L'économie du Pakistan au bord de l'effondrement avant une visite du FMI

Cette photo prise le 30 janvier 2023 montre des navetteurs passant devant le marché Impress dans la ville portuaire de Karachi, au Pakistan. L'économie pakistanaise est au bord du gouffre, et le gouvernement dépend d'une injection de fonds d'urgence lors d'une visite du FMI cette semaine pour éviter un défaut de paiement comme au Sri Lanka. (AFP).
Cette photo prise le 30 janvier 2023 montre des navetteurs passant devant le marché Impress dans la ville portuaire de Karachi, au Pakistan. L'économie pakistanaise est au bord du gouffre, et le gouvernement dépend d'une injection de fonds d'urgence lors d'une visite du FMI cette semaine pour éviter un défaut de paiement comme au Sri Lanka. (AFP).
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Publié le Mardi 31 janvier 2023

L'économie du Pakistan au bord de l'effondrement avant une visite du FMI

  • Une délégation du FMI est arrivée mardi à Islamabad pour négocier le versement d'une nouvelle tranche d'aide financière, dans le cadre d'un programme suspendu depuis des mois
  • Le Premier ministre, Shehbaz Sharif, a tout fait pour éviter l'amère potion du FMI - qui réclamait la fin des subventions au secteur de l'énergie et des interventions sur le marché des changes, ainsi que la hausse des taxes

ISLAMABAD : Son économie au bord de l'asphyxie, avec une roupie qui ne cesse de se déprécier, une inflation en hausse constante et des pénuries d'énergie, le Pakistan espère convaincre le Fonds monétaire international (FMI) de lui apporter d'indispensables liquidités.

Une délégation du FMI est arrivée mardi à Islamabad pour négocier le versement d'une nouvelle tranche d'aide financière, dans le cadre d'un programme suspendu depuis des mois.

Le Premier ministre, Shehbaz Sharif, a tout fait pour éviter l'amère potion du FMI - qui réclamait la fin des subventions au secteur de l'énergie et des interventions sur le marché des changes, ainsi que la hausse des taxes - par peur d'en payer le prix dans les urnes lors des élections législatives en fin année.

Pendant des mois, il a refusé de se plier aux exigences de l'institution, se tournant vers les pays amis du Golfe ou la Chine pour obtenir des prêts à meilleures conditions.

Mais les quelques nouvelles aides et facilités de paiement obtenues se sont révélées insuffisantes. Et face au risque que le Pakistan ne se retrouve en défaut de paiement, il a fini par céder sous la pression.

Le gouvernement a finalement accepté de laisser le marché fixer librement le cours de la roupie, la faisant plonger la semaine dernière à un plus bas historique face au dollar. Puis il a augmenté le prix de l'essence, au risque de s'aliéner un peu plus les électeurs.

"On est au bout du chemin. Le gouvernement doit défendre sa politique et expliquer au public pourquoi il accepte ces demandes. S'il ne le fait pas, le pays se retrouvera certainement en défaut de paiement et finira comme le Sri Lanka, ce qui serait encore pire", a déclaré à l'AFP Abid Hasan, un ancien économiste de la Banque mondiale.

Le Sri Lanka a fait défaut sur sa dette extérieure en avril 2022 et a connu de sévères pénuries de nourriture, carburant et médicaments qui ont provoqué des mois de mécontentement populaire et de manifestations.

Pénurie de dollars

Au Pakistan, le temps presse, Nasir Iqbal, un analyste auprès de l'Institut pakistanais du développement économique, estimant que son économie s'est déjà "virtuellement effondrée" après des mois de mauvaise gestion et de crise politique.

L'équipe du FMI arrive dans un pays gagné par la panique, qui peine à se remettre des catastrophiques inondations de l'été dernier.

Les discussions avec le FMI portent sur la reprise des versements d'un prêt échelonné de 6 milliards de dollars, accordé en 2019 et porté ultérieurement à 6,5 milliards. Seulement la moitié de cette somme a pour l'instant été versée.

Les réserves de change du pays s'élèvent désormais à 3,7 milliards de dollars, à peine de quoi couvrir trois semaines d'importations.

En raison de cette pénurie de dollars, les banques refusent d'ouvrir de nouvelles lettres de crédit pour les importateurs, hormis pour les denrées alimentaires essentielles et les produits médicaux. Des milliers de conteneurs se retrouvent ainsi bloqués dans le port de Karachi.

L'industrie a lourdement payé ces blocages, en particulier dans le secteur du textile, dont plusieurs usines ont momentanément dû fermer leurs portes.

"Le nombre de mendiants a augmenté et celui des travailleurs manuels a baissé", remarque Zafar Iqbal, un maçon de 55 ans, qui attend avec des dizaines d'autres journaliers, charpentiers ou peintres, sur le pavé d'une rue de la grande mégapole de Karachi (sud).

"L'inflation est tellement élevée qu'on ne gagne pas assez", ajoute-t-il.

«Facteurs structurels»

A la pompe d'une station-service, une veuve accompagnée de son fils explique faire attention à chaque roupie dépensée pour leur moto, l'un et l'autre devant se contenter de manger deux fois par jour.

"Les prix sont tellement élevés que nous mangeons notre petit-déjeuner tard et notre second repas le soir vers 19h00, sans rien entre temps", raconte Ulfat, en refusant de donner son nom de famille.

Le Pakistan est confronté à des difficultés récurrentes à rembourser son énorme dette. Le gouverneur de la Banque centrale, Jamil Ahmed, a indiqué le mois dernier que le pays devait rembourser 33 milliards de dollars en prêts et paiements extérieurs d'ici la fin de l'année fiscale en juin.

Son offensive diplomatique a permis au Pakistan de voir des prêts d'un montant de 4 milliards de dollars être prolongés par les pays prêteurs, les négociations se poursuivant pour 8,3 autres milliards de dollars.

Le pays se débat aussi dans d'immenses difficultés d'approvisionnement énergétique, en raison d'infrastructures médiocres et d'une gestion défectueuse.

La semaine dernière, une gigantesque panne d'électricité, causée par des mesures d'économie, a touché la majeure partie du pays pendant près d'une journée entière.

"Même si le Pakistan évite de faire défaut, les facteurs structurels sous-jacents qui ont déclenché la crise actuelle, exacerbée par les mauvaises décisions des dirigeants et les soubresauts externes à l'échelle mondiale, resteront en place", a estimé sur Twitter Michael Kugelman, expert de la région au sein du think tank américain Wilson Center, à Washington.

"Sans des réformes difficiles et sur une large échelle, la prochaine crise n'est qu'au coin de la rue", a-t-il ajouté.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".