Macron accueille le Kazakh Tokaiev, pousse l'Europe en Asie centrale

Le président élu kazakh Kassym-Jomart Tokaïev prêtant serment en tant que nouveau président kazakh lors d'une cérémonie à Astana, le 26 novembre 2022. (Photo : Handout / Service de presse présidentiel du Kazakhstan / AFP)
Le président élu kazakh Kassym-Jomart Tokaïev prêtant serment en tant que nouveau président kazakh lors d'une cérémonie à Astana, le 26 novembre 2022. (Photo : Handout / Service de presse présidentiel du Kazakhstan / AFP)
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Publié le Lundi 28 novembre 2022

Macron accueille le Kazakh Tokaiev, pousse l'Europe en Asie centrale

  • Nucléaire, photovoltaïque, terres rares, infrastructures... Le Kazakhstan entend multiplier les facteurs de liens avec la France et l'Europe, un acteur parmi tant à miser sur l'Asie centrale
  • A Paris, «nous attendons la signature de plusieurs accords commerciaux», selon une source kazakhe, citant un accord pour la montée en puissance de l'usine de locomotives d'Alstom à Astana

PARIS : Le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev sera en visite à Paris mardi et mercredi pour renforcer les liens entre la France et ce pays d'Asie centrale, une région hautement stratégique que Paris et l'Europe ne veulent pas laisser aux influences russes, chinoises, turques ou américaines.

Tout juste réélu, M. Tokaïev a choisi de venir à Paris au lendemain d'une visite à Vladimir Poutine à Moscou ce lundi.

Le Kazakhstan, pays traditionnellement dans la sphère d'influence russe, a jusqu'à présent adopté une posture d'équilibre sur la guerre en Ukraine, en ne soutenant pas Moscou sans pour autant se placer sur la ligne occidentale.

La visite "aura un objectif très politique et stratégique", fait-on valoir à l'Elysée. Il s'agit "de consolider notre relation, d'amplifier notre dialogue dans un contexte difficile aussi pour les pays d'Asie centrale", explique-t-on. D'ailleurs, cette visite survient moins d'une semaine après la venue d'un autre chef d'Etat de la région, le président ouzbek Chavkat Mirzioïev.

"Nous continuons de (...) montrer à nos partenaires d'Asie centrale toute l'importance que nous accordons à leur région qui est aujourd'hui coincée entre la Chine et la Russie, et qui a besoin de s'ouvrir de nouveaux horizons", indique l'Elysée, rappelant que la France et le Kazakhstan ont un partenariat depuis 2008.

Et, preuve supplémentaire de l'intérêt français pour cette zone pivot, Emmanuel Macron s'est entretenu samedi avec un autre chef d'Etat de la région, Emomali Rahmon, président du Tadjikistan.

Partenaire énergétique fiable

Entre MM. Macron et Tokaïev, "l'Ukraine sera haut dans l'agenda, de même que la situation en Asie centrale, le sujet de la connectivité (routes commerciales, NDLR), l'Afghanistan", pays en crise aux mains des talibans, estime une source gouvernementale kazakhe. Le président français a aussi abordé le dossier afghan avec M. Rahmon, selon l'Elysée.

Côté économie, des accords pourraient être annoncés dans le domaine de l'énergie, des transports et peut-être des infrastructures car le Kazakhstan entend jouer un rôle croissant dans les flux de marchandises entre l'Europe et la Chine.

"L'intérêt des Européens pour l'Asie centrale, ce sont les ressources énergétiques alors que les hydrocarbures russes sont sous embargo (...), et les corridors de transport entre la Chine et l'UE", résume pour l'AFP Michael Levystone, chercheur associé à l'Ifri spécialiste de l'Asie centrale. De l'autre côté, "les sanctions contre l'économie russe incitent les pays d'Asie centrale à vouloir diversifier leurs partenariats sur la scène internationale".

"A la lumière des incertitudes actuelles en matière de sécurité énergétique en Europe, par exemple, le Kazakhstan est déterminé à continuer à jouer un rôle de partenaire énergétique fiable et digne de confiance", selon la source kazakhe.

Nucléaire, photovoltaïque, terres rares, infrastructures... Le Kazakhstan entend multiplier les facteurs de liens avec la France et l'Europe, un acteur parmi tant à miser sur l'Asie centrale. La Russie, la Chine, la Turquie, ainsi que les Etats-Unis lorgnent sur cette région stratégique.

A Paris, "nous attendons la signature de plusieurs accords commerciaux", selon la source kazakhe, citant un accord pour la montée en puissance de l'usine de locomotives d'Alstom à Astana, ou un autre pour une installation photovoltaïque dans le Sud du pays.

Des discussions sont également attendues dans le domaine du nucléaire puisque le pays, un des principaux exportateurs d'uranium, veut se doter d'une centrale de production d'énergie nucléaire, a précisé la source.

