Fermeture de l’emblématique librairie Al-Saqi à Londres: signe de l'évolution du secteur de l'édition

Depuis des décennies, Al-Saqi est le lieu de référence à Londres pour la gamme la plus complète de livres sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord en anglais, et sur tous les sujets en arabe (Photo fournie).
Depuis des décennies, Al-Saqi est le lieu de référence à Londres pour la gamme la plus complète de livres sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord en anglais, et sur tous les sujets en arabe (Photo fournie).
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Publié le Jeudi 15 décembre 2022

Fermeture de l’emblématique librairie Al-Saqi à Londres: signe de l'évolution du secteur de l'édition

  • Al-Saqi Books a ouvert ses portes à Londres en 1978 pour répondre à la demande de livres en anglais et en arabe sur le Moyen-Orient
  • Après quarante-quatre ans d'existence, la propriétaire de la librairie, Lynn Gaspard déclare que des «conditions économiques difficiles» ont contraint le magasin à fermer

LONDRES: Le 31 décembre, Lynn Gaspard perdra sa maison. Pas la maison où elle vit à Londres avec sa famille. Mais lorsque la librairie familiale de Westbourne Grove fermera ses portes pour la dernière fois, ce sera la fin d'une ère – pour elle et pour les générations de Londoniens originaires du Moyen-Orient pour qui Al-Saqi a été un foyer, une oasis culturelle unique et un lieu de rencontre qui les a accueilli au cours des quarante-quatre dernières années.

Gaspard, la fille de l'un des deux fondateurs d'Al-Saqi, a annoncé la semaine dernière la fermeture de la boutique, victime d'une parfaite tempête de difficultés, en allant du Brexit et de la pandémie, à la crise économique actuelle du Liban.

«C'est une perte énorme», a-t-elle affirmé. «J'ai grandi à Al-Saqi. Mon bus scolaire me déposait là-bas et j'y passais trois heures chaque jour quand j'étais à l'école primaire.»

Ce sentiment de perte s'est répandu au sein de la communauté des expatriés du Moyen-Orient au Royaume-Uni. Pendant des décennies, la librairie a été le lieu de référence à Londres pour la gamme la plus complète de livres sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord en anglais, et sur tous les sujets en arabe.

«Depuis que nous avons annoncé la fermeture le 5 décembre, nous avons été tellement bouleversés et émus par la réaction de nos amis, de nos clients, de nos lecteurs et de nos auteurs», a-t-elle signalé.

Un sentiment de perte s'est répandu au sein de la communauté expatriée du Moyen-Orient au Royaume-Uni après l'annonce de la fermeture de la librairie (Photo fournie).

«Cela a été incroyable. Mais nous avons dû faire face aux faits et aux réalités de la situation. Il y avait juste un peu trop de défis. Nous sommes une entreprise familiale. Nous sommes petits, nous sommes indépendants et nous faisons tout nous-mêmes, depuis l'approvisionnement du stock dans le monde arabe jusqu'à son expédition, etc.»

Il y a un paradoxe dans le fait que l'avenir du magasin soit compromis par le chaos qui règne au Liban. Il a été fondé en 1978 par le père de Gaspard, André, et son amie Mai Ghoussoub, deux réfugiés du désespoir de la guerre civile libanaise qui a éclaté en 1975.

Au début du conflit, Mai et André ont aidé à mettre en place des dispensaires médicaux pour les communautés musulmanes pauvres de la région où ils vivaient.

«Ils essayaient vraiment de faire de leur mieux, de manière pacifique, pour avoir un impact positif», a indiqué Gaspard.

Tout cela a pris fin un jour où Ghoussoub conduisait un Palestinien blessé à l'hôpital et a perdu un œil lorsque sa voiture a été frappée par un obus. Les deux amis ont fui le pays et se sont installés à Paris. André est resté quelque temps, mais a fini par suivre lorsque Ghoussoub a déménagé à Londres.

