Cinq ans après le scandale du lait contaminé, Lactalis mis en examen

Huile frelatée, vache folle ou plats à la viande de cheval: rappel de grands scandales alimentaires en Europe, alors que le groupe Lactalis a été mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires". (AFP)
Huile frelatée, vache folle ou plats à la viande de cheval: rappel de grands scandales alimentaires en Europe, alors que le groupe Lactalis a été mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires". (AFP)
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Publié le Jeudi 16 février 2023

Cinq ans après le scandale du lait contaminé, Lactalis mis en examen

  • Le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon ont été mis en examen jeudi pour tromperie aggravée et blessures involontaires
  • Elles ont été placées sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 300 000 euros chacune, a confirmé une source judiciaire

PARIS: Plus de cinq ans après le scandale de la contamination aux salmonelles de laits infantiles qui a touché des dizaines d'enfants, le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon ont été mis en examen jeudi notamment pour tromperie aggravée et blessures involontaires.

Convoquées par un juge du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris, les deux sociétés ont également été mises en examen pour inexécution de mesures de retrait et rappel, a annoncé le numéro un du lait français dans un communiqué.

Elles ont été placées sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 300.000 euros chacune, a confirmé une source judiciaire.

"Cette étape marque le début de l'instruction judiciaire, dans laquelle Lactalis s'engagera pleinement et en toute transparence", a assuré Lactalis, pour qui "l'enjeu de cette procédure est de permettre la manifestation de la vérité scientifique dans ce dossier industriel complexe".

Au total, plusieurs dizaines de nourrissons identifiés avaient été atteints de salmonellose en France fin 2017 après avoir consommé un produit pour enfant, essentiellement de marque Milumel ou Picot, sorti de l'usine de Craon, située en Mayenne.

En particulier, Santé publique France avait recensé 36 nourrissons ayant consommé, en France, du lait produit par Lactalis "dans les trois jours précédant la date de début de leurs symptômes".

Les salmonelloses sont des intoxications alimentaires, qui vont de la gastroentérite bénigne à des infections plus graves, notamment pour les jeunes enfants, les personnes âgées ou affaiblies.

Le processus de retrait avait été chaotique et de nombreux dysfonctionnements ayant mené à la contamination avaient été mis au jour.

Après plusieurs semaines de crise, le groupe, réputé pour sa culture du secret, avait retiré mi-janvier 2018 la totalité de ses laits infantiles produits dans l'usine incriminée, dont la production avait dû être suspendue pendant plus de six mois.

L'entreprise dirigée par Emmanuel Besnier avait affirmé que la contamination s'expliquait par des "travaux réalisés courant 1er semestre 2017".

Mais le site avait déjà subi une contamination à la salmonelle en 2005. L'Institut Pasteur avait ensuite annoncé être arrivé à la conclusion que la bactérie présente à Craon avait subsisté entre 2005 et 2017.

Plusieurs centaines de plaintes - dont un grand nombre pour tromperie aggravée - ont été déposées et plusieurs dizaines de personnes ont été auditionnées par les enquêteurs.

En octobre 2019, M. Besnier a été entendu dans le cadre d'une garde à vue, dont il est sorti sans poursuite.

Affaire Lactalis: d'autres scandales alimentaires en Europe

Huile frelatée, vache folle ou plats à la viande de cheval: rappel de grands scandales alimentaires en Europe, alors que le groupe Lactalis a été mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires".

Ce géant laitier a été touché en 2017 par un scandale sanitaire après la découverte de salmonelle dans du lait maternisé produit dans son usine de Craon, en Mayenne.

Huile frelatée en Espagne 

En 1981, 1.200 personnes meurent empoisonnées par de l'huile de colza frelatée, destinée à l'origine à un usage industriel.

Contaminée par des composés toxiques lors de son affinage, cette huile était vendue comme substitut de l'huile d'olive dans les quartiers populaires, principalement à Madrid et dans le nord-ouest de l'Espagne.

En 1992, dix chefs d'entreprise et chimistes du secteur huilier sont condamnés à des peines allant de 4 à 77 ans de prison.

Vache folle au Royaume-Uni 

Dans les années 1990, les cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), ou maladie de la "vache folle", se multiplient dans les troupeaux au Royaume-Uni, vraisemblablement à cause d'une alimentation comportant des farines de carcasses d'animaux atteints d'ESB.

