Cinq ans après le scandale du lait contaminé, Lactalis mis en examen

Huile frelatée, vache folle ou plats à la viande de cheval: rappel de grands scandales alimentaires en Europe, alors que le groupe Lactalis a été mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires". (AFP)
Huile frelatée, vache folle ou plats à la viande de cheval: rappel de grands scandales alimentaires en Europe, alors que le groupe Lactalis a été mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires". (AFP)
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Publié le Jeudi 16 février 2023

Cinq ans après le scandale du lait contaminé, Lactalis mis en examen

  • Le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon ont été mis en examen jeudi pour tromperie aggravée et blessures involontaires
  • Elles ont été placées sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 300 000 euros chacune, a confirmé une source judiciaire

PARIS: Plus de cinq ans après le scandale de la contamination aux salmonelles de laits infantiles qui a touché des dizaines d'enfants, le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon ont été mis en examen jeudi notamment pour tromperie aggravée et blessures involontaires.

Convoquées par un juge du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris, les deux sociétés ont également été mises en examen pour inexécution de mesures de retrait et rappel, a annoncé le numéro un du lait français dans un communiqué.

Elles ont été placées sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 300.000 euros chacune, a confirmé une source judiciaire.

"Cette étape marque le début de l'instruction judiciaire, dans laquelle Lactalis s'engagera pleinement et en toute transparence", a assuré Lactalis, pour qui "l'enjeu de cette procédure est de permettre la manifestation de la vérité scientifique dans ce dossier industriel complexe".

Au total, plusieurs dizaines de nourrissons identifiés avaient été atteints de salmonellose en France fin 2017 après avoir consommé un produit pour enfant, essentiellement de marque Milumel ou Picot, sorti de l'usine de Craon, située en Mayenne.

En particulier, Santé publique France avait recensé 36 nourrissons ayant consommé, en France, du lait produit par Lactalis "dans les trois jours précédant la date de début de leurs symptômes".

Les salmonelloses sont des intoxications alimentaires, qui vont de la gastroentérite bénigne à des infections plus graves, notamment pour les jeunes enfants, les personnes âgées ou affaiblies.

Le processus de retrait avait été chaotique et de nombreux dysfonctionnements ayant mené à la contamination avaient été mis au jour.

Après plusieurs semaines de crise, le groupe, réputé pour sa culture du secret, avait retiré mi-janvier 2018 la totalité de ses laits infantiles produits dans l'usine incriminée, dont la production avait dû être suspendue pendant plus de six mois.

L'entreprise dirigée par Emmanuel Besnier avait affirmé que la contamination s'expliquait par des "travaux réalisés courant 1er semestre 2017".

Mais le site avait déjà subi une contamination à la salmonelle en 2005. L'Institut Pasteur avait ensuite annoncé être arrivé à la conclusion que la bactérie présente à Craon avait subsisté entre 2005 et 2017.

Plusieurs centaines de plaintes - dont un grand nombre pour tromperie aggravée - ont été déposées et plusieurs dizaines de personnes ont été auditionnées par les enquêteurs.

En octobre 2019, M. Besnier a été entendu dans le cadre d'une garde à vue, dont il est sorti sans poursuite.

Affaire Lactalis: d'autres scandales alimentaires en Europe

Huile frelatée, vache folle ou plats à la viande de cheval: rappel de grands scandales alimentaires en Europe, alors que le groupe Lactalis a été mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires".

Ce géant laitier a été touché en 2017 par un scandale sanitaire après la découverte de salmonelle dans du lait maternisé produit dans son usine de Craon, en Mayenne.

Huile frelatée en Espagne 

En 1981, 1.200 personnes meurent empoisonnées par de l'huile de colza frelatée, destinée à l'origine à un usage industriel.

Contaminée par des composés toxiques lors de son affinage, cette huile était vendue comme substitut de l'huile d'olive dans les quartiers populaires, principalement à Madrid et dans le nord-ouest de l'Espagne.

En 1992, dix chefs d'entreprise et chimistes du secteur huilier sont condamnés à des peines allant de 4 à 77 ans de prison.

Vache folle au Royaume-Uni 

Dans les années 1990, les cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), ou maladie de la "vache folle", se multiplient dans les troupeaux au Royaume-Uni, vraisemblablement à cause d'une alimentation comportant des farines de carcasses d'animaux atteints d'ESB.