Quelques années plus tard, Mai a appelé André en lui disant: «Tu sais, il n'y a pas de librairie en langue arabe à Londres, si nous en ouvrions une?», a révélé  Gaspard.

«Il a juste dit, OK. Ils parlaient à peine un mot d'anglais, mais ils ont quand même monté cette entreprise.»

Lynn Gaspard, la fille d'un des deux fondateurs d'Al-Saqi (Photo fournie).

Al-Saqi signifie «le vendeur d'eau», et le logo du magasin est le dessin d'un vendeur d'eau offrant de l'eau, à deux jeunes enfants, comme symbole de vie et de connaissance.

Au cours des quarante-quatre dernières années, Al-Saqi a été un foyer pour des générations.

Gaspard a dit que son père et Ghoussoub étaient des «idéalistes».

«Les deux amis avaient la vision d'un espace accueillant, où les gens pouvaient simplement être. Et c'est la définition d’un foyer: un endroit où l'on peut simplement être, sans se poser de questions, où l'on n'a pas à se justifier ou à se définir.

«Je crois que cet espace s'est avéré être si cher et si important pour beaucoup, et c'est ce qui est maintenant si difficile pour ma famille.»

EN BREF

La propriétaire de la librairie affirme que la fermeture est due à des «difficultés économiques».

Le déménagement n'affectera pas les maisons d'édition Saqi Books et Dar al-Saqi

Malu Halasa, journaliste, écrivaine et rédactrice en chef d'origine jordano-filipino américaine, a découvert la librairie lorsqu'elle s'est installée à Londres au milieu des années 1990. Lorsqu'elle a appris la nouvelle de sa fermeture, «j'étais vraiment très triste, très émue».

Le magasin «semblait être le dernier endroit de son genre, un de ces endroits qui restent une référence dans votre vie», a-t-elle souligné.

«Peut-être n'ai-je pas fréquenté la librairie autant que j'aurais dû le faire pendant les années de la Covid-19, mais d'une certaine manière, le simple fait qu'elle soit là était rassurant – elle faisait partie de mon paysage et de ma vie.»

Halasa a rencontré Ghoussoub dans les années 1990, lorsque «j'ai commencé à fréquenter la librairie et elle est devenue mon mentor». C'est Halasa qui écrira la nécrologie de Ghoussoub pour le Guardian britannique après la mort prématurée de son amie à l'âge de 54 ans en 2007.

Les fondateurs d'Al Saqi, André Gaspard et Mai Ghoussoub, dans la librairie à la fin des années 1970 (Photo fournie).

«J'ai un héritage arabe mixte: je suis philippine, je suis jordanienne, et mon identité a toujours été une sorte de mystère pour moi», a révélé Halasa. «Je me sentais comme quelqu'un qui était considéré comme n'étant pas totalement arabe, mais Mai n'était pas intéressée par tout cela.

«Elle ne s'intéressait pas au panarabisme, elle s'intéressait aux idées, à la culture et aux gens. Elle était très ouverte et elle m'a vraiment donné des racines.»

C'était une sensibilité qui était l'essence même de la librairie.

«Tous ceux qui s'intéressaient au Moyen-Orient s'y rendaient», a affirmé Halasa. «C'était comme une maison familiale. On pouvait entrer, on pouvait traîner et discuter, on pouvait regarder des livres – et on pouvait manger des dattes et du chocolat.»

L’édifice, vieux de plus d'un siècle lorsque Al-Saqi y a emménagé, a toujours été un centre de diffusion d’idées.

Le n°26 Westbourne Grove a été construit en 1860 comme une extension du Bayswater Athenaeum, l'une des nombreuses institutions consacrées à l'apprentissage littéraire ou scientifique et à la réforme sociale qui ont vu le jour dans les villes britanniques au XIXe siècle.

La librairie «semblait être le dernier endroit de son genre, un de ces endroits qui restent une référence dans votre vie», a déclaré l'écrivaine Malu Halasa, qui a fréquenté Al-Saqi au fil des ans (Photo fournie).

