Au Liban, une initiative de sauvetage qui n’aborde pas les armes du Hezbollah

Un manifestant libanais agite le drapeau national lors d'une récente manifestation à Beyrouth (Photo, AFP)
Un manifestant libanais agite le drapeau national lors d'une récente manifestation à Beyrouth (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mardi 24 novembre 2020

Au Liban, une initiative de sauvetage qui n’aborde pas les armes du Hezbollah

  • Le taux d'inflation au Liban est désormais près de 365%
  • Le Parlement doit tenir une session des commissions parlementaires mixtes pour discuter d'un projet de loi électoral controversé.

BEYROUTH: Une universitaire libanaise a averti les politiciens que son pays croule sous la menace du Hezbollah, malgré les maintes initiatives pour le sauver, alors qu'il lutte pour faire face aux multiples crises qui accablent cet État de l’est de la Méditerranée.

Dr Mona Fayad, membre de l’Association libanaise des femmes chercheuses, a affirmé que l’initiative de sauvetage du Liban «n’aborde pas la question cruciale des armes illégales et inconstitutionnelles, à savoir celles du Hezbollah».

Interrogée par Arab News, Fayad a déclaré: «Nous sommes un pays avec des frontières et une armée. Depuis 2006, le Hezbollah n'a pas tiré une balle sur Israël. Sommes-nous censés garder sa boutique ouverte pour qu'elle puisse l'utiliser pour se battre ici et là? Après, le Hezbollah nous gouverne au nom de la résistance, comment est-ce possible? », et d’ajouter, «comment l'initiative de sauvetage attend-elle du Parlement d’appliquer la constitution et d’élire un Sénat? Le Parlement actuel n’est-il pas fondamentalement anticonstitutionnel et illégal? Et comment des élections peuvent-elles se dérouler sous (la menace des) armes? Je crains que ce qui se passe actuellement ne soit le fruit d’une collusion entre le Parlement et ces forces civiles».

Cette mise en garde intervient alors qu’aucun progrès n’a été réalisé sur le front du nouveau gouvernement depuis la démission du cabinet précédent en août, ce qui retarde davantage un éventuel accord avec le Fonds monétaire international sur un plan de sauvetage.

Inflation de 365%

L'économiste américain Steve Hanke a déclaré dans un tweet lundi: «Bien que le Venezuela continue à occuper la première place dans le tableau de bord de l'inflation, le Liban a enfin dépassé le Zimbabwe pour la deuxième place. Il est choquant de voir les politiciens libanais continuer à jouer du violon pendant que Beyrouth brûle».

Le taux d'inflation au Liban est désormais près de 365%.

Face à cette impasse, les syndicats, universités, organisations économiques, et les forces de la société civile se sont rassemblés sous le slogan «Rapatrier l'État», et ont lancé lundi une initiative nationale de sauvetage lors d'une conférence de presse au Palais de Justice de Beyrouth.

Le chef du Barreau de Beyrouth, Melhem Khalaf, a déclaré lors de la conférence de presse: «Nous voulons restaurer l'État et reconstruire le pays, et pour ce faire nous devons reconfigurer le pouvoir».

Khalaf a ajouté: «L’initiative est facile à appliquer, elle est proportionnelle à la douleur des gens, elle est ouverte à un débat constructif d’une manière de manière à apaiser les esprits».

Le chef de l'Association du barreau du Nord, Mohammed Al-Murad, a expliqué les détails de l'initiative de sauvetage. Il a déclaré que l'initiative «comprend la nécessité de former un gouvernement efficace, déterminé, juste et fiable composé de spécialistes indépendants dotés de pouvoirs législatifs spécifiques et limités, dans un délai précis».

Il a ajouté: «La première priorité du gouvernement devrait être l‘élaboration d'un plan de sauvetage fiscal, économique et social. Il faut aussi rendre pleinement justice en ce qui concerne l'explosion du port de Beyrouth, et préparer un plan de lutte national contre la pandémie et la propagation du virus».

Murad a déclaré que l'initiative veut se lancer dans «la voie des réformes immédiatement pour lutter contre toute forme de corruption, l'audit de toutes les institutions indépendantes et administrations publiques». A cela s’ajoute la création d'un Sénat et l'adoption d'une nouvelle loi électorale pour éloigner le pays du sectarisme.

Loi électorale controversée

Parallèlement, Les commissions parlementaires se réuniront mercredi pour discuter d'une nouvelle loi électorale controversée lors d’une session des commissions parlementaires mixtes. Le bloc du Président Nabih Berri fait en effet pression pour forcer l’approbation de son projet de loi qui se base sur la représentation proportionnelle, en plus de considérer le Liban comme une circonscription unique.

Cette question a soulevé des inquiétudes chez les députés chrétiens, en particulier ceux du Mouvement patriotique libre et des Forces libanaises.

Edy Abillama, député appartenant au bloc parlementaire du parti des Forces libanaises a déclaré: «Le pays n'a pas besoin de telle suggestions controversées en ce moment». Il a évoqué la coordination de son parti avec les Courant patriotique libre (CPL) pour «rejeter le projet de loi propose d'en faire du pays une seule circonscription électorale sur la base d’un scrutin proportionnel ».

Mario Aoun, député du CPL proche du président de la république Michel a pour sa part souligné son refus «de faire du Liban une seule circonscription électorale, tout en affichant son accord pour une éventuelle modification de la loi électorale actuelle, qui a prouvé son efficacité lors des dernières élections».

Le vice-président du Parlement libanais, Elie Ferzli, qui présidera la session conjointe de la commission, a pour sa part déclaré que «les commissions ont plusieurs projets de lois électorales et le débat ne se limite pas à une formule. Mieux vaut convenir sur une loi avant l’échéance de la date».

Ce texte est une traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

Short Url
  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Short Url
  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.