France: onde de choc après le passage à tabac d'un producteur noir

Cette photo  montre le producteur Michel Zecler se faisant tabasser par des policiers à l'entrée d'un studio de musique dans le 17ème arrondissement de Paris. (Michel Zecler / Groupe GS / AFP)
Cette photo montre le producteur Michel Zecler se faisant tabasser par des policiers à l'entrée d'un studio de musique dans le 17ème arrondissement de Paris. (Michel Zecler / Groupe GS / AFP)
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Publié le Vendredi 27 novembre 2020

France: onde de choc après le passage à tabac d'un producteur noir

  • Quatre policiers ont été placés vendredi en garde à vue après le violent passage à tabac d'un producteur noir à Paris
  • Le président Emmanuel Macron a été «très choqué» par les images montrant Michel Zecler

PARIS : Quatre policiers ont été placés vendredi en garde à vue après le violent passage à tabac d'un producteur noir à Paris, une affaire qui a «choqué» le président Macron, et relancé le débat récurrent en France sur le racisme et les violences policières.

Les quatre fonctionnaires, suspendus jeudi, ont été placés en début d'après-midi en garde à vue dans les locaux de l'IGPN (Inspection générale de la police nationale), la police des polices. Ils sont visés par une enquête pour «violences par personne dépositaire de l'autorité publique» et «faux en écriture publique».

La vidéo du passage à tabac, diffusée jeudi sur les réseaux sociaux et largement partagée (plus de dix millions de vues), a déclenché une onde de choc jusqu'au sommet de l'Etat, en passant par plusieurs grands noms du sport ou la chanteuse originaire du Mali, Aya Nakamura.

Le président Emmanuel Macron a été «très choqué» par les images montrant Michel Zecler, un producteur noir, roué de coups dans l'entrée de son studio de musique à Paris. Il s'agissait de la première réaction officielle du chef de l'Etat sur cette affaire qui faisait vendredi les gros titres de la presse nationale.

«La nausée», titrait le quotidien de gauche Libération, sur une photo du visage ensanglanté de Michel Zecler. «Violences policières: l'exécutif mis en cause», affichait le journal Le Monde en Une.

Les footballeurs vedettes Antoine Griezmann ou Kylian Mbappé se sont aussi indignés sur les réseaux sociaux.

Gerald Darmanin, le clivant ministre de l'Intérieur, incarnation d'une stratégie sécuritaire sans état d'âme, a été reçu jeudi soir par M. Macron qui lui a demandé de prononcer des sanctions très claires contre les policiers, selon une source gouvernementale.

Après cette rencontre, le ministre a annoncé sur la chaîne France 2 qu'il demandait la révocation des quatre policiers (le quatrième mis en cause est accusé d'avoir jeté une grenade lacrymogène dans le studio), et les a accusés d'avoir «sali l'uniforme de la République».

Le secrétaire général du syndicat des commissaires de police, David Le Bars, a souhaité que «la justice agisse vite», tout en demandant à sortir de la polémique consistant à «laisser croire» que l'ensemble de la police était violente.

Violences, racisme et vidéos 

Selon Michel Zecler, qui a porté plainte, les policiers l'ont traité de «sale nègre» à plusieurs reprises.

Ce témoignage relance les interrogations sur un racisme et une violence «structurels» au sein de la police française, catégoriquement démentis par les autorités, mais alimentées par une série d'affaires ces dernières années.

«La police française a un problème structurel de violence», a déclaré à l'AFP le sociologue Fabien Jobard, affirmant ne connaître «aucun pays d'Europe occidentale qui connaisse une telle ampleur du problème policier».

Le passage à tabac de M. Zecler intervient quelques jours après le démantèlement brutal lundi d'un camp de migrants installés lundi en plein centre de Paris dans le cadre d'une action médiatique des associations leur venant en aide.

Les images de cette évacuation, filmée par des journalistes et des militants, ont choqué et donné lieu à un rapport de l'IGPN, qui a notamment dénoncé «un usage disporportionné de la force» de la part d'un commissaire ayant fait un croche-pied à un migrant.

Ces affaires, révélées par les images diffusées sur les réseaux sociaux, surviennent en pleine polémique sur une proposition de loi visant à restreindre le droit à filmer des policiers en opération.

Cette mesure est dénoncée par les journalistes et les défenseurs des droits qui y voient une atteinte à la liberté d'informer, et a donné lieu depuis deux semaines à des manifestations qui ont souvent dégénéré.

