La contre-programmation très calculée d'Emmanuel Macron

Un manifestant tient une pancarte sur laquelle on peut lire "Macron méprise la République" lors d'une manifestation dans le cadre d'une journée nationale de grèves (Photo, AFP).
Un manifestant tient une pancarte sur laquelle on peut lire "Macron méprise la République" lors d'une manifestation dans le cadre d'une journée nationale de grèves (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 01 février 2023

La contre-programmation très calculée d'Emmanuel Macron

  • En pleine journée de manifestations et de grèves, Emmanuel Macron reçoit mardi deux hauts dirigeants ukrainiens
  • Emmanuel Macron se penche sur un autre casse-tête qui l'attend prochainement : la réforme des institutions

PARIS: Pendant que le débat sur les retraites agite le pays, Emmanuel Macron regarde ailleurs: l'Élysée met clairement en scène un président occupé par l'Ukraine ou les défis climatiques, économiques et migratoires. Aussi loin que possible du tumulte de la rue et de l'Assemblée.

"C'est bien de montrer qu'il n'y a pas que les retraites, les Français vont se lasser", assure une figure du camp présidentiel. À ses yeux, la "réforme emblématique" des retraites ne serait pas un moment-clé du second quinquennat du chef de l'Etat, mais viendrait "parachever" le premier, au cours duquel il n'avait pu clôturer ce chantier.

L'Élysée prépare donc déjà le "nouvel élan" post-retraites, estime cette même source.

En pleine journée de manifestations et de grèves, Emmanuel Macron reçoit mardi deux hauts dirigeants ukrainiens.

La veille, interrogé à La Haye aux côtés du Premier ministre néerlandais Mark Rutte, il avait fait le service minimum, réaffirmant que sa réforme était "indispensable" et apportant son "soutien" à la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne, qui est elle en première ligne et a durci le ton ces derniers jours.

Depuis début janvier, Emmanuel Macron ne s'est exprimé publiquement qu'à trois reprises sur le sujet politique le plus brûlant du moment.

Et à chaque fois, en réponse à des questions de la presse, près d'un dirigeant étranger: avant les Pays-Bas, il y avait eu le 19 janvier avec l'Espagnol Pedro Sanchez à Barcelone, pour un sommet prévu de longue date, tombé le jour de la première mobilisation massive contre son projet; puis le 22 janvier avec l'Allemand Olaf Scholz.

«Il se sait clivant»

Pour le reste, Emmanuel Macron évite le dossier, ne se déplace quasiment pas en France et aussi souvent que possible loin des micros, même s'il distille ses messages à ses troupes en coulisses.

L'agenda présidentiel de cette semaine, publié mardi, est éloquent.

Sur le front diplomatique, outre l'Ukraine, le président multiplie les échanges pour préparer le Conseil européen des 9 et 10 février à Bruxelles sur son grand cheval de bataille, la riposte du Vieux Continent à la politique industrielle des États-Unis en faveur de la transition énergétique, qu'il a lui-même qualifiée de "super agressive".

Sur le front intérieur, le Conseil des ministres de mercredi portera sur le projet de loi sur l'immigration, un autre dossier inflammable, alors même qu'il ne doit arriver au Parlement que mi-mars.

S'il avait envisagé de retourner à Marseille début février, l'incertitude liée à la contestation sociale semble l'avoir poussé à un report. L'Élysée évoque maintenant une visite au premier trimestre, et a calé entre-temps une visioconférence mercredi pour une "revue" de ses engagements baptisés "Marseille en Grand".

Après un premier "conseil de la planification écologique" la semaine dernière, à l'issue duquel il s'est engagé, dans une vidéo sur les réseaux sociaux, à "doubler" l'effort pour réduire les émissions carbone de la France, il décline cette semaine l'exercice avec un "conseil de la politique nucléaire" vendredi, pour fixer sa feuille de route.

Enfin, Emmanuel Macron se penche sur un autre casse-tête qui l'attend prochainement : la réforme des institutions. Il reçoit son prédécesseur François Hollande à déjeuner vendredi pour le sonder, avant d'en faire autant prochainement avec l'ex-président Nicolas Sarkozy.

"Le président est concentré sur les dossiers de temps long", "structurants pour le quinquennat", plaide-t-on dans son entourage pour montrer qu'il est déjà projeté vers l'après-retraites.

En fait, "Emmanuel Macron veut absolument accrocher cette réforme comme un totem à son CV", estime Adélaïde Zulfikarpasic, directrice générale de l'institut de sondages BVA France. "Mais il se sait clivant, et qu'il s'expose, il ne va faire que mettre de l'huile sur le feu, donc il a intérêt à rester en retrait", dit-elle à l'AFP.

