Attentat de Nice: Un deuxième accusé décrit comme «loin d'une posture djihadiste»

Ce croquis d'audience montre le palais de justice de Paris lors de la journée d'ouverture du procès des suspects de l'attaque au camion de Nice en 2016 qui a tué 86 personnes (Photo, AFP).
Ce croquis d'audience montre le palais de justice de Paris lors de la journée d'ouverture du procès des suspects de l'attaque au camion de Nice en 2016 qui a tué 86 personnes (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 09 novembre 2022

Attentat de Nice: Un deuxième accusé décrit comme «loin d'une posture djihadiste»

  • La dixième semaine du procès à Paris est consacrée à ce Tunisien de 43 ans, arrivé en France quelques mois avant les faits
  • En détention provisoire depuis l'été 2016, il encourt 20 ans de réclusion criminelle

PARIS: Au procès de l'attentat de Nice, qui a fait 86 morts le 14 juillet 2016, le deuxième accusé interrogé par la cour d'assises spéciale, Chokri Chafroud, a été décrit mardi comme "influençable" mais "loin d'une posture djihadiste."

La dixième semaine du procès à Paris est consacrée à ce Tunisien de 43 ans, arrivé en France quelques mois avant les faits et qui compte parmi les trois accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste.

En détention provisoire depuis l'été 2016, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Chokri Chafroud, quatrième d'une famille de sept enfants, a grandi dans un village près de Sousse (est de la Tunisie), où son père était agriculteur. Décrit par ses proches comme "timide, calme", il quitte l'école à 11 ans.

En pull gris clair sur chemise bleue, mains posées sur le plexiglas du box, il répond avec application aux questions en arabe tunisien. La tête un peu penchée, il demande souvent de répéter ou préciser.

Son "potentiel intellectuel" a été décrit par l'expert psychologue comme "dans la moyenne inférieure", avec "un niveau socio-culturel et scolaire modeste", rappelle l'un de ses avocats, Florian François-Jacquemin.

Une analyse qu'il juge incompatible avec la description de son client par les enquêteurs comme un "mentor influent sur la personnalité instable" de l'auteur de l'attentat, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, tué lors de l'attaque au volant de son camion.

Le rapport dressé en prison, au quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), évoque à l'inverse "sa sensibilité à l'influence, notamment de la part d'une personne qui s'inscrirait dans une posture d'aide salvatrice" et son "manque de discernement et de recul sur les rencontres qu'il pourrait faire".

L'éducateur spécialisé qui l'a rencontré souligne qu'il "semble loin d'une posture djihadiste" et qu'il n'a "jamais exprimé de critiques à l'égard de l'Occident et de ses valeurs".

Pas de cet avis, plusieurs avocats de parties civiles mettent en exergue plusieurs messages, souvent grossiers, échangés entre l'accusé et l'auteur de l'attentat. Si certains montrent "une certaine animosité" envers la France, ce sentiment "ne ressort pas de l'ensemble des éléments" analysés, juge un enquêteur de la sous-direction antiterroriste (Sdat) entendu par visioconférence.

Une simple «connaissance»

Au QER, Chokri Chafroud assure avoir été ostracisé par les autres détenus parce qu'il écoutait de la musique et ne priait pas. Il évoque notamment des menaces de mort du cadre français du groupe État islamique Tyler Vilus, condamné en septembre 2021 en appel à la réclusion à perpétuité.

Il raconte avoir rejoint l'Italie en 2006 pour "découvrir une autre mentalité" et "vivre de la façon dont vivaient les touristes" qu'il côtoyait en Tunisie.

"Surtout, je souhaitais oublier mes douleurs", ajoute-t-il, en référence à un accident qui fait étrangement écho à l'attentat de Nice : alors qu'il était adolescent, un de ses amis était mort écrasé "devant (lui) par un camion".

En Italie, il travaille dans deux hôtels, est régularisé en 2010, mais repart brusquement en Tunisie en 2015. Selon lui, parce que son employeur lui refuse une augmentation. Ce dernier évoque un changement de comportement, avec une agressivité nouvelle, une consommation d'alcool accrue et un isolement qui lui avait fait suspecter une dépression.

