Nouveaux bombardements turcs en Syrie, «bientôt les canons et les chars»

Cette photo prise le 21 novembre 2022 depuis une position à Jarablus dans la partie nord de la province d'Alep, détenue par les forces syriennes soutenues par la Turquie, montre de la fumée s'échappant des zones contrôlées par les Kurdes bombardées par des combattants soutenus par la Turquie. (Photo de Bakr ALKASEM / AFP)
Cette photo prise le 21 novembre 2022 depuis une position à Jarablus dans la partie nord de la province d'Alep, détenue par les forces syriennes soutenues par la Turquie, montre de la fumée s'échappant des zones contrôlées par les Kurdes bombardées par des combattants soutenus par la Turquie. (Photo de Bakr ALKASEM / AFP)
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Publié le Mercredi 23 novembre 2022

Nouveaux bombardements turcs en Syrie, «bientôt les canons et les chars»

  • «Nous survolons les terroristes depuis quelques jours avec notre aviation et nos drones. Si Dieu veut, nous allons les éliminer bientôt avec nos soldats, nos canons et nos chars», a dit mardi le chef de l'Etat
  • L'aviation turque a lancé dimanche l'opération «Griffe Épée», une série de raids aériens contre 89 positions du PKK et des YPG dans le nord de l'Irak et de la Syrie

ISTANBUL: La Turquie, appelée à la retenue par Washington et Moscou, a frappé mardi plusieurs objectifs en Syrie après de nouvelles menaces du président Recep Tayyip Erdogan de lancer "bientôt" une opération terrestre contre les combattants kurdes dans le nord du pays.

M. Erdogan menace depuis mai d'une offensive dans le Nord syrien, mais l'attentat survenu le 13 novembre à Istanbul (six morts et 81 blessés), attribué par Ankara aux combattants kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et des YPG (Unités de protection du peuple), risque d'accélérer les opérations.

"Nous survolons les terroristes depuis quelques jours avec notre aviation et nos drones. Si Dieu veut, nous allons les éliminer bientôt avec nos soldats, nos canons et nos chars", a dit mardi le chef de l'État lors d'un discours dans le nord-est du pays.

L'aviation turque a lancé dimanche l'opération "Griffe Epée", une série de raids aériens contre 89 positions du PKK et des YPG dans le nord de l'Irak et de la Syrie, qui ont fait près d'une quarantaine de morts en Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Mardi soir, des bombardements de l'artillerie turque se poursuivaient sur la ville emblématique de Kobané, dans le nord de la Syrie, bastion des YPG repris en 2015 aux jihadistes du groupe Etat islamique avec le soutien occidental, a rapporté l'OSDH.

Dans la journée, de nouvelles frappes de drones turcs ont visé notamment une base conjointe des forces kurdes et de la coalition internationale antijihadiste menée par les Etats-Unis, à 25 km au nord de la ville de Hassaké, faisant deux morts selon les forces kurdes et l'OSDH.

Cinq civils, dont un enfant, ont par ailleurs péri à Aazaz (nord) dans la province d'Alep, et trois soldats syriens sont morts et plusieurs autres ont été blessés dans le bombardement de la base aérienne de Menagh, non loin d'Aazaz.

D'autres bombardements ont visé un champ pétrolifère proche de la ville d'al-Qahtaniyah, à proximité de la frontière turque, selon un correspondant de l'AFP.

«Désescalade»

"Ils voulaient établir un État terroriste autour de nous, nous ne pouvions pas le permettre. Protéger nos frontières et notre nation est notre responsabilité et notre devoir", a fait valoir le ministre turc de l'Intérieur Süleyman Soylu.

"Nous ferons payer ceux qui nous dérangent sur notre territoire", avait prévenu lundi le président Erdogan.

Ces déclarations - publiées peu après des tirs de roquettes depuis la Syrie qui ont fait deux morts, dont un enfant dans la ville frontalière turque de Karkamis (sud-est) - ont amené Washington et Moscou à réagir.

Les deux pays sont impliqués dans la guerre en Syrie, qui a fait près d'un demi-million de morts depuis 2011.

"Nous appelons à la désescalade en Syrie pour protéger les civils et soutenir l'objectif commun de vaincre l'Etat islamique", a plaidé le porte-parole du département d'État américain Ned Price.

Les Etats-Unis ont soutenu les YPG, la principale force kurde de Syrie, dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), leur permettant de reprendre le contrôle de Kobané en 2015.

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, a reconnu que la Turquie reste exposée à une "menace terroriste" et qu'elle a "le droit de se défendre et de défendre ses citoyens".

Cependant, a-t-il ajouté, ces opérations "transfrontalières (...) pourraient entraîner une réaction de certains de nos partenaires des FDS (Forces démocratiques syriennes dont font partie les YPG, NDLR) qui limiterait leur capacité à poursuivre le combat contre l'État islamique", s'est-il inquiété.