En 1996, des scientifiques démontrent que l'ESB peut se transmettre par voie digestive à l'homme sous la forme d'une maladie neurodégénérative, la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ).

L'UE décrète un embargo sur la viande britannique en 1996, levé à l'échelon européen en 1999 puis par la France en 2002.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénombré 224 décès d'octobre 1996 à mars 2011 par vMCJ, majoritairement au Royaume-Uni. L'ampleur de l'épidémie reste méconnue en raison notamment des incertitudes sur la durée d'incubation de la maladie.

Perrier au benzène en France 

En février 1990, le groupe français Perrier retire de la vente 160 millions de bouteilles à travers le monde en raison de la détection de traces de benzène dans certaines bouteilles aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

A la source du scandale une erreur humaine: l'utilisation d'un produit à base de benzène pour dégraisser une machine sur la chaîne d'embouteillage.

Chickengate en Belgique 

En mai 1999, de la dioxine, produit de dégradation très toxique, est découverte en Belgique dans des farines pour volaille et bétail.

Le "syndrome de la dioxine" s'empare des consommateurs européens qui boudent les ventes d'oeufs et de poulets d'élevages industriels. Ce scandale, qui a coûté 650 millions d'euros à la Belgique, a provoqué la démission de deux ministres.

Bactérie tueuse en Allemagne 

Au printemps 2011, une intoxication provoquée par une souche particulièrement dangereuse de la bactérie E.coli entérohémorragique (Eceh) tue 48 personnes en Allemagne et une en Suède.

Les autorités sanitaires allemandes déclenchent la panique en incriminant à tort les fruits et légumes, en particulier les concombres, importés d'Espagne.

La cause véritable de l'épidémie est identifiée ensuite: 15 tonnes de graines de fenugrec provenant d'Egypte.

Lasagnes à la viande de cheval 

En février 2013, Comigel, sous-traitant français qui produit des plats surgelés, annonce le retrait de produits suspects après la découverte de viande de cheval dans des lasagnes censées être au bœuf.

Ce scandale, qui concerne 4,5 millions de plats cuisinés distribués dans toute l'Europe, révèle la complexité et l'opacité des circuits de transformation des produits agroalimentaires industriels.

Œufs contaminés à l'insecticide 

Un insecticide interdit, le Fipronil, est retrouvé dans des œufs en 2017 après son utilisation frauduleuse pour désinfecter des poulaillers, principalement en Belgique et aux Pays-Bas.

Ce scandale ébranle la filière avicole européenne et entraîne l'abattage préventif de millions de volailles et le retrait de dizaines de millions d'œufs des rayons de supermarchés.

En 2021, plusieurs chefs d'entreprises belges et néerlandais de la filière sont condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis.

Pizzas Buitoni à l'E.coli 

Contaminées par la bactérie Escherichia coli, des pizzas produites dans l'usine Buitoni (groupe Nestlé) de Caudry (Nord) sont suspectées d'avoir provoqué la mort de deux enfants et fait au total 56 victimes, début 2022.

Une enquête pour homicide, blessures involontaires et mise sur le marché d'un produit dangereux, est ouverte et confiée en mai 2022 à un juge d'instruction.

«Premiers pas» vers un procès? 

"Ces mises en examen et cette consignation si importante prouvent l'existence d'éléments graves et concordants dans ce dossier", a réagi auprès de l'AFP Me Jade Dousselin, qui défend l'Association des familles de victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS).

Pour l'avocate, "il s'agit d'un premier pas vers une condamnation des responsables dans ce scandale sanitaire d'ampleur".

"Nous espérons que les responsables de ce scandale sanitaire qui touche des enfants seront renvoyés rapidement devant le tribunal correctionnel", a commenté Me François Lafforgue, avocat de Foodwatch, qui avait porté plainte.

Lactalis: les dates clés de l'affaire du lait contaminé

Rappel des principales dates de l'affaire du lait infantile contaminé par des salmonelles, produit à Craon (Mayenne) par le groupe Lactalis, mis en examen jeudi notamment pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires":

2 décembre 2017: premier rappel 

 

Premier rappel de lots de boîtes de lait infantile fabriqué par Lactalis dans l'usine de Craon après la contamination de 20 bébés par des salmonelles.

10 décembre: retrait massif 

Retrait massif des laits infantiles fabriqués à Craon après cinq nouveaux cas de salmonellose. Lactalis assure avoir détecté la "cause probable" de la contamination. Le ministère de la Santé exige des "mesures correctives" avant toute reprise de production.

