La rue et le Parlement disent non à Macron

Le président français va devoir faire un choix qui affectera le reste de son second mandat (Photo, AFP).
Le président français va devoir faire un choix qui affectera le reste de son second mandat (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 17 février 2023

La rue et le Parlement disent non à Macron

La rue et le Parlement disent non à Macron
  • Emmanuel Macron peut-il continuer d’ignorer ce mouvement populaire qui refuse sa réforme et continuer à gouverner comme si de rien n’était?
  • Pour les centrales syndicales, cette quatrième journée de mobilisation nationale a été vécue comme le signal d’une possible escalade

La quatrième journée de mobilisation nationale contre la réforme du régime de retraite a douché les espoirs du gouvernement d’Élisabeth Borne et du président, Emmanuel Macron, de voir la contestation populaire baisser en intensité et perdre son éclat. Bien au contraire, les Français sont descendus en masse dans les rues et leur message de refus est des plus nets et des plus déterminés.

Pour Emmanuel Macron, l’étau se resserre. Peut-il continuer d’ignorer ce mouvement populaire qui refuse sa réforme et continuer à gouverner comme si de rien n’était? Peut-il courir le risque d’installer la France dans une crise durable avec cette posture de défi lancée et assumée de manière presque unanime par les centrales syndicales et les partis d’opposition à son égard pour le restant de son second mandat?

Pour tenter de convaincre et de séduire, M. Macron, son gouvernement et ses communicants plaident l’urgence absolue. Leur slogan: «La réforme ou la faillite.» L’objectif est de stimuler les hésitants, notamment ceux parmi les députés qui vont avoir à discuter et à voter cette réforme.

Une caractéristique particulière marque cette séquence; au moment où les Français crient leur colère dans la rue avec autant de force, le débat parlementaire fait rage. Les oppositions d’extrême droite comme de gauche déploient leurs capacités de dissuasion pour convaincre que cette réforme est fondamentalement mauvaise et injuste. Le pugilat est presque quotidien et les attaques contre le gouvernement font des dégâts certains, notamment quand la plaidoirie gouvernementale peine à convaincre et à sortir d’une position défensive de plus en plus difficile à tenir.

La situation est telle que les deux partenaires de cette crise sociale ont deux stratégies totalement opposées. Chacun va tenter de jouer sur le temps et l’usure avec l’espoir que cela finira par faire plier l’adversaire.

Pour Emmanuel Macron, il faut continuer à expliquer et à assurer une démarche pédagogique pour que les Français puissent enfin se rendre compte de la gravité de la situation. Parallèlement à cette mission de communication, M. Macron se livre aussi à un exercice inédit pour lui, celui de devoir séduire un groupe parlementaire spécifique pour l’intégrer à sa majorité parlementaire. En ligne de mire, les députés du parti les Républicains, le seul parti de droite et dit «d’opposition» qui soutient cette réforme. Mais là aussi, la mission n’est pas facile. Les «Républicains» ne sont pas tous d’accord pour accorder leur soutien à Emmanuel Macron. Ils se trouvent parmi eux des personnalités qui rêvent d’en découdre avec le président de la république qu’ils accusent d’avoir capté leur héritage politique et leurs ressources humaines et d’avoir participé à ce que la droite classique soit aussi marginalisée et si peu représentée dans le débat public.

Emmanuel Macron est dans une situation politique très peu enviable

Pour les centrales syndicales, cette quatrième journée de mobilisation nationale a été vécue comme le signal d’une possible escalade si le gouvernement ne recule pas sur cette réforme contestable. Elles menacent d’adopter une stratégie encore plus radicale que celle qui consiste à demander aux Français de sortir manifester dans la rue.

Il s’agit d’une stratégie qui se joue en plusieurs étapes. Mener des actions qui bloquent la dynamique économique du pays et qui pourraient éventuellement provoquer des pénuries. Et inscrire le principe de la grève reconductible dans leurs actions syndicales, ce qui pourrait générer des paralysies qui rappelleraient les heures noires des grèves dures des années 1990 et 2000 et qui avaient fini par obliger les gouvernements de l’époque à retirer les projets de réforme, refusés et contestés par les Français.

Emmanuel Macron est dans une situation politique très peu enviable. Il ne peut maintenir coûte que coûte cette réforme sous peine de provoquer une profonde divergence avec une opinion et une classe politique qui la refusent totalement. Et il ne peut la retirer sous peine d’apparaître comme le président qui recule devant la pression de la rue et qui montre ainsi une incapacité chronique à réformer la France contrairement à ses nombreuses promesses électorales.

Dans les deux scénarios, la physionomie de son second mandat sera marquée. Soit par un passage en force avec les dégâts politiques que cela entraîne, notamment parce que l’opposition des Français à cette réforme des retraites sera décuplée par leur colère croissante face à la baisse de leur pouvoir d’achat. Soit par une capitulation politique qui signera la fin de sa fibre réformiste et la victoire des oppositions syndicales et politiques, avec les conséquences que cela implique pour une gouvernance impuissante, voire empêchée pour le restant du second mandat.

 


Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

Twitter: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.