AL-MUKALLA: La banque centrale du Yémen a fermé 30 bureaux de change privés qui auraient violé les règles de spéculation monétaire, après que le riyal yéménite ait chuté face au dollar américain cette semaine.
Dans une lettre envoyée mardi aux bureaux de change locaux, ainsi qu’aux banques publiques et privées, la banque centrale a demandé aux sociétés monétaires locales de rompre leurs liens avec les entreprises inscrites sur la liste noire et de geler leurs comptes.
La lettre accuse les bureaux de change de ne pas se conformer à la réglementation de la banque centrale, et de prendre part à la spéculation sur les devises qui a conduit au déclin brutal du riyal.
Les entreprises bannies ont été créées au cours des cinq dernières années lorsque le système bancaire du Yémen s'est effondré à la suite de la guerre civile dans le pays.
Dans le but de mettre fin à la spéculation monétaire et le blanchiment d'argent, la banque centrale d’Aden a interdit un système de transfert de fonds informel entre les bureaux de change locaux, connu sous le nom de Hawala, et l'a remplacé par un réseau électronique formel sous sa supervision immédiate. Elle a également fermé de nombreux bureaux de change non autorisées et a elle-même fourni les commerçants locaux de marchandises et de carburant en devises fortes.
Ces mesures n'ont eu aucun effet sur le marché puisque le riyal yéménite a plongé à 880 contre le dollar cette semaine, atteignant de nouveaux son plus bas taux historiques et battant un précédent record de 855 le mois dernier. Le dollar s'échangeait à 682 en janvier de cette année, contre 215 en janvier 2015.
Des négociants en devises locales ont affirmé à Arab News être témoins d’une demande croissante du dollar américain et de riyal saoudien de la part des commerçants locaux, ce qui a contribué d’une manière critique au krach du riyal.
«Quand le dollar et le riyal saoudien sont devenus rares sur le marché dernièrement, un commerçant local est venu nous voir afin d’acheter 1 million de riyals saoudiens à tout prix», a révélé un commerçant anonyme à Arab News. Il ajoute que de nombreux négociants en devises ont tiré profit de la demande croissante du dollar pour vendre à des prix trop élevés.
Subhi Baghafar, porte-parole de l'Association des changeurs de monnaie à Aden, a déclaré que l'association soutient entièrement les mesures punitives de la banque centrale contre les bureaux de change non autorisés et ceux qui participent à la spéculation sur les devises. Il estime que le gouvernement internationalement reconnu devrait «amener le système bancaire sous son contrôle».
Baghafar a d’ailleurs : «Nous soutenons toute mesure stricte contre les contrevenants aux réglementations de la banque centrale et au système de la profession de change, qu'il s'agisse de banques commerciales, d'entreprises, de bureaux de change, de particuliers ou encore des hommes d'affaires».
Les économistes ont toutefois accusé le gouvernement yéménite de ne pas avoir freiné la chute de la monnaie yéménite. Les Houthis, soutenus par l’Iran, ont interdit l’utilisation des nouveaux billets imprimés par la banque centrale.
Mustafa Nasr, directeur du centre des médias économiques, a expliqué que le gouvernement yéménite devrait «agir rapidement» afin de freiner le krach monétaire en se limitant uniquement aux nouveaux billets, en imposant des sanctions sévères aux spéculateurs monétaires et en créant un équilibre entre l'offre et la demande pour le dollar.
«La baisse interminable du riyal reflète l’échec non seulement de la banque centrale, mais aussi du gouvernement, de la présidence et de toutes les institutions gouvernementales internationalement reconnues. Cela risque inévitablement d’avoir des effets destructeurs non seulement sur la monnaie, mais aussi sur la vie des yéménites en général», a souligné Nasr.
La dévaluation rapide du Rial yéménite a fait augmenter les prix de certains produits de base d'environ 10%, ont de plus indiqué les commerçants locaux et les petits épiciers.
«Cet œuf coûte 100 riyals maintenant, contre 80 la semaine dernière», a déclaré Hassan, qui dirige une petite épicerie dans la ville d'Al-Mukalla, à Arab News.
Le Centre d’études stratégiques de Sanaa a exhorté dans un rapport du 27 novembre que la communauté internationale de faire pression sur le gouvernement du Yémen et les Houthis, afin qu’ils cessent de se battre pour prendre le contrôle du système bancaire du pays.
«La communauté internationale doit immédiatement prendre en compte les besoins de l’économie dans sa politique au Yémen, en mettant en œuvre une pression politique croissante sur les Houthis et le gouvernement pour qu’ils mettent fin à l’escalade du conflit et à la course pour le contrôle des banques et des bureaux de change yéménites», a indiqué le rapport.
«Alors que le conflit militaire fait de nombreuses victimes et a cause d'importantes destructions dans le pays, c'est le tour de la guerre économique qui aura un impact plus profond, et sans doute plus dévastateur, sur la population et le pays dans son ensemble», a-t-il ajouté.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com