 

18 décembre: premières plaintes 

Une première plainte contre Lactalis est déposée par le père d'un bébé pour "mise en danger de la vie d'autrui". L'association UFC-Que Choisir porte également plainte pour tromperie.

L'autorité sanitaire Santé Publique France identifie 31 nourrissons victimes de salmonellose entre août et décembre 2017 après consommation de produits Lactalis. Tous ces bébés se sont ensuite rétablis.

 

21 décembre: rappel étendu 

La liste des lots retirés s'allonge: Lactalis rappelle tous les produits infantiles fabriqués à Craon depuis le 15 février 2017. La contamination dans l'usine s'explique par des "travaux réalisés courant 1er semestre 2017", selon l'entreprise. Mais le site avait déjà subi une contamination à la salmonelle en 2005.

 

22 décembre: ouverture d'une enquête 

Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "blessures involontaires", "mise en danger de la vie d'autrui", "tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine" et "inexécution d'une procédure de retrait ou de rappel d'un produit" préjudiciable à la santé. Cinq sites de Lactalis, dont le siège et l'usine de Craon, sont perquisitionnés le 17 janvier.

 

9-10 janvier 2018: failles dans les rappels 

Les enseignes Leclerc, Auchan, Système U, Carrefour et Casino reconnaissent avoir continué à vendre du lait infantile de Lactalis malgré les rappels. Convoquée par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, la grande distribution s'engage à mettre en place un contrôle plus rigoureux en cas de rappel.

 

12 janvier: centaines de plaintes 

Le scandale Lactalis s'étend hors de France avec un bébé espagnol victime. Une association annonce des "centaines" de plaintes de parents en France contre le groupe.

Deux jours plus tard, le très secret PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, sort de son silence: dans le Journal du Dimanche, il promet d'indemniser les familles de victimes.

 

1er février: deux épidémies révélées 

Selon l'Institut Pasteur, le lait infantile produit à Craon est à l'origine de deux épidémies de salmonellose, l'une en 2005 avec 146 bébés touchés et l'autre en 2017 avec 37 cas.

 

14 février: nouvelle salve de plaintes 

Nouvelle salve de plaintes de la part d'une trentaine de familles et de l'association de consommateurs Foodwatch.

 

15 mars: les leçons des sénateurs 

Les sénateurs tirent les leçons de l'affaire avec 17 propositions pour améliorer les contrôles sanitaires et procédures de retrait de produits.

 

7 juin: le PDG plaide l'accident 

Entendu par les députés, Emmanuel Besnier plaide "l'accident" industriel sans "responsabilité de personnes à l'intérieur de l'usine" et se défend de toute opacité.

 

18 juillet: les députés préconisent 

Dans son rapport, la commission d'enquête parlementaire rejette les explications du groupe, réclame un meilleur contrôle des industriels et une révision des procédures de retrait de produits.

 

18 septembre: reprise de la commercialisation 

Lactalis est à nouveau autorisé à commercialiser la poudre de lait infantile produite dans son usine de Craon.

 

9 octobre 2018: information judiciaire

Le pôle santé publique du parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X pour "tromperie sur les qualités substantielles des marchandises", "blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à trois mois" et "inexécution par un exploitant du secteur alimentaire de procédures de retrait ou de rappel d'un produit préjudiciable à la santé".

Santé publique France avait recensé 36 nourrissons ayant consommé, en France, du lait produit par Lactalis "dans les trois jours précédant la date de début de leurs symptômes".

 

16 février 2023: mise en examen

Le groupe Lactalis et la société Celia Laiterie de Craon sont mises en examen pour "tromperie aggravée", "blessures involontaires" et "inexécution de mesures de retrait et rappel".

Les deux sociétés sont placées sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 300.000 euros chacune.

"Foodwatch demande justice pour les bébés contaminés mais aussi des sanctions exemplaires et dissuasives afin de mettre fin au climat d'impunité" dans lequel évoluent les entreprises alimentaires, a déclaré pour sa part Irina Kragl, porte-parole de l'ONG.

Selon une expertise rendue en octobre 2022 et versée au dossier, dont les journalistes de l'AFP ont eu connaissance, "l'entreprise a manqué de vigilance voire de clairvoyance vis-à-vis des signaux négatifs répétés qui alertaient sur une perte de sécurité de la fabrication".

