Ambassadeur de France au Maroc: pas de crise entre Rabat et Paris mais uniquement des «quiproquos»

Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc. (Photo, Ambassade de France au Maroc)
Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc. (Photo, Ambassade de France au Maroc)
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Publié le Lundi 06 mars 2023

Ambassadeur de France au Maroc: pas de crise entre Rabat et Paris mais uniquement des «quiproquos»

  • Lors d’un entretien exclusif avec Arab News en français, Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc, rejette le terme de crise diplomatique entre les deux pays. Il évoque des «incompréhensions, des «quiproquos», voire de «petites turbulences»
  • «Quel intérêt la France aurait à utiliser le Parlement européen contre le Maroc, un partenaire majeur ?», explique Christophe Lecourtier, réagissant à une polémique après le vote par Bruxelles d’une résolution critique à l’égard du Maroc

PARIS: Les liens profonds qui unissent la France au Maroc ne datent pas d’hier. Les mots ne manquent pas pour les qualifier: partenariat d’exception, exemplaire, relation de solidarité, fraternelle, de confiance… Et pourtant, aujourd’hui, il semblerait que ces relations ne soient plus au beau fixe. Pour nombre d’observateurs, des signaux ne trompent pas. La visite du président français dans le royaume, qui était prévue pour le début d’année, se fait de plus en plus attendre, et le non-remplacement de l’ambassadeur marocain en France depuis la mi-janvier pose question. Parmi les autres dossiers chauds, l’épineuse question du Sahara occidental, où Rabat reproche à Paris sa position ambiguë, les allégations de corruption, les soupçons d'espionnage, ou le vote récent par le Parlement européen d’une résolution critique à l’égard du Maroc, qui aurait été poussée par la France selon Rabat. On peut enfin mentionner les restrictions sur l’octroi de visas pour les Marocains, qui, même si elles ont été levées récemment, ont laissé des séquelles. Ces signes de crispation qui se multiplient sont-ils révélateurs d’une crise diplomatique entre les deux alliés historiques?

Lors d’un entretien exclusif avec Arab News en français, Christophe Lecourtier, l’ambassadeur de France au Maroc, rejette ce terme. Il évoque plutôt des «incompréhensions, des «quiproquos», voire de «petites turbulences». Des termes qui sont au diapason de récents propos tenus par Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse sur sa stratégie en Afrique. Le président français a en effet déclaré qu’il allait continuer à «avancer» pour renforcer la relation de la France avec l’Algérie et le Maroc au-delà des «polémiques» et que ses relations personnelles avec le roi Mohammed VI étaient «amicales». Des propos démentis par une source officielle du gouvernement marocain, qui a déclaré au mensuel Jeune Afrique que «les relations n’étaient ni amicales, ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais et l’Élysée».

Pour Christophe Lecourtier, tout juste nommé au poste d’ambassadeur il y a deux mois, l’heure est à «la clarification afin de retrouver un dialogue constructif avec le Maroc».

Macron viendra, viendra pas?

Un dialogue qui devrait davantage se matérialiser avec la visite attendue d’Emmanuel Macron. L’ambassadeur de France au Maroc assure à Arab News en français qu’elle aura bien lieu. Le diplomate n’a communiqué aucune date, mais le président français devrait très vraisemblablement se rendre au Maroc au cours du premier trimestre 2023. Pour Christophe Lecourtier, le «report» de la visite n’est pas lié aux tensions qui traversent les deux pays. «Cette visite fait l’objet de beaucoup de travail en amont de part et d’autre, afin de refonder le partenariat d’exception qui existe entre la France et le Maroc», explique l’ambassadeur. «Nous avons construit, depuis l’indépendance du Maroc, une relation très intéressante mais aujourd'hui nous sommes dans un autre siècle, il y a d'autres enjeux pour le Maroc. La France aussi a changé et il est donc assez logique, et même nécessaire, de revisiter notre partenariat», poursuit l’ambassadeur, qui regrette que la Covid-19 ait compliqué les relations entre les deux pays.

Pour M. Lecourtier, «la visite du président de la République, lorsqu'elle interviendra, doit permettre de poser avec le Maroc un certain nombre de jalons importants pour démontrer ce caractère d'exception entre les deux pays et qui se prolongera dans les dix, vingt ans à venir. Le terme d'exception veut bien dire ce qu'il veut dire. Il y a donc des exigences de part et d’autre».