En 1996, des scientifiques démontrent que l'ESB peut se transmettre par voie digestive à l'homme sous la forme d'une maladie neurodégénérative, la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ).

L'UE décrète un embargo sur la viande britannique en 1996, levé à l'échelon européen en 1999 puis par la France en 2002.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénombré 224 décès d'octobre 1996 à mars 2011 par vMCJ, majoritairement au Royaume-Uni. L'ampleur de l'épidémie reste méconnue en raison notamment des incertitudes sur la durée d'incubation de la maladie.

Perrier au benzène en France 

En février 1990, le groupe français Perrier retire de la vente 160 millions de bouteilles à travers le monde en raison de la détection de traces de benzène dans certaines bouteilles aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

A la source du scandale une erreur humaine: l'utilisation d'un produit à base de benzène pour dégraisser une machine sur la chaîne d'embouteillage.

Chickengate en Belgique 

En mai 1999, de la dioxine, produit de dégradation très toxique, est découverte en Belgique dans des farines pour volaille et bétail.

Le "syndrome de la dioxine" s'empare des consommateurs européens qui boudent les ventes d'oeufs et de poulets d'élevages industriels. Ce scandale, qui a coûté 650 millions d'euros à la Belgique, a provoqué la démission de deux ministres.

Bactérie tueuse en Allemagne 

Au printemps 2011, une intoxication provoquée par une souche particulièrement dangereuse de la bactérie E.coli entérohémorragique (Eceh) tue 48 personnes en Allemagne et une en Suède.

Les autorités sanitaires allemandes déclenchent la panique en incriminant à tort les fruits et légumes, en particulier les concombres, importés d'Espagne.

La cause véritable de l'épidémie est identifiée ensuite: 15 tonnes de graines de fenugrec provenant d'Egypte.

Lasagnes à la viande de cheval 

En février 2013, Comigel, sous-traitant français qui produit des plats surgelés, annonce le retrait de produits suspects après la découverte de viande de cheval dans des lasagnes censées être au bœuf.

Ce scandale, qui concerne 4,5 millions de plats cuisinés distribués dans toute l'Europe, révèle la complexité et l'opacité des circuits de transformation des produits agroalimentaires industriels.

Œufs contaminés à l'insecticide 

Un insecticide interdit, le Fipronil, est retrouvé dans des œufs en 2017 après son utilisation frauduleuse pour désinfecter des poulaillers, principalement en Belgique et aux Pays-Bas.

Ce scandale ébranle la filière avicole européenne et entraîne l'abattage préventif de millions de volailles et le retrait de dizaines de millions d'œufs des rayons de supermarchés.

En 2021, plusieurs chefs d'entreprises belges et néerlandais de la filière sont condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis.

Pizzas Buitoni à l'E.coli 

Contaminées par la bactérie Escherichia coli, des pizzas produites dans l'usine Buitoni (groupe Nestlé) de Caudry (Nord) sont suspectées d'avoir provoqué la mort de deux enfants et fait au total 56 victimes, début 2022.

Une enquête pour homicide, blessures involontaires et mise sur le marché d'un produit dangereux, est ouverte et confiée en mai 2022 à un juge d'instruction.

«Premiers pas» vers un procès? 

"Ces mises en examen et cette consignation si importante prouvent l'existence d'éléments graves et concordants dans ce dossier", a réagi auprès de l'AFP Me Jade Dousselin, qui défend l'Association des familles de victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS).

Pour l'avocate, "il s'agit d'un premier pas vers une condamnation des responsables dans ce scandale sanitaire d'ampleur".

"Nous espérons que les responsables de ce scandale sanitaire qui touche des enfants seront renvoyés rapidement devant le tribunal correctionnel", a commenté Me François Lafforgue, avocat de Foodwatch, qui avait porté plainte.

Lactalis: les dates clés de l'affaire du lait contaminé

Rappel des principales dates de l'affaire du lait infantile contaminé par des salmonelles, produit à Craon (Mayenne) par le groupe Lactalis, mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires":

2 décembre 2017: premier rappel 

 

Premier rappel de lots de boîtes de lait infantile fabriqué par Lactalis dans l'usine de Craon après la contamination de 20 bébés par des salmonelles.