"Mais le dossier ne conduit aucunement à constater que l'entreprise n'aurait pas respecté ses engagements préétablis pour se mettre en conformité avec les exigences de la réglementation (...) ou bien qu'elle aurait commercialisé avant le 1er décembre (2017, ndlr) des produits en sachant qu'ils étaient contaminés par des salmonelles suite à une analyse d'autocontrôle", ajoutent toutefois les experts.

Ils estiment par ailleurs que les actions correctives entreprises sur le site étaient "pertinentes", tout en considérant qu'elles "n'ont pas été suffisantes pour parvenir au résultat attendu de sécurité des produits".


Macron donne le coup d'envoi du futur porte-avions lors du Noël avec les troupes

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
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  • Plus grand et plus puissant, ce bâtiment symbolise l’ambition stratégique et industrielle de la France, malgré les contraintes budgétaires et les débats sur l’évolution des menaces

ABOU DHABI: Emmanuel Macron a donné dimanche le coup d'envoi de la construction du futur porte-avions français destiné à remplacer le Charles De Gaulle et qui doit entrer en service en 2038.

"Ce nouveau porte-avions sera l'illustration de la puissance de notre nation, puissance de l'industrie, de la technique, puissance au service de la liberté sur les mers et dans les remous du temps", a-t-il assuré.

L'annonce du lancement officiel de la construction était très attendue malgré l'impasse budgétaire dans laquelle se trouve le gouvernement, alors que le mur d'investissements nécessaires et l'évolution des menaces mettent le projet sous pression.

"Conformément aux deux dernières lois de programmation militaire, et après un examen complet et minutieux, j'ai décidé de doter la France d'un nouveau porte-avions", a annoncé le chef de l'Etat français lors du Noël avec les troupes à Abou Dhabi.

"La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine", a-t-il ajouté.

Lui aussi à propulsion nucléaire, le nouveau porte-avions sera beaucoup plus massif que l'actuel. Il fera près de 80.000 tonnes pour environ 310 mètres de long, contre 42.000 tonnes pour 261 mètres pour le Charles De Gaulle. Avec un équipage de 2.000 marins, il pourra embarquer 30 avions de combat.

Le risque d'un "choc dans trois, quatre ans" face à la Russie évoqué par les armées fait craindre que les budgets ne filent vers des priorités plus pressantes.

De récents propos du chef d'état-major des armées, le général Fabien Mandon, jugeant qu'on "ne peut pas se contenter de reproduire un outil qui a été conçu à la moitié du siècle dernier", semblent mettre aussi en question le concept du porte-avions.

Le général a notamment souligné le "besoin de permanence à la mer" du bâtiment et sa capacité d'emport de "drones de tous types".

Un seul bâtiment, en l'occurence le Charles De Gaulle, est disponible 65% du temps, selon la Marine. Un décalage de la construction et donc de l'entrée en service de son successeur laisserait la Marine sans porte-avions.

Une étude menée à l'occasion du prochain arrêt technique majeur du Charles De Gaulle permettra de dire en 2029 si le bâtiment peut être prolongé de quelques années au-delà de 2038, en fonction de l'état de ses chaufferies nucléaires et de sa structure.

Le président français Emmanuel Macron a fait cette annonce lors d'une visite aux Emirats arabes unis, allié militaire avec lequel Paris souhaite renforcer son "partenariat stratégique" et dont il espère plus de coopération dans sa lutte contre le narcotrafic.


Macron aux Emirats pour fêter Noël avec les forces françaises

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) serre la main du président des Émirats arabes unis, Sheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan, lors d'une rencontre au musée national Zayed à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) serre la main du président des Émirats arabes unis, Sheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan, lors d'une rencontre au musée national Zayed à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, le 21 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron est en visite aux Émirats arabes unis pour célébrer Noël avec les 900 soldats français déployés et renforcer le partenariat stratégique, notamment en matière de défense et de sécurité

ABOU DHABI: Emmanuel Macron a entamé dimanche matin une visite aux Emirats arabes unis pour célébrer Noël avec les forces françaises qui y sont déployées et vanter son partenariat avec ce pays du Golfe, dont Paris espère plus de coopération dans sa lutte contre le narcotrafic.