Le diplomate tient à mettre en avant les avancées réalisées par le Maroc, qui rappelle-t-il, a élaboré un nouveau modèle de développement. Une stratégie «très claire et ambitieuse», se félicite-t-il. «L’enjeu est aujourd’hui de voir comment la France peut contribuer à apporter sa pierre, parmi d’autres partenaires, pour permettre la réussite de cet agenda.»

Vers un renforcement du partenariat économique?

Les relations économiques entre Paris et Rabat sont très étroites. La France est le deuxième partenaire commercial du Maroc après l’Espagne. Selon la dernière étude du Trésor français, la France a investi près de 11 milliards d’euros en 2019 au Maroc. Le pays représente plus de 35% du stock d’investissements étrangers (IDE) du royaume chérifien.

Fort de son profil résolument tourné vers le financier et l’économique (il a notamment dirigé le cabinet de Christine Lagarde avant de devenir directeur général de Business France), Christophe Lecourtier serait-il l’homme de la situation pour œuvrer au renforcement du partenariat économique entre les deux pays? Les relations tumultueuses entre la France et le Maroc pourraient-elles plomber les échanges commerciaux?

Ce n’est absolument pas le cas, assure l’ambassadeur de France, qui rappelle les différents projets existants et en développement. Fin 2018, le Maroc a en effet inauguré la première ligne à grande vitesse (LGV) d’Afrique, fruit d’un partenariat entre l’Office national des chemins de fer (ONCF) et la SNCF. Un grand succès technique, industriel et commercial, dont tous les Marocains peuvent être fiers», affirme l'ambassadeur. Le royaume souhaite faire construire une nouvelle ligne à grande-vitesse Marrakech-Agadir et prolonger l’actuel LGV Tanger-Casablanca. La France est-elle favorite pour remporter le marché? Pour l’ambassadeur, le ferroviaire français continuera  d’accompagner le développement du Maroc dans les années à venir, et il appartient aux entreprises françaises de faire aux autorités marocaines et à l’ONCF une offre qui soit la plus compétitive possible. Le Maroc tend en effet de plus en plus à diversifier ses partenaires, et des pays comme la Chine et l’Espagne n’ont pas caché leur désir de remporter ce juteux marché, évalué à plus de 75 milliards de dirhams (environ 6,8 milliards d’euros).

Pour le diplomate, le partenariat économique ne se limite pas à la ligne grande vitesse. «La France peut apporter sa contribution à bien d’autres projets», assure-t-il, en citant le secteur automobile dont Renault est le fer de lance, avec 11 000 emplois directs dépendant de l’entreprise française au Maroc – ou  le secteur de l’énergie, pour lequel le Maroc a de grandes ambitions.

Résolution contre le Maroc au Parlement européen: la France a-t-elle joué un rôle?

Parmi les sujets de friction entre la France et le Maroc, il y a évidemment l’adoption le 19 janvier par les eurodéputés d’une résolution condamnant la liberté de la presse au Maroc, à laquelle viennent s’ajouter des soupçons d’une implication de Rabat dans le scandale de corruption qui secoue le Parlement européen depuis décembre.

Le vote des eurodéputés a entraîné une levée de boucliers médiatique au Maroc. La classe politique marocaine a aussi vivement réagi en accusant la France d’être à l’origine de la résolution, affirmant qu’un proche de la présidence française, Stéphane Séjourné, chef du groupe centriste Renaissance (Renew) à Bruxelles avait «orchestré» une campagne antimarocaine. L’ambassadeur français réaffirme à Arab News en français que «cette résolution n’engage pas la France».

«Il y a des constructions qu’on lit sur les réseaux sociaux ou dans la presse qui sont extraordinairement alambiquées et qui prêtent à la France un rôle qu’elle n’a pas joué», affirme Christophe Lecourtier. «Quel intérêt la France aurait à utiliser le Parlement européen contre le Maroc, qui est un partenaire majeur et avec lequel elle nourrit de grands projets pour l’avenir?», s’interroge l’ambassadeur.