Selon une critique parue dans The Building News en mai 1861, il s'agissait d'un ajout bienvenu au quartier de «Westbournia, une banlieue pieuse et respectable de la grande métropole», avec de nombreuses pièces et salles où ceux qui cherchaient à s'instruire se rendaient pour écouter des «conférences sur la Terre sainte, les révélations et l'esclavage».

La mode réformiste de l'éducation, fortement liée aux traditions de la littérature anglaise, explique les bustes d'écrivains à l'extérieur de l’édifice, dont Shakespeare, Milton et Bacon, qui contemplent les allées et venues à Al-Saqi depuis quatre décennies.

Pour la cinéaste Zeina Durra, née à Londres en 1976 d'une mère bosno-palestinienne et d'un père jordano-libanais, et qui vit aujourd'hui à un pâté de maisons de la librairie, sa fermeture marque «la fin d'une ère, la fin d'un lien avec cette période vraiment étonnante et dynamique de l'histoire du Moyen-Orient des années 1970».

Durra est née quelques années seulement avant l'ouverture de la librairie, qui a toujours fait partie de sa vie.

Salwa Gaspard, à gauche, et sa fille Lynn Gaspard suite à la réouverture de la librairie après la période de confinement en 2021 (Photo, Alamy).

«Je m'en souviens depuis le début des années 1980, j'y allais avec mes parents. J'ai grandi dans ce quartier et pour le déjeuner du dimanche, nous allions tous dans un restaurant chinois de Westbourne Grove, et avant ou après, nous faisions toujours un saut à Al-Saqi», a indiqué Durra.

Il y a dix ans, ses parents sont retournés en Jordanie, «mais chaque fois qu'ils venaient en ville, ils visitaient toujours à Al-Saqi».

Les parents de Durra ont quitté Beyrouth pour l'Angleterre en 1976 et «j'ai grandi à Londres avec toute cette ambiance d'intelligentsia émigrée du Moyen-Orient», a-t-elle expliqué.

«C'était un moment et un endroit où l'on pouvait rester et élever ses enfants alors que toute l'instabilité régnait au Liban, et la librairie était un élément important de tout cela.»

Durra étudiait l'arabe à Oxford, et Al-Saqi était l'endroit où elle venait toujours acheter les livres dont elle avait besoin pour ses études.

«Al-Saqi a été un élément central de la vie culturelle, et pas seulement pour les Arabes, mais aussi pour les Kurdes, les Iraniens – quoi que vous soyez, vous y alliez, et c'est ce que j'aimais le plus: c'était une institution pan-moyenne-orientale.»

La bonne nouvelle, c'est que, si le magasin ferme, les deux branches de l'édition de la société sont florissantes. La maison d'édition anglophone Saqi Books, qui a partagé les locaux de Westbourne Road et qui est maintenant à la recherche d'un nouveau siège, a été créée en 1983.

Après la fin de la guerre au Liban, en 1991, la famille a fondé Dar al-Saqi, une maison d'édition en langue arabe à Beyrouth.

Gaspard est l'éditrice de Saqi Books depuis 2009. Mais c'est la librairie, dit-elle, qui a toujours été la plus proche du cœur de son père et de sa mère Salwa, qui, en tant que propriétaire et directrice, prend aujourd'hui sa retraite.

La maison d'édition Saqi Books est située à Westbourne Grove, à Londres (Photo, Alamy).

«La librairie est le troisième bébé de mes parents, vraiment, leur enfant», a confié Gaspard.

Cependant, malgré cette perte, elle estime que l'avenir culturel de la communauté arabe de Londres est prometteur.

«Nous avons évidemment le cœur brisé, nous sommes terriblement tristes», a-t-elle avoué.

«Mais d'un autre côté, j'ai aussi le sentiment que Londres possède aujourd'hui une scène artistique et culturelle arabe très dynamique, avec un grand nombre d'organisations et d'espaces incroyables, comme l'Arab British Center, les Mosaic Rooms, l'Arts Canteen et des organisations artistiques comme Shubbak», un festival biennal d'arts et de culture arabes contemporains.

