La chef saoudienne végétalienne Ola Kayal veut lancer une révolution alimentaire

Ola Kayal, fondatrice de la glace végétalienne «Nabati» (Photo, AN par Ali Khamaj).
Ola Kayal, fondatrice de la glace végétalienne «Nabati» (Photo, AN par Ali Khamaj).
Short Url
Publié le Mardi 02 mai 2023

La chef saoudienne végétalienne Ola Kayal veut lancer une révolution alimentaire

  • Nabati, le pop-up de crèmes glacées de la chef végétalienne saoudienne Ola Kayal à Djeddah, encourage une alimentation saine et entièrement naturelle
  • Kayal a ouvert son premier magasin, Nabati, à Miami, en Floride, six mois avant le début de la pandémie, et a réussi à rester en activité malgré les restrictions

DJEDDAH: Ola Kayal, chef végétalienne de nationalité saoudienne, trilingue et titulaire de deux diplômes, a été formée dans un restaurant trois étoiles Michelin en Europe et a lancé avec succès une entreprise de crèmes glacées végétaliennes aux États-Unis, le tout avant l’âge de 30 ans.

Aujourd’hui, elle apporte ses connaissances et sa passion pour la durabilité à Djeddah, sa ville natale, et rêve de lancer une révolution alimentaire et de créer un havre d’alimentation saine.

Mme Kayal a ouvert son premier magasin, Nabati, à Miami, en Floride, six mois avant le début de la pandémie, et a réussi à rester en activité malgré les restrictions. Elle lance aujourd’hui son deuxième magasin à Djeddah.

«J’ai choisi le nom Nabati parce que je voulais qu’il représente vraiment mes racines. J’ai décidé de lancer cette marque en dehors de l’Arabie saoudite. C’est pourquoi je voulais vraiment un lien avec l’arabe et un nom qui représenterait mes origines et ce que j’apporte au monde», explique-t-elle à Arab News.

Depuis son retour à plein temps dans le Royaume il y a quelques mois, elle a ouvert un pop-up dans un espace local très prisé.

1
De la confection de gâteaux dans son enfance à sa formation dans un restaurant étoilé Michelin en Europe, le parcours culinaire d’Ola Kayal a abouti à la création de Nabati, une marque de crèmes glacées végétaliennes qui diffuse le message d’une alimentation durable à base de plantes (Photo, AN par Ali Khamaj).

«Homegrown à Hayy Jameel, m’a semblé être le bon endroit pour commencer puisque je revenais dans ma ville natale. Je voulais que ce soit un lieu qui représente les artistes saoudiens. Homegrown un centre où des personnes partageant les mêmes idées peuvent apprendre les unes des autres et travailler ensemble», ajoute-t-elle.

Sa crème glacée est à base de noix de cajou et de noix de coco, sucrée avec du sirop d’érable et du sucre de coco, et est à savourer sans culpabilité. Elle ne contient ni sucre raffiné, ni gluten, ni soja, de sorte que ces friandises entièrement naturelles sont à la fois nutritives et délicieuses. Comme elle évite d’utiliser des amidons et des émulsifiants, sa crème glacée est un peu sensible à la température.

«Les bonnes choses de la vie valent la peine d’être attendues. L’avantage, c’est qu’on peut voyager sur de longues distances sans qu’elle ne fonde, mais l’inconvénient, c’est qu’il faut attendre un peu avant de la consommer à sa sortie du congélateur», indique-t-elle à Arab News. «Cela vous apprend la patience.»

1
De la confection de gâteaux dans son enfance à sa formation dans un restaurant étoilé Michelin en Europe, le parcours culinaire d’Ola Kayal a abouti à la création de Nabati, une marque de crèmes glacées végétaliennes qui diffuse le message d’une alimentation durable à base de plantes (Photo, AN par Ali Khamaj).