Le jour de ce vote, un autre événement n’est pas passé inaperçu: le roi Mohammed VI a mis officiellement fin aux fonctions de Mohammed Benchaâboun, ambassadeur du Maroc à Paris.  Aucun ambassadeur n’a été nommé depuis. Si le timing interroge, M. Lecourtier rejette toutefois toute corrélation, et assure qu’il ne faut pas en tirer «des conséquences ou des conclusions définitives». «L’ambassadeur du Maroc en France est revenu dans son pays pour occuper des fonctions importantes pour lesquelles il avait déjà été désigné (sa nomination avait été rendue publique le 18 octobre 2022)», assure-t-il. «Cela s’est passé récemment», renchérit-il.

L’épineux dossier du Sahara occidental

Un autre dossier sensible concerne la politique étrangère du Maroc: le dossier du Sahara, considéré comme une cause nationale. Le Maroc souhaite que la France emboîte le pas des États-Unis, qui ont reconnu clairement la souveraineté du Maroc sur ce territoire. L’ambassadeur rappelle à ce sujet que la position de la France est «restée constante». La ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, l’a très clairement rappelé lors de sa venue au Maroc à la mi-décembre, souligne le diplomate. «La France a toujours été aux côtés du Maroc, notamment auprès des instances compétentes, notamment aux Nations unies, à une époque où le Maroc avait plus de difficultés à faire comprendre ses positions. La France a été depuis de nombreuses années dans une logique visant à soutenir les positions du Maroc sur le règlement de cette affaire», souligne-t-il.

France-Maroc-Algérie: la difficile équation

Considérés tantôt comme des frères ennemis, tantôt comme des rivaux régionaux, Alger et Rabat sont à couteaux tirés depuis des années. Ils ont d’ailleurs rompu leurs liens diplomatiques. Pour nombre d’observateurs, le rapprochement entre la France et l’Algérie, récemment fragilisé, aurait créé un refroidissement des relations entre Paris et Rabat. Certains vont même jusqu’à dire que la France doit se fâcher avec Rabat pour se rapprocher d’Alger.

«Nous ne sommes pas dans une logique où ce qu’on fait avec l’un s’apprécie par rapport à l’autre», assure Christophe Lecourtier. L’ambassadeur regrette que les relations entre la France, le Maroc et l'Algérie soient décrites comme «une sorte de balance», comme s’il était nécessaire de faire un choix entre les deux pays. «C’est une version qui est assez éloignée de la réalité», précise-t-il. «La France a des raisons historiques, mais aussi humaines de préserver et de faire évoluer sa relation avec le Maroc, mais il est aussi assez naturel qu'elle puisse parler à l'Algérie», poursuit M. Lecourtier, qui rappelle que les enjeux sont différents dans ces pays.

Les visas: un vrai retour à la «normale»?

Autre sujet de discorde et qui a fait couler beaucoup d’encre, la politique française de restrictions des visas pour le Maghreb. En septembre 2021, Emmanuel Macron avait décidé de réduire de moitié les permis d’entrée accordés aux Marocains. Un moyen pour Paris de sanctionner la réticence du Maroc à réadmettre ses ressortissants en situation irrégulière en France.

Une mesure qui a suscité de vives réactions au Maroc, mais aussi dans l’Hexagone. Certains y ont vu une mesure «inhumaine», «discriminatoire», voire «humiliante». Lors de son déplacement au Maroc, la ministre française des Affaires étrangères avait annoncé un «retour à la normale» pour l’octroi de visas aux Marocains. Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a quant à lui salué «une décision unilatérale» française qui «va dans le bon sens». Un collectif d’associations au Maroc dénonce toutefois un «retour à la normale» qui tarde à se concrétiser, avec un nombre «trop important de refus sans raisons» et une procédure jugée trop complexe, avec notamment le recours à des opérateurs privés.

 

L’ambassadeur de France au Maroc assure cependant à Arab News en français que la délivrance des visas a repris son cours normal. Il affirme que le taux de refus est revenu à peu près au niveau de 2019 et qu’il a été divisé par deux par rapport à l'année 2022. Il y a d’innombrables rendez-vous, environ 8 000 par semaine, dit-il.

