Les ravages du séisme aggravent la situation des Syriens laissés sans ressources par la guerre

Une équipe émiratie de recherche et de sauvetage fouille les décombres dans le nord-ouest de la Syrie (Photo, AFP).
Une équipe émiratie de recherche et de sauvetage fouille les décombres dans le nord-ouest de la Syrie (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 16 février 2023

Les ravages du séisme aggravent la situation des Syriens laissés sans ressources par la guerre

  • Parmi les personnes les plus touchées, on compte 3 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays dans la région frontalière avec la Turquie
  • Les complications politiques liées à l'envoi de l'aide dans le nord-ouest ont eu un impact négatif sur la réponse humanitaire

QAMISHLI, SYRIE: Plus d'une semaine après que des séismes aient dévasté des parties du sud-est de la Turquie et du nord-ouest de la Syrie, le bilan des victimes continue de s'alourdir d'heure en heure. Ce mardi, le nombre total de morts dans les deux pays s'élevait à plus de 41 000, avec des dizaines de milliers de blessés.
Bien que le nombre de décès confirmés soit inférieur en Syrie – environ 5 814 contre 35 418 en Turquie – plus d'une décennie de guerre civile a laissé le pays totalement démuni face à une catastrophe de cette ampleur.
La situation déjà désastreuse dans le nord-ouest du pays, où des régimes rivaux, des groupes d'opposition et des factions terroristes se disputent depuis longtemps le contrôle du pays, s'est transformée en une véritable catastrophe humanitaire.
L’Institut du Moyen-Orient, basé à Washington, estime que jusqu'à 60% des infrastructures de la région avaient déjà été endommagées ou détruites avant le tremblement de terre du 6 février, les installations médicales étant particulièrement touchées
«Avant le tremblement de terre, la plupart des gens souffraient de la situation humanitaire à cause de la destruction de la plupart des bâtiments et des infrastructures à la suite des bombardements du régime Assad et de son allié la Russie, notamment dans le secteur médical, et du manque de logistique et de médicaments», a expliqué à Arab News Bachar al-Fares, un journaliste du nord-ouest de la Syrie.
«Aujourd'hui, après les tremblements de terre qui ont frappé les régions du nord-ouest de la Syrie, la situation s'est aggravée. En raison de la destruction qui a ravagé la région, qui était un abri pour les réfugiés et les familles déplacées de force de divers gouvernorats syriens, des milliers de personnes ont perdu la vie dans les tremblements de terre et beaucoup d'autres ont été blessées.

L'Arabie saoudite a envoyé des équipes de recherche et de sauvetage en Syrie et en Turquie (Photo, SPA).

«Cette situation a été amplifiée par la grave pénurie de personnel médical, de médicaments et d'équipements de secours.»
Ayant été chassés de leurs foyers dans d'autres régions du pays pour échapper aux bombardements, à la conscription, aux combats et aux persécutions, près de 3 millions de Syriens dans la région limitrophe de la Turquie sont classés comme déplacés internes.
Les températures hivernales glaciales, en particulier les fortes chutes de neige avant les tremblements de terre, combinées à une épidémie de choléra sans précédent et au conflit en cours dans le pays, ont laissé les Syriens face à une litanie de malheurs qui se chevauchent, avec peu d'aide extérieure.
Cette épidémie, qui a débuté en août dernier, a jusqu'à présent touché plus de 77 000 personnes à travers le pays, dont près de 38 000 dans les gouvernorats d'Idlib et d'Alep – les régions les plus durement touchées par les tremblements de terre.
Pour ajouter à la misère de la population, la monnaie syrienne s'est effondrée à la fin de l'année dernière. Le taux de change au marché noir par rapport au dollar américain était déjà passé de 500 livres syriennes (contre 1 dollar) en 2018 à 3 300 en 2021. À la fin de l'année dernière, il s'était envolé à plus de 6 600 livres contre 1 dollar.
La valeur de la livre n'a cessé de s'effondrer depuis les tremblements de terre, le taux de change ayant atteint plus de 7 400 livres cette semaine, ce qui a encore réduit le pouvoir d'achat des familles moyennes.
Bien que le nombre annuel de morts dans le pays l'année dernière ait été le plus bas depuis le début du conflit il y a plus de dix ans, les combats se sont poursuivis entre plusieurs factions dans les régions destinées à être dévastées par les tremblements de terre.
Pas plus tard que le 3 février, les forces du régime ont bombardé à l'artillerie lourde les faubourgs d'Al-Bara, dans la région rurale d'Idlib. Deux jours seulement avant les tremblements de terre, des affrontements entre Hayat Tahrir al-Cham, un réseau de groupes islamistes radicaux, et les forces du régime à Lattaquié ont fait des dizaines de morts.
Afrin, l'une des zones les plus durement touchées par la catastrophe, est en proie au chaos depuis que les forces turques et l'Armée nationale syrienne soutenue par la Turquie ont envahi la région en 2018, la prenant de l'Administration autonome du nord et de l'est de la Syrie (AANES) dirigée par les Kurdes.
Jusqu'alors, Afrin avait été considérée comme une région relativement pacifique pendant la majeure partie du conflit, et des centaines de milliers de personnes déplacées d'autres régions s'y étaient donc installées.
Le violent bouleversement de 2018 a déplacé la population majoritairement kurde, 300 000 personnes ayant fui vers d'autres régions de Syrie et à l'étranger, selon un rapport de l'Observatoire syrien des droits de l'homme en 2018.
Leurs maisons étant désormais détruites par les tremblements de terre, la population kurde restante pourrait être contrainte de suivre ceux qui sont partis et de s'exposer au danger dans un voyage périlleux afin de trouver refuge ailleurs.