Recalibrer les habitudes alimentaires malsaines n’est qu’une partie de sa mission, mais il y a aussi un autre avantage à faire les choses à sa manière.

«Certaines personnes m’ont confié qu’elles souffraient de diabète de type II et m’ont dit : “Vous savez, j’ai mangé une portion entière de votre glace et je n’ai pas eu besoin d’ajuster mon taux de sucre”», raconte-t-elle. «Ma glace est adaptée aux diabétiques, mais cela ne signifie pas qu’on peut en consommer de grandes quantités — la clé de la vie, c’est l’équilibre.» 

Bien qu’elle soit aujourd’hui la nouvelle venue sur le marché du végétalisme à Djeddah, son histoire a commencé il y a plusieurs dizaines d’années.

En bref

• Ola Kayal a ouvert son premier magasin, Nabati, à Miami, en Floride, six mois avant le début de la pandémie, et a réussi à rester en activité malgré les restrictions. Elle lance aujourd’hui son deuxième magasin à Djeddah. Le pop-up de Nabati se trouve à Homegrown, à Hayy Jameel.

• Les emballages de Nabati ne contiennent pas de plastique, sont fabriqués à partir de matériaux recyclables et sont entièrement biodégradables. De même, le logo est gravé sur l’emballage, ce qui évite l’utilisation d’encre ou de tout autre type d’impression. Les pintes ne contiennent aucun plastique, pas même dans les parois. Si un client apporte un récipient de chez lui, il bénéficie d’une réduction de 5%.

Le premier dessert qu’Ola Kayal a préparé était un gâteau en boîte lorsqu’elle avait environ 8 ans. Quand son père a pris la première bouchée, il s’est exclamé : «C’est terrible.»

Elle a accepté les critiques sans se laisser démonter et s’en est servi comme d’un carburant pour approfondir ses connaissances dans le domaine de la pâtisserie. Elle a commencé à étudier les recettes de sa famille — sa tante était connue pour ses talents de pâtissière — et s’est constitué une base de données de desserts. Très vite, elle est parvenue à maîtriser son art sans jamais perdre de vue ses objectifs.

1
La crème glacée Nabati, entièrement naturelle, est à base de noix de cajou et de noix de coco, et est sucrée avec du sirop d’érable et du sucre de coco (Photo, Instagram: nabatiicecream).

La jeune femme savait depuis le début qu’elle communiquait par la gastronomie ; c’était tout simplement sa manière de s’exprimer.

«Mon moment préféré, c’est quand le repas est sur la table et que tout le monde est silencieux pendant les 10 à 15 premières minutes parce qu’ils se régalent», précise-t-elle. 

Ses habitudes alimentaires se sont peut-être affinées depuis l’enfance, mais déjà dans sa jeunesse, elle consommait peu de produits d’origine animale.

Je crois vraiment que l’avenir de l’alimentation est végétalien. Je ne dis pas que la consommation de produits d’origine animale est nécessairement mauvaise pour la santé, mais le fait de les consommer aussi rapidement que nous le faisons et avec la qualité actuelle, c’est là que réside le principal problème.

Ola Kayal, chef saoudienne

«J’étais une mangeuse très difficile. Très jeune, j’ai été allergique aux œufs, si bien que je ne pouvais pas manger — pas un gâteau contenant un ou deux œufs, cela ne posait pas de problème — mais je ne pouvais pas digérer un plat entier d’œufs ; c’était trop lourd pour moi», se souvient-elle.

Cela signifie également que la mayonnaise et de nombreux plats à base d’œufs étaient automatiquement exclus de son assiette.

Malgré cela, Ola Kayal savait qu’elle voulait faire carrière dans le monde culinaire. Cependant, son grand-père aimant a essayé de l’en dissuader. Il tenait absolument à ce que l’excellente élève qu’était sa petite-fille chérie poursuive des études plus pratiques. Il avait de grands espoirs pour elle et pensait qu’elle voudrait peut-être travailler dans une banque.