Les demandes de visa sont traitées rapidement, avec bienveillance, confie-t-il, même s’il admet qu’il y a «des sujets qui parasitent un peu cette reprise». M. Lecourtier fait ainsi allusion à l’action d’officines, d’intermédiaires qui ne rendent parfois pas suffisamment lisible l’évolution de la politique française des visas. «Nous allons trouver des solutions à cette situation», rassure-t-il.

Il ajoute qu’en 2022, le Maroc a été, juste après l'Inde, le premier bénéficiaire des visas  Schengen accordés par la France, et cela même pendant une année où les conditions n'étaient pas optimales. L’ambassadeur se dit optimiste. «Nous allons faire une très bonne année 2023 et tourner la page d'une année difficile et qui a effectivement pu être mal perçue par toute une série de personnes habituées à se rendre en France et qui se sont émues d'un traitement moins favorable que par le passé.»

L’éducation et la langue française en recul au Maroc?

Les liens entre les Marocains et la France ont toujours été très forts, que ce soit en ce qui concerne le tourisme, les échanges commerciaux ou l’éducation.

Le français a une place privilégiée dans le paysage linguistique marocain. Selon l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), 13,5 millions de Marocains sont francophones, soit  36% de la population. Les Marocains occupent également la première place des étudiants étrangers en France, et sont plus de 45 000, représentant 12% des étudiants étrangers. Cependant, nombre d’observateurs et d’experts en linguistique observent un «déclin progressif» de la langue de Molière au Maroc. Cette tendance à s’éloigner de la langue française, mais aussi du système d’éducation français, s’expliquerait par une sorte de «désamour» de la France, lié à une crise qui ne dit pas son nom entre les deux pays.

 

Pour l’ambassadeur de France au Maroc, les faits parlent d’eux-mêmes. Il assure qu’il n’y a jamais eu autant d’élèves dans les écoles françaises. Il y a d’ailleurs, selon lui, des projets d’écoles qui sont à l’étude pour accroître davantage l’offre en matière d’établissements scolaires en français.

«Dans la réforme de l’Éducation nationale, au Maroc, il y a aussi la volonté de réintroduire le français de la primaire à la fin des études secondaires», soutient-t-il. «À charge pour nous d’offrir le meilleur et de demeurer attractifs. Nous devons nous réinventer et ne pas donner le sentiment que l’on fait partie des meubles. C’est un challenge, mais je suis très optimiste!». L’ambassadeur estime qu’il est tout à fait naturel et souhaitable que les Marocains puissent apprendre d'autres langues, mais «qu’au vu de la proximité géographique, des liens qui nous unissent, le français doit forcément être considéré comme un atout. Dans les années à venir, le français sera l’une des langues les plus parlées au monde, de plus en plus de personnes vont parler la langue en Afrique subsaharienne. Pour le Maroc qui rayonne dans cette partie du monde, parler le français est un véritable atout», fait-il remarquer.

Le Maroc: un partenaire pivot en Afrique

Le Maroc est bien présent en Afrique et joue un rôle majeur sur le continent. Le pays est le premier investisseur en Afrique de l’Ouest et figure parmi les cinq premiers en Afrique subsaharienne. Sur la période 2009-2019, ses investissements directs sur l’ensemble du continent ont enregistré une croissance moyenne de 8,3% par an. C’est un fait, le Maroc constitue une porte d’entrée privilégiée vers l’Afrique. Récemment, le président français a émis le souhait de nouer de nouvelles relations avec les États du continent et a affirmé que «l’Afrique n’est pas un pré carré», refusant de voir dans le continent un terrain de compétition.

«La dynamique du Maroc vers l’Afrique nous intéresse beaucoup. Le Maroc a une relation séculaire avec l’Afrique subsaharienne. La France a noué des relations beaucoup plus tard. Je pense qu'au XXIᵉ siècle, il y a énormément de choses qu'on doit pouvoir faire avec le Maroc et pas simplement dans le business, par exemple concernant les défis autour de la sécurité alimentaire – dans un contexte de changement climatique qui pose de grands défis à beaucoup de pays du Sahel –, mais aussi de la transition énergétique. Le Maroc est très en pointe sur ces sujets-là, la France aussi», assure Christophe Lecourtier. Travailler avec le Maroc permettrait d’être «encore plus efficace avec les pays concernés», ajoute-t-il.

