Le Sénat adopte un changement du rapport de force fournisseurs-supermarchés

Le texte du député Descrozaille modifie à titre expérimental le rapport de force entre les fournisseurs et industriels de l'agroalimentaire, et la grande distribution, jugé trop favorable à cette dernière (Photo, AFP).
Le texte du député Descrozaille modifie à titre expérimental le rapport de force entre les fournisseurs et industriels de l'agroalimentaire, et la grande distribution, jugé trop favorable à cette dernière (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 16 février 2023

Le Sénat adopte un changement du rapport de force fournisseurs-supermarchés

  • «Il ne s'agit pas de monter les distributeurs contre les industriels ou l'inverse», a souligné à l'ouverture des débats le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau
  • Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s'accorder sur une version commune du texte

PARIS: Le Sénat a adopté mercredi en première lecture, avec des aménagements, la proposition de loi du député Renaissance Frédéric Descrozaille qui modifie à titre expérimental les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, en conservant finalement la prolongation de l'encadrement du seuil de vente à perte.

Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s'accorder sur une version commune du texte.

"Il ne s'agit pas de monter les distributeurs contre les industriels ou l'inverse", a souligné à l'ouverture des débats le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, fustigeant sur ce sujet des "propos qui versent trop facilement dans la caricature".

La présidente LR de la commission des Affaires économiques Sophie Primas a regretté que ce texte soit soumis au Sénat à "un très mauvais moment", tout juste deux semaines avant la fin du round de négociations annuelles programmées du 1er décembre au 1er mars pour les produits de grande consommation.

Critiqué par les grandes enseignes, il avait donné lieu en janvier à une dizaine de jours d'affrontements médiatiques, avec notamment Michel Edouard-Leclerc, avant son adoption par les députés, à l'unanimité des votants.

Le texte du député Descrozaille modifie à titre expérimental le rapport de force entre les fournisseurs et industriels de l'agroalimentaire, et la grande distribution, jugé trop favorable à cette dernière.

Il vise à combler le "flou juridique" en cas d'échec des négociations au 1er mars, qui n'interrompt pas le contrat et profite de fait à l'acheteur puisque celui-ci peut continuer pendant plusieurs mois à commander des produits au fournisseur, qu'il acquitte à l'ancien tarif.

Il crée ainsi un délai supplémentaire d'un mois pour permettre une médiation visant soit à conclure un accord soit à définir les termes d'un préavis de rupture commerciale.

Les sénateurs ont "encadré" le dispositif, prévoyant notamment que le prix applicable pendant le préavis de rupture d'un mois doive tenir compte "de la situation économique du marché" (inflation, hausses moyennes acceptées par les concurrents...).

«Pression sur les distributeurs»

La proposition de loi entend par ailleurs prolonger jusqu'en 2026 l'expérimentation de l'encadrement du seuil de vente à perte et des promotions, qui arrive à échéance en avril.

Concernant le seuil de revente à perte, la commission a dans un premier temps souhaité suspendre la mesure pendant deux ans.

Une proposition clivante qui n'a finalement pas été retenue, puisque la rapporteure Anne-Catherine Loisier (centriste) a défendu elle-même dans l'hémicycle un amendement rétablissant la prolongation (jusqu'en 2025), mais en excluant, contre l'avis du gouvernement, les fruits et légumes frais de son application.

Cette disposition, dite SRP+10, adoptée dans le cadre de la loi Egalim 1 censée protéger le revenu des agriculteurs, oblige les supermarchés à vendre les produits alimentaires au moins 10% plus cher que le prix auquel ils l'ont acheté.

"Nous tenions à mettre la pression sur les distributeurs", s'est justifiée la rapporteure. "Il fallait poser le débat", a appuyé Daniel Gremillet (LR).

"Suspendre cette disposition pendant deux ans serait revenu à l'enterrer", avec "un risque de relancer la guerre des prix", a estimé M. Fesneau. La FNSEA avait crié à la "provocation".

L'association de consommateurs UFC-Que choisir réclame pour sa part sa "suppression immédiate", pour alléger le poids de l'inflation.

Autre initiative des sénateurs à laquelle le gouvernement est opposé: l'extension à tous les produits de grande consommation, notamment les produits d'hygiène et d'entretien, de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires qui visait notamment à mettre fin aux opérations "1 produit acheté, 1 produit offert".

Le Sénat a encore étendu le champ de la non-négociabilité des matières premières agricoles aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD). "Une avancée capitale" pour Olivier Rietmann.