1
La crème glacée Nabati, entièrement naturelle, est à base de noix de cajou et de noix de coco, et est sucrée avec du sirop d’érable et du sucre de coco (Photo, Instagram: nabatiicecream).

Elle a quitté l’Arabie saoudite à l’âge de 16 ans pour fréquenter un internat pour filles en Suisse. Après avoir obtenu son diplôme, elle a suivi les conseils de son grand-père et s’est inscrite dans une école de commerce locale.

En deux ans, elle a suivi un cursus intensif et obtenu son diplôme. C’est grâce à cette formation qu’elle a appris à analyser les entreprises et à comprendre ce qu’implique la durabilité d’une activité principale. Dans le cadre des cours, les étudiants devaient créer un projet d’entreprise et le mener à bien.

Elle a choisi de créer un restaurant.

1
La crème glacée Nabati, entièrement naturelle, est à base de noix de cajou et de noix de coco, et est sucrée avec du sirop d’érable et du sucre de coco (Photo, Instagram: nabatiicecream).

«J’ai obtenu mon diplôme avec mention. J’ai obtenu le diplôme que mon grand-père souhaitait et je me suis dit : «Voilà, c’est le diplôme que tu voulais. Je vais aller à l’école culinaire maintenant.»

L’école culinaire qu’elle a fréquentée, la Culinary Arts Academy Switzerland, exigeait des étudiants qu’ils acquièrent une expérience pratique sous la forme de stages de plusieurs mois.

Le premier stage de la jeune femme s’est déroulé dans un centre de rééducation en Suisse. Gardant à l’esprit le dicton «une pomme par jour éloigne le médecin pour toujours», elle a commencé à utiliser la nourriture comme source de guérison.

Pendant les trois mois qu’elle a passés là-bas, le chef pâtissier, l’un des meilleurs du pays, l’a prise sous son aile. Cependant, elle a ensuite travaillé avec un nouveau chef qui semblait tout droit sorti d'un épisode de Cauchemar en cuisine. Bien que l’expérience ait été difficile, elle lui a donné l’endurance nécessaire pour supporter la chaleur de la cuisine avant de retourner à l’école.

Pour son prochain stage, elle voulait essayer un endroit «un peu plus chic». Elle a donc décidé d’explorer la Scandinavie et s’est installée en Suède, où elle a travaillé dans un restaurant trois étoiles Michelin.

«À l’époque, c’était la décision la plus difficile à prendre et l’expérience professionnelle la plus ardue que j’aie vécue», affirme-t-elle.

Elle travaillait en moyenne de 5 h à 19 h, et parfois jusqu’à minuit.

«Les deux premiers mois, le travail était très, très intensif et chaque jour, je me disais : “OK, je vais présenter ma démission demain, je vais prendre mon courage à deux mains et présenter ma démission”. Mais, vous savez, je n’avais jamais rien abandonné de ma vie — à ce stade — et je ne savais donc pas vraiment ce que cela signifiait d’abandonner quoi que ce soit. J’ai toujours été perfectionniste et ambitieuse, alors je trouvais qu’il n’était pas normal que j’abandonne parce que c’était difficile. J’ai finalement décidé de rester», confie-t-elle.

Sa détermination a porté ses fruits. Au bout du troisième mois, elle a gravi les échelons pour devenir la meilleure stagiaire. Alors que les stagiaires restent généralement deux ou trois mois, elle est restée huit mois. À mi-parcours, elle a changé de poste. À son ancien poste en pâtisserie, elle a été remplacée par trois stagiaires, ce qui témoigne de son talent et de ses capacités.

«J’ai décidé, après avoir travaillé chez Michelin, que la façon de travailler, l’organisation, la discipline et le niveau élevé de stress étaient des éléments qui me permettaient de m'épanouir», poursuit-elle. «À un moment donné, ma mère m’a dit : “Je suis si heureuse que tu aies trouvé cette carrière parce que, lorsque tu étais plus jeune, je me demandais toujours quel travail correspondrait à ta personnalité.»

