La diplomatie française au Maghreb, un périlleux exercice d'équilibriste

Des manifestants marocains crient des slogans lors d'une manifestation devant l'ambassade de France à Rabat le 25 février 2014, suite à des tensions diplomatiques. (AFP)
Des manifestants marocains crient des slogans lors d'une manifestation devant l'ambassade de France à Rabat le 25 février 2014, suite à des tensions diplomatiques. (AFP)
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Publié le Dimanche 19 février 2023

La diplomatie française au Maghreb, un périlleux exercice d'équilibriste

  • Au delà de la résolution parlementaire européenne, sont apparues d'autres pommes de discorde: allégations de réseaux et trafic d'influence marocains, soupçons d'espionnage etc.
  • Rabat s'impatiente car Paris ne semble pas enclin à bouger les lignes sur l'épineux dossier du Sahara occidental

PARIS: Le rappel récent de l'ambassadeur d'Algérie à Paris et la vacance à l'ambassade du Maroc illustrent combien la France peine à calibrer sa politique au Maghreb et à réchauffer durablement ses relations avec Alger et Rabat.

"Le rappel d'un ambassadeur n'est ni un geste banal, ni un geste fréquent", souligne Pierre Vermeren, historien et professeur à l'Université de la Sorbonne.

L'absence des deux ambassadeurs en France est "un signal très ferme adressé à la France sur sa diplomatie", ajoute ce spécialiste du Maroc contemporain et du Maghreb.

La fin de la politique française de restrictions des visas pour le Maghreb, actée en décembre, avait pourtant laissé entrevoir une nouvelle ère dans les relations diplomatiques, en particulier avec le Maroc et l'Algérie.

La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, avait elle-même porté un message d'apaisement à Rabat.

Une visite d'Etat d'Emmanuel Macron au Maroc était alors envisagée "au premier trimestre" 2023.

Mais un vote récent du parlement européen condamnant la dégradation de la liberté de la presse au Maroc a profondément irrité Rabat, qui a dénoncé une campagne anti-marocaine "orchestrée" par le parti présidentiel Renaissance à Bruxelles.

"On était en train de sortir d'une crise intense liée à la politique des visas" et "on repart à l'envers" en raison d'une initiative émanant de "proches du président Emmanuel Macron", a déploré Christian Cambon, président du groupe d'amitié France-Maroc au Sénat dans un entretien avec l'AFP.

De fait, le voyage de M. Macron paraît d'autant plus s'éloigner que le royaume chérifien n'a plus d'ambassadeur à Paris et qu'aucun remplaçant n'a été encore désigné.

Pourtant, à l'Elysée, on assure continuer à travailler à la visite du président français au Maroc et on dément toute crise entre les deux pays.

Au Quai d'Orsay, on loue "un partenariat d'exception".

Au delà de la résolution parlementaire européenne, sont apparues d'autres pommes de discorde: allégations de réseaux et trafic d'influence marocains, soupçons d'espionnage (Pegasus), etc.

Enfin et surtout, Rabat s'impatiente car Paris ne semble pas enclin à bouger les lignes sur l'épineux dossier du Sahara occidental.

"La chose primordiale pour Rabat, qui englobe tout le reste, est que la France reconnaisse la souveraineté marocaine" sur le Sahara, à l'instar des Etats-Unis et de l'Espagne, rappelle Pierre Vermeren.

«Capharnaüm géopolitique»

De son côté, Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à l'Université Mohammed V de Rabat, analyse ce coup de froid à l'aune d'un nouveau cycle de relations bilatérales "avec son lot de recompositions, de reconfigurations et de repositionnement".

Le discours "rassurant" du Quai d'Orsay a eu le mérite de remettre "un peu d'ordre dans ce capharnaüm géopolitique", relève-t-il, mais cela reste insuffisant pour remettre "sur les rails" le partenariat franco-marocain.

D'autant que les liens entre Paris et Rabat restent étroitement liées à la politique de Paris envers l'Algérie.

