1948: des réfugiés palestiniens se souviennent, sans grand espoir

Amina al-Dibai, l'une des 5,9 millions de réfugiés palestiniens, raconte son histoire lors d'un entretien au camp de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 avril 2023. (Photo MAHMUD HAMS / AFP)
Amina al-Dibai, l'une des 5,9 millions de réfugiés palestiniens, raconte son histoire lors d'un entretien au camp de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 avril 2023. (Photo MAHMUD HAMS / AFP)
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Publié le Mardi 02 mai 2023

1948: des réfugiés palestiniens se souviennent, sans grand espoir

  • Mme Dabaï, née en 1934, fait partie des quelque 760.000 Arabes de Palestine qui ont fui ou ont été chassés de chez eux pendant la guerre de 1948-1949 qui a vu Israël sortir vainqueur face aux armées de cinq pays arabes
  • Pour eux, cet exode a constitué une «catastrophe» ("Nakba" en arabe) que les Palestiniens commémorent chaque année le 15 mai, alors que les Israéliens fêtent l'indépendance de leur Etat, proclamé le 14 mai 1948

GAZA: De sa vie d'enfant, Amina al-Dabaï se souvient de moments simples, "confortables". Jusqu'à ce jour de 1948 où, comme des centaines de milliers d'autres Palestiniens, elle a fui les combats consécutifs à la création d'Israël.

Mme Dabaï, née en 1934, fait partie des quelque 760.000 Arabes de Palestine qui ont fui ou ont été chassés de chez eux pendant la guerre de 1948-1949 qui a vu Israël sortir vainqueur face aux armées de cinq pays arabes l'ayant envahi dès le lendemain de sa création.

Avec leurs descendants, ceux qui sont encore en vie forment une cohorte de 5,9 millions de réfugiés palestiniens répartis entre la Cisjordanie occupée, la bande de Gaza, la Jordanie, le Liban et la Syrie, selon l'ONU.

Pour eux, cet exode a constitué une "catastrophe" ("Nakba" en arabe) que les Palestiniens commémorent chaque année le 15 mai, alors que les Israéliens fêtent l'indépendance de leur Etat, proclamé le 14 mai 1948.

Soixante-quinze ans plus tard, l'AFP a rencontré huit Palestiniens réfugiés dans la bande de Gaza après 1948 et âgés de 85 à 98 ans.

Jusqu'à la guerre, "nous vivions confortablement", se rappelle Amina al-Dabaï, évoquant les balançoires, la grande fontaine du marché central, "et les odeurs qu'il y avait à Lydda et qu'il n'y a pas ici, à Gaza."

Déportation planifiée, expulsion, exil volontaire? Massacre de plusieurs centaines de civils et combattants désarmés dans une guerre où les deux camps se sont rendus coupables d'atrocités? Les événements survenus les 12 et 13 juillet 1948 à Lydda (aujourd'hui Lod, dans le centre d'Israël) lors de la conquête de la ville par l'armée israélienne font l'objet de débats et de controverses intenses encore aujourd'hui.

Une chose semble sûre: la ville s'est vidée de la quasi-totalité de ses quelque 30.000 habitants arabes, pratiquement du jour au lendemain.

Egrenant ses souvenirs enfouis de jeune adolescente, Mme Dabaï raconte l'arrivée de soldats coiffés de keffiehs, comment les habitants ont d'abord cru à des renforts jordaniens, avant de comprendre qu'il s'agissait de soldats israéliens.

«Personne pour filmer»

Le lendemain, ils ont encerclé la ville et ont demandé aux habitants de quitter les lieux, raconte la vieille dame: "Nous leur avons dit que nous ne voulions pas, ils ont répondu qu'ils nous tueraient."

La famille al-Dabaï part à pied, quelques vêtements en main, avec la certitude de revenir rapidement.

Après un séjour dans la région de Ramallah, elle prend la direction de l'Egypte. Mais le trajet trop onéreux la pousse à s'arrêter à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où Mme Dabaï vit toujours.

"Il n'y avait personne pour filmer les massacres comme on le fait aujourd'hui", regrette-t-elle, assurant avoir "vu de (ses) propres yeux" les forces juives prendre "d'assaut une mosquée et tuer" tous ceux qui s'y étaient réfugiés.

Deux tiers de la population de la bande de Gaza a le statut de réfugiés et le "droit au retour" est une constante des revendications palestiniennes depuis 1948.

Israël affirme que les Palestiniens ont volontairement quitté leurs maisons pendant les affrontements et rejette les accusations de crime de guerre à l'encontre de ses troupes.