Il arrive ensuite à Nice, en août 2015 ou janvier 2016, selon les versions, où il travaille dans le bâtiment et est hébergé de façon précaire.

Pour l'accusation, sa "très grande proximité" avec Mohamed Lahouaiej-Bouhlel est attestée par les photos trouvées dans le téléphone de l'assaillant, ainsi que par les nombreux messages qu'ils échangent, "le plus souvent à l'initiative de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel", reconnaît toutefois l'enquêteur.

C'était une simple "connaissance", que Chokri Chafroud fréquentait parce qu'il l'avait promis de l'aider à trouver un logement, assure sa défense.

Sa mise en cause repose notamment sur un message envoyé par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel à un autre accusé le soir de l'attentat, dans lequel il réclame de nouvelles armes et affirme : "Chokri et ses amis sont prêts pour le mois prochain".

Plusieurs contacts de Chokri Chafroud ont été placés en garde à vue après l'attentat, puis remis en liberté.

"Si les amis de Chokri n’ont rien à voir avec ce qui s’est passé, qu’est-ce qu’on peut en conclure pour Chokri Chafroud?", s'est interrogé Me François-Jacquemin.

Son interrogatoire doit se poursuivre jusqu'à jeudi.


Le plus grand squat de France évacué, des migrants déboussolés

Agrippés à leurs documents administratifs soigneusement mis sous pochette plastique, les migrants ont à peine quelques minutes pour expliquer leur situation, dans un français parfois approximatif ou un anglais balbutiant. (AFP)
Agrippés à leurs documents administratifs soigneusement mis sous pochette plastique, les migrants ont à peine quelques minutes pour expliquer leur situation, dans un français parfois approximatif ou un anglais balbutiant. (AFP)
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  • La plupart, demandeurs d'asile, sont fortement incités à rejoindre des «sas» --des structures d'accueil provisoires-- à Bordeaux (sud-ouest) et en Val de Loire (centre)
  • Depuis plusieurs mois, les associations dénoncent l'évacuation des squats de la région parisienne et campements de rue à un rythme plus soutenu

VITRY-SUR-SEINE: "Vous savez, en France, il n'y a pas que Paris. Bordeaux, c'est bien, il fait plus chaud qu'ici!": une employée de l'Office de l'immigration tente de convaincre un migrant évacué du plus grand squat de France, près de Paris, de partir dans le sud-ouest du pays. Sans grand succès.

Dans ce squat de Vitry-sur-Seine (sud de la capitale), une entreprise désaffectée occupée depuis presque trois ans, vivaient jusqu'à peu plusieurs centaines de migrants --jusqu'à 450--. Préparés depuis plusieurs jours par les associations à une évacuation imminente, les 300 personnes toujours présentes ont assisté mercredi, dans le calme, à l'arrivée des forces de l'ordre.

Des hommes seuls en majorité, des femmes et quelques enfants en bas-âge, en situation régulière en France pour beaucoup, sont sortis de cette ancienne entreprise de transport. En portant sacs et valise qui contiennent toutes leurs affaires d'une vie d'errance.

Dans le froid, visage fermé et inquiet, ils sont regroupés dans la cour. Derrière des tables, des personnels des préfectures et de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) les orientent et proposent des relogements provisoires.

Agrippés à leurs documents administratifs soigneusement mis sous pochette plastique, les migrants ont à peine quelques minutes pour expliquer leur situation, dans un français parfois approximatif ou un anglais balbutiant.

Sous la surveillance des forces de l'ordre, les files d'attente s'étirent devant ces bureaux à ciel ouvert. A l'exception de celui dédié aux départs en province.

La plupart, demandeurs d'asile, sont fortement incités à rejoindre des "sas" --des structures d'accueil provisoires-- à Bordeaux (sud-ouest) et en Val de Loire (centre). Les cars en partance pour ces destinations attendent devant les grilles mais peinent à se remplir.

«Je veux rester ici»

"Vous voulez aller en région? Il y a plus de place là-bas, c'est dynamique!", explique une employée de l'Ofii à un jeune migrant à l'air dubitatif qui comprend difficilement la proposition.

