Le Pakistan dans une «situation périlleuse» après la tentative d'assassinat d'Imran Khan

Des policiers montent la garde lors d'une manifestation de partisans de l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan contre la tentative d'assassinat dont il a été victime, à Karachi, le 5 novembre 2022. (Photo de Rizwan Tabassum / AFP)
Des policiers montent la garde lors d'une manifestation de partisans de l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan contre la tentative d'assassinat dont il a été victime, à Karachi, le 5 novembre 2022. (Photo de Rizwan Tabassum / AFP)
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Publié le Dimanche 06 novembre 2022

Le Pakistan dans une «situation périlleuse» après la tentative d'assassinat d'Imran Khan

  • Blessé par balles aux jambes, l'ex-Premier ministre a accusé son successeur Shehbaz Sharif, le ministre de l'Intérieur Rana Sanaullah et le général Faisal Nasir, d'avoir fomenté cet attentat visant à le tuer et d'en faire porter la responsabilité à un «fa
  • Une telle accusation publique de M. Khan, qui cite nommément un haut responsable militaire, atteint un niveau inédit

KARACHI : La tentative d'assassinat de l'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan et l'accusation de complot politique qu'il a ensuite proférée poussent le Pakistan dans une pente «périlleuse», soulignent des analystes.

Imran Khan a échappé à une tentative d'assassinat jeudi alors qu'il était à la tête d'une marche rassemblant plusieurs milliers de ses soutiens entre Lahore et la capitale Islamabad, pour obtenir la tenue d'élections anticipées, première étape dans sa reconquête espérée du pouvoir.

Blessé par balles aux jambes, l'ex-Premier ministre a accusé son successeur Shehbaz Sharif, le ministre de l'Intérieur Rana Sanaullah et le général Faisal Nasir, un haut responsable du renseignement, d'avoir fomenté cet attentat visant à le tuer et d'en faire porter la responsabilité à un «fanatique religieux».

«La situation politique au Pakistan est entrée dans une phase dangereuse», a déclaré à l'AFP l'analyste Tauseef Ahmed Khan.

Cet expert, également membre du bureau de la Commission sur les droits humains du Pakistan, estime que «dans un pays avec une histoire de chaos politique, les bruits se répètent».

Imran Khan, bien qu'évincé du pouvoir en avril, bénéficie toujours d'un soutien de la population et se bat contre une flopée de plaintes du gouvernement en place.

Or le gouvernement, pour sa survie, dépend de plus en plus de sa puissante armée - souvent qualifiée d'«Etat profond», une dépendance qui augmente avec la pression, selon l'expert.

«C'est une situation périlleuse - non seulement pour le processus démocratique mais aussi pour le pays - s'agissant particulièrement du développement économique», estime-t-il.

Car les «problèmes de la pauvreté, de la faim et du développement passent au second plan».

- «Chaos, désespoir, déception» -

MM. Khan et Sharif se sautent à la gorge depuis des mois, s'accusant d'incompétence et de corruption, avec un langage et un ton empreints de mépris.

Mais une telle accusation publique de M. Khan, qui cite nommément un haut responsable militaire, atteint un niveau inédit.

Car M. Khan ne fournit aucune preuve pour soutenir ses accusations, que le gouvernement a d'ailleurs balayées comme des «mensonges et fabrications».

Critiquer l'armée - qui a géré le pays la moitié de ses 75 ans d'histoire, a toujours été une ligne rouge à ne pas dépasser, mais M. Khan ne s'en prive pas, usant de plus en plus de véhémence à l'égard des autorités militaires dont il tirerait pourtant son initiale ascension au pouvoir.

Dans un communiqué publié vendredi, l'armée a exhorté le gouvernement à engager des poursuites pour diffamation contre M. Khan.

Des responsables de son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), sont aussi en ligne de mire.

Certains ont déjà été poursuivis pour «sédition» et d'autres chefs d'accusation depuis le départ de M. Khan du pouvoir, ainsi que des journalistes considérés proches de l'ancien Premier ministre.

«Il semble maintenant qu'une opération pourrait être lancée contre le PTI», a prévenu l'expert Ahmed Khan, soulignant que le parti pourrait se fractionner.

Si les énormes manifestations de soutien à l'ancien dirigeant tendent à montrer à ses adversaires et à l'armée qu'il a la faveur du public, le résultat pourrait être «chaos, désespoir et déception», ajoute l'analyste.

Dans un tel climat chargé, les accusations et démentis multiples de part et d'autre, ont peu de chances d'être instruits convenablement, estime Kaiser Bengali, un autre analyste politique, basé à Karachi.

Et cela laisse de la place pour les théories du complot, assure-t-il.

«L'Etat a perdu sa légitimité (... ainsi que) la police, le droit et d'autres institutions - mêmes judiciaires», observe-t-il.

L'armée «se demande ce qui est allé de travers et ce qu'ils peuvent faire» maintenant, ajoute l'expert.

- Lutte «mesquine» pour des «miettes» -

Le gouvernement a nié toute implication dans cette tentative d'assassinat, qu'il a attribuée à un seul assaillant originaire d'un village pauvre, motivé par des considérations religieuses.

Le Pakistan est aux prises depuis des décennies avec des mouvements islamistes violents, qui ont une forte influence sur une large partie de la population à majorité musulmane.

Imran Khan affirme que ses opposants l'accusent d'avoir «profané la religion ou le prophète».

«L'extrémisme religieux est une arme que le PTI utilise - de même que l'armée et l'Etat», précise M. Bengali. «On se dirige donc vers une situation immensément dangereuse».

Or derrière la crise politique se cache une crise plus envahissante encore: la crise économique.

«L'Etat est en faillite, toutes les ressources qu'il a sont dépensées par les services de la dette, la défense, et les salaires gouvernementaux», ajoute l'analyste.

«Quelles que soient les miettes disponibles, les politiciens se battent (pour ce qui reste)... c'est pourquoi la lutte est devenue si mesquine.»


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.