10 décembre: retrait massif 

Retrait massif des laits infantiles fabriqués à Craon après cinq nouveaux cas de salmonellose. Lactalis assure avoir détecté la "cause probable" de la contamination. Le ministère de la Santé exige des "mesures correctives" avant toute reprise de production.

 

18 décembre: premières plaintes 

Une première plainte contre Lactalis est déposée par le père d'un bébé pour "mise en danger de la vie d'autrui". L'association UFC-Que Choisir porte également plainte pour tromperie.

L'autorité sanitaire Santé Publique France identifie 31 nourrissons victimes de salmonellose entre août et décembre 2017 après consommation de produits Lactalis. Tous ces bébés se sont ensuite rétablis.

 

21 décembre: rappel étendu 

La liste des lots retirés s'allonge: Lactalis rappelle tous les produits infantiles fabriqués à Craon depuis le 15 février 2017. La contamination dans l'usine s'explique par des "travaux réalisés courant 1er semestre 2017", selon l'entreprise. Mais le site avait déjà subi une contamination à la salmonelle en 2005.

 

22 décembre: ouverture d'une enquête 

Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "blessures involontaires", "mise en danger de la vie d'autrui", "tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine" et "inexécution d'une procédure de retrait ou de rappel d'un produit" préjudiciable à la santé. Cinq sites de Lactalis, dont le siège et l'usine de Craon, sont perquisitionnés le 17 janvier.

 

9-10 janvier 2018: failles dans les rappels 

Les enseignes Leclerc, Auchan, Système U, Carrefour et Casino reconnaissent avoir continué à vendre du lait infantile de Lactalis malgré les rappels. Convoquée par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, la grande distribution s'engage à mettre en place un contrôle plus rigoureux en cas de rappel.

 

12 janvier: centaines de plaintes 

Le scandale Lactalis s'étend hors de France avec un bébé espagnol victime. Une association annonce des "centaines" de plaintes de parents en France contre le groupe.

Deux jours plus tard, le très secret PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, sort de son silence: dans le Journal du Dimanche, il promet d'indemniser les familles de victimes.

 

1er février: deux épidémies révélées 

Selon l'Institut Pasteur, le lait infantile produit à Craon est à l'origine de deux épidémies de salmonellose, l'une en 2005 avec 146 bébés touchés et l'autre en 2017 avec 37 cas.

 

14 février: nouvelle salve de plaintes 

Nouvelle salve de plaintes de la part d'une trentaine de familles et de l'association de consommateurs Foodwatch.

 

15 mars: les leçons des sénateurs 

Les sénateurs tirent les leçons de l'affaire avec 17 propositions pour améliorer les contrôles sanitaires et procédures de retrait de produits.

 

7 juin: le PDG plaide l'accident 

Entendu par les députés, Emmanuel Besnier plaide "l'accident" industriel sans "responsabilité de personnes à l'intérieur de l'usine" et se défend de toute opacité.

 

18 juillet: les députés préconisent 

Dans son rapport, la commission d'enquête parlementaire rejette les explications du groupe, réclame un meilleur contrôle des industriels et une révision des procédures de retrait de produits.

 

18 septembre: reprise de la commercialisation 

Lactalis est à nouveau autorisé à commercialiser la poudre de lait infantile produite dans son usine de Craon.

 

9 octobre 2018: information judiciaire

Le pôle santé publique du parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X pour "tromperie sur les qualités substantielles des marchandises", "blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à trois mois" et "inexécution par un exploitant du secteur alimentaire de procédures de retrait ou de rappel d'un produit préjudiciable à la santé".

Santé publique France avait recensé 36 nourrissons ayant consommé, en France, du lait produit par Lactalis "dans les trois jours précédant la date de début de leurs symptômes".

 

16 février 2023: mise en examen

Le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon sont mises en examen pour "tromperie aggravée", "blessures involontaires" et "inexécution de mesures de retrait et rappel".

Les deux sociétés sont placées sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 300.000 euros chacune.

"Foodwatch demande justice pour les bébés contaminés mais aussi des sanctions exemplaires et dissuasives afin de mettre fin au climat d'impunité" dans lequel évoluent les entreprises alimentaires, a déclaré pour sa part Irina Kragl, porte-parole de l'ONG.

