modernes à leurs populations et à leurs résidents, tout en attirant des grands penseurs du monde entier.

Un autre potentiel stratégique cité par Amos Yadlin à l'DSAD est une coopération accrue entre les États du Golfe, Israël et les États-Unis pour faire face à «l'activité terroriste iranienne» et les mandataires de l'Iran, qui, selon lui, déstabilisent le Moyen-Orient (AFP / Khamenei.ir / Fichier Photo)
Un autre potentiel stratégique cité par Amos Yadlin à l'DSAD est une coopération accrue entre les États du Golfe, Israël et les États-Unis pour faire face à «l'activité terroriste iranienne» et les mandataires de l'Iran, qui, selon lui, déstabilisent le Moyen-Orient (AFP / Khamenei.ir / Fichier Photo)

«Il existe des indicateurs très positifs qui montrent que les pays du Golfe sont dans une position plus avantageuse», a-t-il déclaré. «Les prévisions indiquent que si le CCG devait continuer sur une trajectoire de développement économique aussi positive jusqu'en 2030, il serait le sixième plus grand bloc économique du monde. Ça en dit long».

Pour mettre les réalisations du CCG en perspective, Al-Khalifa a cité une estimation du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés en date de 2014, et qui situait le nombre de réfugiés quittant leur ville natale, principalement du Moyen-Orient vers l'Europe, à 225 000. Un an plus tard, ce nombre a quadruplé pour atteindre un peu plus d'un million, avant de commencer à diminuer progressivement.

«Ce qui s'est passé en 2015 seulement, c'est l'acheminement continu de fonds vers les zones de tension et le financement d'organisations terroristes et extrémistes dans certaines parties du Moyen-Orient», a-t-il affirmé. «Cela a provoqué une plus grande instabilité, qui a miné la sécurité de nombreux pays de la région tout en poussant davantage de réfugiés à fuir vers l'Europe».

Al-Khalifa a bien noté que la «pression économique» (maximale) exercée sur l'Iran par l'administration Trump et de la qualification du Corps des gardiens de la révolution islamique comme une organisation terroriste l'année dernière, mais il a fait savoir qu'aucune mesure décisive n’a été prise. «Beaucoup pensent que le régime iranien actuel parie sur une nouvelle administration américaine», a-t-il déclaré. «Et nous devons encore voir les résultats définitifs des élections américaines, qui ne se sont pas encore reflétés dans les développements au Moyen-Orient».

De son côté, Albadr Alshateri, ancien professeur de sciences politiques au National Defence College d'Abu Dhabi, a décrit les accords d'Abraham, signés par Israël, les Émirats Arabes Unis et le Bahreïn, comme une nécessité, en raison de la concurrence géopolitique «omniprésente» dans la région. Il a déclaré que les trois signataires de l’accord considèrent l’Iran comme une menace commune, tout en ajoutant qu’ils se sont unis en raison de «l’effondrement» progressif du système étatique arabe, qui est en déclin, en particulier depuis 1990 et tout juste après l’invasion du Koweït.

Débat stratégique d'Abu Dhabi

  • Le 7e DSAD a eu lieu du 9 au 11 novembre
  • Les principaux sujets étaient la pandémie, les élections américaines et l’accord EAU-Israël
  • Les discussions ont été menées via Zoom et diffusées en direct sur les réseaux sociaux

«Le système d'État arabe était une structure qui a façonné les politiques étrangères des différents États arabes en fournissant un leadership face aux menaces et aux défis extérieurs», a-t-il déclaré. «Depuis ce déclin ou cet écroulement, les principaux États arabes sont maintenant dans le chaos ou sont des États en chute, comme la Syrie et peut-être l'Irak. L’Égypte est peut-être trop préoccupée par ses propres défis pour jouer le rôle important qu’elle jouait auparavant dans le système régional arabe».

D'un point de vue mondial, Alshateri a déclaré que le manque de «centre de gravité» se fait sentir, car le déclin du rôle de Washington dans la région ne lui permet pas de jouer son rôle traditionnel de policier politique dans la région. Il a exprimé un optimisme prudent en appelant à la nécessité de voir les résultats de la normalisation des relations entre le Bahreïn, les Émirats arabes unis et Israël emmenant un plus grand nombre de pays rejoignant ce processus de paix.