Le président français, accompagné notamment de sa ministre des Armées Catherine Vautrin, est arrivé en fin de matinée (en heure locale) à Abou Dhabi, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Il doit tout d'abord visiter le musée national Zayed. Puis il aura un entretien avec le président émirati, Sheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, afin d'évoquer "le renforcement du partenariat stratégique" entre leurs pays, selon la présidence française, qui souligne leur coopération "en matière de sécurité et de défense".

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Le président français Emmanuel Macron (à gauche) marche aux côtés du président des Émirats arabes unis, Sheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan, lors d'une visite au musée national Zayed à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, le 21 décembre 2025. (AFP)

La France travaille avec les Emirats sur le plan militaire, plus de 900 soldats français y étant déployés sur trois bases.

C'est devant eux qu'Emmanuel Macron doit s'exprimer dimanche après-midi, avant de partager un dîner de Noël préparé par les chefs cuisiniers de l'Elysée.

Selon la tradition, le président français célèbre les fêtes de fin d'année auprès des troupes déployées à l'étranger. Les Emirats ont été choisis cette fois car "la région cristallise un ensemble de crises", a précisé la présidence française cette semaine.

- "Guerre" du narco -

La France coopère avec les Emirats sur un éventail de domaines allant de l'intelligence artificielle à la culture, en passant bien sûr par le commerce. Le pays pétrolier est son premier client en termes d'exportations au Proche et Moyen Orient, selon l'Elysée.

Paris veut désormais s'assurer de l'appui des Emirats dans la "guerre" déclarée par le gouvernement français au narcotrafic.

D'importants narcotrafiquants originaires de France s'y seraient installés, notamment à Dubaï, et se sont parfois constitué des patrimoines immobiliers imposants.

Le sujet est omniprésent en France depuis l'assassinat en novembre de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic, abattu en plein jour à Marseille.

Mardi, à Marseille, Emmanuel Macron a dit vouloir rechercher la coopération des pays où se trouvent certaines "têtes de réseau", afin de "pouvoir saisir leurs biens" et obtenir leur arrestation.

Son ministre de la Justice Gérald Darmanin a déjà réclamé en novembre aux Emirats arabes unis l'extradition d'une quinzaine de narcotrafiquants présumés recherchés par la France.

- Houthis -

Certains des soldats français déployés aux Emirats contribuent à la lutte contre le narcotrafic.

Sur l'imposante frégate "La Provence", des militaires de la marine tentent de repérer et d'intercepter des bateaux transportant de la drogue.

Ils se trouvent à proximité de l'océan Indien, une route importante. Les trafiquants passent souvent par le golfe d'Aden, vers la Somalie ou le Yémen, ou alors vers l'Afrique de l'Ouest.

En 2025, "plus d'une vingtaine de tonnes de drogue" ont déjà été saisies par la marine française dans la zone de l'Océan Indien, soit une valeur marchande pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d'euros, selon le commandant de frégate Pascal Forissier.

Autant de stupéfiants sortis du marché. Mais, reconnaît le militaire, les saisies ne représentent "qu'une petite partie" de toute la drogue en circulation.

Le narcotrafic ne constitue qu'une facette de leurs responsabilités. La France participe à l'opération Aspides, qui protège les bateaux contre les frappes des Houthis en mer rouge.

En plus de cela, les soldats français aux Emirats sont engagés dans l'opération Chammal, au sein de la coalition contre le groupe Etat islamique.

D'après la présidence française, la présence des troupes aux Emirats illustre la volonté de la France de conserver une capacité "d'action autonome dans un contexte international tendu".

Lundi, Emmanuel Macron devrait être aux premières loges pour observer les moyens militaires français dans la zone au cours d'une démonstration organisée pour conclure sa visite.


Lancés vers 2027, Bardella et Mélenchon préparent leur lutte finale

Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
Jordan Bardella (à gauche), président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN), posant lors d'une séance photo à Paris le 31 janvier 2024, et Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du parti de gauche « La France insoumise » aux élections présidentielles françaises de 2017, posant lors d'une séance photo à Paris le 24 janvier 2017. (AFP)
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  • À un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà le récit d’un duel annoncé entre l’extrême droite et la gauche radicale
  • Tandis que le RN estime qu’un face-à-face avec Mélenchon faciliterait la victoire de Bardella, les Insoumis jugent au contraire le président du RN plus fragile que Marine Le Pen

PARIS: Quatre décennies les séparent. Vingt points dans les sondages, aussi. Favoris de leurs camps respectifs à un an et demi de la présidentielle, Jordan Bardella et Jean-Luc Mélenchon installent déjà à distance le récit de leur affrontement final.