Selon une expertise rendue en octobre 2022 et versée au dossier, dont les journalistes de l'AFP ont eu connaissance, "l'entreprise a manqué de vigilance voire de clairvoyance vis-à-vis des signaux négatifs répétés qui alertaient sur une perte de sécurité de la fabrication".

"Mais le dossier ne conduit aucunement à constater que l'entreprise n'aurait pas respecté ses engagements préétablis pour se mettre en conformité avec les exigences de la réglementation (...) ou bien qu'elle aurait commercialisé avant le 1er décembre (2017, ndlr) des produits en sachant qu'ils étaient contaminés par des salmonelles suite à une analyse d'autocontrôle", ajoutent toutefois les experts.

Ils estiment par ailleurs que les actions correctives entreprises sur le site étaient "pertinentes", tout en considérant qu'elles "n'ont pas été suffisantes pour parvenir au résultat attendu de sécurité des produits".


Budget de la Sécu: les députés votent sur les recettes, le gouvernement veut encore croire au compromis

 L'Assemblée se prononce vendredi sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, au lendemain d'une journée marquée par d'intenses tractations entre les députés et le gouvernement qui croit toujours un compromis possible. (AFP)
L'Assemblée se prononce vendredi sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, au lendemain d'une journée marquée par d'intenses tractations entre les députés et le gouvernement qui croit toujours un compromis possible. (AFP)
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  • "Je pense qu'il y a une majorité absolue de députés à l'Assemblée nationale qui souhaitent que le compromis puisse se faire", a martelé la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon sur TF1
  • L'adoption de ce volet recettes est cruciale: son rejet vaudrait rejet de tout le texte et une suite plus qu'incertaine alors que le budget de la Sécu doit être voté avant le 31 décembre

PARIS: L'Assemblée se prononce vendredi sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, au lendemain d'une journée marquée par d'intenses tractations entre les députés et le gouvernement qui croit toujours un compromis possible.

"Je pense qu'il y a une majorité absolue de députés à l'Assemblée nationale qui souhaitent que le compromis puisse se faire", a martelé la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon sur TF1, peu avant l'ouverture de cette séance parlementaire à haut risque pour l'exécutif.

"Je crois que c'est possible" d'obtenir un vote favorable vendredi, a abondé sur franceinfo le ministre délégué aux Relations avec le Parlement Laurent Panifous.

L'adoption de ce volet recettes est cruciale: son rejet vaudrait rejet de tout le texte et une suite plus qu'incertaine alors que le budget de la Sécu doit être voté avant le 31 décembre.

C'est pourquoi le gouvernement a multiplié les signes d'ouverture, que ce soit sur la contribution sociale généralisée (CSG) sur le capital, les franchises médicales ou le niveau des dépenses de l'Assurance maladie, avec un Sébastien Lecornu très présent jeudi au banc.

La hausse de la CSG visant spécifiquement les revenus du capital, supprimée au Sénat après avoir été approuvée en première lecture à l'Assemblée, était particulièrement attendue par la gauche, mais désapprouvée par la droite.

Pour arracher un compromis, le gouvernement a déposé un amendement cherchant à la fois à "sécuriser des recettes" et "assurer que les classes moyennes ne soient pas impactées", avec un rendement attendu de 1,5 milliard d'euros, au lieu de 2,8 dans la version initiale.

Moment "potentiellement critique" 

Autre signe de la volonté d'ouverture du gouvernement, sa porte-parole Maud Bregeon a confirmé vendredi qu'il n'y aurait aucune augmentation - ni dans le budget ni par décret - des franchises médicales, le reste à charge payé par les patients par exemple sur les médicaments.

Le gouvernement envisage aussi de lâcher du lest sur l'objectif des dépenses de l'assurance maladie (l'Ondam) et de les augmenter "jusqu'à +2,5%", contre une hausse d'environ 2% prévue jusqu'ici.

La ministre du Budget Amélie de Montchalin s'est aussi engagée à "accompagner un compromis" sur "l'année blanche" concernant les retraites et les minima sociaux, c'est-à-dire leur non-indexation sur l'inflation.

