Affaire Issa Amro: L'armée israélienne doit être prise en flagrant délit pour être sanctionnée

Capture d'écran de la vidéo (Photo, Twitter @Issaamro).
Capture d'écran de la vidéo (Photo, Twitter @Issaamro).
Short Url
Publié le Lundi 20 février 2023

Affaire Issa Amro: L'armée israélienne doit être prise en flagrant délit pour être sanctionnée

Affaire Issa Amro: L'armée israélienne doit être prise en flagrant délit pour être sanctionnée
  • Le militant pacifiste palestinien Issa Amro a été battu par des soldats de l’armée israélienne en pleine interview
  • Le soldat qui a attaqué Amro a été suspendu et condamné à une détention de dix jours, une sanction inhabituelle qui était plus probablement due au fait qu’un journaliste de renom a été témoin de l’agression

À moins que les journalistes occidentaux ne soient prêts à se rendre en Cisjordanie pour couvrir le conflit d’Israël avec les Palestiniens, ils semblent ne jamais comprendre la perversité de ses atrocités commises contre les civils.
Cette semaine, Lawrence Wright, écrivain lauréat du prix Pulitzer, journaliste au prestigieux magazine New Yorker et auteur de plusieurs livres, a été témoin d'une perversité qui n'a presque jamais eu de couverture médiatique dans les médias à grand tirage. Wright interviewait le militant pacifiste palestinien Issa Amro à Hébron lundi, lorsque des soldats israéliens ont encerclé Amro. L’un d'eux l'a étranglé, l'a poussé à terre et l'a battu. Un autre soldat est intervenu et a empêché davantage de violence et de blessures.
Si Wright n'avait pas été là pour témoigner – l'écrivain l'a souligné dans une série de messages sur Twitter, dont une vidéo de l'incident – ​​Amro n'aurait peut-être pas survécu. Wright est même allé jusqu'à déclarer que les Forces de défense israéliennes (FDI) «ont déformé les faits». Le soldat a été à l’origine de la confrontation, et Amro ne l'a pas injurié, mais lui a seulement demandé d'appeler son supérieur. Rien ne pouvant justifier la violente agression qui a suivi.
Amro a publié sa propre déclaration concernant l'agression de Tsahal, affirmant: «J'ai été arrêté et violemment battu par un soldat israélien à Hébron. Je montrais au célèbre écrivain américain Lawrence Wright l'occupation israélienne et l'apartheid dans ma ville natale.»
Le soldat qui a attaqué le pacifiste Amro a été suspendu et condamné à une détention de dix jours – une réaction inhabituelle qui était plus probablement due au fait qu’un journaliste de renom a été témoin de l’agression qu’au désir d’Israël de traiter toutes les violences de la même manière.
Malgré la nature claire de l'affaire, les grands médias occidentaux ont à peine rapporté l'incident
Tsahal a qualifié la confrontation de la manière la plus lamentable possible. «L'enquête a révélé qu'une violente confrontation avait éclaté entre un Palestinien et un soldat de Tsahal à Hébron, au cours de laquelle le soldat a battu le Palestinien», a affirmé un communiqué de l’armée israélienne, qui n’a pas condamné pas le soldat et a laissé entendre que la «violente confrontation» impliquait les deux parties.
Les soldats ont insisté sur le fait qu'Amro avait crié sur le soldat coupable, ce qu’a démenti Wright.
C'est une pratique israélienne de minimiser toute violence de ses soldats ou de ses colons armés, sauf lorsqu'ils sont pris en flagrant délit et que les excuses et la propagande ne suffisent pas à arrêter les critiques. Tsahal a laissé entendre qu'Amro avait provoqué la violence, car le soldat lui avait dit de ne pas poursuivre sa visite d'Hébron, où se trouvent certains des pires colons fanatiques d'Israël.
Wright a poursuivi sur Twitter: «Je ne peux pas m'empêcher de penser à quel point l'occupation est déshumanisante pour les jeunes soldats chargés de l'appliquer.»
Je suis allé à Hébron, la ville où un médecin israélo-américain vêtu de l'uniforme militaire israélien est entré dans la mosquée Ibrahimi le 25 février 1994 et a abattu 29 musulmans et blessé 125 autres pendant qu'ils priaient. Je me suis rendu à Hébron en 1995 dans le cadre d'une mission d'enquête pour le Congrès palestino-américain afin d'évaluer la violence israélienne contre les civils. Ce que j'ai découvert, c'est que les colons armés étaient protégés par les soldats de Tsahal et que de nombreux soldats sympathisaient avec les colons qui occupaient des maisons palestiniennes. Hébron a été divisée en deux afin que les colons israéliens puissent contrôler le cœur de la ville et la zone autour de la mosquée, permettant de ce fait à Goldstein d'entrer et de massacrer des civils innocents pendant qu'ils priaient.
Des colons israéliens ont essayé de m'attaquer, et ce n'est que parce que j'ai brandi mon passeport américain qu'ils en ont été empêchés. Mais les soldats n'ont rien fait contre les colons fanatiques qui hurlaient.
Cependant, il y a une nouvelle réalité pour les Palestiniens qui a changé la donne: les réseaux sociaux leur ont donné une voix plus forte qu'ils ne l'avaient jamais eue auparavant. Ils peuvent  désormais documenter, à l'aide de séquences vidéo, la violence et la sauvagerie tyrannique israéliennes qui alimentent les réactions de certains Palestiniens. La différence, bien sûr, est que les Israéliens sont lourdement armés alors que les Palestiniens ne le sont pas. Un plus grand nombre de Palestiniens que d’Israéliens ont été tués, sachant que les Israéliens et leurs sympathisants dans les médias occidentaux ont tendance à minimiser les atrocités israéliennes, tout en exagérant la violence palestinienne.
Amro est une voix courageuse en faveur de la paix. De nombreux Israéliens et Palestiniens soutiennent ses efforts pacifiques. Le voir brutalisé par des soldats israéliens évoque des images de la violence observée dans les rues américaines, où des policiers armés réagissent violemment aux manifestations des Afro-Américains. Cependant, en Amérique, la police fait face à de graves accusations lorsque ces affrontements se traduisent par une violence excessive et même la mort. En Israël, la violence est tempérée par la propagande et les médias internationaux qui lui sont favorables et qui hésitent à critiquer le prétendu État juif de peur qu'ils ne soient qualifiés «d'antisémites».
L'agression contre Amro n'est peut-être qu'un incident, mais cela en dit long sur les centaines d'autres incidents qui ne bénéficient pas de ce type de couverture «accidentelle». Malgré la nature claire de l'affaire, les grands médias occidentaux ont à peine rapporté l'incident.
Israël sait que pour continuer à bénéficier de la sympathie des médias, il doit montrer qu'il agit de manière responsable. Mais cela ne semble se produire que lorsque les médias sont présents. Tel-Aviv impose de lourdes restrictions à la couverture médiatique en Cisjordanie et, de son point de vue, l'incident d'Amro montre qu'il y a une bonne raison à cela.


Ray Hanania est un éditorialiste et ancien journaliste politique primé auprès de l’hôtel de ville de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arab News.com