«Je préconise personnellement quelque chose comme un traité de paix de Westphalie pour toute la région où tous les pays, indépendamment de leur composition ethnique ou de leurs croyances, peuvent coexister dans une atmosphère de paix et d’harmonie», a déclaré Alshateri.

«S'ils ne peuvent vivre en harmonie, au moins ils peuvent cohabiter à l'intérieur de frontières sûres. Si les nouveaux accords d'Abraham peuvent créer un tel environnement ou une telle transformation, alors nous pouvons parler de changeurs de jeu. L'impact que la normalisation des relations aura à l'avenir est quelque qui doit encore faire ses preuves en pratique».

Erel Margalit, fondateur et président de la start-up Jerusalem Venture Partners (JVP). Visite des membres de la délégation israélienne de haute technologie au marché financier de Dubaï (MFD) le 27 octobre 2020 (AFP / Fichier Photo)
Erel Margalit, fondateur et président de la start-up Jerusalem Venture Partners (JVP). Visite des membres de la délégation israélienne de haute technologie au marché financier de Dubaï (MFD) le 27 octobre 2020 (AFP / Fichier Photo)

En conclusion, Alshateri a appelé à la résolution du conflit israélo-palestinien, affirmant qu'il s'agissait d’un problème central entre les Arabes et les Israéliens. «Résoudre ce problème nous mènera certainement vers une région plus stable et plus sûre», a-t-il déclaré. «A défaut de quoi, les choses deviendront encore plus difficiles. Il y a, à coup sûr, une grande rancœur entre ces peuples».

Participant à la même table ronde, Amos Yadlin, major-général à la retraite des Forces de défense israéliennes et directeur exécutif de l'Institut d'études sur la sécurité nationale de l'Université de Tel Aviv, a attribué au processus de normalisation Israël-EAU-Bahreïn une convergence d'intérêts et de valeurs, y compris la modernisation, la modération, la stabilité et la paix.

«Le potentiel de changer la donne est de montrer au public au Moyen-Orient, qui souffre des guerres civiles en Syrie, en Libye et en Irak, l'influence négative de la Turquie et de l'Iran et de montrer clairement qu'il existe une autre façon d'avoir de meilleures relations qui se répercutera positivement sur tout le monde, pas seulement parmi les leaders arabes », a déclaré Yadlin.

«Le potentiel est également là pour avancer les choses sur la question israélo-palestinienne. Les EAU ont mis fin à l'annexion et les Palestiniens peuvent revenir pour négocier. Ce sera encore plus facile avec la nouvelle administration américaine. Le Golfe se rend compte qu’il peut utiliser les accords de paix pour promouvoir les négociations entre Israéliens et Palestiniens».

Un autre potentiel stratégique cité par Yadlin est une coopération accrue entre les États du Golfe, Israël et les États-Unis pour faire face à «l'activité terroriste iranienne» et les mandataires de l'Iran, qui, selon lui, déstabilisent le Moyen-Orient.

«Nous pouvons coopérer dans ce domaine», a-t-il déclaré. «Nous ne recherchons ni la guerre, ni les affrontements. Mais le fait même que l'Iran saura que nous partageons des renseignements et que nous sommes ensemble pour faire face aux défis est une autre opportunité pour modifier complétement la répartition des forces au Moyen-Orient. Si la confiance s’installe entre les leaders arabes et leur peuple, nous pouvons tous voir un meilleur Moyen-Orient».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un an après la chute d’Assad, les Syriens affichent un fort soutien à al-Chareh

Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
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  • Un sondage révèle un optimisme croissant et un large soutien aux progrès du gouvernement après la chute d’Assad
  • L’Arabie saoudite apparaît comme le pays étranger le plus populaire, Trump reçoit également un soutien marqué

LONDRES : Alors que les Syriens ont célébré cette semaine le premier anniversaire de la chute de Bachar Al-Assad, une enquête menée dans le pays révèle un soutien massif au nouveau président et place l’Arabie saoudite comme principal partenaire international apprécié.

L’ancien président avait fui le pays le 8 décembre 2024, après une offensive éclair de l’opposition jusqu’à Damas, mettant fin à 14 ans de guerre civile.