«Londres est très différente aujourd'hui en termes de ce qui est disponible pour la communauté arabe de ce qu'elle était lorsque nous nous sommes installés il y a quarante-quatre ans, et je me sens vraiment pleine d'espoir et d’optimisme quant à l'avenir de cette scène artistique.

«Je sais que pour beaucoup d'Arabes, la librairie occupe une place spéciale dans leur cœur, comme c'est le cas pour nous. Mais je suis certain que quelque chose d'autre prendra sa place.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Washington cible l'Autorité palestinienne, en plein débat sur la reconnaissance d'un Etat de Palestine

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmud Abbas. (File/AFP)
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  • Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en pleine offensive en faveur d'un Etat de Palestine.

L'annonce des sanctions américaines survient en effet au moment où de nombreux Etats, dont la France et le Canada, ont promis de reconnaître un Etat de Palestine en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre, provoquant la colère d'Israël et des Etats-Unis qui parlent d'une "récompense" faite au Hamas dans la bande de Gaza.

La France et l'Arabie saoudite ont co-présidé lundi et mardi à l'ONU une conférence internationale, plaidant ainsi pour la solution à deux Etats, israélien et palestinien, seul chemin pour parvenir à la paix au Proche-Orient.

Washington, qui rejette toute reconnaissance unilatérale d'un Etat palestinien, a décrit la conférence comme étant une "insulte" faite aux victimes de l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Dans un communiqué jeudi, le département d'Etat américain a fait part de sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'OLP, sans les identifier, accusés notamment d'"internationaliser le conflit avec Israël".

Washington reproche aux deux institutions de "soutenir des actions au sein d'organisations internationales qui sapent et contredisent les engagements antérieurs" notamment à travers la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).

Washington avait sanctionné en juin quatre magistrates de la CPI, estimant que leurs procédures visant l'exécutif israélien étaient "illégitimes" et "politisées".

Washington, principal allié d'Israël, accuse aussi l'OLP et l'Autorité palestinienne de "continuer à soutenir le terrorisme, y compris par l'incitation et la glorification de la violence" dans les livres scolaires, une accusation de longue date.

Les sanctions consistent en un refus de visa pour des membres des deux institutions.

- "Distorsion morale" -

"Il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale d'imposer des sanctions et de tenir l'OLP et l'Autorité palestinienne responsables du non-respect de leurs engagements et de la remise en cause des perspectives de paix", a indiqué le département d'Etat.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'est aussitôt félicité de cette décision, jugeant que "l'Autorité palestinienne doit payer le prix de sa politique actuelle consistant à verser des indemnités aux terroristes et à leurs familles pour les attentats commis et pour l'incitation à la haine contre Israël dans les écoles, les manuels scolaires, les mosquées et les médias palestiniens".

Il a également relevé, sur X, que cette mesure "met en évidence la distorsion morale de certains pays qui se sont empressés de reconnaître un Etat palestinien virtuel tout en fermant les yeux sur le soutien de l'Autorité palestinienne au terrorisme et à l'incitation à la haine".

L'Autorité palestinienne, dont le président est Mahmoud Abbas, administre la Cisjordanie occupée, tandis que l'OLP, créée en 1964, est le mouvement fondateur représentant les Palestiniens, longtemps dirigée par leur leader historique Yasser Arafat.

L'OLP rassemble la majorité des mouvements politiques palestiniens mais pas le mouvement islamiste Hamas, qui s'est emparé du pouvoir à Gaza en 2007.

Des pays arabes et occidentaux voudraient voir l'Autorité palestinienne, très affaiblie, jouer un rôle dans la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre qui y fait rage depuis octobre 2023.

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump, qui a accueilli le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu par trois fois à la Maison Blanche, plus qu'aucun autre dirigeant étranger, a apporté un soutien inconditionnel à Israël, tout en oeuvrant sans succès pour un cessez-le-feu à Gaza.

