La banque centrale du Yémen ferme des bureaux de change liés au krach

L’image de clients est réfléchie dans une fenêtre pendant qu’une caissière travaille à la banque centrale dirigée par le gouvernement reconnu par l’ONU à Aden, au Yémen. (Archives, AFP).
L’image de clients est réfléchie dans une fenêtre pendant qu’une caissière travaille à la banque centrale dirigée par le gouvernement reconnu par l’ONU à Aden, au Yémen. (Archives, AFP).
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Publié le Jeudi 03 décembre 2020

La banque centrale du Yémen ferme des bureaux de change liés au krach

  • Des négociants en devises locales ont affirmé à Arab News être témoins d’une demande croissante du dollar américain et de riyal saoudien de la part des commerçants locaux
  • Les Houthis, soutenus par l’Iran, ont interdit l’utilisation des nouveaux billets imprimés par la banque centrale

AL-MUKALLA: La banque centrale du Yémen a fermé 30 bureaux de change privés qui auraient violé les règles de spéculation monétaire, après que le riyal yéménite ait chuté face au dollar américain cette semaine.

Dans une lettre envoyée mardi aux bureaux de change locaux, ainsi qu’aux banques publiques et privées, la banque centrale a demandé aux sociétés monétaires locales de rompre leurs liens avec les entreprises inscrites sur la liste noire et de geler leurs comptes.

La lettre accuse les bureaux de change de ne pas se conformer à la réglementation de la banque centrale, et de prendre part à la spéculation sur les devises qui a conduit au déclin brutal du riyal.

Les entreprises bannies ont été créées au cours des cinq dernières années lorsque le système bancaire du Yémen s'est effondré à la suite de la guerre civile dans le pays.

Dans le but de mettre fin à la spéculation monétaire et le blanchiment d'argent, la banque centrale d’Aden a interdit un système de transfert de fonds informel entre les bureaux de change locaux, connu sous le nom de Hawala, et l'a remplacé par un réseau électronique formel sous sa supervision immédiate. Elle a également fermé de nombreux bureaux de change non autorisées et a elle-même fourni les commerçants locaux de marchandises et de carburant en devises fortes.

Ces mesures n'ont eu aucun effet sur le marché puisque le riyal yéménite a plongé à 880 contre le dollar cette semaine, atteignant de nouveaux son plus bas taux historiques et battant un précédent record de 855 le mois dernier. Le dollar s'échangeait à 682 en janvier de cette année, contre 215 en janvier 2015.

Des négociants en devises locales ont affirmé à Arab News être témoins d’une demande croissante du dollar américain et de riyal saoudien de la part des commerçants locaux, ce qui a contribué d’une manière critique au krach du riyal.

«Quand le dollar et le riyal saoudien sont devenus rares sur le marché dernièrement, un commerçant local est venu nous voir afin d’acheter 1 million de riyals saoudiens à tout prix», a révélé un commerçant anonyme à Arab News. Il ajoute que de nombreux négociants en devises ont tiré profit de la demande croissante du dollar pour vendre à des prix trop élevés.

Subhi Baghafar, porte-parole de l'Association des changeurs de monnaie à Aden, a déclaré que l'association soutient entièrement les mesures punitives de la banque centrale contre les bureaux de change non autorisés et ceux qui participent à la spéculation sur les devises. Il estime que le gouvernement internationalement reconnu devrait «amener le système bancaire sous son contrôle».

Baghafar a d’ailleurs : «Nous soutenons toute mesure stricte contre les contrevenants aux réglementations de la banque centrale et au système de la profession de change, qu'il s'agisse de banques commerciales, d'entreprises, de bureaux de change, de particuliers ou encore des hommes d'affaires».

Les économistes ont toutefois accusé le gouvernement yéménite de ne pas avoir freiné la chute de la monnaie yéménite. Les Houthis, soutenus par l’Iran, ont interdit l’utilisation des nouveaux billets imprimés par la banque centrale.

Mustafa Nasr, directeur du centre des médias économiques, a expliqué que le gouvernement yéménite devrait «agir rapidement» afin de freiner le krach monétaire en se limitant uniquement aux nouveaux billets, en imposant des sanctions sévères aux spéculateurs monétaires et en créant un équilibre entre l'offre et la demande pour le dollar.

«La baisse interminable du riyal reflète l’échec non seulement de la banque centrale, mais aussi du gouvernement, de la présidence et de toutes les institutions gouvernementales internationalement reconnues. Cela risque inévitablement d’avoir des effets destructeurs non seulement sur la monnaie, mais aussi sur la vie des yéménites en général», a souligné Nasr.

La dévaluation rapide du Rial yéménite a fait augmenter les prix de certains produits de base d'environ 10%, ont de plus indiqué les commerçants locaux et les petits épiciers.

«Cet œuf coûte 100 riyals maintenant, contre 80 la semaine dernière», a déclaré Hassan, qui dirige une petite épicerie dans la ville d'Al-Mukalla, à Arab News.

Le Centre d’études stratégiques de Sanaa a exhorté dans un rapport du 27 novembre que la communauté internationale de faire pression sur le gouvernement du Yémen et les Houthis, afin qu’ils cessent de se battre pour prendre le contrôle du système bancaire du pays.

«La communauté internationale doit immédiatement prendre en compte les besoins de l’économie dans sa politique au Yémen, en mettant en œuvre une pression politique croissante sur les Houthis et le gouvernement pour qu’ils mettent fin à l’escalade du conflit et à la course pour le contrôle des banques et des bureaux de change yéménites», a indiqué le rapport.

«Alors que le conflit militaire fait de nombreuses victimes et a cause d'importantes destructions dans le pays, c'est le tour de la guerre économique qui aura un impact plus profond, et sans doute plus dévastateur, sur la population et le pays dans son ensemble», a-t-il ajouté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.