"Il n'y pas que Paris comme ville en France", insiste-t-elle. Peine perdue, son interlocuteur explique suivre une formation en Ile-de-France. Il est orienté vers la table voisine pour trouver une place dans un "sas" plus proche de Paris.

Abakar, lui aussi réfugié soudanais, 29 ans, était à Nantes (ouest). Il a rejoint la région parisienne pour suivre une formation en logistique. Le jeune homme dit avoir décroché une promesse d'embauche dans un supermarché: "Je veux rester ici, je ne peux pas toujours partir ailleurs".

Depuis plusieurs mois, les associations dénoncent l'évacuation des squats de la région parisienne et campements de rue à un rythme plus soutenu, selon eux, pour faire place nette avant les Jeux olympiques et ses milliers de touristes.

"Il y a des places dans des structures d'accueil près de Paris, mais, clairement, la volonté est de les éloigner de la capitale. Surtout avant les JO", assure Paul Alauzy, représentant de l'ONG Médecins du monde.

Merci Daniel, demandeuse d'asile soudanaise, a confié ses enfants à une association du Val-de-Marne, au sud-est de la capitale. A l'intérieur du squat, explique-t-elle, "il y avait trop de violence". Mais elle ne veut pas quitter l'Ile-de-France. "J'ai peur de ne pas les revoir". Elle est finalement orientée dans un hôtel à Boissy-Saint-Léger, en région parisienne, pour quelques jours.

Assise sur sa valise, Ishia, enceinte de cinq mois, semble perdue. Comme son mari, Gamaral, rencontré il y a quelques années lors d'un long parcours d'exil, elle a fui le Soudan. Ils sont arrivés en France il y a trois semaines.

Ishia est envoyée dans un hôpital. Gamaral, lui, ne "sait pas quoi espérer".


Pour la justice, la Seine-Saint-Denis ne peut être «l'Eldorado des blanchisseurs»

Palais de justice de Bobigny, au nord-est de Paris, le 15 janvier 2024. (AFP)
Palais de justice de Bobigny, au nord-est de Paris, le 15 janvier 2024. (AFP)
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  • Si les montants individuels ne sont pas forcément très élevés, les victimes peuvent se compter en centaines
  • En 2023, le tribunal de Bobigny a saisi pour environ 42 millions d'euros d'avoirs criminels, contre 39 millions d'euros l'année précédente

BOBIGNY: Dans une Seine-Saint-Denis confrontée à une importante criminalité organisée, la justice renforce ses capacités de lutte contre la délinquance financière, un travail d'enquête "très lent, très frustrant mais avec quelques succès", estime la juge d'instruction Claire Thépaut dans un entretien à l'AFP.

Vice-présidente du tribunal de Bobigny en charge des 16 juges d'instruction saisis des affaires les plus complexes, la magistrate de 52 ans supervise le renforcement de cette investigation spécialisée, dans une juridiction davantage rompue à la lutte contre les violences faites aux personnes ou les trafics en tous genres.

D'un premier passage à Bobigny au début des années 2000, Claire Thépaut avait gardé un sentiment d'inachevé. "J'étais partie avec une grande frustration de ne pas avoir instruit comme je l'aurais voulu les gros dossiers de blanchiment car j'étais complètement débordée par mes dossiers de meurtres, trafic de stupéfiants, extorsion et autres", raconte-t-elle, en recevant l'AFP dans son bureau.

Dans ce tribunal notoirement saturé, chaque juge d'instruction doit gérer plus d'une centaine de dossiers en simultané, avec une priorité donnée aux affaires tenues par des délais légaux en raison de personnes en détention provisoire.

Ce qui est plus rarement le cas dans les dossiers "éco-fi", qui s'empoussièrent souvent au bas de la pile.

Pour pallier cette carence, deux cabinets de juges d'instruction ont été créés à l'automne. Désormais, quatre juges travaillent sur les questions économiques et financières, dont deux à plein temps (contre trois juges partagés entre éco-fi et droit commun auparavant).

«Call-center de cocaïne»

"La Seine-Saint-Denis est considérée comme un endroit où l'on peut facilement créer des sociétés bidons et ouvrir des comptes sur lesquels on fait un peu ce qu'on veut pendant un peu trop longtemps à mon goût", décrit Claire Thépaut. "L'idée est d'éviter qu'elle ne soit vue comme l'Eldorado des blanchisseurs".