Un nouveau rassemblement est prévu samedi à Paris.

Le texte, qui a été adopté mardi par l'Assemblée nationale et doit être encore examiné par le Sénat, a cristallisé ces derniers jours passions et antagonismes.

Plébiscité par les syndicats policiers, soutenu par la droite et l'extrême droite, son article 24 réprime d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la diffusion de «l'image du visage ou tout autre élément d'identification» de membres des forces de l'ordre en intervention, quand elle porte «atteinte» à leur «intégrité physique ou psychique».

La gauche et les défenseurs des libertés publiques y voient «une atteinte disproportionnée» à la liberté d'informer et le signe d'une dérive autoritaire de la présidence Macron.

«Sans images, pas d'affaires», ont insisté plusieurs journalistes après la révélation du passage à tabac de Michel Zecler.

Pour calmer cette colère, le Premier ministre Jean Castex a annoncé jeudi la création d'une «commission indépendante chargée de proposer une nouvelle écriture» de l'article litigieux.

Mais cette initiative a déclenché le courroux des parlementaires, qui ont dénoncé une ingérence de l'exécutif dans leurs prérogatives. 


JO-2024: dans les transports parisiens, la fracture sociale se fera aussi sentir

Des navetteurs attendent sur un quai de la station de métro Saint-Lazare à Paris le 10 novembre 2022, lors d'une grève. (AFP)
Des navetteurs attendent sur un quai de la station de métro Saint-Lazare à Paris le 10 novembre 2022, lors d'une grève. (AFP)
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  • Pour les usagers du quotidien, les situations sont cependant très contrastées dans la région capitale
  • De nombreuses lignes seront surchargées, voire carrément déconseillées certains jours, au risque de devoir attendre plus de 15 minutes sur des quais bondés avant de monter dans la rame

PARIS: Prendre son vélo, marcher, télétravailler ou carrément partir de Paris: les habitants de la région parisienne sont prévenus, il faudra adapter ses usages pour soulager les transports pendant les Jeux olympiques. Ces injonctions ne s'adressent pourtant qu'aux plus privilégiés, nombre d'usagers n'ayant pas le luxe de ces options.

"Il ne faut pas avoir peur de faire un peu de marche, c'est bon pour la santé". La phrase de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, a soulevé quelques sourcils lundi lors de la présentation du plan de transport détaillé des Jeux olympiques.

A gauche, des élus de la région ont pointé du doigt une forme de déconnexion par rapport aux habitants de la lointaine banlieue, obligés de venir travailler à Paris.

Du côté Mme Pécresse, on défend une parole de bon sens, puisque "un tiers des visiteurs des Jeux auront entre 25 et 35 ans, donc on espère qu'entre 25 et 35 ans, on peut de temps en temps prolonger le trajet à pied".

Pour les usagers du quotidien, les situations sont cependant très contrastées dans la région capitale. De nombreuses lignes seront surchargées, voire carrément déconseillées certains jours, au risque de devoir attendre plus de 15 minutes sur des quais bondés avant de monter dans la rame.

Capharnaüm

La ligne 10 du métro, qui traverse les beaux quartiers parisiens et achève sa course dans ceux chics de Boulogne-Billancourt, est de celle-là. Avec la 9, elle n'est pas dimensionnée pour desservir Roland-Garros et le Parc des Princes simultanément, où se dérouleront des épreuves de tennis, boxe et football.

"J'appréhende beaucoup parce que ça va être un cirque indescriptible", anticipe Arthur Poly, enseignant-chercheur de 36 ans en attente de son métro à la station Motte-Picquet-Grenelle, dans le 15e arrondissement de Paris.

Il sera contraint de travailler pendant la période de compétition (26 juillet au 11 août). Sa solution pour éviter le "capharnaüm" annoncé? "Plutôt la marche, je peux avoir des horaires que je décide, donc je peux me permettre de prendre du temps et marcher, ce qui me fera du bien", concède cet habitant du 5e arrondissement.

Marie-Claude, retraitée de 73 ans et usagère régulière de la 10, se rendra dans sa maison de vacances. Quant à Coline, qui travaille dans la cyber-sécurité, "c'est le télétravail qui nous est recommandé", assure-t-elle. "Il faudra peut-être en faire un peu plus que d'habitude", mais elle se réserve la possibilité d'aller travailler en dehors de Paris, "si j'en ai marre d'être chez moi".

