Alexis Kohler soupçonné d'avoir «participé» à des décisions sur l'armateur MSC, lié à sa famille

Le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler et le président français Emmanuel Macron arrivent pour assister à la réunion hebdomadaire du cabinet à l'Elysée à Paris, le 31 août 2022. (Photo, AFP)
Le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler et le président français Emmanuel Macron arrivent pour assister à la réunion hebdomadaire du cabinet à l'Elysée à Paris, le 31 août 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 29 novembre 2022

Alexis Kohler soupçonné d'avoir «participé» à des décisions sur l'armateur MSC, lié à sa famille

Le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler et le président français Emmanuel Macron arrivent pour assister à la réunion hebdomadaire du cabinet à l'Elysée à Paris, le 31 août 2022. (Photo, AFP)
  • Devant les magistrats, le secrétaire général de l'Elysée indique d’emblée n’avoir «jamais considéré être en situation de conflit d’intérêts»
  • Il explique n’avoir participé à aucune décision concernant ce client phare de STX ; avoir averti de ses liens familiaux et demandé à quitter son mandat d'administrateur de STX, ce que sa hiérarchie aurait refusé

PARIS: Le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler, bras droit d'Emmanuel Macron mis en examen pour "prise illégale d’intérêt" fin septembre, l’a été pour sa "participation" en tant que haut fonctionnaire entre 2009 et 2016 à des décisions relatives à l’armateur italo-suisse MSC dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte. 

Mediapart a révélé en mai 2018 ce possible conflit d'intérêt. 

Après un an d’enquête au PNF classée sans suite, l'association Anticor a obtenu en juin 2020 la désignation de juges d’instruction. 

Dans cette enquête riche de plus de cinquante auditions et dix perquisitions, M. Kohler a été interrogé les 22 et 23 septembre, selon des éléments de son interrogatoire dont l'AFP a eu connaissance mardi. 

Les juges Virginie Tilmont et Nicolas Aubertin lui reprochent d’avoir "participé" de 2009 à 2012, comme administrateur, à cinq délibérations des instances de STX France (aujourd’hui Chantiers de l'Atlantique) et trois du Grand Port Maritime du Havre (GPMH), liés à MSC. 

Orientations stratégiques 

Puis entre 2012 et 2016 à Bercy, sous Pierre Moscovici puis Emmanuel Macron, d’avoir notamment "persisté (…) à émettre des avis ou donner des orientations stratégiques ayant trait" à des dossiers impliquant MSC. 

Une potentielle infraction, car la mère d’Alexis Kohler est cousine de Rafaëla Aponte, épouse du fondateur Gianluigi Aponte. Un lien familial "simple" mais au "5e degré", "éloigné", pour l'intéressé. 

M. Kohler reconnaît aussi une "amitié sincère" entre son épouse et Rafaela Aponte, avec des séjours annuels de Sylvie Kohler ou de leurs enfants de 2009 à 2013 mais aussi en 2019, sur des yachts MSC, souvent avec des membres du clan Aponte. 

Pour les juges, cet "intérêt moral" peut "compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l'objectivité" d’Alexis Kohler. 

Devant les magistrats, le secrétaire général de l'Elysée indique d’emblée n’avoir "jamais considéré être en situation de conflit d’intérêts". 

Mais paradoxalement, il martèle avoir tout fait, "dès novembre 2008", pour se trouver loin du dossier MSC. 

Il explique n’avoir participé à aucune décision concernant ce client phare de STX ; avoir averti de ses liens familiaux et demandé à quitter son mandat d'administrateur de STX, ce que sa hiérarchie aurait refusé ; avoir exprimé la position de l'Etat plutôt que la sienne en conseil d'administration. 

En face, les magistrats lui rappellent la "jurisprudence constante" et "très large" concernant la prise illégale d’intérêts. "Ca va très très loin", expliquait récemment un magistrat financier à l’AFP. 

"La participation, serait-elle exclusive de tout vote, à une délibération sur une affaire dans laquelle on a un intérêt" peut suffire, notent les juges. 

Archives 

"Rétrospectivement, il est vrai qu’il aurait été plus simple que je ne sois pas nommé administrateur pour éviter tout risque", concède Alexis Kohler. 

Les magistrats mettent ensuite en doute le déport "informel" du dossier MSC vanté par Alexis Kohler pour sa période au cabinet de Pierre Moscovici (2012-2014) puis via "une lettre" avec Emmanuel Macron (2014-2016). 

Il n'a pas été retrouvé d'"écrit ou note de l’Agence des participations de l’Etat, du Trésor ou du ministère faisant état du lien familial avec la famille Aponte" ou organisant cette mise à l’écart du dossier MSC entre 2010 et 2016. 

"Je ne suis pas responsable de (leurs) archives", répond deux fois Alexis Kohler. 

Les juges s’étonnent aussi d’au moins 28 mails passant par sa boîte entre 2013 et 2016 concernant MSC, mais aussi de l'ignorance de trois ex-responsables du Trésor, rattaché à Bercy, de ces liens familiaux ou du déport. 

Le secrétaire général de l’Elysée argue d'un rôle de "chef de gare" organisant l’agenda du ministre sans "intervention sur le fond". 

Autre fait troublant, M. Kohler devient directeur financier de la branche croisières de MSC entre octobre 2016 et la présidentielle 2017 gagnée par Emmanuel Macron. 

Or "ni la Commission de déontologie de la fonction publique en 2016", qui validera ce pantouflage après un premier refus en 2014, "ni la Haute autorité pour la transparence de la vie publique n’ont eu connaissance de la nature exacte de ses liens" avec la famille Aponte, assènent les magistrats. 

Pour Alexis Kohler, c'était pourtant connu jusque dans les "entreprises concernées". 

En 2019, il aura de nouveau le "projet" de retourner chez MSC. 

« Intégrité » 

A l’issue de quinze heures d’interrogatoire, Alexis Kohler concède un seul "débat sur le degré de formalisme poursuivi tout au long de (sa) carrière" pour avertir de son déport des dossiers MSC. 

"Choqué et indigné" que son "intégrité" soit "mise en cause", il conteste tout "avantage tiré" de cette situation. 

Virginie Tilmont et Nicolas Aubertin le mettent en examen pour "prise illégale d’intérêt", passible de cinq ans de prison et 500.000 euros d’amende. 

Si les juges l’ont aussi interrogé sur son influence dans différents dossiers concernant MSC, Alexis Kohler est témoin assisté pour "trafic d’influence passif". 

A ce stade, il n'y a pas "d’indices graves ou concordants" quant à une "prise en charge" par MSC "de séjours familiaux" et du poste de directeur financier contre l’utilisation par M. Kohler de "son influence" en faveur de l'armateur. 

Après la mise en examen, Me Eric Dezeuze a indiqué que son client "contestait (...) tout délit" et entendait "démontrer son innocence". 

Emmanuel Macron a lui jugé "tout à fait légitime" son maintien à l’Elysée. 

Sollicités par l’AFP, son avocat n'a pas souhaité réagir et l'Elysée a affirmé "ne pas pouvoir commenter une enquête en cours". 

"On peut se féliciter que la justice avance et fasse son travail, même s'il est dommage que cela prenne autant de temps", a répondu le conseil d'Anticor, Me Jean-Baptiste Soufron. 


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.