Après avoir obtenu son diplôme, elle a été recrutée pour un poste à Farmacy, fondé par Camilla Fayed, l’un des premiers restaurants végétaliens de Londres. Les chefs qui avaient ouvert le restaurant étaient tous partis lorsqu’elle est arrivée, ce qui lui a donné l’occasion unique de créer les changements alimentaires qu’elle souhaitait voir se produire. Après avoir suivi les recettes qui lui étaient proposées, elle s’est dit : «Attendez une minute, je peux faire quelque chose de mieux que cela. Commençons.»

Après Londres, Ola Kayal s’est installée à Miami, en Floride, où elle a lancé sa première entreprise, Nabati. Elle a continué à travailler pendant la pandémie — un autre obstacle sans précédent, mais qui lui a permis de tirer des leçons inestimables.

«Nabati est en fait la combinaison parfaite entre mes deux diplômes, me permettant d’utiliser toutes les choses que j’ai apprises et de les mettre en pratique», souligne-t-elle.

Après avoir exercé ses activités pendant quelques années en Floride, elle a décidé de fermer son magasin là-bas et de retourner en Arabie saoudite, dans sa ville natale ensoleillée de Djeddah.

«Beaucoup de gens me demandent si j’ai toujours aimé faire des glaces, mais en fait, non, c’est arrivé comme ça», dit-elle.

«Tout a commencé parce que je n’avais jamais entendu parler de glaces saines. Je pense que c’est ce qui m’a vraiment interpellée. J’aime les défis — avez-vous remarqué que j’aime les défis dans tout ce que je fais ?», lance-t-elle malicieusement. 

Ce qu’elle tente de faire à Djeddah, c’est de modifier notre goût et d’encourager la communauté à faire plus attention à ce qu’elle ingère

«Je crois vraiment que l’avenir de l’alimentation est végétalien. Je ne dis pas que la consommation de produits d’origine animale est nécessairement mauvaise pour la santé, mais le fait de les consommer aussi rapidement que nous le faisons et avec la qualité actuelle, c’est là que réside le principal problème», estime-t-elle.

Alors que de nombreux habitants de Djeddah sont devenus friands de fast-food, elle adopte l’approche inverse, en préparant ses glaces tout lentement, à partir de matières premières et en petites quantités. 

«C’est certainement un défi et ce n’est pas nécessairement la façon la plus économique de faire des affaires, mais je n’essaie pas de vendre des glaces pour gagner de l’argent. J’essaie de provoquer un changement de perspective», déclare-t-elle. 

Par ailleurs, les emballages de Nabati ne contiennent pas de plastique, sont fabriqués à partir de matériaux recyclables et sont entièrement biodégradables. Le logo est gravé sur l’emballage, ce qui évite l’utilisation d’encre ou de tout autre type d’impression. Les pintes ne contiennent aucun plastique, pas même dans les parois. Si un client apporte un récipient de chez lui, il bénéficie d’une réduction de 5%.

Mme Kayal espère également collaborer avec d’autres restaurateurs du Royaume. La Vision 2030 étant en première ligne de l’innovation et de l’adaptation, elle est impatiente de participer à l’évolution rapide de la scène culinaire.

Étant donné que son processus «propre» est si nouveau pour le Royaume, elle doit rester sur le terrain.

«C’est très technique. Une fois que vous avez éliminé les conservateurs et les stabilisateurs de gommes, cela devient très technique ; il ne s’agit pas seulement des ingrédients, mais de la méthode de mélange. Si vous mélangez un ingrédient avant l’autre, cela fera une différence», explique-t-elle.

En la voyant gérer son pop-up, son éthique de travail est évidente, et elle cherche déjà à inclure la prochaine génération, en commençant par sa propre famille. Son objectif est de créer non seulement une marque de crème glacée, mais aussi un havre d’alimentation saine.