Un conseiller ministériel relève aussi qu'il pourra ainsi "intervenir" si "vraiment ça tourne au vinaigre". D'autant que lorsqu'il prend la parole, il ravive parfois les polémiques, comme quand il a jugé, depuis Barcelone, que sa réforme avait été "démocratiquement validée" par sa réélection -- un propos "malheureux", dit ce conseiller.


Tentative de putsch au Bénin: des forces spéciales françaises sont intervenues en appui 

Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè. (AFP)
Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè. (AFP)
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  • Mardi, la présidence française avait indiqué avoir appuyé "en termes de surveillance, d'observation et de soutien logistique" le pouvoir béninois, à sa demande, sans confirmer ni démentir la présence de ses forces
  • "L'armée béninoise a été vraiment vaillante et a fait face à l'ennemi toute la journée" dimanche, a expliqué à l'AFP le colonel Tevoédjrè, précisant que des "forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan"

COTONOU: Des forces spéciales françaises sont intervenues dimanche lors de la tentative déjouée de putsch au Bénin en appui de l'armée béninoise qui a "vaillamment" repoussé les mutins, a affirmé mercredi à l'AFP le chef de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè.

Mardi, la présidence française avait indiqué avoir appuyé "en termes de surveillance, d'observation et de soutien logistique" le pouvoir béninois, à sa demande, sans confirmer ni démentir la présence de ses forces.

"L'armée béninoise a été vraiment vaillante et a fait face à l'ennemi toute la journée" dimanche, a expliqué à l'AFP le colonel Tevoédjrè, précisant que des "forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan, utilisées pour du ratissage après que l'armée béninoise ait fait le travail".

Le colonel Tevoédjrè - qui a personnellement dirigé sur place la riposte contre un assaut sur la résidence du chef de l'Etat Patrice Talon tôt dimanche matin - estime à une centaine le nombre de mutins, "avec beaucoup de moyens, des engins blindés".

Il note toutefois que les putschistes, qui ont compté sur "l'effet de surprise", n'ont pas reçu de soutien d'autres unités, saluant l'attitude "républicaine" de l'armée béninoise.

La Garde républicaine a "eu le soutien spontané d'autres unités qui ont été utilisées toute la journée pour reprendre possession de zones, de points stratégiques de Cotonou", détaille t-il.

C'est en fin de journée, alors que les mutins étaient retranchés dans un camp situé dans une zone résidentielle de la capitale économique, que des frappes aériennes du Nigeria voisin et des forces spéciales françaises ont aidé le Bénin, afin notamment "d'éviter des dommages collatéraux".

Le colonel n'a pas donné de bilan chiffré du nombre de victimes des évènements de dimanche, mais a précisé que les mutins étaient "repartis avec des corps et des blessés" de leur tentative d'assaut sur la résidence présidentielle, après un "rude combat".

Dimanche matin, huit militaires étaient apparus à la télévision béninoise, annonçant qu'ils avaient destitué Patrice Talon.

Après une journée d'incertitude à Cotonou, le chef de l'Etat avait déclaré que la situation était "totalement sous contrôle". Les autorités béninoises ont ensuite fait état de "plusieurs victimes", notamment dans des affrontements opposant mutins et forces loyales.


Procès libyen: la cour d'appel de Paris libère l'intermédiaire Djouhri sous contrôle judiciaire

 La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.
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  • L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France
  • Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie

PARIS: La cour d'appel de Paris a accepté mercredi de libérer sous contrôle judiciaire l'intermédiaire Alexandre Djouhri, qui était le dernier prévenu du procès libyen à être encore incarcéré.

L'homme d'affaires franco-algérien de 66 ans, condamné le 25 septembre à six ans d'emprisonnement dans l'affaire du financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy, aura notamment pour interdiction de sortir d'Île-de-France, de s'absenter de son domicile en région parisienne entre 8H00 et 20H00, d'entrer en contact avec ses coprévenus.

Il a également l'interdiction de mener une activité d'intermédiation économique et il devra remettre à la justice ses passeports français et algérien et pointer une fois par semaine à la gendarmerie.

Le parquet général s'était opposé à sa libération en pointant notamment sa double nationalité et le risque de départ en Algérie où la coopération judiciaire avec la France est compliquée.

Selon son avocat, Me Pierre-Henri Bovis, il devrait sortir de la prison parisienne de La Santé "dans les prochaines heures".