Mais il s'est montré peu disert sur l'Autorité palestinienne, décriée pour le manque de réformes et la corruption.

Parmi ses premiers décrets, le président Trump avait levé des sanctions imposées sous son prédécesseur Joe Biden visant des colons israéliens extrémistes en Cisjordanie, en proie à une recrudescence des violences.


L'envoyé de Trump rencontre Netanyahu, Israël face à des critiques accrues

L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
L'envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, rencontre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. (GPO)
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  • L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël
  • Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël

Jérusalem, Non défini: L'émissaire américain Steve Witkoff a discuté jeudi à Jérusalem avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, à l'heure où de nombreux pays ont dit envisager de reconnaître un Etat palestinien au grand dam d'Israël.

Après 22 mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par une attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, la bande de Gaza est menacée d'une "famine généralisée" selon l'ONU et est totalement dépendante de l'aide humanitaire distribuée par camions ou larguée depuis les airs.

Les morts tombés sous les tirs et bombardements israéliens se comptent par dizaines chaque jour dans le territoire palestinien assiégé par Israël, selon la Défense civile locale qui a fait état de 38 Palestiniens tués jeudi.

Plusieurs dizaines de corps gisaient empilés à la morgue de l'hôpital al-Chifa dans le nord de Gaza, dans l'attente d'être collectés par leurs proches, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Le moyen le plus rapide de mettre fin à la crise humanitaire à Gaza est que le Hamas CAPITULE ET LIBÈRE LES OTAGES !!!", a déclaré le président américain Donald Trump sur X.

Rien n'a filtré de la rencontre entre MM. Witkoff et Netanyahu mais en début de semaine, M. Trump a semblé se distancer de son allié israélien en évoquant une "vraie famine" à Gaza.

Avant l'arrivée jeudi de l'émissaire de M. Trump, des dizaines de mères et proches d'otages encore aux mains du Hamas ont manifesté devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem, exigeant un "accord global" qui garantirait la libération des 49 otages encore détenus à Gaza, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.

- "Position minoritaire" -

L'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive dévastatrice à Gaza qui a fait au moins 60.249 morts, en majorité des civils, d'après les données du ministère de la Santé à Gaza jugées fiables par l'ONU. La campagne aérienne et terrestre a dévasté le territoire et provoqué un désastre humanitaire.

Le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a lui rencontré à Jérusalem son homologue israélien Gideon Saar, avant de rencontrer M. Netanyahu.

Avant de décoller pour Israël, M. Wadephul a estimé qu'Israël était "de plus en plus en position minoritaire", alors qu'un "nombre croissant de pays, y compris européens, sont prêts à reconnaître un Etat palestinien sans processus de négociation préalable".

Ces visites interviennent après la multiplication des alertes d'organisations internationales sur une famine à Gaza et l'échec de négociations indirectes, sous médiation américaine, qatarie et égyptienne, entre Israël et le Hamas en vue d'un cessez-le-feu.

Le gouvernement israélien a annoncé dimanche une pause limitée dans l'offensive afin de permettre l'acheminement de l'aide dans le petit territoire pauvre où s'entassent plus de deux millions de Palestiniens.

Mais ces aides sont jugées insuffisantes par les organisations internationales face aux besoins immenses de la population.

- "Pression déformée"

Le Portugal a indiqué jeudi envisager de reconnaître l'Etat de Palestine, après que plusieurs pays dont le Canada, la France et le Royaume-Uni ont annoncé leur intention de faire de même en marge de l'Assemblée générale de l'ONU en septembre.

Une telle reconnaissance reste néanmoins largement symbolique en raison du refus d'Israël de la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

Dans ce contexte, Israël a dénoncé une "campagne de pression internationale déformée" venant "récompenser le Hamas et nuire aux efforts visant à obtenir un cessez-le-feu à Gaza".