Walid, son cousin de 12 ans, partage sa vision. Il a fait part de son désir de travailler avec elle et elle a immédiatement accepté. Lors de son premier jour de travail, il est arrivé enthousiaste, mais un peu nerveux.

«La plupart des glaces sont artificielles, on peut le sentir ; elles ont un goût vraiment bizarre. Mais ici, c’est du vrai, c’est frais», affirme-t-il à Arab News.

Walid observait attentivement alors qu’elle demandait à ses autres cousines — deux adolescentes — de l’aider à le former. Tous les stagiaires ont pris les commandes de la petite file de clients qui attendaient pour acheter une glace fraîche. Les jeunes écoutaient les choix des clients et servaient les boules de glace, les parsemant ou les arrosant des garnitures choisies, puis calculaient et encaissaient l’argent.

Lorsque le jeune Kayal s’est adapté au rythme, son visage, visiblement anxieux au début, s’est détendu.

«Pour l’instant, ce n’est qu’un magasin de glaces, mais plus tard, ce sera un vrai restaurant. Quand il sera construit, je veux y aller tous les jours et je veux servir tout le monde», dit-il avec un sourire radieux, sous le regard d’Ola qui se tenait fièrement derrière lui. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Jeux paralympiques de Paris: pour une athlète d'Irak, de l'or plein les yeux

L'athlète paralympique irakienne de tennis de table Najlah Imad s'entraîne dans les locaux du club Al-Mawaheb à Baqubah, le 26 février 2024 (Photo, AFP).
L'athlète paralympique irakienne de tennis de table Najlah Imad s'entraîne dans les locaux du club Al-Mawaheb à Baqubah, le 26 février 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Elle avait trois ans, le 19 avril 2008, quand elle a perdu ses deux jambes et son avant-bras droit, dans l'explosion d'un engin explosif fixé à la voiture de son père, ex-militaire
  • Cette histoire familiale, elle la raconte d'un ton presque détaché, tant des expériences semblables ont accompagné les générations ayant grandi dans un Irak déchiré

BAQOUBA: Quand Najlah Imad s'initiait au tennis de table, son entourage en Irak pensait qu'avec son handicap elle s'épuiserait pour rien. Une décennie plus tard, la championne n'a rien perdu en ténacité: qualifiée pour les Jeux paralympiques de Paris, elle vise une médaille d'or.

"Ce sport a changé ma vie. J'y consacre tout mon temps", confie-t-elle à l'AFP, dans la cour d'un centre sportif délabré de sa bourgade de Baqouba, au nord-est de Bagdad, où l'athlète multimédaillée s'entraîne toujours,

Elle avait trois ans, le 19 avril 2008, quand elle a perdu ses deux jambes et son avant-bras droit, dans l'explosion d'un engin explosif fixé à la voiture de son père, ex-militaire. Cette histoire familiale, elle la raconte d'un ton presque détaché, tant des expériences semblables ont accompagné les générations ayant grandi dans un Irak déchiré par des décennies de guerre.

Petite brune de 19 ans, le visage encadré par des cheveux noirs sagement coupés au carré, Najlah Imad exhibe un sourire à toute épreuve, qui ne la quitte que quand elle empoigne sa raquette de ping-pong. Elle se concentre alors sur ses coups, ses sourcils se froncent et l'éclat de ses yeux rieurs durcit.

"En me lançant dans le sport, j'ai rencontré d'autres joueurs avec des handicaps, qui pratiquaient même s'il leur manquait un membre", poursuit-elle. "Ils avaient tellement d'énergie positive, ça m'a encouragée."

«Surprise»

Quand elle a dix ans, un entraîneur cherchant à monter une équipe paralympique se rend visite dans sa maison. Six mois d'entraînement, et Najlah Imad participe à son premier championnat, rassemblant toutes les provinces irakiennes. Elle gagne.

