Présidentielle libanaise: Un vent de fronde chrétienne souffle-t-il contre le Hezbollah?

Des partisans du mouvement chiite libanais Hezbollah assistent à un discours télévisé du chef du groupe, Hassan Nasrallah, dans la banlieue sud de Beyrouth, la capitale libanaise, le 3 janvier 2023, à l'occasion du troisième anniversaire de l'assassinat par les États-Unis du haut commandant des Gardiens de la révolution iraniens, Qasem Soleimani, et du commandant irakien Abou Mahdi al-Muhandis. (Photo, AFP)
Des partisans du mouvement chiite libanais Hezbollah assistent à un discours télévisé du chef du groupe, Hassan Nasrallah, dans la banlieue sud de Beyrouth, la capitale libanaise, le 3 janvier 2023, à l'occasion du troisième anniversaire de l'assassinat par les États-Unis du haut commandant des Gardiens de la révolution iraniens, Qasem Soleimani, et du commandant irakien Abou Mahdi al-Muhandis. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 06 avril 2023

Présidentielle libanaise: Un vent de fronde chrétienne souffle-t-il contre le Hezbollah?

Présidentielle libanaise: Un vent de fronde chrétienne souffle-t-il contre le Hezbollah?
  • Aucun candidat déclaré ou non ne serait en mesure d’effectuer une percée suffisante pour se faire élire
  • Un sentiment commence à se généraliser dans les milieux chrétiens, qui craignent de devenir la proie d’une tendance hégémonique exercée par le Hezbollah et Amal

C’est la question que tout le monde se pose à Beyrouth, au vu des dernières tractations diplomatiques entreprises par la France concernant le dossier de l’élection présidentielle au Liban. Voilà plus de cinq mois que le poste de la magistrature suprême est vacant. Le tandem chiite constitué par le mouvement Amal, conduit par le président de la Chambre, Nabih Berri, ainsi que le Hezbollah, milice pro-iranienne, a annoncé le mois dernier leur soutien au chef du parti chrétien Marada, l’ancien député Soleiman Frangié, pour accéder au premier poste de la république.

Plus tôt, une coalition de partis souverainistes (anti-Hezbollah) dont le parti chrétien des Forces libanaises, présidé par Samir Geagea, et le Parti progressiste socialiste, mené par le chef druze, Walid Joumblatt, ainsi que d’autres formations parlementaires, avaient présenté leur candidat de choix, le député Michel Moawad, originaire du même village que M. Frangié.

​​​​​​C’est la candidature de Soleiman Frangié qui attire toute l’attention, car soutenue par le Hezbollah, elle semble être à l’origine du blocage au niveau du Parlement dont le président, qui n’est autre que Nabih Berri, refuse d’agir pour élire un nouveau président de la république.

D’autres candidats non déclarés sont en lice, notamment le chef de l’armée, le général Joseph Aoun, et l’ancien ministre des Finances, actuellement haut fonctionnaire au Fonds monétaire international (FMI), Jihad Azour. Néanmoins, c’est la candidature de Soleiman Frangié qui attire toute l’attention, car soutenue par le Hezbollah, elle semble être à l’origine du blocage au niveau du Parlement dont le président, qui n’est autre que Nabih Berri, refuse d’agir pour élire un nouveau président de la république.

Pour cause, le candidat du tandem chiite n’est toujours pas en mesure de réunir les soixante-cinq voix nécessaires à son élection en deuxième session. En attendant, le Parlement est fermé par les «bons soins» de son président. Et les manœuvres politiques locales n’aboutissent toujours pas. Aucun candidat déclaré ou non ne serait en mesure d’effectuer une percée suffisante pour se faire élire.

Cependant, les pressions internationales montent, car les capitales concernées par la situation au Liban savent qu’aucun projet de sauvetage du pays n’est possible sans passer par l’élection d’un nouveau président, la désignation d’un nouveau Premier ministre, et la formation d’un gouvernement ayant pour mission de mener à bien le programme de réformes et de redressement d’un pays en passe d’être déclaré défaillant!

Aujourd’hui, la candidature de M. Frangié est bloquée par un front chrétien constitué de tous les grands partis représentés au Parlement. Ces partis traditionnellement concurrents ont trouvé, en faisant barrage au candidat du tandem chiite, une cause commune qu’ils défendent au nom de la préservation des acquis des chrétiens au sein du système libanais. C’est une alliance chrétienne «sacrée» qui commence à prendre forme face à ce qui est considéré comme une volonté du tandem d’imposer un candidat qui leur serait fidèle à la présidence de la république traditionnellement occupée par une personnalité chrétienne maronite.

C’est un sentiment qui commence à se généraliser dans les milieux chrétiens, qui craignent de devenir la proie d’une tendance hégémonique exercée par le Hezbollah et Amal. D’où ce début d’ouverture entre différentes composantes politiques visant à rapprocher les positions qui, il y a à peine quelques mois, étaient diamétralement opposées.

C’est peut-être une nouvelle donne politique qui s’annonce au Liban en marge de la bataille pour la présidence. Néanmoins, les vents contraires soufflent violemment. Le Hezbollah et ses alliés misent sur le manque de cohésion de ses opposants et se disent confiants de pouvoir porter M. Frangié à la présidence d’ici à quelques semaines. En effet, le parti pro-iranien table sur les contradictions dans le camp adverse, ainsi que sur sa capacité à rallier des députés au sein même du parti du président sortant, Michel Aoun, opposant farouche de Soleiman Frangié.

Toutefois, on peut noter que ce sentiment de refus dans les milieux chrétiens est en passe de se transformer en une fronde chrétienne quasi générale contre les visées qualifiées d’«hégémoniques» du Hezbollah sur la présidence de la république, poste chrétien essentiel dans un Liban où les divisions confessionnelles sont plus que jamais un facteur déterminant de la vie politique.

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. 

Twitter: @AliNahar

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.