Jeudi, le Premier ministre a fait monter la pression dans l'hémicycle, répétant que l'absence de texte conduirait à "29 ou 30 milliards" d'euros de déficit pour la Sécu l'an prochain. Le gouvernement souhaite le contenir autour de 20 milliards.

Une note du ministère de la Santé a été distribuée aux députés, faisant état d'un "risque très élevé sur le financement du système de protection sociale", faute de budget. Elle a suscité des réactions houleuses du côté de LFI ou du RN accusant le gouvernement de jouer sur les "peurs".

Pressé par ailleurs par plusieurs ténors de son camp, chez Horizons ou Les Républicains, d'activer l'article 49.3 de la Constitution, M. Lecornu l'a de nouveau exclu. "Vous avez critiqué le 49.3 pendant des années et, au moment où nous le laissons tomber, vous continuez de critiquer", a-t-il tancé.

Camp gouvernemental divisé 

Le scrutin sur l'ensemble du projet de loi n'est prévu que mardi. Son rejet hypothèquerait grandement l'adoption du budget de la Sécu au Parlement avant le 31 décembre.

Le texte est réécrit par les députés depuis mardi dans l'hémicycle en nouvelle lecture, après que le Sénat a supprimé plusieurs concessions du gouvernement au PS, dont l'emblématique suspension de la réforme des retraites.

Des concessions que désapprouvent Horizons et Les Républicains.

A ce stade, "on ne peut pas voter pour" ce budget, a asséné Édouard Philippe, chef des députés Horizons qui oscillent entre abstention et vote contre.

L'ex-Premier ministre Michel Barnier (LR) a aussi affirmé vendredi dans Les Echos qu'il ne le votera pas "en l'état".

De quoi faire peser une sérieuse menace sur l'adoption du texte. Car face au rejet attendu du RN, de son allié l'UDR et de LFI, l'absence de soutien des deux groupes à la droite du camp gouvernemental pourrait concourir à faire tomber le texte, même avec des votes "pour" du PS.

Marque de son ouverture, celui-ci a approuvé une taxe sur les mutuelles censée rapporter un milliard d'euros, qu'il avait rejetée en première lecture.

"Il y a un compromis qui s'esquisse", a assuré sur RTL vendredi Raphaël Glucksmann, le leader de Place publique.


Pandas et ping-pong: Macron achève sa visite en Chine sur une note plus légère

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  • Loin du monumental Palais du Peuple de Pékin où ils s'étaient rencontrés jeudi, le président Xi, accompagné de son épouse Peng Liyuan a joué le guide pour le couple présidentiel français
  • Les deux couples présidentiels ont ponctué ces retrouvailles par un déjeuner, avant qu'Emmanuel et Brigitte Macron ne poursuivent un programme plus personnel

CHENGDU: Visite patrimoniale, pandas et ping-pong: le président français Emmanuel Macron achève vendredi son déplacement en Chine sur une note plus intime et détendue avec son hôte Xi Jinping après les échanges ardus de la veille sur l'Ukraine et le commerce.

Loin du monumental Palais du Peuple de Pékin où ils s'étaient rencontrés jeudi, le président Xi, accompagné de son épouse Peng Liyuan, a joué le guide pour le couple présidentiel français arrivé main dans la main sur le site séculaire du barrage de Dujiangyan (sud-ouest), inscrit au patrimoine mondial, dans un décor verdoyant et montagneux de carte postale.

M. Macron, filmé plus tôt le matin en train de faire son jogging en short avec sa protection rapprochée dans la grande ville de Chengdu à environ une heure de route, s'est fait expliquer, par l'intermédiaire d'une interprète, l'ingéniosité d'un système d'irrigation qui remonte au IIIe siècle av. J.-C. et qui continue à irriguer la plaine du bassin du Sichuan.

Le président Xi a loué "la sagesse" des anciens appliquée aux éléments. "C'est un système d'ingénierie écologique et qui incarne l'harmonie entre l'homme et la nature, et cet esprit d'ingénierie rayonne dans tous les domaines, que ce soit pour la maîtrise de l'eau ou la gouvernance de l'Etat, nous pouvons toujours nous en inspirer", a-t-il dit.

"Impressionnant de voir que la nature a été ainsi maîtrisée par l'homme", s'est extasié M. Macron, en veste, col de chemise ouvert.