Sur ce point, Emmanuel Macron s'est montré déterminé à réchauffer les relations franco-algériennes.

Mais ce rapprochement reste fragile. Comme le montre l'affaire de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, rapatriée récemment en France alors qu'elle était en situation irrégulière en Tunisie. Alger a fustigé une "exfiltration illégale" et rappelé son ambassadeur.

Cette semaine, la porte-parole du Quai d'Orsay a assuré que Paris continuait "à travailler à l'approfondissement de sa relation avec l'Algérie", comme pour maintenir le cap coûte que coûte.

«Phase critique»

Aux côtés des partisans de la normalisation des relations avec la France, "il y a une ligne dure" anti-française qui s'est vivement exprimée, explique Pierre Vermeren. Celle-là même qui s'est rapprochée de la Russie.

"Nous pouvons compter sur les Russes pour accentuer la brouille comme ils le font partout en Afrique", opine-t-il.

L'incident est-il susceptible de remettre en cause la visite du président algérien prévue en mai en France ?

Sur les réseaux sociaux ont fleuri des appels à annuler le déplacement d'Abdelmajid Tebboune. Pour autant, aucune déclaration des autorités ne le suggère à ce stade.

Visite ou pas, "la relation de la France avec les pays du Maghreb est dans une phase durablement critique", poursuit Pierre Vermeren.

Pour Zakaria Abouddahab, le professeur de Rabat, la seule manière de sortir de ce casse-tête diplomatique est de cesser d'apprécier les relations entre le Maroc et la France "à l'aune des rapports avec l'Algérie".

Mais pour l'heure, c'est une "véritable gageure", reconnaît-il. Rivales régionales, Alger et Rabat sont à couteaux tirés depuis des années.

"Le seul moyen de s'en sortir serait d'avoir une diplomatie européenne mais il n'y en a pas et chaque pays tire la couverture à lui", abonde Pierre Vermeren.

"C'est catastrophique, d'autant que l'on est dans un contexte extraordinaire de crises qui s'enchaînent" depuis un an avec la guerre en Ukraine, met-il en garde.


Gérald Darmanin a rendu visite à Nicolas Sarkozy mercredi soir à la prison de la Santé

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier. (AFP)
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  • L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45
  • L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui"

PARIS: Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a rendu visite mercredi soir à Nicolas Sarkozy à la prison parisienne de la Santé, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier.

L'entrevue, qui s'est déroulée en présence du directeur de l'établissement, a eu lieu entre 19H00 et 19H45, a poursuivi cette même source, avant un échange entre le garde des Sceaux et les agents pénitentiaires sur la sécurité de l'ex-chef de l'Etat.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy a été incarcéré le 21 octobre à la Santé. Cette détention d'un ancien président est une première dans l'histoire de la République.

Il a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines.

L'ancien président de la République bénéficie de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise "eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui", avait expliqué le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez.

Gérald Darmanin avait dit avant l'incarcération de l'ex-président son intention d'aller le visiter, afin de "s'assurer que les conditions de sécurité sont bonnes pour ce détenu au statut hors du commun", avait expliqué son entourage.


Nouveau coup de filet dans l'enquête sur le cambriolage du Louvre

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure. (AFP)
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  • Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place
  • Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue

PARIS: La procureure de Paris Laure Beccuau a annoncé jeudi cinq nouvelles interpellations liées au casse du musée du Louvre, dont un principal suspect, mais les joyaux de la couronne de France, estimés à 88 millions d'euros, restent introuvables.

Ces nouvelles interpellations s'ajoutent à celles de deux hommes, arrêtés samedi et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place. Ils ont été inculpés et placés en détention provisoire mercredi soir. Les cinq nouveaux interpellés sont en garde à vue.

Parmi eux se trouve un des cambrioleurs présumés, qui "était effectivement un des objectifs des enquêteurs, on l'avait dans le viseur", a précisé la procureure de Paris sur la radio RTL.