Le pays s'oppose fermement au "droit au retour" des Palestiniens, faisant valoir qu'autoriser même une fraction d'entre eux à revenir équivaudrait à signer sa fin en tant qu'Etat juif.

En 2011, lorsque des manifestations commémorant la "Nakba" avaient été ensanglantées par des violences inédites, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait estimé qu'elles constituaient "une remise en question de l'existence même d'Israël".

La reconnaissance de la Nakba est vivement rejetée par les Israéliens, "à qui on enseigne un récit mensonger, grandement déformé mais convaincant, d'+une terre sans peuple (la Palestine, NDLR) pour un peuple sans terre+" (les Juifs), d'après l'association israélienne Zochrot qui oeuvre à sensibiliser la société d'Israël sur cette période.

Il y a une trentaine d'années, Mme Dabaï a reçu un permis israélien et s'est rendue à Lod où elle a trouvé la maison familiale détruite et celles des voisins habitées par des Israéliens.

"Cela nous fait pleurer. Rien ne vaut la Palestine d'antan, c'était doux", dit-elle, se rappelant que les habitants de Lod vivaient sans réelle interaction avec leurs voisins juifs avant la Nakba.

Oum Jaber Wishah, née en 1932, songe au temps où les juifs venaient dans son village de Beit Affa, à l'est d'Ashkelon, "sans nous faire de mal et sans que nous leur fassions du mal". "Les Arabes travaillaient pour eux sans problème, en sécurité".

Selon Zochrot, Beit Affa a été pris par les forces juives une première fois en juillet 1948, pour quelques jours seulement, pendant lesquels la population a vraisemblablement quitté les lieux, avant même la prise définitive de la ville à l'automne.

Les soldats israéliens "sont entrés dans chaque village l'un après l'autre avant de parvenir au nôtre", dit Mme Wisha, qui évoque des combats intenses.

"Les hommes étaient ligotés puis faits prisonniers, les enfants criaient", dit-elle dans sa maison du camp de réfugiés de Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, qui comme les autres camps palestiniens a depuis longtemps troqué les tentes pour de bas immeubles miséreux.

Cette maison, près de laquelle ses enfants vivent aussi, "ne signifie rien", déclare-t-elle, tenant entre ses doigts une canne de bois clair.

"Mon coeur est lourd. Même si on me donnait toute la bande de Gaza en échange de ma patrie, je ne l'accepterais pas. Mon village, c'est Beit Affa".

Clés rouillées

A partir de mars 2018 et pendant plusieurs mois, les manifestations de la "grande marche du retour", le long de la barrière frontalière isolant Gaza d'Israël, ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes réclamant notamment le droit de retourner sur les terres fuies en 1948. Certains rassemblements ont dégénéré en heurts meurtriers avec l'armée israélienne postée de l'autre côté.

"Si on me dit, +retournez-y maintenant+, j'irai en rampant sur les mains, avec des béquilles, même si c'est pour aller sous une tente", lance Ibtihaj Dola, originaire de Jaffa.

Aujourd'hui intégrée à la métropole de Tel-Aviv, Jaffa était une des villes arabes les plus dynamiques, surnommée "la fiancée de la mer".

A l'époque, "nous coexistions", dit la Palestinienne de 88 ans, à la peau parcheminée. "Ma belle-soeur était juive" et l'importante minorité juive de la ville "savait parler arabe".

Il y a une vingtaine d'années, Mme Dola a retrouvé sa maison natale, où vivait alors une Israélienne: "Nous avons bu le thé ensemble et je me suis mise à pleurer", lorsque celle-ci a dit ne pas s'intéresser au sort des anciens propriétaires partis en 1948.

Mme Dola, elle, se souvient précisément de ce jour où, rentrant de l'école et avant même de pouvoir retirer son uniforme, elle a été poussée dans un bateau avec sa famille, fuyant vers l'Egypte.

"J'ai vu un juif attaché à une camionnette, les gens lui jetaient des pierres, il était mort", se remémore-t-elle.

Aujourd'hui, dans le camp Al-Shati de Gaza où elle vit, elle agite un grand trousseau de quatre clés rouillées, seul souvenir matériel de la demeure abandonnée.

"Je connais Jaffa centimètre par centimètre", assure-t-elle.

"Il y avait une discothèque en face de la grande mosquée. Tous les soirs il y avait une fête, mais je n'y suis jamais allé car j'étais trop jeune", se rappelle aussi Abdelhadi Zarouq, né en 1932 à Jaffa.