Dans son bureau défilent des dossiers d'"officines" de blanchiment d'espèces, dont le travail consiste à faire rentrer de manière masquée l'argent sale du travail dissimulé ou des divers trafics dans le système bancaire.

"Quand vous savez qu'un +call-center+ de cocaïne peut générer un chiffre d'affaires de 300 000 euros en espèces par mois, on se doute bien que ces espèces doivent être blanchies d'une manière ou d'une autre et qu'on ne peut pas tout dépenser en location de voitures ou en chambres d'hôtel", détaille la juge.

Les escroqueries en bande organisée (escroquerie à l'encart publicitaire fictif, escroquerie "à l'amour", etc.) sont également fréquentes. Si les montants individuels ne sont pas forcément très élevés, les victimes peuvent se compter en centaines.

Mais dans ce département parmi les plus pauvres et criminogènes de France métropolitaine, la circulation de l'argent sale constitue souvent un angle mort des services de police et de justice.

Travail de bénédictin 

"Une grande partie de nos effectifs de police travaille sur des affaires simples, des affaires de voie publique. Quand on veut faire des enquêtes au long cours, nous avons du mal à trouver des services susceptibles de le faire", déplore Claire Thépaut, signataire d'une récente tribune de 130 magistrats demandant plus de moyens humains et matériels face à la délinquance financière.

Être juge d'instruction sur les dossiers économiques et financiers relève parfois du travail de bénédictin: "on court après les banques pour avoir les documents, notamment à l'étranger, on est obligés d'auditionner de nombreuses personnes pour remonter toutes les sociétés écrans jusqu'aux bénéficiaires, c'est beaucoup plus compliqué".

"On est très lents, par manque de moyens, c'est souvent très frustrant mais on a quelques succès sur des dossiers avec d'énormes préjudices, d'énormes montants blanchis et de belles saisies", estime la magistrate, tenue au secret de l'instruction.

Une des priorités de sa nouvelle section est de "taper au porte-monnaie les délinquants". En 2023, le tribunal de Bobigny a saisi pour environ 42 millions d'euros d'avoirs criminels, contre 39 millions d'euros l'année précédente, selon des chiffres communiqués en début d'année par son procureur Eric Mathais.

Les chefs de juridiction espèrent instaurer à partir de 2025 une chambre correctionnelle spécialisée dans le jugement de dossiers de criminalité organisée et financière.


Cisjordanie: Paris «  condamne avec la plus grande fermeté les actes de violences  »

Deux Palestiniens ont été tués par balles lundi dans le nord de la Cisjordanie occupée après des heurts avec des colons israéliens, a indiqué lundi le ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne. (AFP).
Deux Palestiniens ont été tués par balles lundi dans le nord de la Cisjordanie occupée après des heurts avec des colons israéliens, a indiqué lundi le ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne. (AFP).
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  • La mort ce week-end d'un adolescent israélien assassiné dans des circonstances inconnues en Cisjordanie occupée a provoqué d'importantes représailles de colons qui ont attaqué des villages
  • La France "condamne le meurtre" de l'adolescent israélien ce week-end "qui ne saurait en aucune manière justifier ces violences", selon le communiqué du ministère

PARIS: La France "condamne avec la plus grande fermeté les actes de violence commis par des colons contre des civils palestiniens en Cisjordanie", et appelle les autorités israéliennes "à traduire sans délai les auteurs de ces violences en justice", indique mardi soir un communiqué du ministère français des Affaires étrangères.

La mort ce week-end d'un adolescent israélien assassiné dans des circonstances inconnues en Cisjordanie occupée a provoqué d'importantes représailles de colons qui ont attaqué des villages, incendié des maisons et des voitures palestiniennes au cours du week-end, tuant au moins deux personnes. En outre, deux Palestiniens ont été tués par balles lundi dans le nord de la Cisjordanie occupée après des heurts avec des colons israéliens, a indiqué lundi le ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne.

La France "condamne le meurtre" de l'adolescent israélien ce week-end "qui ne saurait en aucune manière justifier ces violences", selon le communiqué du ministère.