"Des traces ADN" lient ce principal suspect "au vol qui a été commis", a ajouté Laure Beccuau, suggérant qu'il faisait partie du commando des quatre hommes qui ont commis le vol du 19 octobre en moins de huit minutes, une affaire qui a fait le tour de la planète.

"Quant aux autres personnes qui sont placées en garde à vue, ce sont des personnes qui peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", a expliqué la procureure de Paris, sans vouloir en dire plus sur leur profil, "il est trop tôt".

Ces cinq nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis (dans le nord de la région parisienne), a-t-elle indiqué.

"Déterminée" 

Les "perquisitions qui ont eu lieu au cours de la soirée et de la nuit ne nous ont pas permis de retrouver le butin de ce cambriolage", a souligné la procureure.

"Je dirais que comme toute enquête, cette enquête, c'est comme un fil d'Ariane", a comparé Laure Beccuau, insistant: "mon rôle n'est pas d'être inquiète (sur le sort des bijoux) mais d'être déterminée".

Et de lancer un message: "ce que je souhaite très clairement dire à ceux qui détiendraient les bijoux aujourd'hui, c'est que évidemment la justice saura tenir compte de l'absence de préjudice de ce cambriolage". "La coopération dans l'enquête, on en tient compte pour la peine évidemment", a-t-elle formulé plus explicitement.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie.

Les deux inculpés - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers (région parisienne au nord) -  "n'ont pas souhaité s'exprimer" devant le magistrat instructeur mercredi soir, a-t-elle confié.

Auparavant, les deux trentenaires "se sont livrés à des déclarations, que côté enquêteurs et côté magistrats du parquet, nous estimons minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", a mis en avant Laure Beccuau.

"Marchés parallèles" 

"Si on analyse leur casier, on ne peut pas effectivement considérer qu'ils font partie du haut du spectre de la criminalité organisée", a-t-elle décrypté à leur sujet.

La procureure insiste sur l'idée de sortir "d'une image d'une criminalité organisée, type mafieux, avec le patron et tout un tas d'équipes qui gravitent autour de lui parce que ce sont des connaissances".

La criminalité organisée peut aussi se nourrir selon elle de "personnes recrutées sur les réseaux sociaux, n'ayant aucun casier judiciaire" et susceptibles de commettre des méfaits graves pour "des sommes qui nous sidèrent", sous-entendu modiques.

La procureure de Paris s'est en outre attardée sur le rôle de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), qui explore "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est sans doute pas sur le marché légal des oeuvres d'art que surgiront les bijoux.

Parmi les hypothèses des enquêteurs, il y a celle "que ces bijoux pourraient être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a enfin pointé la procureure.

 

 


Budget: Lecornu fragilisé par une alliance gauche-RN sur la fiscalité des multinationales

Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
Les députés votent en levant la main lors du débat et de l'examen du budget de l'État 2026 à l'Assemblée nationale française, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 29 octobre 2025. (AFP)
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  • Alliance gauche–RN : Les députés ont adopté plusieurs taxes sur les grandes entreprises, défiant le gouvernement
  • Crise budgétaire : Le budget 2026 est fragilisé, avec un risque de passage en force par ordonnances

PARIS: Les députés ont voté mercredi de nouvelles taxes visant les grandes entreprises, dans une alliance de circonstance entre la gauche et l'extrême droite, rendant plus difficile l'adoption du budget par le camp gouvernemental qui dénonce une "folie fiscale".

Sébastien Lecornu se retrouve face à une équation politique de plus en plus impossible, alors même que les mesures les plus sensibles – notamment sur la taxation des hauts patrimoines, condition posée par les socialistes à leur non-censure – n'ont pas encore été examinées.

Jeudi, les députés feront une pause dans les débats budgétaires, avec une journée réservée à l'examen de textes proposés par le Rassemblement national.

Mais ils reprendront vendredi, avec l'examen prioritaire dès 09H00 de l'article 3 du projet de loi de Finances instaurant une taxe sur les holdings, suivi des amendements de la gauche pour créer une taxe Zucman.