"Nous voulons être capables de maintenir la pression sur l'EI. Ce réseau est très diminué, mais il est encore viable en tant que menace. Par conséquent, nous souhaitons que nos partenaires des FDS continuent à maintenir la pression" a expliqué M. Kirby.

«Risque de déstabilisation»

La Russie a de son côté "espéré" que la Turquie ferait preuve de "retenue" et se garderait de "tout usage excessif de la force" en Syrie.

"Nous comprenons les préoccupations de la Turquie (...) Mais dans le même temps, nous appelons toutes les parties à se garder de toute initiative qui pourrait mener à une grave déstabilisation", a déclaré le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov.

Lundi, Berlin et Paris avaient, eux aussi, appelé Ankara, respectivement, à agir de façon "proportionnée" et à "manifester davantage de retenue".

En réponse, la Turquie a exigé mardi que ses alliés, États-Unis en tête, "cessent tout soutien" aux combattants des YPG.

Mais les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par les YPG, affirment concentrer leurs efforts sur une "désescalade".

Entre 2016 et 2019, la Turquie a mené trois opérations d'envergure dans le Nord de la Syrie contre les milices et organisations kurdes.

Ankara répète vouloir créer une "zone de sécurité" de 30 km de large le long de sa frontière sud.

"Les conditions sont réunies pour une offensive particulièrement vigoureuse contre le PKK/YPG, à l'approche des élections présidentielles et législatives" de juin 2023, a estimé l'analyste indépendant Anthony Skinner, qui rappelle que le président Erdogan a déjà joué la "carte sécuritaire" à l'approche de précédents scrutins.


Syrie: Chareh lance un appel à l'unité un an après la chute d'Assad

Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile. (AFP)
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  • Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence
  • Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer

DAMAS: Le président syrien Ahmed al-Chareh a exhorté lundi, un an après la chute de Bachar al-Assad, son peuple à s'unir pour rebâtir un pays ravagé par des années de guerre civile.

"La phase actuelle exige que tous les citoyens unissent leurs efforts pour bâtir une Syrie forte, consolider sa stabilité, préserver sa souveraineté", a déclaré le dirigeant, endossant pour l'occasion l'uniforme militaire comme le 8 décembre 2024, quand il était entré dans Damas à la tête de forces rebelles.

Après les prières du matin à mosquée des Omeyyades, il a salué "les sacrifices et l'héroïsme des combattants" ayant renversé il y a un an l'ex-dictateur Assad, selon un communiqué de la présidence.

Ahmed al-Chareh, ancien jihadiste de 43 ans, était devenu dans la foulée chef d'Etat par intérim après 14 ans de guerre civile et plus de cinq décennies d'un régime familial à la main de fer.

Il a rompu avec son passé jihadiste et réhabilité la Syrie sur la scène internationale, obtenant la levée des sanctions internationales, mais reste confronté à d'importantes défis sécuritaires.

De sanglantes violences intercommunautaires dans les régions des minorités druze et alaouite, et de nombreuses opérations militaires du voisin israélien ont secoué la fragile transition.

"C'est l'occasion de reconstruire des communautés brisées et de panser des divisions profondes", a souligné dans un communiqué le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

"L'occasion de forger une nation où chaque Syrien, indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique, peut vivre en sécurité, dans l'égalité et dans la dignité".

Les célébrations de l'offensive éclair, qui ont débuté fin novembre, doivent culminer lundi avec une parade militaire et un discours du président syrien.

Elles sont toutefois marquées par le boycott lancé samedi par un chef spirituel alaouite, Ghazal Ghazal. Depuis la destitution d'Assad, lui-même alaouite, cette minorité est la cible d'attaques.

L'administration kurde, qui contrôle une grande partie du nord et du nord-est de la Syrie, a également annoncé l'interdiction de rassemblements et événements publics dimanche et lundi "en raison de la situation sécuritaire actuelle et de l'activité accrue des cellules terroristes".

 


Liban: l'armée annonce six arrestations après une attaque visant des Casques bleus

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre. (AFP)
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  • L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban
  • "Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité

BEYROUTH: Six personnes ont été arrêtées au Liban, soupçonnées d'être impliquées dans une attaque d'une patrouille de Casques bleus jeudi dans le sud du pays, qui n'a pas fait de blessés, a annoncé l'armée libanaise samedi.

L'incident s'était produit jeudi soir, selon un communiqué de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) quand "des Casques bleus en patrouille ont été approchés par six hommes sur trois mobylettes près de Bint Jbeil". "Un homme a tiré environ trois coups de feu sur l'arrière du véhicule. Personne n'a été blessé".