Il a appris son métier de ferronnier dans l'atelier où travaillait également son père, tenu dans son souvenir par un juif du nom de Wagner.

Une fois arrivé dans la ville de Gaza, son père a logiquement ouvert un atelier de ferronnerie, explique le nonagénaire au béret gris, qui a perdu un oeil dans un accident.

"Il n'y a pas d'espoir, qui nous ramènera à Jaffa?" demande-t-il dans un souffle, le visage figé par la douleur.

«Aucune indemnisation»

Les réfugiés rencontrés par l'AFP concèdent qu'un retour de leur vivant paraît irréaliste. Mais tous misent sur leurs descendants, qu'ils soient à Gaza ou à l'étranger, pour concrétiser leur rêve.

Mme Wishah n'entrevoit pas de paix avant "des générations" ni autrement qu'au prix "du sang".

"Ma vie est terminée. Si nous ne revenons pas, nos enfants et petits-enfants le feront", assure Mme Dabaï, refusant catégoriquement de tirer un trait sur le "droit au retour".

"Je n'accepterai aucune indemnisation pour mon pays", dit-elle.

Hassan al-Kilani, né en 1934 dans le village de Burayr au nord de la bande de Gaza, dit à l'AFP qu'il n'acceptera d'être dédommagé qu'en cas d'accord politique.

Mais "nous, Arabes et Palestiniens, nous ne pouvons égaler la force d'Israël, soyons réalistes", s'empresse d'ajouter l'homme coiffé d'un keffieh blanc. "Nous résistons mais notre résistance est limitée par rapport à notre ennemi".

Ancien ouvrier du bâtiment, M. al-Kilani a reconstitué le plan de son village et noté le nom de chaque famille, parcelle par parcelle. Le dessin est accroché sur un mur du salon.

"Tout ceux qui sont restés ont été tués, même le bétail, les chameaux et les vaches", affirme-t- il. "Il n'y avait pas assez de munitions et nous avons été vaincus par le nombre d'armes qu'ils avaient."

Sur un autre pan de mur du salon pend une clé, symbole du retour espéré.

"L'injustice ne dure pas", affirme celui qui veut croire à une "victoire", avant de se désoler: "Je suis vieux. Combien d'années me reste-t-il à vivre?"


L'Arabie saoudite et le Pakistan signent un pacte de défense mutuelle

Le chef de l'armée pakistanaise, le maréchal Syed Asim Munir (à droite), le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (2e à droite), le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (2e à gauche) et le ministre saoudien de la Défense photographiés après la signature d'un pacte de défense historique à Riyad, le 17 septembre 2025. (PMO)
Le chef de l'armée pakistanaise, le maréchal Syed Asim Munir (à droite), le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (2e à droite), le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (2e à gauche) et le ministre saoudien de la Défense photographiés après la signature d'un pacte de défense historique à Riyad, le 17 septembre 2025. (PMO)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
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  • Le pacte marque une étape majeure dans le renforcement des liens sécuritaires et économiques entre deux alliés de longue date
  • L'accord de Riyad transforme des décennies de coopération militaire en un engagement sécuritaire contraignant

​​​​​ISLAMABAD : Le Pakistan et l’Arabie saoudite ont signé mercredi un « Accord stratégique de défense mutuelle », s’engageant à considérer toute agression contre l’un des deux pays comme une attaque contre les deux, renforçant ainsi la dissuasion conjointe et solidifiant des décennies de coopération militaire et sécuritaire.

Cet accord intervient moins de deux semaines après les frappes aériennes israéliennes à Doha visant des dirigeants du Hamas, un événement ayant intensifié les tensions régionales et souligné l’urgence pour les États du Golfe de renforcer leurs partenariats sécuritaires.

L'accord de Riyad marque également une volonté des deux gouvernements de formaliser leurs liens militaires de longue date en un engagement contraignant.

Le pacte a été signé lors de la visite officielle du Premier ministre Shehbaz Sharif à Riyad, où il a rencontré le prince héritier et Premier ministre Mohammed ben Salmane au palais Al-Yamamah. Accompagnés de ministres et responsables militaires de haut niveau, les deux dirigeants ont passé en revue ce que le bureau de Sharif a qualifié de relation « historique et stratégique » entre les deux nations, en discutant également des développements régionaux.

« L’accord stipule que toute agression contre l’un des deux pays sera considérée comme une agression contre les deux », a déclaré le communiqué conjoint.

Il décrit le pacte comme un reflet de l’engagement commun des deux gouvernements à renforcer la coopération en matière de défense et à œuvrer pour la sécurité et la paix dans la région et dans le monde.