EN CHIFFRES

  • Plus de 9 millions de personnes touchées par les tremblements de terre à Hama, Lattaquié, Idlib, Alep et Tartous.
  • 5 814 décès confirmés en Syrie jusqu’à ce mardi.
  • 90% des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations, près de 250 migrants ont été tués en essayant de traverser la mer Méditerranée pour rejoindre l'Europe l'année dernière. De 2021 à 2022, le nombre de Syriens qui tentent la traversée maritime risquée de l'Afrique vers l'Europe a été multiplié par six, selon l'agence européenne des frontières Frontex.
Pour ceux qui n'ont d'autre choix que de rester en Syrie, les effets des tremblements de terre et leurs conséquences ne font qu'ajouter à leur misère.
«La situation en Syrie est horrible à tous égards», a déclaré à Arab News Sardar Mullah Darwich, journaliste et analyste kurde syrien. «Ces tremblements de terre ne sont que la dernière catastrophe parmi tant d'autres. De nombreux civils vont mourir et personne ne peut les aider.
«Il est très difficile de les aider. Tout le monde aurait dû se réunir et mettre ses conflits de côté mais, malheureusement, cela ne s'est pas produit.»
Darwich a indiqué que plus d'une décennie de guerre civile a essentiellement divisé la Syrie en trois pays différents: les zones contrôlées par le régime, l'opposition et l’AANES.
Les destructions causées par les tremblements de terre englobent des zones situées à l'intérieur et au-delà du contrôle du régime, notamment Jinderis à Afrin, qui est contrôlée par l'opposition, ainsi qu'Alep et les villes côtières sous le contrôle de Damas.
«Maintenant, un problème majeur est que la Syrie est divisée politiquement, le régime veut seulement se procurer l'aide pour lui-même et l'opposition veut seulement apporter de l'aide pour elle-même», a affirmé Darwich.

«Nous avons jusqu'à présent laissé tomber les habitants du nord-ouest de la Syrie. Ils se sentent à juste titre abandonnés», a déclaré Martin Griffiths (Photo fournie).

Les agendas politiques entourant la fourniture d'aide au peuple syrien ont encore compliqué la réponse humanitaire dans une région déjà vulnérable.
Le poste frontalier de Bab al-Hawa, situé près d'Idlib, à la frontière entre la Syrie et la Turquie, est le seul poste approuvé pour l'acheminement de l'aide des Nations unies vers les populations syriennes via la Turquie. Ce point de passage a été fermé pendant trois jours à cause des dégâts qu'il a subis lors des séismes.
En conséquence, ce n'est que le jeudi 9 février que six camions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, transportant des abris et des articles non alimentaires, sont arrivés dans le nord-ouest de la Syrie.
Ce lundi, une semaine après les tremblements de terre, le président syrien, Bachar al-Assad, a déclaré aux Nations unies qu'il allait rouvrir deux autres points de passage, Bab al-Salam et Al-Raee, pour une période initiale de trois mois afin de permettre l'acheminement rapide de l'aide vers les zones touchées.
Complètement isolé du reste du pays, le nord-ouest de la Syrie a dû se débrouiller presque entièrement seul dans les jours qui ont suivi la catastrophe.
«Toutes les villes du gouvernorat d'Idlib et la campagne nord d'Alep ont des centres de défense civile (dont le personnel est plus connu internationalement sous le nom de Casques blancs) et ils sont toujours prêts à intervenir au besoin», a signalé Darwich.
«Cependant, le manque d'équipement lourd de sauvetage pour toutes les équipes de secours était l'un des plus gros problèmes, car ce qui s'est passé dans le nord-ouest de la Syrie était une catastrophe qu'aucun pays ne pouvait gérer.

La guerre civile, l'épidémie de choléra et l'effondrement de l'économie ont poussé des milliers de réfugiés syriens à chercher refuge en Turquie voisine (Photo, AFP).

«Jusqu'à présent, la défense civile et les équipes de secours poursuivent leur travail pour rechercher les victimes et les extraire de sous les décombres.»
En général, la réponse de l'aide a été chaotique. Bien que le gouvernement Assad se soit engagé à fournir de l'aide à toutes les zones touchées par le tremblement de terre, notamment celles qu'il ne contrôle pas, Al-Fares a avisé qu'à sa connaissance, aucune livraison fournie par le régime n'était arrivée à Idlib jusqu'à présent.
Des centaines de camions transportant de la nourriture, du carburant, de l'eau et d'autres fournitures essentielles de l'AANES sont restés bloqués à Manbij pendant plusieurs jours. Pour des raisons politiques, ni l'opposition ni le régime ne donnaient l'autorisation aux camions d'entrer dans les zones sinistrées de la ville.
À la question de savoir si la dévastation pourrait inciter de nombreux autres Syriens à chercher refuge dans les pays voisins, ou au-delà, Al-Fares a répondu qu'«il n'y a pas de points de passage clairs et sûrs pour eux s'ils ont l'intention de migrer vers d'autres pays plus stables.»
En d'autres termes, il n'y a tout simplement plus aucun endroit où aller pour les Syriens laissés démunis par une série interminable de crises.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.