L'armée a souligné dans un communiqué qu'elle ne tolérerait aucune attaque contre la Finul mettant en avant son "rôle essentiel" dans le sud du Liban, où, déployée depuis 1978, elle est désormais chargée de veiller au respect du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

"Les attaques contre les Casques bleus sont inacceptables", avait de fustigé vendredi la Finul, rappelant "aux autorités libanaises leur obligation d'assurer" sa sécurité.

Bastion du Hezbollah, le sud du Liban subit ces dernières semaines des bombardements réguliers de la part d'Israël, qui assure viser des cibles du mouvement chiite et l'accuse d'y reconstituer ses infrastructures, en violation de l'accord de cessez-le-feu.

Israël, dont l'accord de trêve prévoit pourtant le retrait total du pays voisin, maintient de son côté dans la zone cinq positions militaires dans la région. La Finul a à plusieurs reprises accusé les troupes israéliennes de tirs à son encontre.

Mercredi, le quartier général de la Finul a accueilli à Naqoura, près de la frontière avec Israël, de premières discussions directes, depuis des décennies, entre des responsables israélien et libanais, en présence de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le président libanais, Joseph Aoun, a annoncé de prochaines discussions à partir du 19 décembre, qualifiant de "positive" la réunion tenue dans le cadre du comité de surveillance du cessez-le-feu, disant que l'objectif était d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban.


Les efforts pour panser les «profondes divisions» de la Syrie sont ardus mais «pas insurmontables», déclare Guterres

Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
Des Syriens font la queue dans les rues de Damas en attendant un défilé de la nouvelle armée syrienne, pour marquer le premier anniversaire de l'éviction de Bashar Assad, le 8 décembre 2025. (AP)
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  • Antonio Guterres salue "la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", "la résilience et le courage" des Syriens
  • La transition offre l'opportunité de "forger une nation où chaque Syrien peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité"

NEW YORK : Les efforts pour guérir les "profondes divisions" de la Syrie seront longs et ardus mais les défis à venir ne sont "pas insurmontables", a déclaré dimanche le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'occasion du premier anniversaire de la chute du régime Assad.

Une offensive surprise menée par une coalition de forces rebelles dirigées par Hayat Tahrir al-Sham et des milices alliées a rapidement balayé les zones tenues par le régime à la fin du mois de novembre 2024. En l'espace de quelques jours, elles se sont emparées de villes clés et ont finalement capturé la capitale Damas.

Le 8 décembre de l'année dernière, alors que les défenses du régime s'effondraient presque du jour au lendemain, le président de l'époque, Bachar Assad, a fui la République arabe syrienne, mettant fin à plus de 50 ans de règne brutal de sa famille.

"Aujourd'hui, un an s'est écoulé depuis la chute du gouvernement Assad et la fin d'un système de répression vieux de plusieurs décennies", a déclaré M. Guterres, saluant la "résilience et le courage" des Syriens "qui n'ont jamais cessé de nourrir l'espoir en dépit d'épreuves inimaginables".

Il a ajouté que cet anniversaire était à la fois un moment de réflexion sur les sacrifices consentis en vue d'un "changement historique" et un rappel du chemin difficile qui reste à parcourir pour le pays.

"Ce qui nous attend est bien plus qu'une transition politique ; c'est la chance de reconstruire des communautés brisées et de guérir de profondes divisions", a-t-il déclaré, ajoutant que la transition offre l'occasion de "forger une nation où chaque Syrien - indépendamment de son appartenance ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son affiliation politique - peut vivre en sécurité, sur un pied d'égalité et dans la dignité".

M. Guterres a souligné que les Nations Unies continueraient à soutenir les Syriens dans la mise en place de nouvelles institutions politiques et civiques.

"Les défis sont importants, mais pas insurmontables", a-t-il déclaré. "L'année écoulée a montré qu'un changement significatif est possible lorsque les Syriens sont responsabilisés et soutenus dans la conduite de leur propre transition.

Il a ajouté que les communautés à travers le pays construisent de nouvelles structures de gouvernance et que "les femmes syriennes continuent de mener la charge pour leurs droits, la justice et l'égalité".

Bien que les besoins humanitaires restent "immenses", il a souligné les progrès réalisés dans la restauration des services, l'élargissement de l'accès à l'aide et la création de conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Des efforts en matière de justice transitionnelle sont en cours, a-t-il ajouté, ainsi qu'un engagement civique plus large. M. Guterres a exhorté les gouvernements à soutenir fermement une "transition dirigée par les Syriens et prise en charge par les Syriens", précisant que le soutien doit inclure le respect de la souveraineté, la suppression des obstacles à la reconstruction et un financement solide pour le redressement humanitaire et économique.

"En ce jour anniversaire, nous sommes unis dans un même but : construire les fondations de la paix et de la prospérité et renouveler notre engagement en faveur d'une Syrie libre, souveraine, unie et ouverte à tous", a ajouté M. Guterres.