M. Macron s'est dit d'avance "très sensible" à cette fenêtre privée réservée par M. Xi, loin du protocole officiel, après l'avoir lui-même invité dans les Pyrénées de son enfance en mai 2024.

Autant de signes d'une "confiance" mutuelle et d'une volonté d'"agir ensemble" alors que les tensions internationales se multiplient et que les déséquilibres commerciaux se creusent au bénéfice de la Chine, a-t-il souligné jeudi.

Les deux couples présidentiels ont ponctué ces retrouvailles par un déjeuner, avant qu'Emmanuel et Brigitte Macron ne poursuivent un programme plus personnel.

Panda mania 

Comme en avril 2023 à Canton, M. Macron aura un échange avec des étudiants. Chengdu, quatrième ville de Chine avec 21 millions d'habitants, est considérée comme l'une des plus ouvertes sur les plans culturel et social.

Brigitte Macron se rendra de son côté au Centre de conservation des pandas géants de Chengdu, où deux plantigrades âgés de 17 ans, prêtés à la France en 2012, viennent tout juste de revenir.

Elle y retrouvera Yuan Meng, le premier des pandas géants nés en France en 2017, dont elle est la marraine et qui a rejoint la Chine en 2023.

La Chine a fait de ces ursidés des ambassadeurs emblématiques à travers des prêts à des zoos dans le monde.

Les petits nés à l'étranger sont envoyés quelques années plus tard à Chengdu pour participer à des programmes de reproduction et de réadaptation en milieu naturel.

De son côté, le chef de l'Etat rencontrera les frères pongistes Alexis et Félix Lebrun, présents en Chine pour la coupe du monde de tennis de table par équipes mixtes.

Timides signaux 

L'occasion d'un nouvel échange de balles pour le président français, après celui à l'Elysée avec Alexis Lebrun en novembre 2024?

Jeudi à Pékin, le président français s'est livré à un échange autrement plus délicat, pressant son homologue chinois d'œuvrer à la fin de la guerre en Ukraine en usant de son "influence" sur la Russie et de corriger les déséquilibres commerciaux avec la France et l'Europe.

S'il s'est dit prêt à "soutenir tous les efforts de paix", M. Xi a haussé le ton face aux accusations récurrentes de soutien de la Chine à l'économie de guerre russe.

La Chine n'a jamais condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie, un partenaire primordial, et lui achète massivement du pétrole, alimentant ainsi sa machine de guerre.

M. Macron semble avoir été entendu en revanche dans son appel à plus d'investissements chinois en France, avec en corollaire un partage de technologies comparable à celui opéré par les Européens lors du décollage économique de Pékin.

Une lettre d'intention a été signée en ce sens, Xi Jinping se disant prêt à "accroître les investissements réciproques" pour un "environnement commercial équitable".


Budget de la Sécurité sociale: les députés votent sur les recettes, après un compromis sur la CSG du capital

Des députés français assistent à une séance consacrée à la deuxième lecture du projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 4 décembre 2025. (AFP)
Des députés français assistent à une séance consacrée à la deuxième lecture du projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 4 décembre 2025. (AFP)
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  • Après d’intenses négociations, l’Assemblée a adopté un amendement réduisant le rendement de la hausse de la CSG à 1,5 milliard€
  • Le gouvernement multiplie les concessions pour éviter le rejet du texte

PARIS: L'Assemblée se prononce vendredi sur la partie recettes du budget de la Sécurité sociale, au lendemain d'une journée marquée par d'intenses tractations entre le gouvernement et les députés, qui ont notamment abouti à l'adoption d'un compromis sur la question clé de la hausse de la CSG sur les revenus du capital.

L'adoption de cette partie recettes est cruciale, puisque son rejet vaudrait rejet de tout le texte, dans une nouvelle lecture elle-même décisive. Pour obtenir un vote favorable des députés, le gouvernement a multiplié les signes d'ouverture jeudi, que ce soit sur les franchises médicales ou le niveau des dépenses de l'Assurance maladie, avec un Sébastien Lecornu très présent au banc.

Cette hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) visant spécifiquement les revenus du capital, supprimée au Sénat après avoir été approuvée en première lecture à l'Assemblée, était particulièrement attendue par la gauche, mais désapprouvée par la droite.