Qu’il s’agisse d’une crise ou juste de «petites turbulences», la France et le Maroc vivent une période charnière. L’ambassadeur de France fraîchement nommé a la lourde tâche d’œuvrer à la réconciliation, il se dit enthousiasmé par son nouveau poste. «Il y a énormément de choses à faire pour construire l'avenir de la présence française au Maroc, l'avenir de la relation bilatérale et avec modestie l'avenir du Maroc. Il y a tellement de perspectives d'évolution dans ce pays. C’est une mission très exaltante!»

Sur un plan plus personnel, le diplomate ne cache pas son attachement pour le Maroc: «C’est un pays que j'aime depuis longtemps, mais que je réapprends à voir à la fois avec les yeux d’ambassadeur mais aussi avec le cœur!»

 


Forts bombardements sur la ville de Gaza après le soutien de Rubio à Israël

La ville de Gaza a été touchée par des bombardements forts et soutenus dans la nuit de lundi à mardi, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP, au lendemain d'une visite à Jérusalem du secrétaire d'Etat américain qui a réitéré l'appui des Etats-Unis à Israël. (AFP)
La ville de Gaza a été touchée par des bombardements forts et soutenus dans la nuit de lundi à mardi, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP, au lendemain d'une visite à Jérusalem du secrétaire d'Etat américain qui a réitéré l'appui des Etats-Unis à Israël. (AFP)
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  • Marco Rubio a promis lundi au gouvernement de Benjamin Netanyahu le "soutien indéfectible" des Etats-Unis à Israël pour éliminer le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza
  • Quelques heures plus tard, de très fortes frappes se sont fait entendre dans la bande de Gaza, assiégée et affamée, selon des témoins

GAZA: La ville de Gaza a été touchée par des bombardements forts et soutenus dans la nuit de lundi à mardi, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP, au lendemain d'une visite à Jérusalem du secrétaire d'Etat américain qui a réitéré l'appui des Etats-Unis à Israël.

Marco Rubio a promis lundi au gouvernement de Benjamin Netanyahu le "soutien indéfectible" des Etats-Unis à Israël pour éliminer le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.

Quelques heures plus tard, de très fortes frappes se sont fait entendre dans la bande de Gaza, assiégée et affamée, selon des témoins.

"Il y a des bombardements massifs et incessants sur la ville de Gaza et le danger ne cesse d'augmenter", a déclaré à l'AFP Ahmed Ghazal, un habitant de cette zone.

Cet homme de 25 ans a décrit une "explosion qui a violemment secoué le sol du quartier" peu après 01H00 locale mardi (22H00 GMT lundi).

"J'ai couru dans la rue, sur le site de la frappe", "trois maisons" d'un bloc résidentiel "ont été complètement rasées". "De nombreuses personnes sont emprisonnées sous les débris et on peut entendre leurs cris."

Le porte-parole de la Défense civile de la bande de Gaza, Mahmoud Bassal, a déclaré à l'AFP que "les bombardements se (poursuivaient) intensément dans toute la ville de Gaza", précisant que "le nombre de morts et de blessés (continuait) d'augmenter".

"Il y a des morts, des blessés et des personnes disparues sous les décombres suite à des frappes aériennes israéliennes visant un bloc résidentiel près de la place Al-Shawa dans la ville de Gaza", a-t-il détaillé, évoquant "un massacre majeur".

La Défense civile avait fait état de 49 Palestiniens tués lundi, dont plus de la moitié à Gaza-ville, où l'armée a intensifié ses attaques avec l'objectif de s'en emparer.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les informations des différentes parties.

Le déplacement de M. Rubio dans la région intervient après une attaque israélienne inédite le 9 septembre au Qatar contre des chefs du Hamas.

Rassurer Doha 

Après Jérusalem, M. Rubio se rend mardi à Doha, où il devrait rencontrer le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, afin de "réaffirmer le soutien total des Etats-Unis à la sécurité et la souveraineté du Qatar après l'attaque israélienne", selon le département d'Etat.