Pour provoquer un duel, il faut désigner l'adversaire. Jordan Bardella a choisi le sien et ne manque pas une occasion ces derniers mois de cibler un Jean-Luc Mélenchon qui "met de l'huile sur le feu" et "veut l'implosion du pays", incarnation d'une "menace qui pèse sur nos valeurs".

Du haut de ses 30 ans, le jeune président du Rassemblement national cherche aussi à discréditer son aîné, âgé de 74 ans, en l'accusant systématiquement de "s'être allié" à Emmanuel Macron aux dernières législatives. L'épouvantail insoumis, "main dans la main" avec le président repoussoir "pour m'empêcher de devenir Premier ministre", se lamente presque le remplaçant désigné de Marine Le Pen - en cas d'inéligibilité confirmée en appel.

Un acharnement justifié par ce constat: "Il est à gauche celui qui a la possibilité d'emmener son camp au second tour de l'élection présidentielle". Le parti à la flamme étant, dans tous les pronostics, déjà qualifié pour la finale, inutile donc de s'épuiser contre des outsiders.

"À part Marine et Jordan, y a rien d'autre", résume un eurodéputé RN, qui reconnait quelques qualités au tribun de la gauche radicale: "Il sait s'exprimer, il a du talent", et surtout "il a un socle d'adhésion en dessous duquel il ne peut pas descendre".

La question n'est donc "pas de savoir s'il est le meilleur", de toute façon "c'est lui qui sera au second tour", ajoute ce cadre du mouvement d'extrême droite, pour qui ce scénario "rend plus simple l'élection". Chacun ayant en tête le récent sondage prédisant une victoire écrasante (74% contre 26%) de M. Bardella dans un second tour face à M. Mélenchon.

Un proche de Mme Le Pen faisait la même analyse au début de l'automne: "Pour gagner, il vaut mieux être contre un Mélenchon" jugé "très clivant", même si "une partie des gens votera moins pour nous que contre lui".

- "Bardella, c'est plus simple" -

Du côté des Insoumis, cela fait plus de 10 ans, avant même la création de LFI, que Jean-Luc Mélenchon prophétise: "à la fin ça se terminera entre eux et nous". Comprendre l'extrême droite et la gauche radicale.

Et ils sont persuadés que cette fois, leur fondateur pourrait accéder au second tour après trois échecs - à chaque fois derrière Marine Le Pen. Et que Jordan Bardella, en raison de son manque d'expérience et son profil plus libéral que la patronne du RN, ferait un meilleur adversaire que cette dernière.

"Bardella, c'est plus simple que Marine Le Pen au second tour. Il apprend par coeur mais il ne réfléchit pas par lui-même. Il peut s'effondrer pendant la campagne, comme lors des législatives l'année dernière", assure le coordinateur de LFI Manuel Bompard, alors que le mouvement mélenchoniste a acté que l'option Bardella était "la plus probable" pour le parti d'extrême droite en 2027.

Et suit de près son activité à Bruxelles.

"Sur cette dernière année, Bardella a déposé beaucoup plus d'amendements que lors tout son mandat précédent. Et il donne beaucoup plus de conférences de presse. Il fait ça pour la présidentielle, c'est évident", assure la cadre insoumise Manon Aubry, élue au Parlement européen depuis 2019 comme le président du RN.

"À LFI, je suis un peu l'anti-Bardella, je surveille de près ce qu'il fait au Parlement européen où il profite de la moindre médiatisation pour voter contre les droits des femmes ou les droits des LGBT", ajoute-t-elle, en précisant: "Il y aura de quoi avoir beaucoup de munitions pour Jean-Luc Mélenchon pour un éventuel débat d'entre-deux tours, s'ils sont tous les deux candidats".

Les Insoumis restent persuadés que la "magie du second tour" pourrait opérer, malgré les sondages très défavorables et à la faveur de la dynamique de campagne, pour qu'un "front républicain anti-RN" puisse se mettre en place.

Et tant pis si des responsables macronistes, comme Elisabeth Borne, refusent publiquement de choisir entre les deux. "Je suis incapable de voter pour Jean-Luc Mélenchon", a déclaré l'ancienne Première ministre, pourtant connue pour son engagement contre l'extrême droite.