Depuis des décennies, l’Arabie saoudite et le Pakistan entretiennent des liens étroits sur les plans politique, militaire et économique. Le Royaume accueille plus de 2,5 millions de ressortissants pakistanais — la plus grande communauté d’expatriés pakistanais — et a souvent soutenu financièrement Islamabad lors de crises économiques. La coopération en matière de défense a inclus des formations, des achats d’armes et des exercices militaires conjoints.

Le nouvel accord formalise cette coopération sous la forme d’un engagement de défense mutuelle, une étape qui, selon de nombreux analystes, place cette relation au même niveau que d’autres partenariats stratégiques dans la région.

Bien que le communiqué n’ait pas précisé les mécanismes de mise en œuvre, il a souligné que l’accord visait à développer les aspects de la coopération en matière de défense et à renforcer la dissuasion conjointe face à toute agression.

Cette visite intervient également alors que le Pakistan cherche à renforcer ses liens avec les États du Golfe, dans un contexte de défis économiques persistants.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.pk


La reconnaissance de la Palestine, message à Israël sur «les illusions de l'occupation» 

La prochaine reconnaissance de la Palestine par plusieurs Etats dont la France en marge de l'Assemblée générale de l'ONU adresse un message claire à Israël sur les "illusions" de l'occupation, a déclaré mercredi à l'AFP la ministre des Affaires étrangères palestinienne Varsen Aghabekian.(AFP)
La prochaine reconnaissance de la Palestine par plusieurs Etats dont la France en marge de l'Assemblée générale de l'ONU adresse un message claire à Israël sur les "illusions" de l'occupation, a déclaré mercredi à l'AFP la ministre des Affaires étrangères palestinienne Varsen Aghabekian.(AFP)
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  • "La reconnaissance n'est pas symbolique. C'est quelque chose de très important car cela envoie un message très clair aux Israéliens sur leurs illusions de [vouloir] continuer leur occupation pour toujours"
  • Cela envoie aussi "un message clair aux Palestiniens : 'nous soutenons votre droit à l'autodétermination'" et "cela nous donne un élan pour l'avenir, car nous allons construire dessus"

RAMALLAH: La prochaine reconnaissance de la Palestine par plusieurs Etats dont la France en marge de l'Assemblée générale de l'ONU adresse un message claire à Israël sur les "illusions" de l'occupation, a déclaré mercredi à l'AFP la ministre des Affaires étrangères palestinienne Varsen Aghabekian.

"La reconnaissance n'est pas symbolique. C'est quelque chose de très important car cela envoie un message très clair aux Israéliens sur leurs illusions de [vouloir] continuer leur occupation pour toujours", a déclaré Mme Aghabekian, en référence à l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël.

Cela envoie aussi "un message clair aux Palestiniens : 'nous soutenons votre droit à l'autodétermination'" et "cela nous donne un élan pour l'avenir, car nous allons construire dessus", a-t-elle ajouté.


Les groupes de défense des droits exhortent le Liban à protéger la liberté d'expression dans la nouvelle loi sur les médias

Le Parlement libanais devrait s'assurer que le projet de loi sur les médias qu'il examine respecte le droit à la liberté d'expression, ont demandé mardi 14 organisations libanaises et internationales de défense des droits de l'homme. (AFP)
Le Parlement libanais devrait s'assurer que le projet de loi sur les médias qu'il examine respecte le droit à la liberté d'expression, ont demandé mardi 14 organisations libanaises et internationales de défense des droits de l'homme. (AFP)
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  • Les amendements proposés risquent de saper les efforts de réforme, selon les critiques
  • Les ONG demandent au Parlement d'abolir la diffamation criminelle et de mettre fin à la détention préventive

BEYROUTH: Le Parlement libanais devrait s'assurer que le projet de loi sur les médias qu'il examine respecte le droit à la liberté d'expression, ont demandé mardi 14 organisations libanaises et internationales de défense des droits de l'homme.

Il s'agit notamment de décriminaliser la diffamation, le blasphème, l'insulte et la critique des fonctionnaires, d'interdire la détention provisoire en cas d'infractions liées à la liberté d'expression et de supprimer les restrictions onéreuses imposées à la création de médias.

Ces appels interviennent alors que la commission parlementaire de l'administration et de la justice doit reprendre mardi l'examen du projet de loi.

Le 31 août, les membres du Parlement ont reçu des propositions d'amendements au texte du projet de loi qui, selon les organisations, comprenaient la réintroduction de la détention préventive et des dispositions qui criminalisent l'insulte et la diffamation.