La frappe aérienne au Qatar, pays médiateur entre Israël et le Hamas et qui abrite la plus grande base aérienne américaine de la région, avait provoqué de rares critiques de Donald Trump contre Israël.

Le président américain a assuré lundi à des journalistes dans le Bureau ovale qu'Israël "ne frappera pas au Qatar".

Réunis lundi à Doha après l'attaque israélienne, les dirigeants arabes et musulmans ont appelé à "revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël et à engager des poursuites à son encontre".

Le secrétaire d'Etat américain s'est montré pessimiste quant à la possibilité d'une solution "diplomatique" à Gaza, qualifiant le Hamas d'"animaux barbares".

L'offensive israélienne à Gaza a suivi l'attaque du 7-Octobre qui a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire. L'ONU y a déclaré la famine, ce qu'Israël dément.

M. Rubio a aussi affiché la solidarité des Etats-Unis avec Israël avant un sommet coprésidé par la France et l'Arabie saoudite le 22 septembre à l'ONU, destiné à promouvoir la reconnaissance d'un Etat de Palestine, au côté d'Israël.

Une initiative largement symbolique dans la mesure où Israël s'oppose fermement à la création d'un tel Etat auquel aspirent les Palestiniens.

En soirée, le secrétaire d'Etat a rencontré à Jérusalem des familles d'otages, selon un responsable du département d'Etat. Sur les 251 personnes enlevées durant l'attaque du 7-Octobre, 47 sont encore retenues à Gaza, dont 25 décédées selon l'armée israélienne.


Attaque au Qatar: les dirigeants arabes et musulmans appellent à «revoir» les liens diplomatiques avec Israël

Les dirigeants arabes et musulmans réunis en sommet à Doha ont appelé lundi à "revoir" les liens avec Israël après l'attaque israélienne ayant ciblé des responsables du Hamas palestinien au Qatar la semaine dernière. (AFP)
Les dirigeants arabes et musulmans réunis en sommet à Doha ont appelé lundi à "revoir" les liens avec Israël après l'attaque israélienne ayant ciblé des responsables du Hamas palestinien au Qatar la semaine dernière. (AFP)
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  • Selon le texte final consulté par l'AFP, les dirigeants arabes et musulmans exhortent "tous les Etats (...) à revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël et à engager des poursuites à son encontre"
  • Les voisins arabes du Qatar, les Emirats arabes unis et Bahreïn, ainsi que l'Egypte, la Jordanie et le Maroc figuraient parmi les pays présents qui reconnaissent Israël

DOHA: Les dirigeants arabes et musulmans réunis en sommet à Doha ont appelé lundi à "revoir" les liens avec Israël après l'attaque israélienne ayant ciblé des responsables du Hamas palestinien au Qatar la semaine dernière.

Ce sommet conjoint exceptionnel de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) visait à hausser le ton face à cette attaque sans précédent à Doha, capitale du pays médiateur dans les négociations en vue d'un cessez-le-feu à Gaza.

Selon le texte final consulté par l'AFP, les dirigeants arabes et musulmans exhortent "tous les Etats (...) à revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël et à engager des poursuites à son encontre".

Les voisins arabes du Qatar, les Emirats arabes unis et Bahreïn, ainsi que l'Egypte, la Jordanie et le Maroc figuraient parmi les pays présents qui reconnaissent Israël.

Les dirigeants des Emirats arabes unis, de Bahreïn et du Maroc n'ont pas participé aux discussions, envoyant à leur place de hauts représentants.

La déclaration finale appelle également les Etats membres à "coordonner les efforts visant à suspendre l'adhésion d'Israël aux Nations unies".

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio se trouvait lundi à Jérusalem - un voyage prévu avant les frappes au Qatar - pour montrer son soutien à Israël avant la reconnaissance prochaine par plusieurs pays occidentaux d'un Etat palestinien lors de l'Assemblée générale de l'ONU à la fin du mois. Il est attendu mardi à Doha.

Depuis Jérusalem, M. Rubio a affirmé le "soutien indéfectible" de son pays à Israël pour éliminer le Hamas, près de deux ans après une guerre dévastatrice dans la bande de Gaza.

"Faire échouer les négociations" 

Dans son discours d'ouverture, l'émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a accusé Israël de vouloir "faire échouer les négociations".