"J'étais la surprise de la compétition", se souvient-elle, d'une fierté candide.

A l'étage de la maison familiale, une étagère croule sous les trophées et médailles, glanés au fil de la trentaine de compétitions internationales auxquelles elle a participé.

Elle était à Tokyo en 2021 pour les JO paralympiques, avant de remporter en 2023 une médaille d'or en Chine au championnat paralympique d'Asie.

Généralement, elle s'entraîne quatre jours par semaine, dont deux à Bagdad, où elle se rend accompagnée de son père. Pour mieux préparer les rencontres internationales, elle s'envole vers l'étranger afin de profiter d'infrastructures sportives de pointe --au Qatar par exemple, où elle était en mars, en vue des Jeux paralympiques de Paris, du 28 août au 8 septembre.

Etoile montante du sport, elle bénéficie de subventions mensuelles --modestes-- du comité paralympique irakien, outre la prise en charge de certains voyages pour les compétitions.

Malgré les succès, son quotidien reste lié à Baqouba et à son centre sportif. Dans une salle poussiéreuse aux vitres cassées, quatre tables de ping-pong mangent tout l'espace. Le cliquetis incessant des balles résonne tandis que s'affrontent huit joueurs, femmes et hommes, l'un d'eux en fauteuil roulant.

"Les tables sur lesquelles on s'entraîne, c'est de la seconde main. On a dû les réparer pour les utiliser", confie à l'AFP l'entraîneur Hossam al-Bayati.

Même cette salle sommaire menace de leur être retirée, assure celui qui a rejoint en 2016 les entraîneurs de l'équipe nationale de tennis de table paralympique.

Un discours qui ne surprend pas, dans un pays pourtant riche en pétrole, mais miné par la corruption et des politiques publiques défaillantes: les professionnels du sport déplorent régulièrement infrastructures et équipements déficients ainsi que des subventions insuffisantes.

«Défier le monde»

Sur son moignon droit, la sportive enfile un tissu noir avant de fixer sa prothèse, qui l'aide à s'appuyer sur sa béquille. De sa main gauche tenant sa raquette, elle lance la balle dans les airs, l'expédie par dessus le filet.

A ses débuts, la famille était réticente.

"C'est un sport impliquant du mouvement, moi il me manque trois membres, j'étais jeune", se souvient-elle. "Mes proches, la société, disaient +C'est pas possible, tu vas te fatiguer pour rien+".

Après sa première victoire son père Emad Lafta réalise qu'il faut la soutenir, tant elle était "passionnée".

"Elle a persévéré. Elle a surmonté un défi personnel, et elle a défié le monde", reconnaît M. Lafta, qui a sept enfants en tout.

Avec le ping-pong, "elle se sent mieux psychologiquement, le regard de la société a changé", se réjouit-il. "Les gens nous félicitent, dans la rue il y a des filles qui veulent se photographier avec elle".

Lycéenne, Najlah Imad rêve d'être présentatrice. "Même quand elle voyage elle prend ses livres pour réviser pendant son temps libre. Durant le trajet pour Bagdad, elle étudie".

A Paris, l'objectif c'est la médaille d'or, espère le sexagénaire. "Quand elle nous promet quelque chose, elle s'y tient".


Dernières arabesques à l'Opéra de Paris pour l'étoile Myriam Ould-Braham

La danseuse française Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris Myriam Ould-Braham pose lors d'une séance photo à Paris le 6 mai 2024 (Photo, AFP).
La danseuse française Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris Myriam Ould-Braham pose lors d'une séance photo à Paris le 6 mai 2024 (Photo, AFP).
Short Url
  • Il faut voir comme elle paraît flotter, dans une diagonale de piétinés ou encore dans les portés avec son partenaire
  • Cette fille d'un couple franco-algérien, née à Alger, qui a les deux nationalités, a découvert la danse en Algérie

PARIS: Prendre sa retraite, c'est le bon moment pour la danseuse étoile Myriam Ould-Braham, qui, à 42 ans, fait samedi ses adieux à la scène de l'Opéra de Paris et dit avoir besoin de moins exposer son corps à la "souffrance".