"La cour d'appel de Paris, par sa décision, a reconnu cette fois-ci qu'il y avait des garanties de représentation suffisantes, et a enfin admis qu'il n'y avait pas de risque de fuite ou de pression" sur les témoins, s'est-il félicité, soulignant que son client ne s'était "jamais dérobé à ses obligations".

Alexandre Djouhri avait déposé une première demande de mise en liberté qui avait été rejetée début novembre, la cour d'appel estimant qu'il présentait un risque de fuite et des garanties de représentation "particulièrement faibles".

Dans ce dossier, deux autres personnes ont été condamnées en première instance à des peines d'emprisonnement avec mandat de dépôt: l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, condamné à cinq ans de prison, et le banquier Wahib Nacer.

L'ex-chef de l'Etat a été incarcéré vingt jours à la prison de la Santé, avant d'obtenir sa libération auprès de la cour d'appel. M. Nacer, qui avait été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt à exécution provisoire, a également été libéré de prison.

Alexandre Djouhri devrait donc comparaître libre, comme tous ses coprévenus, au procès en appel  prévu du 16 mars au 3 juin. Au total, 10 personnes, dont Nicolas Sarkozy et deux de ses proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux, seront rejugées dans ce dossier.


Macron de retour sur le thème de la désinformation, après la polémique sur la labellisation

Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron poursuit en Bretagne son tour de France consacré à la régulation des réseaux sociaux et à la lutte contre la désinformation, tout en répondant aux accusations de « dérive autoritaire » liées à son soutien à une labellisation des médias
  • Le président réaffirme qu’il ne s’agit pas d’un label d’État et dénonce les polémiques

PARIS: Emmanuel Macron reprend mercredi en Bretagne son tour de France sur la régulation des réseaux sociaux et la lutte contre la désinformation, l'occasion de répondre en personne aux accusations de dérive "autoritaire" provoquées par son soutien à une labellisation des médias.

Le chef de l'Etat est attendu dans l'après-midi à Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, pour un échange avec des lecteurs d'Ouest-France sur le thème de "la démocratie à l'épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes".

Ses précédents débats organisés par la presse régionale l'ont mené depuis un mois à Toulouse, Arras (Pas-de-Calais) et Mirecourt (Vosges), et il devrait enchaîner avec Marseille la semaine prochaine.

Son idée directrice est de réfléchir à une adaptation de la législation pour réguler les réseaux sociaux, qui échappent largement à la loi de la presse de 1881 qui régit les médias traditionnels. Une réflexion censée déboucher sur des "décisions concrètes" début 2026, même si le président a déjà commencé à égrener des pistes.

Parmi elles, une mesure a déclenché une polémique à retardement.

Emmanuel Macron a en effet apporté un soutien très volontariste à des initiatives existantes de labellisation des médias "par des professionnels", pour distinguer les sites et réseaux qui font de l'information, selon les règles déontologiques, des autres.

"On va tout faire pour que soit mis en place un label", a-t-il lancé le 19 novembre à Arras, tout en assurant que ce n'était par à l'Etat de le faire.

- "Dérive totalitaire" -

Le 30 novembre, le Journal du dimanche s'est saisi de cette proposition pour lui reprocher une "dérive totalitaire", ironisant sur sa volonté présumée de mettre en place un "ministère de la Vérité", comme dans le roman dystopique "1984" de George Orwell.

L'accusation a été aussitôt relayée par les autres médias du milliardaire conservateur Vincent Bolloré puis par plusieurs dirigeants de la droite et de l'extrême droite, qui disent soupçonner le chef de l'Etat de vouloir "contrôler l'information" et museler la liberté d'expression à son profit.

En Conseil des ministres, il y a une semaine, Emmanuel Macron a répondu qu'il n'avait "jamais" envisagé de créer un "label d'Etat" pour les médias, et "encore moins" un "ministère de la Vérité", selon les propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Le compte de l'Elysée s'est même fendu d'un message sur le réseau X pour déplorer que "parler de lutte contre la désinformation suscite la désinformation", visant ceux qui avaient attaqué le président, du patron des Républicains Bruno Retailleau au présentateur vedette de CNews Pascal Praud.

Une réaction officielle qui a déclenché une nouvelle cascade de commentaires enflammés y voyant la démonstration de velléités de contrôle macronistes.

A Saint-Malo, le président de la République doit aussi aborder "les conséquences de la désinformation en matière climatique", à l'occasion des dix ans de l'accord de Paris sur le climat, a fait savoir l'Elysée.