En Turquie, des fissures gouvernementales qui profitent aux nationalistes

Le président turc Tayyip Erdogan salue les membres de son parti lors d'une réunion au parlement à Ankara, en Turquie, le 25 novembre 2020 (Photo, Reuters)
Le président turc Tayyip Erdogan salue les membres de son parti lors d'une réunion au parlement à Ankara, en Turquie, le 25 novembre 2020 (Photo, Reuters)
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Publié le Jeudi 26 novembre 2020

En Turquie, des fissures gouvernementales qui profitent aux nationalistes

  • Arinc a critiqué l'emprisonnement du politicien kurde Selahattin Demirtas
  • «L'arrestation ne doit jamais se transformer en punition»

ANKARA: De hauts responsables turcs proches de la présidence ont critiqué les décisions du parti au pouvoir, l'AKP, face au pouvoir croissant de deux partis séparatistes, DEVA et Future.

Mardi, Bulent Arinc, membre du Haut Conseil consultatif présidentiel et ancien vice-Premier ministre, a démissionné à la suite d'un différend avec le président Recep Tayyip Erdogan au sujet de récents commentaires.

Arinc a critiqué l'emprisonnement du politicien kurde Selahattin Demirtas et de l'éminent homme d'affaires et personnalité opposante de la société civile Osman Kavala. «Le système judiciaire, l’économie et d’autres secteurs de la Turquie ont de toute évidence besoin de réformes. Il faut que notre pays soit modéré et trouve une solution aux problèmes de notre société. J'ai décidé qu'il serait plus convenable pour moi de quitter mon poste de membre du Haut Conseil consultatif», a-t-il déclaré sur Twitter.

Cette décision fait suite à la démission de Berat Albayrak, ministre des Finances et gendre d'Erdogan, cette fois avec une publication-choc sur Instagram dimanche soir.

Dans une interview télévisée le 20 novembre, quelques jours seulement après qu'Erdogan ait promis une nouvelle vague de réformes judiciaires, Arinc demande la libération de Kavala et Demirtas. Une suggestion durement reçue par Erdogan, dont les propos ont «offensé» Arinc.

Demirtas, ancien coprésident du Parti démocratique du peuple pro-kurde, croupit derrière des barreaux depuis novembre 2016 pour des allégations de soutien au terrorisme. Il risque jusqu'à 142 ans de prison malgré une demande de libération immédiate de la Cour européenne des droits de l'homme.

Soulignant que «l'arrestation ne doit jamais se transformer en punition», Arinc exhorte les gens à lire le livre de contes de Demirtas «Devran», écrit en prison, afin de mieux comprendre les Kurdes et leurs souffrances.

Kavala est emprisonné depuis 2017 bien qu'il n'ait jamais été condamné pour un quelconque crime.

«Arinc sera un autre grand nom de l'AKP mis de côté par un garde plus irrationnel à l’intérieur du parti qui est plus intéressé à réveiller sa petite mais bruyante armée de trolls, qu'à écouter les critiques au sein même du parti», a déclaré à Arab News, Louis Fishman , un expert de la Turquie du Brooklyn College.

«Pour Erdogan, cette décision pourrait saper son appel à des réformes judiciaires, motivé par sa volonté de polir l’image de l’État à l’étranger», a-t-il ajouté.

Néanmoins, il y a plusieurs rumeurs sur l’existence de fissures au sein de l'Alliance populaire, formée entre l'AKP et le Parti du mouvement nationaliste (MHP), bien que le chef du MHP Devlet Bahceli les ait réfutées mardi.

«Des lâches, des comploteurs et des escrocs visent l’Alliance populaire», a-t-il déclaré. Les dernières remarques d'Arinc, co-fondateur de l'AKP, auraient mis en colère Bahceli, qui a durci sa position suite aux commentaires tout en poussant son éviction.

La récente opération contre 101 avocats et militants kurdes dans la province sud-est de Diyarbakir aurait été menée en vue de faire plaisir à l'alliance avec le parti nationaliste.

Fishman a affirmé que la démission d'Arinc aurait envoyé un message fort à l'Europe et à la nouvelle administration Biden selon laquelle la Turquie n'est «pas vraiment prête» à prendre des mesures sérieuses dans sa présumé réforme judiciaire.

«L'AKP est maintenant coincé entre le marteau et l'enclume. Il est tellement difficile d’imaginer que les réformes puissent en fait renforcer son état d’affaiblissement, et il court donc le risque de perdre le soutien du MHP. Cependant, sans les réformes, il est également confronté à des conflits continus au sein de la communauté internationale. Nous devrons attendre et voir quel chemin cela prendra dans un proche avenir », a-t-il déclaré.

Berk Esen, politologue de l'Université Sabanci d'Istanbul, a révélé que l'alliance au pouvoir a été durement touchée par la crise économique qui s'est récemment aggravée à la suite de la pandémie de la Covid-19 en Turquie.

«Le système présidentiel autoritaire, qui a été introduit en 2018, n’a fait qu’aggraver le bilan de la gouvernance de la Turquie dans la politique intérieure ainsi que sur la scène internationale. Face aux problèmes économiques, le gouvernement ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face aux agitations populaires croissantes, en particulier dans les grands zones urbaines », a-t-il déclaré à Arab News.

Esen a également avoué que la récente victoire électorale de Joe Biden a ajouté à la crainte d'Erdogan que son gouvernement va, sans aucun doute, bientôt subir une pression internationale sans précédent.

«Pour cette raison, Erdogan aurait peut-être été contraint de prendre des mesures superficielles afin d’apaiser les anciens alliés de la Turquie en prenant des demi-mesures, comme la libération de Kavala et Demirtas. Ce détournement du cap nationaliste du parti a été soutenu par d’anciens décideurs de l’AKP comme Arinc », a-t-il déclaré.

Mais la lune de miel n’a pas duré longtemps en raison des réactions négatives de la part du MHP.

Dans son discours au groupe parlementaire mercredi, Erdogan a déclaré que «la coalition du parti AK au pouvoir avec l'ultranationaliste MHP a été dessinée par du sang lors de la tentative de coup d'État du 15 juillet contre les putschistes».

Refusant l’accusation d’Arinc qu’Erdogan qui courtise les sensibilités nationalistes, ce dernier a déclaré qu’il n'y a plus de question kurde en Turquie» et que «Demirtas est un terroriste dont les mains sont souillées de sang».

Erdogan a également appelé le pouvoir judiciaire à agir contre ceux qui ont demandé la libération de Demirtas et de Kavala, car les demandes «violent ouvertement l'article 138 de la Constitution, qui interdit de donner des ordres aux tribunaux».

Selon Esen, cette crise politique a affaibli l'emprise d'Erdogan sur le pouvoir.

«Cela a accru sa dépendance à l’égard du chef du MHP Bahceli, qui reste un acteur essentiel de la coalition et qui fournit à Erdogan des moyens nationalistes pour faire face aux opposants», a-t-il ajouté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
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  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
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  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

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  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.