Supporter et subir

Plus au nord, l'ambiance change radicalement sur la 13, éternelle ligne malade et surchargée du réseau. Elle dessert des quartiers populaires de Seine-Saint-Denis, au nord de Paris, et surtout, le Stade de France, qui se remplira et se videra jusqu'à trois fois par jour pendant les JO. Là aussi les travailleurs du quotidien sont invités à éviter de l'emprunter.

"Quitter Paris pendant les JO? Mais pour aller où?", s'étonne Christian Boukassa lorsqu'on lui pose la question sur le quai de la station La Fourche. Cet ouvrier du bâtiment de 43 ans habite en lointaine banlieue, et met 45 minutes tous les jours pour se rendre sur son chantier, à Saint-Denis.

Ni télétravail, ni marche à pied ou vélo ne sont envisageables, sans parler d'une hypothétique résidence secondaire. Pour éviter les désagréments, "je vais taper sur mon GPS et changer d'itinéraire", suppose-t-il.

"Déjà sans les JO, la ligne 13 est bondée", se résigne Nafi Olouchy, 62 ans et infirmière à l'hôpital. Elle non plus n'a d'autre choix que de travailler pendant les Jeux, car les fonctionnaires de l'hôpital publics sont fortement incités à ne pas poser leurs congés sur cette période. "Je vais devoir supporter et subir le trafic pendant la période des JO, et tous mes collègues aussi d'ailleurs", précise-t-elle.

Yaya Fofana, préparateur de colis habitant Saint-Ouen, est résigné: "ça va être compliqué", glisse-t-il. Pour autant, ce sera "une grande fête", veut-il retenir. "Moi j'adore les Jeux olympiques", lance-t-il avant de s'insérer difficilement avec son fils en poussette dans une rame bondée.


Voile à l'école: plainte et vague d'indignation après le départ d'un proviseur menacé de mort

Les élèves arrivent au lycée Maurice Ravel à Paris, le 1er septembre 2015, pour la rentrée. PHOTO AFP / KENZO TRIBOUILLARD (Photo par KENZO TRIBOUILLARD / AFP)
Les élèves arrivent au lycée Maurice Ravel à Paris, le 1er septembre 2015, pour la rentrée. PHOTO AFP / KENZO TRIBOUILLARD (Photo par KENZO TRIBOUILLARD / AFP)
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  • Le proviseur «a tout simplement fait son travail» en demandant «à une jeune femme d'appliquer la loi, c'est-à-dire de retirer son voile dans l'établissement scolaire», a souligné Attal
  • Un jeune homme de 26 ans, originaire des Hauts-de-Seine, a été arrêté et doit être jugé le 23 avril à Paris pour avoir menacé de mort le chef d'établissement sur internet

PARIS: L'annonce du départ du proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel, menacé de mort après une altercation avec une élève pour qu'elle enlève son voile, a suscité une vague d'indignation, jusqu'au Premier ministre qui a annoncé mercredi une plainte pour "dénonciation calomnieuse" contre la jeune femme.

"L'Etat, l'institution, sera toujours aux côtés de ses agents, de ceux qui sont en première ligne face à ces atteintes à la laïcité, face à ces tentatives d'entrisme islamiste dans nos établissements scolaires", a affirmé Gabriel Attal sur TF1, après avoir reçu dans l'après-midi le proviseur avec sa ministre de l'Education Nicole Belloubet.

"J'ai décidé que l'Etat allait porter plainte contre cette jeune femme pour dénonciation calomnieuse", a-t-il déclaré. "Il ne faut rien laisser passer", selon le Premier ministre qui a rappelé les morts de Dominique Bernard et Samuel Paty, deux enseignants tués dans des attentats islamistes.

Le proviseur "a tout simplement fait son travail" en demandant "à une jeune femme d'appliquer la loi, c'est-à-dire de retirer son voile dans l'établissement scolaire", a encore souligné Gabriel Attal, en vertu de la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l'école de 2004.


