La déclaration ferme des cinq pays sur Israël laisse présager une nouvelle opportunité de paix

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Publié le Lundi 20 février 2023

La déclaration ferme des cinq pays sur Israël laisse présager une nouvelle opportunité de paix

La déclaration ferme des cinq pays sur Israël laisse présager une nouvelle opportunité de paix
  • B'Tselem a publié un rapport qui explique qu’Israël traite la population palestinienne placée sous son contrôle à la manière d’un «apartheid»
  • La communauté internationale semble unie dans sa désapprobation des politiques de colonisation d'Israël

L'annonce faite dimanche par Israël de son intention de mettre en place 10 000 unités de colonisation et normaliser neuf avant-postes illégaux dans les territoires palestiniens occupés a suscité une condamnation universelle. L'opposition à cette initiative farfelue a unifié la communauté internationale à un moment où des divisions étaient apparues au sujet de l'Ukraine et de la rivalité entre la Chine et les États-Unis. L'évolution du consensus pourrait contribuer à relancer les pourparlers de paix.

Avant cette annonce, le discours intransigeant du nouveau cabinet israélien avait ravivé les tensions dans les territoires occupés et alarmé les voisins d'Israël ainsi que les quelques amis qui lui restent.

La déclaration conjointe publiée mardi par les ministres des Affaires étrangères de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni et des États-Unis témoigne d'une unité renouvelée sur le conflit israélo-palestinien. Alarmés par les conséquences potentiellement déstabilisantes de la décision d'Israël, les cinq ministres ont déclaré qu'ils s'opposaient «fermement» à ces mesures unilatérales, car elles «sapent les efforts pour parvenir à une solution négociée à deux États» et «affectent la viabilité de la solution à deux États ainsi que la stabilité de la région en général».

Les cinq pays, tous proches alliés d'Israël, ont appelé à une «paix globale, juste et durable au Moyen-Orient», car «les Israéliens et les Palestiniens méritent tous deux de vivre en paix, avec des mesures égales de liberté, de sécurité et de prospérité». Ils ont réaffirmé leur engagement en faveur de l'établissement d'un «État palestinien souverain et viable» aux côtés d'Israël.

Le secrétaire général des Nations unies, l'Union européenne (UE), l'Arabie saoudite, la Norvège, la Turquie, la Jordanie, l'Égypte, entre autres, ont publié des déclarations similaires.

Les dernières mesures prises par Israël ne feront qu'accroître son isolement et fourniront de nouvelles preuves qu’il prive de façon institutionnalisée les Palestiniens de leurs droits sur le plan politique, social et économique. Il existe un consensus croissant sur le fait qu’il impose aux Palestiniens un régime d'apartheid similaire à celui de l'Afrique du Sud avant 1994 face auquel le monde s'est uni pour y mettre fin. D'importantes organisations de défense des droits de l'homme, y compris en Israël, ont critiqué ce régime et appelé à son abolition.

En janvier 2021, B'Tselem, le principal groupe israélien de défense des droits de l'homme, a publié un rapport qui explique qu’Israël traite la population palestinienne placée sous son contrôle à la manière d’un «apartheid» tel que cette notion est définie par le droit international.

Suivant l'exemple de B'Tselem, Human Rights Watch, la plus grande organisation américaine de défense des droits de l'homme, a publié en avril 2021 un rapport qui documente la loi et les pratiques israéliennes envers les Palestiniens. Ce document de 213 pages conclut que «les autorités israéliennes commettent des crimes contre l'humanité et persécutent des millions de Palestiniens». Ses politiques systémiques de «restriction de mouvement, d'expropriation de terres, de transfert forcé, de refus de résidence et de nationalité, ainsi que de suspension massive des droits civils» constituent un crime d'apartheid contre l'humanité tel que la convention des Nations unies de 1973 sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid le définit.

Puis, l'année dernière, Amnesty International, la plus grande organisation mondiale de défense des droits de l'homme, dont le siège se trouve au Royaume-Uni, a publié un rapport similaire selon lequel les politiques d'Israël équivalaient à une forme de ségrégation raciale et de discrimination institutionnalisée, ou apartheid. Ce document de l'organisation, qui compte 278 pages, et le cours de quatre-vingt-dix minutes sur le sujet fournissent de nombreuses preuves à l'appui. Amnesty a appelé ses membres – qui sont plus de 7 millions – à protester contre ces politiques.