La campagne était menée par Ahmad al-Chareh, aujourd’hui président du pays, qui s’efforce de stabiliser la Syrie et de rétablir des relations avec ses partenaires internationaux.

Ces efforts ont été salués dans un sondage récemment publié, montrant que 81 % des personnes interrogées ont confiance dans le président et 71 % dans le gouvernement national.

Les institutions clés bénéficient également d’un fort soutien : plus de 70 % pour l’armée et 62 % pour les tribunaux et le système judiciaire.

L’enquête a été menée en octobre et novembre par Arab Barometer, un réseau de recherche américain à but non lucratif.

Plus de 1 200 adultes sélectionnés aléatoirement ont été interrogés en personne à travers le pays sur une large gamme de sujets, notamment la performance du gouvernement, l’économie et la sécurité.

Le large soutien exprimé envers al-Chareh atteint un niveau enviable pour de nombreux gouvernements occidentaux, alors même que la Syrie fait face à de profondes difficultés.

Le coût de la reconstruction dépasse les 200 milliards de dollars selon la Banque mondiale, l’économie est dévastée et le pays connaît encore des épisodes de violence sectaire.

Al-Chareh s’efforce de mettre fin à l’isolement international de la Syrie, cherchant l’appui de pays de la région et obtenant un allègement des sanctions américaines.

Un soutien clé est venu d’Arabie saoudite, qui a offert une aide politique et économique. Le sondage place le Royaume comme le pays étranger le plus populaire, avec 90 % d’opinions favorables.

Le Qatar recueille lui aussi une forte popularité (plus de 80 %), suivi de la Turquie (73 %).

La majorité des personnes interrogées — 66 % — expriment également une opinion favorable envers les États-Unis, saluant la décision du président Donald Trump d’assouplir les sanctions et l’impact attendu sur leur vie quotidienne.

Après sa rencontre avec al-Chareh à Washington le mois dernier, Trump a annoncé une suspension partielle des sanctions, après en avoir déjà assoupli plusieurs volets.

Le sondage montre que 61 % des Syriens ont une opinion positive de Trump — un niveau supérieur à celui observé dans une grande partie du Moyen-Orient.

En revanche, l’enthousiasme est bien moindre concernant les efforts américains pour normaliser les relations entre la Syrie et Israël.

Seuls 14 % soutiennent cette démarche, et à peine 4 % disent avoir une opinion favorable d’Israël.

Lors du chaos provoqué par la chute d’Assad, l’armée israélienne a occupé de nouveaux territoires dans le sud de la Syrie et a mené de fréquentes attaques au cours de l’année écoulée.

Plus de 90 % des Syriens considèrent l’occupation israélienne des territoires palestiniens et les frappes contre l’Iran, le Liban et la Syrie comme des menaces critiques pour leur sécurité.

Dans Foreign Policy, Salma Al-Shami et Michael Robbins (Arab Barometer) écrivent que les résultats de l’enquête donnent des raisons d’être optimiste.

« Nous avons constaté que la population est pleine d’espoir, favorable à la démocratie et ouverte à l’aide étrangère », disent-ils. « Elle approuve et fait confiance à son gouvernement actuel. »

Mais ils notent aussi plusieurs sources d’inquiétude, notamment l’état de l’économie et la sécurité interne.

Le soutien au gouvernement chute nettement dans les régions majoritairement alaouites.

La dynastie Assad, au pouvoir pendant plus de 50 ans, était issue de la minorité alaouite, dont les membres occupaient de nombreux postes clés.

L’économie reste la principale préoccupation : seuls 17 % se disent satisfaits de sa performance, et beaucoup s’inquiètent de l’inflation, du chômage et de la pauvreté.

Quelque 86 % déclarent que leurs revenus ne couvrent pas leurs dépenses, et 65 % affirment avoir eu du mal à acheter de la nourriture le mois précédent.

La sécurité préoccupe aussi : 74 % soutiennent les efforts du gouvernement pour collecter les armes des groupes armés et 63 % considèrent l’enlèvement comme une menace critique.

À l’occasion de l’anniversaire de la chute d’Assad, lundi, al-Chareh a affirmé que le gouvernement œuvrait à construire une Syrie forte, à consolider sa stabilité et à préserver sa souveraineté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
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  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
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  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".