Retour de mission en mer Rouge: des missiles en moins, «  la fierté » en plus

Pendant la mission de la frégate, l'alerte pouvait survenir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit: un long klaxon pour appeler au poste de combat. (AFP).
Pendant la mission de la frégate, l'alerte pouvait survenir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit: un long klaxon pour appeler au poste de combat. (AFP).
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  • Dans le central opérations, cerveau du navire d'où les opérations sont dirigées depuis des dizaines d'écrans de contrôle, le quartier-maître Robin dit qu'il se souviendra de sa quatrième mission
  • "C'était la première fois où on pouvait mettre du concret sur ce pour quoi on s'entraîne, on se dit qu'on ne fait pas ça pour rien, on se sent utile", relate l'opérateur radar de surface de 22 ans

TOULON: Les couvercles des silos de missiles ont été noircis par les tirs contre les drones lancés par les rebelles Houthis: à bord de la frégate française Languedoc, de retour à Toulon après une mission en mer Rouge, l'équipage se dit fier d'avoir fait face à l'épreuve du feu.

Dans le central opérations, cerveau du navire d'où les opérations sont dirigées depuis des dizaines d'écrans de contrôle, le quartier-maître Robin dit qu'il se souviendra de sa quatrième mission.

"C'était la première fois où on pouvait mettre du concret sur ce pour quoi on s'entraîne, on se dit qu'on ne fait pas ça pour rien, on se sent utile", relate l'opérateur radar de surface de 22 ans.

Du 5 décembre au 25 février, la frégate multi-missions (Fremm) a été déployée en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, voie maritime stratégique où des navires commerciaux font régulièrement l'objet d'attaques depuis le Yémen de la part des rebelles Houthis.

A quatre reprises, la frégate a dû ouvrir le feu avec ses missiles Aster 15 contre des drones lancés par les Houthis contre elle ou les navires qu'elle escortait.

"Il y en a qui passent 20 ans dans la Marine sans avoir vécu ça", estime le quartier-maître, qui, avec les 136 membres d'équipage, confie, à l'occasion d'une visite du ministre des Armées Sébastien Lecornu, s'être senti "très fier".

Si l'amiral Pierre Vandier, alors chef d'état-major de la Marine, avait prévenu en 2020 les futurs officiers de l'Ecole navale qu'ils entraient "dans une marine qui va probablement connaître le feu" et qu'ils devaient "s'y préparer", les ouvertures du feu en situation de combat restent rares.

La dernière remontait au 14 avril 2018 avec le tirs de trois missiles de croisière naval (MdCN), déjà depuis la Languedoc, lors de l'opération Hamilton contre des sites liés au programme d'armement chimique syrien.

Au poste de combat

- "Quand est-ce que le bateau avait tiré un missile Aster pour la dernière fois ?", s'enquiert le ministre auprès du commandant, le capitaine de vaisseau Laurent Saunois.

- "Il n'y en avait jamais eu".

- "Oui... On a changé d'époque", constate le ministre qui note une "accumulation des menaces".

Depuis le déploiement de la Fremm Languedoc, renforcée puis remplacée sur zone par l'Alsace et maintenant par la Lorraine, 22 missiles Aster ont été tirés par la Marine française contre des drones et missiles balistiques houthis.

Les rebelles yéménites, soutenus par l'Iran, sont à l'origine d'au moins 50 attaques de navires depuis l'automne, selon le Pentagone.

Pendant la mission de la frégate, l'alerte pouvait survenir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit: un long klaxon pour appeler au poste de combat.

Le 20 février, il est minuit passé et le quartier-maître Robin passe en quelques minutes de sa couchette à son poste quand il n'est pas de service sur le radar: pompier en combinaison ignifugée paré à intervenir si le navire était touché.

"Avant le tir, on entend +Engagement Aster+ puis on le sent partir, ça fait trembler le navire", relate-t-il, confiant que l'entraînement paie: "C'est répété et répété et quand ça arrive vraiment on passe en mode automatique et on le fait".

Les automatismes développés à l'entraînement sont primordiaux pour faire vite et bien, abonde le pacha: une fois le drone détecté, le navire a dix minutes avant qu'il n'arrive au navire mais "pour un missile balistique, comme l'Alsace a eu en traiter, c'est dix secondes", explique-t-il au ministre.

Pour l'amiral Christophe Cluzel, patron de la Force d'action navale regroupant tous les navires de surface français, "c'est rassurant pour un commandant de force, ça montre que l'entraînement est adapté au réel".

Cela montre aussi les besoins: pendant que la Languedoc était déployée, des systèmes optroniques d'identification et de conduite de tir Paseo - sortes d'énormes jumelles permettant de vérifier visuellement ce qui n'est au départ qu'un écho radar - ont été montés en urgence sur les frégates Alsace et Lorraine avant leur mission en mer Rouge.