Derrière la visite de Macron en Chine

Le président chinois Xi Jinping (à droite) et le président français Emmanuel Macron assistent à une cérémonie du thé à la résidence du gouverneur de la province de Guandong à Guangzhou le 7 avril 2023. (Photo de Thibault Camus / POOL / AFP
Le président chinois Xi Jinping (à droite) et le président français Emmanuel Macron assistent à une cérémonie du thé à la résidence du gouverneur de la province de Guandong à Guangzhou le 7 avril 2023. (Photo de Thibault Camus / POOL / AFP
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Publié le Dimanche 23 avril 2023

Derrière la visite de Macron en Chine

Derrière la visite de Macron en Chine
  • La visite de Macron visait à obtenir l’assistance de la Chine pour mettre fin à la guerre russe en Ukraine
  • L’Europe veut faire comprendre à la Chine que sa position envers la Russie jouera un rôle crucial dans la façon dont se façonnera sa relation avec l’Europe à l’avenir

À Pékin, le président Xi Jinping a accueilli le président français Emmanuel Macron avec une parade militaire époustouflante. La visite de Macron visait à obtenir l’assistance de la Chine pour mettre fin à la guerre russe en Ukraine. S’adressant à Xi, Macron a exprimé sa confiance en la capacité de la Chine à « ramener la Russie à la raison et tout le monde à la table des négociations ». Cela souligne la conviction de Paris quant au potentiel de la Chine pour aider à résoudre la crise ukrainienne.

Xi, pour sa part, a souligné le devoir et la capacité de leurs pays à protéger la paix dans le monde.

Au cours de sa visite, Macron n’a pas seulement cherché l’aide de la Chine dans la crise ukrainienne. Il a également souligné son désir de renforcer les liens économiques et commerciaux avec la Chine. Pour illustrer cela, il a emmené avec lui un groupe important d’hommes d’affaires, mettant en évidence ses objectifs principaux à Pékin. Il convient de noter qu’il était accompagné de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ce qui souligne l’importance que l’Europe accorde à sa relation avec la Chine.

À la veille de son voyage, Macron a exprimé sa préoccupation croissante face à un « cycle vicieux de tensions croissantes » entre la Chine et l’Occident, alimenté en partie par le conflit en Ukraine. On peut supposer qu’il faisait allusion aux sanctions proposées par les États-Unis contre la Chine pour son soutien présumé à la Russie. Cela implique que la France, tout comme les autres pays européens, ne souhaitent peut-être pas suivre pleinement l’approche des États-Unis à l’égard de la Chine. Ils peuvent vouloir s’en distancer, même légèrement, pour éviter le risque d’une guerre commerciale avec la Chine qui pourrait avoir un impact négatif sur les économies européennes.

La visite de Macron, ainsi que celle de la présidente de la Commission européenne, a suivi les voyages du chancelier allemand Olaf Scholz et du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez à Pékin ces derniers mois, soulignant l’intérêt de l’Europe pour le renforcement des liens avec la Chine.

Les pays européens, y compris la France, sont bien conscients des dangers posés par le conflit prolongé en Ukraine. Ils reconnaissent également que les États-Unis ne sont pas pressés de mettre fin à la crise, même si c’est l’Europe qui supporte le plus gros des conséquences économiques et humanitaires. Dans ce contexte, Macron s’efforce d’encourager le président chinois à redoubler d’efforts pour faciliter une résolution de la crise. Il comprend que la Chine exerce une influence considérable sur le Kremlin, mais que celle-ci a rejeté les avances de Pékin pour mettre fin au conflit.

Au lieu de cela, le Kremlin semble déterminé à poursuivre une victoire militaire ou à imposer un règlement déséquilibré à l’Ukraine. Obtenir une percée politique, économique ou militaire dans un tel environnement serait une tâche difficile.

La visite de la présidente de la Commission européenne en Chine avec Macron revêt une grande importance pour la direction chinoise. Mme Von der Leyen a un historique de soutien à la position américaine sur le conflit ukrainien et a été virulente dans sa critique de la position de la Chine vis-à-vis de la Russie. Elle a rejeté les propositions de paix de la Chine comme étant irréalisables et ne semble pas partager la vision de Macron sur le rôle de la Chine dans la résolution de la crise.

Néanmoins, la visite conjointe semble être une tentative de s’engager avec le côté chinois de manière franche et pragmatique et de transmettre la perspective de l’Europe sur la crise au président Xi Jinping. Elle peut également être interprétée comme un effort pour tracer un cours indépendant des États-Unis, qui souvent ignorent les intérêts de leurs partenaires européens dans leurs relations avec la Chine.

Au lieu de cela, les États-Unis semblent se contenter de solliciter la participation de l’Europe à l’imposition de sanctions, malgré leur impact potentiellement dévastateur sur les économies européennes qui luttent déjà contre les répercussions du conflit en Ukraine.

Il semble que l’Europe adresse un message clair à la Chine concernant la crise ukrainienne. Il n’y a peut-être pas de division en Occident, mais il semble que ces mouvements soient effectués en coordination avec Washington. L’Europe veut faire comprendre à la Chine que sa position envers la Russie jouera un rôle crucial dans la façon dont se façonnera sa relation avec l’Europe à l’avenir.

La présidente de la Commission européenne a souligné que le soutien de la Chine aux efforts militaires de la Russie ou son véritable engagement pour y mettre fin sera un « facteur décisif » dans les relations UE-Chine pour les années à venir. Il est impératif que ce message soit transmis « sans ambiguïté » à Pékin.

Les dirigeants et les fonctionnaires européens ont effectué des visites consécutives en Chine, signalant un désir de mieux comprendre les politiques et les positions de Pékin. Ces visites visent à construire des relations plus fortes avec la Chine, en particulier dans les sphères commerciales et économiques, et à explorer les orientations politiques que la Chine pourrait prendre à l’heure actuelle.

Il est clair que la détérioration des relations entre l’Europe et à la fois la Russie et la Chine pose un risque important qui ne servirait en aucun cas les intérêts de Bruxelles.

 

Le Dr. Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral

Twitter: @salemalketbieng

 

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com