Tunisie: des Subsahariens aux abois s'abritent autour de leurs ambassades

Des migrants d'Afrique subsaharienne campent devant l'ambassade de la Côte d'Ivoire à Tunis, le 28 février 2023. (Photo, AFP)
Des migrants d'Afrique subsaharienne campent devant l'ambassade de la Côte d'Ivoire à Tunis, le 28 février 2023. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 01 mars 2023

Tunisie: des Subsahariens aux abois s'abritent autour de leurs ambassades

  • Des dizaines de personnes étaient rassemblées mardi devant l'ambassade dont un bon nombre pour obtenir une carte consulaire afin de s'inscrire sur une liste ouverte depuis vendredi en vue d'un rapatriement volontaire
  • Seydou Coulibaly, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, a exprimé dans un communiqué «les vives préoccupations» du gouvernement du Mali concernant la situation actuelle des migrants

TUNIS: Des dizaines de Subsahariens, dont des bébés, campent devant l'ambassade de leur pays ou à l'intérieur, après avoir été chassés de chez eux à la suite de mesures annoncées par la Tunisie contre les migrants illégaux.

Devant l'ambassade de Côte d'Ivoire, ils sont une cinquantaine à camper sur l'herbe, dont 11 bébés et une femme enceinte. Avec quelques couvertures et entourés de leurs baluchons, certains dorment dehors depuis quatre jours, a constaté mardi l'AFP.

"On a besoin de couches, de lait pour bébé, on n'a rien à manger", déclare les traits tirés Rokhia Kone, 23 ans, son petit attaché dans le dos.

Plusieurs hommes montrent un quignon de pain rassis qui sera leur seul repas.

Une dame tunisienne a apporté une bâche alors que le froid est de retour.

"Où sont les ONG, les associations, le Croissant Rouge, les organisations internationales comme le HCR (le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU) ou l'OIM (l'Organisation internationale pour les migrations)? C'est une honte et une honte pour les Tunisiens", dit la militante Monia Ghozali Khraief.

Sur sa page Facebook suivie par 78 000 personnes, cette militante a lancé une collecte d'aide d'urgence.

Des dizaines de personnes étaient rassemblées mardi devant l'ambassade dont un bon nombre pour obtenir une carte consulaire afin de s'inscrire sur une liste ouverte depuis vendredi en vue d'un rapatriement volontaire.

"Au moins 500 personnes se sont inscrites pour repartir au pays" jusqu'à présent, indique à l'AFP Jean Bedel Gnabli, responsable d'une association d'Ivoiriens.

Certains sont enregistrés mais n'ont nulle part où aller car les propriétaires tunisiens ont reçu l'instruction d'expulser les migrants en situation irrégulière, sous peine de lourdes amendes.

"On veut rentrer car il fait froid, on veut retourner en Côte d'Ivoire", confie un père de famille.

Les candidats au retour pressent l'ambassade de négocier la levée des pénalités (80 dinars par mois, environ 25 euros) qu'ils doivent acquitter pour avoir dépassé les délais de séjour légaux.

« Chassés de chez eux » 

A l'ambassade du Mali, ce sont une trentaine de ressortissants, également sans logement, qui sont "hébergés dans la chancellerie", dit un diplomate sous couvert d'anonymat.

"On recense ceux qui veulent partir. On avait déjà 200 personnes sur nos listes ce midi", précise-t-il. En attendant, outre ceux accueillis à l'intérieur, l'ambassade a "demandé aux Maliens en situation régulière d'être solidaires et d'en prendre chez eux".

Selon le diplomate, pour faire appliquer les mesures prises contre les migrants illégaux (expulsion des logements et de leur travail), "la police fait des rondes". "Les gens ne peuvent plus travailler et sont chassés de chez eux".

Le diplomate fait état d'âpres pourparlers entre Bamako et Tunis pour que les autorités tunisiennes "enlèvent les pénalités et permettent à nos compatriotes de rentrer". "Ensuite on ira les chercher y compris à Sfax ou Monastir pour les rapatrier", dit-il.

Le président tunisien Kais Saied a appelé le 21 février à des "mesures urgentes" contre l'immigration clandestine de ressortissants d'Afrique subsaharienne, affirmant que leur présence en Tunisie était source de "violence et de crimes" et relevait d'une "entreprise criminelle" destinée à changer la composition démographique du pays.

Le chef de la diplomatie tunisienne Nabil Ammar a affirmélundi que son pays prônait "l'apaisement", tout en excluant de présenter des excuses après le tollé suscité par ce discours dénoncé comme "raciste et haineux".

Selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, la Tunisie, pays de 12 millions d'habitants, compte plus de 21 000 ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne, en majorité en situation irrégulière.

Le diplomate malien a affirmé que malgré des propos officiels visant à rassurer, les agressions se poursuivaient avec notamment "un étudiant qui a eu le visage tailladé en pleine rue à Bizerte (nord) et des compatriotes insultés et pris à partie hier dans le quartier aisé de La Marsa" à Tunis.

"La Tunisie du président Bourguiba ne mérite pas un président comme Kais Saied", a dénoncé dans un communiqué mardi le Conseil supérieur de la diaspora malienne. 

Depuis Bamako, la diplomatie malienne a condamné des scènes "inacceptables de violence physique, expulsion de bâtiments ou d'expropriation de biens" de migrants en Tunisie.


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".