Les nouvelles décisions d'Israël jettent involontairement une bouée de sauvetage au gouvernement iranien, qui fait face à des protestations populaires dans son pays en raison du traitement qu'il réserve aux femmes et de l'ostracisme international qu'il subit à cause du non-respect de ses obligations nucléaires. Le Hezbollah et d'autres groupes soutenus par l'Iran luttent également pour justifier leur présence face au mécontentement populaire. Avec les nouvelles mesures prises par Israël, l'Iran et ses mandataires ont une cause à défendre pour reprendre le dessus.

Israël se trouve donc à la croisée des chemins: veut-il s'intégrer dans cette région ou souhaite-t-il tenter de vivre par l'épée et de dominer les Palestiniens sous une occupation cruelle qui équivaut à un apartheid? L'Initiative de paix arabe, proposée initialement par l'Arabie saoudite et adoptée ensuite par la Ligue arabe, propose une normalisation complète avec Israël en échange d'une solution à deux États selon les frontières de 1967. S'il peut apparaître tentant, compte tenu de l'équilibre actuel des forces, de continuer à déposséder les Palestiniens sur le plan économique et à les priver de leurs droits politiques, Israël doit prendre en considération les conséquences à long terme, tant sur son territoire qu'à l'étranger, de ces politiques autodestructrices et anachroniques.

Israël doit réfléchir aux conséquences à long terme, sur son territoire et à l'étranger, de ces politiques anachroniques et autodestructrices.

C'est le bon moment pour se mobiliser en faveur des pourparlers de paix. La communauté internationale semble unie dans sa désapprobation des politiques de colonisation d'Israël et il se pourrait qu’elle soit prête à prendre des mesures pour rétablir le processus de paix. La déclaration des cinq nations publiée mardi laisse présager une probable unité au Conseil de sécurité des nations unies (CSNU); les États-Unis pourraient se joindre aux autres membres permanents si on leur présente un texte qui réaffirme la position du conseil sur les colonies et expose un plan pratique pour relancer les pourparlers entre Israël et les Palestiniens, première étape vers un engagement significatif.

L'été dernier, le président Joe Biden a marqué un changement significatif dans l'approche des États-Unis qui pourrait les amener à un consensus avec le reste des membres permanents du CSNU et permettre ainsi une action pour débloquer le conflit. Lors d'une visite à Bethléem, Joe Biden a appelé à une solution à deux États le long des lignes d'avant 1967 comme «le meilleur moyen pour parvenir à une mesure égale de sécurité, de prospérité, de liberté et de démocratie pour les Palestiniens comme pour les Israéliens». Il a ajouté: «Le peuple palestinien mérite un État qui lui est propre, indépendant, souverain, viable et contigu.»

En décembre 2016, le CSNU a adopté, avec l'assentiment des États-Unis, la résolution 2334, qui pourrait servir de base à une nouvelle mobilisation à l'ONU. Il a réaffirmé que «l'établissement par Israël de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n'a aucune validité juridique et constitue une violation flagrante au regard du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution à deux États et à une paix juste, durable et globale». Il a également appelé à des «négociations crédibles sur toutes les questions relatives au statut final dans le processus de paix au Moyen-Orient».

L'atmosphère qui règne actuellement au Conseil de sécurité des nations unies pourrait y contribuer. L'inauguration du nouveau cabinet israélien au mois de décembre et les événements violents qui ont suivi ont attiré l'attention du conseil. Ce dernier a tenu jusqu'à présent deux sessions d'urgence pour discuter de la situation.

Étant donné qu'un grand nombre des nouveaux avant-postes qu'Israël prévoit de légaliser sont construits sur des terres palestiniennes privées, il est possible que les tribunaux retardent leur légalisation, mais ils continueraient probablement à s'étendre malgré tout. Toutefois, ce retard pourrait donner aux Palestiniens et à la communauté internationale le temps de se mobiliser pour arrêter la légalisation et pour reprendre les pourparlers de paix.

 

Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour les affaires politiques et les négociations et chroniqueur pour Arab News. Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et ne représentent pas nécessairement celles du CCG.
Twitter: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.