Les groupes CRCE à majorité communiste et écologiste se sont abstenus sur ce texte. "Il marque un petit pas, mais clairement nous travaillons à la marge, dans tous les sens du terme", a déclaré l'écologiste Daniel Salmon.


S&P dégrade la note de la France, avertissement au nouveau gouvernement

Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
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  • L’agence S&P a abaissé la note de la France à A+, invoquant une incertitude persistante sur les finances publiques malgré la présentation du budget 2026 et un déficit prévu à 5,4 % du PIB en 2025

PARIS: L'une des plus grandes agences de notation a adressé un avertissement au nouveau gouvernement Lecornu en dégradant la note de la France vendredi, invoquant une incertitude "élevée" sur les finances publiques en dépit de la présentation d'un budget pour 2026.

Moins d'une semaine après la formation de la nouvelle équipe gouvernementale et trois jours après la publication d'un projet de loi de finances (PLF) pour l'année prochaine, S&P Global Ratings a annoncé abaisser d'un cran sa note de la France à A+.

"Malgré la présentation cette semaine du projet de budget 2026, l'incertitude sur les finances publiques françaises demeure élevée", a affirmé l'agence, qui figure parmi les trois plus influentes avec Moody's et Fitch.

Réagissant à cette deuxième dégradation par S&P (anciennement Standard & Poors) en un an et demi, le ministre de l'Economie Roland Lescure a dit "(prendre) acte" de cette décision.

"Le gouvernement confirme sa détermination à tenir l'objectif de déficit de 5,4% du PIB pour 2025", a ajouté son ministère dans une déclaration transmise à l'AFP.

Selon S&P, si cet "objectif de déficit public de 5,4% du PIB en 2025 sera atteint", "en l'absence de mesures supplémentaires significatives de réduction du déficit budgétaire, l'assainissement budgétaire sur (son) horizon de prévision sera plus lent que prévu".

L'agence prévoit que "la dette publique brute atteindra 121% du PIB en 2028, contre 112% du PIB à la fin de l'année dernière", a-t-elle poursuivi dans un communiqué.

"En conséquence, nous avons abaissé nos notes souveraines non sollicitées de la France de AA-/A-1+ à A+/A-1", écrit-elle. Les perspectives sont stables.

"Pour 2026, le gouvernement a déposé mardi 14 octobre un projet de budget qui vise à accélérer la réduction du déficit public à 4,7% du PIB tout en préservant la croissance", a répondu le ministère de l'Economie.

"Il s'agit d'une étape clef qui nous permettra de respecter l'engagement de la France à ramener le déficit public sous 3% du PIB en 2029", a ajouté Bercy.

"Il est désormais de la responsabilité collective du gouvernement et du Parlement de parvenir à l'adoption d'un budget qui s'inscrit dans ce cadre, avant la fin de l'année 2025", selon la même source.

- "Plus grave instabilité" depuis 1958 -

Mais le gouvernement qui, à peine entré en fonctions, a échappé de peu cette semaine à la censure après une concession aux socialistes sur la réforme des retraites, va devoir composer avec une Assemblée nationale sans majorité lors de débats budgétaires qui s'annoncent houleux, alors même que le Premier ministre Sébastien Lecornu s'est engagé à ne pas recourir à l'article 49.3 pour imposer son texte.

Cette nouvelle dégradation de la note de la France par S&P intervient avant une décision de Moody's attendue le 24 octobre. Elle a lieu un mois après que Fitch a elle aussi abaissé la note française à A+.

Les agences comme Fitch, Moody's et S&P Global Ratings classent la qualité de crédit des Etats - soit leur capacité à rembourser leur dette -, de AAA (la meilleure note) à D (défaut de paiement).

Les dégradations de note par les agences sont redoutées par les pays car elles peuvent se traduire par un alourdissement de leurs intérêts.

Ceux payés par la France sont estimés à environ 55 milliards d'euros en 2025, alors que depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, la dette française se négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande.

"La France traverse sa plus grave instabilité politique depuis la fondation de la Cinquième République en 1958", a estimé S&P: "depuis mai 2022, le président Emmanuel Macron a dû composer avec deux Parlements sans majorité claire et une fragmentation politique de plus en plus forte".

Pour l'agence, "l'approche de l'élection présidentielle de 2027 jette un doute (...) sur la capacité réelle de la France à parvenir à son objectif de déficit budgétaire à 3% du PIB en 2029".

En tombant en A+ chez S&P, la France se retrouve au niveau de l'Espagne, du Japon, du Portugal et de la Chine.


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.