Elle tire sa révérence lors d'une dernière représentation au Palais Garnier de "Giselle", ballet emblématique du répertoire classique romantique, qui la "faisait rêver petite" et dont "la magie et la beauté l'éblouissent" encore autant aujourd'hui, comme elle le raconte à l'AFP dans sa loge, la numéro "55".

Il faut voir comme elle paraît flotter, dans une diagonale de piétinés ou encore dans les portés avec son partenaire, l'étoile Paul Marque mercredi soir: bras et port de tête graciles, la ballerine, cheveux blonds ondulés et yeux clairs, est, dans son long tutu blanc, tout en délicatesse.

"Je suis très heureuse, très sereine. J'ai eu une merveilleuse carrière. J'ai dansé tous les grands rôles que j'avais envie de danser. J'ai pu partager beaucoup d'émotions avec beaucoup de partenaires", y compris des étoiles "du monde entier", résume-t-elle.

"Malgré la difficulté de notre art" - un "sacerdoce", un "don de soi permanent" -, "j'ai réussi à trouver énormément de bonheur", affirme la danseuse, analysant: "on rentre à 17 ans (dans la compagnie, NDLR), on repart à 42, il s'en passe des choses".

Nommée étoile à 30 ans, pour le rôle de Lise dans "La fille mal gardée", elle se remémore les ballets qu'elle a le plus aimés: la découverte du travail en duo dans "La Belle au bois dormant", le "Lac des cygnes", dont la partition "ne (lui) a jamais autant donné d'émotions", ou encore "Roméo et Juliette", à la chorégraphie "tellement dure" et pour lequel elle est allée "chercher loin dans ses tripes".

Elle évoque aussi le public, qui "nous porte", venant parfois de très loin - "Japon, Australie, Brésil, etc" - et cette première fois où elle a reçu cette "montagne de fleurs" après un rôle de soliste.

«Doute» et «célébration»

Cette fille d'un couple franco-algérien, née à Alger, qui a les deux nationalités, a découvert la danse en Algérie fortuitement avec un cours de sa sœur. Arrivée en France en 1986, elle suit brièvement le Conservatoire supérieur de Paris, puis intègre, à 14 ans, l'Ecole de danse de l'Opéra. "A ce moment-là, je ne savais absolument pas qu'on pouvait en faire un métier".

Myriam Ould-Braham ne raccroche cependant pas tout à fait ses pointes, puisque qu'elle a accepté pour l'année prochaine plusieurs propositions de galas - en Chine, à Hong Kong et au Japon - lors desquels elle dansera des "pas de deux".

Elle qui donne des cours dans un centre de sport pour enfants et des coachings privés auprès de danseurs depuis quatre ans confie aussi ressentir "plus de plaisir à enseigner, aujourd'hui, qu'à danser".

"Ma carrière, il ne fallait pas qu'elle se prolonge plus", confie-t-elle. Pendant 25 ans, elle a appris à "gérer" et "connaître" son corps mais elle a envie désormais "de moins être en souffrance".

Depuis des années, elle doit régulièrement faire "remettre en place" sa cheville par un kinésithérapeute, à la suite d'une rupture des ligaments.

"Mentalement aussi", la pause est bienvenue. "J'ai ma vie de famille, besoin de penser à moi" et de découvrir ce que la vie me réserve", ajoute l'artiste, mère de deux garçons âgés de 4 et 9 ans qu'elle a eus avec Mickaël Lafon, danseur dans la compagnie.

Dans la loge qu'elle occupe au Palais Garnier depuis sa nomination d'étoile, Myriam Ould-Braham a commencé à mettre de l'ordre, pour laisser place à la nouvelle génération. Un lieu qui a vu "des choses incroyables: des moments de doute, de peur, de bonheur et de célébration".