Corridor central

Enfin, les deux pays pourraient avancer sur le projet de "corridor central", qui doit ouvrir un nouveau vecteur de commerce entre l'Europe et l'Asie alors que la route du Nord passe par la Russie mise au ban par l'Occident, et que l'Iran, également sous sanctions, verrouille le sud de la Caspienne. "C'est le prochain point fort de notre relation avec l'Europe", estime la source kazakhe.

"La réactivation du projet de corridor central est une des nombreuses conséquences géopolitiques importantes de la guerre de la Russie en Ukraine", selon l'institut allemand SWP, qui note l'importance de la Turquie dans ce projet.

Ankara multiplie son activité dans la région, mettant en avant ses liens historiques, culturels et économiques avec l'Asie centrale, notamment via l'Organisation des Etats turciques (OET).

L'Union européenne dispose elle de son initiative "Global Gateway" qui prévoit des investissements massifs notamment dans des projets de connectivité et d'infrastructures, et n'entend pas se faire évincer de la région.

"L'Asie centrale est au coeur des événements, à la fois en termes géostratégiques et géo-économiques", a récemment déclaré le diplomate en chef de l'UE, Josep Borrell.


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.


A peine installé, Lecornu affronte deux motions de censure

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
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  • Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints
  • Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions

PARIS: Un dernier obstacle avant d'entamer l'examen du budget: deux motions de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, l'une de LFI et l'autre du RN, seront débattues par les députés jeudi matin, et devraient être rejetées, dans un scrutin serré, faute de soutien du PS.

Le Parti socialiste a pris sa décision après avoir obtenu mardi satisfaction sur plusieurs revendications clés, dont l'annonce par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de la suspension de la réforme des retraites.

Un débat commun aux deux motions débutera à 09H00 dans l'hémicycle jeudi, et devrait durer environ deux heures trente. Le scrutin sera ensuite ouvert pour trente minutes sur une motion, puis l'autre.

Si la gauche ne soutiendra pas la motion du RN, la motion insoumise devrait elle recueillir les voix de l'extrême droite ainsi que des députés écologistes et communistes.

Manqueraient alors environ une vingtaine de députés pour atteindre la majorité (289 voix) qui ferait tomber le gouvernement, tout juste nommé dimanche.

"Je pense qu'il manque une poignée de voix et que la sagesse peut revenir à certains", a estimé mardi Marine Le Pen, qui défendra la motion de son groupe et de ses alliés ciottistes. Leur texte défend la nécessité d'une dissolution pour "sortir" le pays "de l'impasse".

Combien de députés franchiront le pas en s'affranchissant de la consigne de leur parti?

Chez les LR "deux ou trois" devraient voter la censure, selon une source au groupe.

"Quelques votes pour" sont également possibles chez les indépendants Liot, selon une source au sein du groupe centriste.

Chez les socialistes, le patron du parti Olivier Faure et le chef des députés Boris Vallaud ont appelé leurs troupes à s'en tenir à la ligne décidée de façon "quasi-unanime".

Mais le député Paul Christophe a fait savoir qu'il censurerait malgré tout: "mon sujet c'est la justice fiscale et le pouvoir d'achat, il n'y a pas d'engagement du gouvernement sur ces sujets", a-t-il dit à l'AFP.

Cinq autres députés ultramarins du groupe PS ont également annoncé censurer.

"Un leurre" 

Le socialiste Pierrick Courbon dit lui hésiter. Il s'inquiète que la suspension de la réforme des retraites, qui passera selon M. Lecornu par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, implique que les socialistes soutiennent ce texte pour qu'il soit adopté. Or "le PLFSS du budget Macron" n'obtiendra "jamais ma voix", confie-t-il à l'AFP.

Un argument d'ailleurs repris en choeur par La France insoumise. "Vous vous apprêtez à commettre une monumentale erreur", a lancé lundi dans l'hémicycle le député Louis Boyard à l'adresse des socialistes.

"Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l'a été avant lui le +conclave+ de François Bayrou", soutient la motion de censure insoumise, qui sera défendue jeudi par Aurélie Trouvé.

Lors de la première motion de censure contre le gouvernement Bayrou, qui n'avait pas abouti, huit socialistes avaient voté pour malgré la consigne de leur parti.

M. Bayrou avait finalement perdu un vote de confiance début septembre, devenant le deuxième Premier ministre à tomber depuis la dissolution de l'Assemblée en 2024, après la censure de Michel Barnier en décembre.

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée.

La commission des Finances s'en emparera lundi, et il devrait arriver dans l'hémicycle vendredi.

Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints.

Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions.

Un député Horizons résume: "Je ne pense pas que le gouvernement sera censuré demain, mais il sera très fragile."