Audience cruciale vendredi sur la compétence universelle de la justice française

En novembre 2021, la plus haute juridiction judiciaire, déjà saisie du cas Chaban, avait estimé que la justice française était incompétente dans cette affaire. (Photo, AFP)
En novembre 2021, la plus haute juridiction judiciaire, déjà saisie du cas Chaban, avait estimé que la justice française était incompétente dans cette affaire. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 15 mars 2023

Audience cruciale vendredi sur la compétence universelle de la justice française

  • L'audience, filmée, se tiendra à la demande du procureur général François Molins en assemblée plénière, formation la plus large et solennelle de la Cour de cassation.
  • Elle se penchera sur le cas d'Abdulhamid Chaban, ancien soldat syrien mis en examen pour complicité de crimes contre l'humanité en février 2019, et sur celui de Majdi Nema, Syrien poursuivi pour torture et crimes de guerre

PARIS: La Cour de cassation examine vendredi les pourvois concernant deux Syriens accusés de crimes contre l'humanité et crimes de guerre qui contestent la compétence universelle de la France pour les poursuivre et les juger, dont l'issue sera cruciale pour toute une série d'autres procédures.

L'audience, filmée, se tiendra à la demande du procureur général François Molins en assemblée plénière, formation la plus large et solennelle de la Cour de cassation.

Elle se penchera sur le cas d'Abdulhamid Chaban, ancien soldat syrien mis en examen pour complicité de crimes contre l'humanité en février 2019, et sur celui de Majdi Nema, Syrien poursuivi pour torture et crimes de guerre. Les deux contestent les faits.

En novembre 2021, la plus haute juridiction judiciaire, déjà saisie du cas Chaban, avait estimé que la justice française était incompétente dans cette affaire.

Elle s'appuyait sur le principe de la "double incrimination" prévu dans la loi du 9 août 2010: les crimes contre l'humanité et crimes de guerre doivent être reconnus dans le pays d'origine d'un suspect que la France entend poursuivre. Or la Syrie ne reconnaît pas ces crimes et n'a pas ratifié le statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale.

Cet arrêt avait provoqué un séisme dans le monde judiciaire et des organisations de défense des droits de l'Homme, ces dernières craignant que cette décision n'ait de lourdes répercussions sur d'autres enquêtes.

La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) - partie civile qui n'avait pas été avisée du premier pourvoi et n'avait donc pu présenter ses arguments - a fait opposition, permettant le retour de l'affaire devant la Cour de cassation.

"Nous nous demandons comment la Cour pourrait statuer dans un sens inverse qu'il y a un an et demi alors que les circonstances de fait et de droit sont exactement les mêmes", considèrent les avocats d'Abdulhamid Chaban, Margaux Durand-Poincloux, Pierre Darkanian et Nicolas Brillatz.

«Procureurs de l'humanité»

Le cas de Majdi Nema a été adjoint à cette nouvelle audience. Cet ancien porte-parole du groupe rebelle Jaysh al-Islam (Armée de l'Islam), arrêté en janvier 2020 à Marseille où il effectuait un séjour d'études, est soupçonné d'avoir participé, avec son groupe, à l'enlèvement en 2013 de l'avocate et journaliste syrienne Razan Zeitouneh et de trois autres militants syriens, qui n'ont plus donné signe de vie.

Il est aussi suspecté d'avoir formé des enfants au combat et pratiqué des tortures sur des prisonniers.

Ses avocats ont posé la question de la "double incrimination" pour les crimes de guerre, mais aussi celle de la résidence habituelle, autre condition imposée par la loi pour fonder la compétence universelle de la justice française.

En dépit de l'arrêt Chaban, la cour d'appel de Paris a maintenu sa mise en examen en avril 2022, estimant notamment que la loi syrienne prévoit "par équivalence" plusieurs crimes et délits de guerre définis dans le code pénal français.

Pour ses avocats, Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf, la question se heurte à "une réalité indépassable": "La France n'a pas le pouvoir d'investiguer au-delà de ses frontières, dans des pays en guerre où nous ne disposons d'aucun relais".

Reconnaissant un désir de justice "légitime", ils estiment que "le vrai risque de ce dossier n'est pas l'impunité d'un criminel de guerre qui n'en a ni la responsabilité ni l'étoffe, mais celui d'une coquille vide vendue à des parties civiles qui attendent une justice que la France ne peut objectivement pas leur rendre". "Nous n'avons ni le droit, ni les moyens de devenir les procureurs de l'humanité", avertissent-ils.

"Cette audience est déterminante pour les deux affaires examinées mais aussi pour toutes les affaires du pôle crimes contre l'humanité", souligne Clémence Bectarte, avocate de la FIDH.

Selon une source proche du dossier, si la décision confirmait l'arrêt Chaban, 36 enquêtes préliminaires sur les 85 du pôle pourraient être remises en cause, ainsi que 14 informations judiciaires sur 79.

"Mais il ne faut pas oublier que le vrai problème, c'est la loi", ajoute Me Bectarte, appelant à la modifier "dans un sens moins restrictif".

En février 2022, les ministères des Affaires étrangères et de la Justice avaient indiqué que le gouvernement était "prêt" à la faire évoluer si nécessaire.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.