«  Megalopolis »: Coppola débarque à Cannes avec son film de tous les superlatifs

45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune. (AFP).
45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune. (AFP).
Short Url
  • D'un budget de 120 millions de dollars, ce film sur la destruction d'une ville évoquant New York couve dans son esprit depuis plus de quarante ans.
  • Coppola avait abandonné le projet suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avant de le reprendre

CANNES: C'est le film le plus attendu du Festival de Cannes: 45 ans après sa Palme d'or pour "Apocalypse Now", Francis Ford Coppola brigue un troisième trophée avec "Megalopolis", film hors normes au parfum testamentaire dans lequel il a englouti une partie de sa fortune.

D'un budget de 120 millions de dollars, ce film sur la destruction d'une ville évoquant New York couve dans son esprit depuis plus de quarante ans. Coppola avait abandonné le projet suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avant de le reprendre.

"Quand s'éteint un empire? S'effondre-t-il en un moment terrible?", interroge la voix off de la bande-annonce.

Présenté comme un film de science-fiction de 02H18, projeté sur écran IMAX, "Megalopolis" tourne autour de la destruction d'une mégalopole et sa reconstruction qui se joue entre un architecte (Adam Driver) et le maire de la ville (Giancarlo Esposito).

C'est un film sur "un homme qui a une vision du futur" et parle du "conflit" entre cette vision et les "traditions du passé", confiait Coppola en 2019, au Festival Lumière où il avait été distingué. "Je dirais que c'est mon film le plus ambitieux, même plus ambitieux qu'+Apocalypse Now+".

De quoi faire saliver les cinéphiles du monde entier qui se passionnent pour ses films autant que ses tournages épiques, à commencer par celui d'"Apocalypse Now", prévu pour durer quelques semaines et qui dura finalement 238 jours.

A cela se sont ajoutés les accès de paranoïa de Coppola, drogué, qui a perdu une quarantaine de kilos et a dû hypothéquer ses biens pour financer le film. Le budget, de 13 millions de dollars à l'origine, passera à 30 millions, le conduisant au bord de la ruine.

« Tête brûlée »

"Coppola est une tête brûlée", rappelle pour Tim Gray, vétéran du journalisme cinéma aux Etats-Unis qui travaille désormais pour l'organisation des Golden Globes. Il "a toujours pris d'énormes risques. Et sa carrière a défié la logique", confiait-il récemment à l'AFP.

Le géant du cinéma avait aussi évoqué le souhait de tourner une histoire d'amour "avant de partir". C'est chose faite avec le couple formé par Adam Driver et Nathalie Emmanuel ("Game of Thrones") dans "Megalopolis".

Autour d'eux gravitent de multiples personnages interprétés par des acteurs de légende des années 1970, comme Jon Voight et Dustin Hoffman.

"Tout le monde espérait que Francis Ford Coppola continuerait à faire des films. On savait qu'il avait décidé de faire ce film et de le financer avec son propre argent", a raconté lundi Thierry Frémaux, le délégué général cannois, avant le coup d'envoi du Festival.

"Je trouve admirable que cet homme de 85 ans se comporte comme un cinéaste indépendant, comme un artiste qui veut venir montrer son travail. Cannes est important pour lui et lui est important pour Cannes."

Film-testament génial ou oeuvre poussive et démesurée? La presse y va de ses pronostics et vient de publier des témoignages de membres de la production évoquant un tournage chaotique.

Le réalisateur de la trilogie du "Parrain" n'avait plus dirigé de long-métrage depuis "Twixt", sorti en 2011, et semblait s'adonner à son autre passion, le vin, lui qui possède de nombreuses vignes.

C'était sans compter ce projet qu'il dédie à son épouse Eleanor, à qui il a été marié soixante ans, décédée le 12 avril.