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu "rêve que la région arabe devienne une sphère d'influence israélienne. Et c'est une dangereuse illusion", a-t-il poursuivi devant les dirigeants arabes et musulmans réunis à Doha, parmi lesquels les présidents palestinien, turc, iranien et égyptien ainsi que les Premiers ministres irakien et pakistanais, le roi de Jordanie et le prince héritier saoudien.

L'attaque israélienne, qui a tué cinq membres du Hamas et un membre des forces de sécurité qataries, a suscité une vague de condamnations internationales, notamment des riches monarchies du Golfe, alliées de Washington, ainsi qu'une rare réprobation des Etats-Unis, allié numéro un d'Israël mais également un proche allié du Qatar.

"Demain, ce pourrait être le tour de n'importe quelle capitale arabe ou islamique", a averti le président iranien, Massoud Pezeshkian, dont le pays avait attaqué une base américaine au Qatar lors de sa guerre de 12 jours contre Israël en juin.

"Le choix est clair. Nous devons nous unir", a-t-il martelé.

Contenir Israël 

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, dont le pays fut le premier Etat arabe à reconnaître Israël, a prévenu que cette attaque "érige des obstacles devant toute perspective de nouveaux accords de paix et compromet même les accords existants avec des pays de la région".

Israël et son principal allié, Washington, cherchent à étendre les accords d'Abraham, qui ont établi des relations avec les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc en 2020, courtisant notamment l'Arabie saoudite, poids lourd pétrolier de la région.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de son côté accusé le gouvernement israélien de vouloir "poursuivre les massacres et le génocide en Palestine tout en déstabilisant la région".

Les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui se sont rencontrées en marge du sommet à Doha, ont appelé les Etats-Unis à "user de leur influence" pour contenir Israël.

"Nous attendons des Etats-Unis, notre partenaire stratégique, qu'ils usent de leur influence sur Israël afin que ce pays mette fin à de tels agissements", a affirmé lors d'une conférence de presse à Doha Jassem Al-Budaiwi, le secrétaire général du CCG, qui regroupe l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Qatar, le Koweït et Oman.


Le prince héritier saoudien rencontre des dirigeants en marge du sommet de Doha

Cette image diffusée par l'agence de presse officielle saoudienne (SPA) montre le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman participant au sommet 2025 sur l'urgence arabo-islamique à Doha, le 15 septembre 2025. (AFP)
Cette image diffusée par l'agence de presse officielle saoudienne (SPA) montre le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman participant au sommet 2025 sur l'urgence arabo-islamique à Doha, le 15 septembre 2025. (AFP)
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  • Le prince Mohammed a adressé ces remerciement à l’émir du Qatar après le sommet et a exprimé son soutien au pays

RIYAD: Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, a rencontré lundi plusieurs dirigeants en marge du sommet extraordinaire arabo-islamique afin de discuter de l’attaque israélienne contre le Hamas survenue la semaine dernière à Doha.

L’attaque, qui a fait six morts, a déclenché une vague de critiques, y compris de la part du président américain Donald Trump. Le Hamas affirme que ses hauts responsables ont survécu à la frappe israélienne.

Le prince Mohammed s’est entretenu avec le roi Abdallah II de Jordanie, le Premier ministre irakien Mohammed Chia Al-Soudani, le président de la République arabe syrienne Ahmad Al-Charra, le président iranien Massoud Pezeshkian et le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif.

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Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane rencontre les dirigeants participant au sommet arabo-islamique à Doha, lundi. (SPA)

Le prince héritier a également dirigé la délégation du Royaume lors de la session extraordinaire du Conseil suprême du Conseil de coopération du Golfe (CCG), tenue ce lundi.

À l'issue du sommet, le prince Mohammed a envoyé un message de remerciement à l'émir du Qatar.

« Nous saluons les conclusions de la session extraordinaire du Conseil suprême du Conseil de coopération du Golfe ainsi que celles du sommet arabo-islamique d’urgence », indique le message.

« Ces sommets ont réaffirmé le soutien de l’ensemble des pays participants à la position du Qatar face à l’agression brutale dont il a été la cible, et notre rejet absolu de toute violation des principes et des normes du droit international », indique le communiqué.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com