"Ne tapez pas l'épargne populaire des Français", a martelé Laurent Wauquiez, patron des députés LR.

Les séances de l'après-midi et du soir ont été entrecoupées de nombreuses suspensions permettant des discussions en coulisses entre les députés et le gouvernement.

Pour arracher un compromis, le gouvernement a déposé un amendement cherchant à la fois à "sécuriser des recettes" et "assurer que les classes moyennes ne soient pas impactées", avec un rendement attendu de 1,5 milliard d'euros, au lieu de 2,8 dans la version initiale.

Il a finalement été adopté par 177 voix contre 84 et 92 abstentions. Un vote vivement critiqué par le député RN Jean-Philippe Tanguy, qui a dénoncé une taxe "qui va frapper plus durement un artisan à 2.000 euros qu'un multimillionnaire".

- Moment "potentiellement critique" -

Signe de la bonne volonté du gouvernement, Mme de Montchalin a aussi dit prendre "acte" de l'absence de consensus concernant le doublement des franchises médicales, c'est à dire le reste à charge payé par les patients, par exemple sur les médicaments. "Cette proposition (...) ne peut être incluse dans nos projections financières", a-t-elle dit, sans pour autant fermement s'engager sur une absence totale de décret en ce sens.

Concernant l'objectif des dépenses de l'assurance maladie (l'Ondam), elle a précisé que le gouvernement envisageait de les augmenter "jusqu'à plus 2,5%" contre une hausse d'environ 2% prévue aujourd'hui.

Elle s'est par ailleurs engagée à "accompagner un compromis" sur "l'année blanche" concernant les retraites et les minima sociaux, c'est-à-dire leur non indexation sur l'inflation.

Dans un moment "potentiellement critique", le Premier ministre a consacré sa journée aux débats parlementaires, reportant ses rendez-vous prévus.

Il a fait monter la pression dans l'hémicycle, martelant que l'absence de texte conduirait à "29 ou 30 milliards" d'euros de déficit pour la Sécu l'an prochain, alors que le gouvernement souhaite le contenir autour de 20 milliards d'euros.

Une note du ministère de la Santé a été distribuée aux députés, faisant état d'un "risque très élevé sur le financement du système de protection sociale", faute de budget. Elle a suscité des réactions houleuses du côté de LFI ou du RN accusant le gouvernement de jouer sur les "peurs".

Pressé par ailleurs par plusieurs ténors de son camp, chez Horizons, Les Républicains ou par le président LR du Sénat Gérard Larcher, d'activer l'article 49.3 de la Constitution, M. Lecornu l'a de nouveau exclu.

"Vous avez critiqué le 49.3 pendant des années et, au moment où nous le laissons tomber, vous continuez de critiquer", a-t-il tancé.

- Camp gouvernemental divisé -

Le scrutin sur l'ensemble du projet de loi n'est prévu que le 9 décembre. Son rejet hypothèquerait grandement l'adoption du budget de la Sécu au Parlement avant le 31 décembre.

Le texte est réécrit par les députés depuis mardi dans l'hémicycle en nouvelle lecture, après que le Sénat a supprimé plusieurs concessions du gouvernement au PS, dont l'emblématique suspension de la réforme des retraites.

Des concessions que désapprouvent le groupe Horizons et Les Républicains. En l'état, "on ne peut pas voter pour", a asséné Edouard Philippe, chef des députés Horizons qui oscillent à ce stade entre abstention et vote contre.

De quoi faire peser une sérieuse menace sur l'adoption du texte. Car face au rejet attendu du RN, de son allié l'UDR et de LFI, l'absence de soutien des deux groupes à la droite du camp gouvernemental pourrait concourir à faire tomber le texte, même avec des votes "pour" du PS.

Marque de son ouverture au compromis, celui-ci a approuvé une taxe sur les mutuelles censée rapporter un milliard d'euros, qu'il avait rejetée en première lecture.

Pendant ce temps, le Sénat a adopté la partie dédiée aux recettes du projet de budget de l'Etat pour 2026, après l'avoir largement remaniée par rapport à la copie initiale du gouvernement, supprimant notamment plusieurs milliards d'euros de hausses de prélèvements.