Les Etats-Unis, qui ont dénoncé les annonces sur la reconnaissance d'un Etat palestinien, ont imposé des sanctions contre des responsables de l'Autorité palestinienne et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusant les deux organismes d'avoir pris des mesures pour "internationaliser leur conflit avec Israël" et de "continuer à soutenir le terrorisme".

Le gouvernement Netanyahu, qui veut chasser le Hamas de Gaza et a annoncé son intention de contrôler le territoire, semble peiner à trancher sur une solution politique d'après-guerre.

Dans ce contexte, la frange la plus radicale de sa coalition gouvernementale plaide pour un retour des colonies à Gaza, évacuées en 2005 avec le retrait unilatéral israélien du territoire après 38 ans d'occupation.

L'armée israélienne a par ailleurs annoncé le retrait du nord de Gaza de sa 98e Division, composée d'unités parachutistes et de commandos d'élite, qui a "se prépare désormais à de nouvelles missions".


Une experte de l’ONU : « La famine imposée à Gaza est une atteinte grave à la dignité humaine »

Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
Des Palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture d'une cuisine caritative dans la ville de Gaza, le 28 juillet 2025. (Reuters)
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  • Alice Jill Edwards dénonce une privation prolongée de nourriture entraînant malnutrition, défaillances d’organes et décès, notamment chez les nourrissons et femmes enceintes
  • « Des règles changeantes, une distribution militarisée et l’incertitude permanente sur l’accès aux besoins de base provoquent désespoir, stress et traumatismes », alerte-t-elle

NEW YORK: La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture, Alice Jill Edwards, a exprimé mercredi sa vive inquiétude face à l’augmentation du nombre de décès liés à la famine parmi les Palestiniens de Gaza.

Elle a qualifié la famine infligée aux civils de « meurtrière, inhumaine et dégradante », appelant à une aide humanitaire rapide et sans entrave vers l’enclave dévastée.

« Priver des gens de nourriture, d’eau et de dignité constitue une violation grave et répétée dans ce conflit. Cela doit cesser », a-t-elle déclaré, citant des rapports « choquants » de civils tués en faisant la queue pour se nourrir, et des cas généralisés de faim et de malnutrition.

Elle a alerté sur un risque croissant de famine généralisée à Gaza, soulignant que toutes les parties au conflit ont des obligations juridiques, au regard du droit international, d’assurer un accès à l’eau et à la nourriture pour les civils sous leur contrôle, et de faciliter l’aide humanitaire.

« Ils ne doivent ni voler, ni détourner, ni bloquer délibérément l’acheminement de l’aide », a-t-elle averti.

Elle a décrit les « conséquences physiologiques catastrophiques » de la privation prolongée de calories : malnutrition, défaillance d’organes et décès, touchant particulièrement les groupes vulnérables comme les nourrissons et les femmes enceintes.

« L’impact psychologique d’un tel déni est d’une cruauté intrinsèque », a-t-elle poursuivi.

« Des règles constamment changeantes, des distributions militarisées, et une incertitude quotidienne sur l’accès aux besoins fondamentaux plongent les gens dans un désespoir et une détresse extrêmes. »

Elle a salué l’annonce par Israël de pauses humanitaires permettant au Programme alimentaire mondial d’opérer pendant trois mois, tout en soulignant que « davantage doit être fait » pour mettre fin aux hostilités et établir une paix durable fondée sur la solution à deux États.

« Personne ne devrait subir l’humiliation de devoir mendier pour se nourrir, surtout quand des stocks suffisants sont disponibles », a-t-elle déclaré.

Edwards a également renouvelé son appel à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, à la libération des Palestiniens détenus arbitrairement, et à la mise en place d’enquêtes indépendantes sur les allégations de torture, de mauvais traitements et d’éventuels crimes de guerre, de la part de toutes les parties.

Elle a indiqué avoir exprimé ses préoccupations à plusieurs reprises aux autorités concernées et continuer de réclamer une pleine reddition de comptes.

Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont indépendants, ne sont pas membres du personnel des Nations unies et travaillent bénévolement.