Journée d'action de magistrats, avocats et greffiers contre «une justice au rabais»

Des magistrats se rassemblent lors d'un rassemblement contre le projet de réforme de la police judiciaire (PJ) devant le palais de justice de Bordeaux, le 17 octobre 2022. (Photo de Philippe LOPEZ / AFP)
Des magistrats se rassemblent lors d'un rassemblement contre le projet de réforme de la police judiciaire (PJ) devant le palais de justice de Bordeaux, le 17 octobre 2022. (Photo de Philippe LOPEZ / AFP)
Short Url
Publié le Mardi 22 novembre 2022

Journée d'action de magistrats, avocats et greffiers contre «une justice au rabais»

  • «La réalité du terrain, ce sont toujours des audiences surchargées (...), des délais au-delà du raisonnable, des jugements non expliqués», écrivent 19 syndicats et organisations
  • Ils appellent à «renvoyer toutes les audiences» mardi

PARIS: Rassemblements dans plusieurs villes et grèves des audiences : magistrats, avocats et greffiers sont appelés à se mobiliser mardi contre une "justice au rabais", un an après une retentissante tribune qui avait étalé au grand jour leur "souffrance" au travail.

"La réalité du terrain, ce sont toujours des audiences surchargées (...), des délais au-delà du raisonnable, des jugements non expliqués", écrivent 19 syndicats et organisations de magistrats, d'avocats ou de conseillers d'insertion dans un communiqué commun, appelant à "renvoyer toutes les audiences" mardi.

Des rassemblements doivent également avoir lieu dans la journée, notamment à Paris devant le tribunal judiciaire à 12H00, pour dire le ras-le-bol d'une profession qui reste, selon les syndicats de magistrats, confrontée à une "charge de travail titanesque".

Il y a tout juste un an, la tribune signée par 3.000 d'entre eux et publiée dans le Monde avait créé un électrochoc et alerté sur les conditions de travail d'une institution rongée par une "grave perte de sens". Ecrit après le suicide d'une jeune collègue, le texte a aujourd'hui été paraphé par près de 8 000 magistrats, auditeurs de justice et greffiers.

Lancées par le gouvernement, les consultations des Etats généraux de la justice ont conforté ce diagnostic en concluant à "l'état de délabrement avancé" de l'institution, auquel le ministère a tenté de répondre en décrochant, pour 2023, une troisième hausse consécutive de 8% de son budget annuel.

"Avec ce budget de presque 10 milliards d’euros, le ministère de la Justice poursuit son changement de dimension avec des moyens à la hauteur de ses missions", avait estimé fin septembre le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, qui doit bientôt dévoiler un nouveau plan d'action.

L'exécutif s'est par ailleurs engagé à recruter 8 500 magistrats et personnels de justice supplémentaires d'ici à la fin du second quinquennat Macron et a annoncé une hausse de salaire de 1.000 euros mensuels en moyenne pour les juges judiciaires.

La tribune des 3.000 a "permis d'enclencher de nombreuses actions", assure-t-on à la Chancellerie.

«Epuisement professionnel»

Le compte n'y est toutefois pas, selon les organisations professionnelles.

"Si des recrutements de magistrats et de fonctionnaires de greffe sont prévus pour 2023, ils sont largement insuffisants et aucun plan d’action clair n’a été défini comme l'exigerait pourtant l'urgence de la situation", écrivent-elles dans leur communiqué commun.

D'après le Conseil de l'Europe, la France continue d'allouer moins de crédits à la justice que ses partenaires européens à PIB comparable: elle y consacrait 72,50 euros par habitant en 2020, contre 82,20 euros en Italie, 88 en Espagne ou 140,70 en Allemagne.

Selon les syndicats, les professionnels de la justice restent "en proie à une perte de sens" tandis que les justiciables sont "réduits à l’état de +dossiers+ et de +stocks+".

"Il y a un épuisement professionnel de magistrats qui travaillent le soir et le weekend, à qui on dit qu'ils doivent mieux s'organiser, moins motiver leurs décisions, moins faire durer les audiences", estime Cécile Mamelin, de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

En décembre 2021, magistrats et greffiers étaient déjà descendus dans la rue pour dire la "désespérance" de ceux qui rendent la justice au quotidien, un sentiment relayé au sommet de la hiérarchie judiciaire dont plusieurs représentants s'étaient alors mobilisés.

Plus récemment, mi-octobre, le décès d'une magistrate de 44 ans, Marie Truchet, en pleine audience de comparution immédiate à Nanterre a provoqué une nouvelle onde de choc. Une minute de silence a été observée dans plusieurs juridictions et l'USM a pointé les conditions de travail "particulièrement difficiles" à Nanterre.

Jeudi, ce tribunal a reçu la visite, rarissime, et le soutien des deux plus hauts magistrats français, le premier président de la Cour de Cassation Christophe Soulard et le procureur général près la Cour de Cassation François Molins. "Le constat de la souffrance du monde judiciaire n’est plus tabou", a assuré à l'AFP M. Molins. "On en parle à tous les échelons judiciaires. Mais au-delà de ce constat, est-ce qu’il y a des choses qui avancent ?"


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
Short Url
  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
Short Url
  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Short Url
  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.