Dans ce contexte déjà tendu, le gouvernement avait haussé le ton dès mercredi matin. "La justice fiscale a laissé place à la surenchère fiscale", a mis en garde mercredi le ministre de l'Economie Roland Lescure. Le Premier ministre s'est lui inquiété devant les sénateurs d'une déconnexion entre le débat fiscal et "la question économique générale et globale".

Dans leur ligne de mire, le vote mardi par une alliance de la gauche et du RN d'un "impôt universel" sur les multinationales, pour lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale.

Une mesure censée rapporter 26 milliards d'euros, selon ses défenseurs, mais jugée inopérante, contraire à la législation et néfaste pour l'économie française, par le gouvernement.

- "Pas honteux" -

Marine Le Pen, pointée du doigt par la droite pour son soutien, a défendu la mesure. "Il s'agit juste de faire respecter la loi", selon elle.

"Pour l'instant, ce qui a été voté" à l'Assemblée dans le cadre de l'examen du budget de l'Etat n'est "pas honteux, contrairement aux hurlements du gouvernement", a enfoncé la cheffe des députés RN.

Mais les mises en garde du camp gouvernemental n'ont pas freiné les députés dans leur lancée, au contraire.

Dans l'après-midi, ils ont continué d'adopter des mesures visant les grands groupes.

Là encore, ce sont les votes réunis de la gauche et du RN qui ont permis l'adoption d'une mesure portée par LFI visant à élargir le champ d'application de l'impôt minimum de 15% sur les bénéfices des multinationales.

C'est "une autoroute vers le contentieux", qui fragiliserait les efforts coordonnés avec l'OCDE pour lutter contre l'évasion fiscale, a fustigé dans l'hémicycle le ministre de la Fonction publique, David Amiel.

"On assume à 100%" ce vote, a martelé le député RN Jean-Philippe Tanguy.

Dans la foulée, le gouvernement a essuyé deux nouveaux revers: le RN a réussi à faire adopter de justesse un amendement pour alourdir la taxation sur les rachats d'actions, afin de lutter contre la spéculation. Les députés de gauche se sont pour la plupart abstenus. Puis c'est la France Insoumise qui a réussi à faire adopter, lors d'un vote très serré, un amendement instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes.

Ces derniers votes ne devraient pas faciliter la tâche de Sébastien Lecornu.

Mercredi matin, le président de LR Bruno Retailleau avait dénoncé une "folie fiscale", et "le coût de la stabilité politique exorbitant". Le chef des députés MoDem Marc Fesneau estime aussi que le texte "devient totalement invotable".

- Amendement de compromis ? -

A l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, avait relativisé les votes de la veille, rappelant qu'on n'est "qu'au tout début du processus parlementaire".

M. Retailleau pense d'ailleurs que la première partie du budget sur les recettes "sera refusée par l'Assemblée" et donc que ce sera le Sénat "qui devra reprendre la copie".

Sous couvert d'anonymat, plusieurs cadres de la coalition gouvernementale disent s'attendre à ce qu'il n'y ait "pas de budget" et que le gouvernement doive se contenter d'une "loi spéciale", qui lui permet de reconduire en 2026 les impôts et dépenses de 2025.

Autre option: l'adoption d'un budget par ordonnances, comme l'autorise la Constitution si les délais d'examen du texte sont dépassés, et comme s'en inquiète le RN.

Les groupes politiques ont accepté de retirer une partie de leurs amendements afin d'accélérer les débats.

La fiscalité va continuer d'alimenter les tensions dès la reprise vendredi matin.

Du fait de l'opposition résolue du bloc central, de la droite et du RN, la taxe Zucman n'a guère de chance d'être votée, que ce soit dans sa forme initiale (un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros) ou modifiée (3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales).

Un amendement de compromis pourrait donc être encore présenté par le gouvernement au moment des débats. "Il y a encore du travail", a reconnu Mme Bregeon.