Le déplacement de prisonniers palestiniens, une tactique israélienne pour «harceler leurs familles»

Le prisonnier Marwan Barghouthi, responsable du Fatah, lors d'une délibération au tribunal de première instance de Jérusalem, le 25 janvier 2012. (Reuters)
Le prisonnier Marwan Barghouthi, responsable du Fatah, lors d'une délibération au tribunal de première instance de Jérusalem, le 25 janvier 2012. (Reuters)
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Publié le Mercredi 11 janvier 2023

Le déplacement de prisonniers palestiniens, une tactique israélienne pour «harceler leurs familles»

  • M. Barghouthi a été transféré lundi à la prison de Nafha, située dans le désert, en compagnie de quelque soixante-dix prisonniers
  • Les groupes de défense des droits des prisonniers estiment à 4 760 le nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes

RAMALLAH: Israël entend transférer deux mille prisonniers palestiniens dans de nouvelles prisons. Cette mesure «punitive» va exacerber l'instabilité du système pénitentiaire du pays et attiser les tensions en Cisjordanie, a confié à Arab News un haut responsable des droits des prisonniers.

Par cette mesure, Israël entend «supprimer les pôles de pouvoir des prisonniers», notamment en réaffectant d’importants détenus, dont Marwan Barghouthi, qui a largement contribué à la première et à la deuxième Intifada.

M. Barghouthi a été transféré lundi à la prison de Nafha, située dans le désert, en compagnie de quelque soixante-dix prisonniers.

Jeudi dernier, le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, s'est rendu à Nafha, ce qui a provoqué la colère des détenus palestiniens.

Les groupes de défense des droits des prisonniers estiment à 4 760 le nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.

Ces derniers risquent de faire monter la tension à l'intérieur des prisons en réponse à cette décision, selon des sources qui se sont confiées à Arab News qui redoutent que de vastes manifestations n'éclatent en Cisjordanie en solidarité avec les prisonniers.

Dans un entretien avec Arab News, Qadura Fares, qui dirige le Club des prisonniers palestiniens, a souligné que les mesures commandées par Ben-Gvir allaient accentuer l'instabilité qui règne dans les prisons israéliennes.

«Les menaces proférées par Ben-Gvir à l'encontre des prisonniers sont sérieuses et elles sont appliquées de façon progressive. Les prisonniers vont certainement riposter aux mesures punitives», confie M. Farès à Arab News.

D’ordinaire, les prisonniers de la même famille sont détenus dans la même prison. Cette stratégie non officielle vise à faciliter à leurs familles les déplacements lors des visites.

Cependant, de nombreuses prisons israéliennes désignent le même jour pour les visites. Ainsi, les familles ne pourront plus rendre visite aux prisonniers détenus dans des établissements distincts.

Une autre décision controversée concerne le déplacement de détenus titulaires de diplômes universitaires qui donnent des leçons aux autres prisonniers.

Muqbil est le frère cadet d'Al-Barghouthi. Il explique à Arab News que «ces mesures répressives porteront préjudice aux prisonniers qui sont pourtant habitués à ces menaces; l'ancien ministre de la Sécurité publique, Gilad Erdan, a recouru à ces méthodes par le passé».

«Les prisonniers rejettent à l'unisson les mesures punitives qui émanent de Ben-Gvir et les Palestiniens n'ont pas l'intention de rester les bras croisés.»

Dans ce contexte, la prolongation par le Parlement israélien de l'état d'urgence en Cisjordanie a suscité un tollé.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères estime que la «loi d'apartheid» permet à Israël de légitimer les implantations en Cisjordanie occupée.

L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a condamné cette loi votée par la Knesset à travers son département de lutte contre l'apartheid. Ce règlement renouvelable tous les cinq ans est entré en vigueur en 1967.

L'OLP estime que cette loi «coloniale et raciste» accorde aux colons les droits dont jouissent les citoyens.

Elle affirme que le règlement comporte des éléments communs avec les lois d'apartheid appliquées en Afrique du Sud avant les années 1990.

Cette loi légitimise progressivement l'annexion de la Cisjordanie et enfreint les lois internationales, soulignent des sources palestiniennes qui rappellent en outre la nécessité de réunir les institutions des droits de l'homme au sein d'une coalition juridique internationale afin de mettre fin à l'occupation israélienne.

Yousef Jabarin, professeur de droit, est un ancien membre du Parlement israélien qui appartient à la Liste arabe commune. Il confie à Arab News que, en vertu de cette loi, «le gouverneur militaire israélien en Cisjordanie pourra soumettre les colons aux règlements israéliens comme s'ils étaient des citoyens israéliens».

Cette loi autorise par ailleurs l'arrestation de Palestiniens des territoires occupés à l'intérieur d'Israël, ajoute-t-il.

Selon M. Jabarin, l'ancien gouvernement israélien dirigé par Naftali Bennett n'a pas réussi à faire passer cette loi, ce qui explique en grande partie son échec.

Par ailleurs, Itamar Ben-Gvir a ordonné de retirer les drapeaux palestiniens d'Israël, ce qui a été dénoncé par les organisations de défense des droits de l'homme.

Amnesty International qualifie cette décision de «lâche» et de «tentative manifeste de supprimer l'identité d'un peuple». Elle constitue une violation des chartes de l'ONU et des droits de l'homme, selon l'organisation.

Pour Jabarin, aucune loi israélienne ne peut interdire de hisser le drapeau palestinien. Cependant, la police israélienne a été autorisée à retirer les drapeaux pour des raisons de sécurité publique.

La police israélienne a abusé de cette clause pour disperser des manifestations, notamment dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est.

«Israël considère toujours l'OLP comme une organisation terroriste, en dépit des accords d'Oslo signés entre l'OLP et Israël en 1993», s'indigne M. Jabarin.

«Rien ne justifie les tentatives de la police israélienne d'interdire le drapeau palestinien. Il s'agit en effet du drapeau d'un peuple, et non d'un certain groupe ou d'une certaine organisation.»

«Il incarne l'identité d'un peuple et fait partie de la liberté d'expression.»

Il précise que les tentatives de Ben-Gvir pour interdire le drapeau palestinien obéissent à des «motifs de représailles».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.