Les groupes de défense des droits, dont Amnesty International, le Comité pour la protection des journalistes, Human Rights Watch et Reporters sans frontières, ont prévenu que les amendements proposés limiteraient davantage le travail des organisations de médias qui font l'objet d'une plainte en leur interdisant de publier des documents sur le plaignant tant que la procédure judiciaire est en cours.

Les lois libanaises sur la diffamation criminelle ont été utilisées à maintes reprises pour cibler et réduire au silence les critiques du gouvernement, les activistes et les journalistes au Liban, ces derniers étant régulièrement convoqués devant les agences de sécurité pour leur travail.

"Le Parlement devrait veiller à ce que ces pratiques cessent en adoptant une loi sur les médias qui soit entièrement conforme aux normes internationales en matière de droits de l'homme, notamment en ce qui concerne le droit à la liberté d'expression et à la liberté des médias", ont déclaré les organisations dans un communiqué.

"Le Parlement libanais devrait adopter une loi sur les médias qui inclue les protections des droits pour lesquelles les groupes de défense des droits et des médias libanais se battent depuis longtemps", ont-elles ajouté.

Les groupes de défense des droits, qui ont examiné les amendements proposés, se sont opposés à la réintroduction de la détention provisoire, y compris "dans des circonstances aggravées, telles que l'atteinte à la dignité ou à la vie privée des individus".

La détention provisoire n'est autorisée au Liban que pour les délits passibles de plus d'un an de prison. Elle est expressément interdite pour les délits liés aux médias dans les lois libanaises existantes sur les médias.

"S'il était adopté, cet amendement constituerait un recul significatif pour la protection du droit à la liberté d'expression et à la liberté des médias au Liban", ont déclaré les organisations.

Elles notent que l'amendement proposé ne précise pas ce que signifie "porter atteinte à la dignité ou à la vie privée des individus".

"Une loi vague qui laisse les gens dans l'incertitude quant à l'expression qui peut la violer a un effet dissuasif sur la liberté d'expression, car les gens peuvent s'autocensurer de peur de faire l'objet d'une convocation, d'une détention provisoire ou d'éventuelles poursuites judiciaires", ont-elles ajouté.

"Les dispositions vagues laissent également la loi sujette à des abus de la part des autorités, qui peuvent les utiliser pour faire taire les dissidents pacifiques.

Une telle interdiction législative générale constituerait "une atteinte grave au droit à la liberté d'expression".

Les amendements proposés obligeraient les stations de télévision titulaires d'une licence à fournir au ministère de l'information et au Conseil national de l'audiovisuel des rapports réguliers, y compris des informations détaillées sur la programmation des émissions, et impliqueraient que les médias électroniques soient soumis à un régime d'autorisation préalable plutôt qu'à un régime de notification.

"Si elles ne sont pas élaborées avec soin, ces exigences en matière d'autorisation risquent de permettre une prise de décision arbitraire quant à l'établissement et à l'exploitation des médias et pourraient faciliter les violations du droit à la liberté d'expression et à la liberté des médias", indique la déclaration.

Le Parlement libanais a commencé à discuter d'une nouvelle loi sur les médias en 2010 après qu'un ancien membre du Parlement, Ghassan Moukheiber, et la Fondation Maharat, une organisation non gouvernementale basée à Beyrouth et spécialisée dans les questions relatives aux médias et à la liberté d'expression, ont soumis une proposition visant à modifier la loi sur les publications du Liban, qui est dépassée.

En janvier 2023, le Parlement a créé une sous-commission chargée d'étudier et de modifier le projet de loi sur les médias, dont la version finale a été soumise à la Commission de l'administration et de la justice le 27 mai.

Le projet de loi soumis à la commission en mai comprenait des avancées dans la protection du droit à la liberté d'expression au Liban, notamment l'abolition de la détention provisoire et des peines de prison pour toutes les violations liées à l'expression. Il abroge également les dispositions relatives à la diffamation et à l'insulte du code pénal libanais et de la loi sur le système judiciaire militaire.

La commission de l'administration et de la justice a entamé les discussions sur le dernier projet de loi sur les médias le 29 juillet et a tenu trois réunions sur la question.

Cependant, les amendements proposés, présentés aux membres du Parlement le 31 août, ont été largement contestés par les groupes internationaux de défense des droits pour des dispositions considérées comme restreignant la liberté des médias.

Les groupes de défense des droits ont demandé à la commission de rendre ses discussions publiques afin de garantir la transparence des débats législatifs et de faciliter la participation effective du public.