En Turquie, les réfugiés syriens veulent garder Erdogan

Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, la Turquie a officiellement accueilli 3,7 millions de Syriens (Photo d'illustration, AFP).
Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, la Turquie a officiellement accueilli 3,7 millions de Syriens (Photo d'illustration, AFP).
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Publié le Jeudi 04 mai 2023

En Turquie, les réfugiés syriens veulent garder Erdogan

  • La mère de famille originaire de Kobané, dans le nord à majorité kurde de la Syrie, espère que le président turc au pouvoir depuis vingt ans sera reconduit
  • Quelque 240 000 Syriens en Turquie ont obtenu la nationalité donc le droit de vote

ISTANBUL: Neroz Hussein décroche son linge qui balance au soleil sur le toit et forme un voeu pour l'élection présidentielle turque qui approche: "Qu'Erdogan l'emporte".

La mère de famille originaire de Kobané, dans le nord à majorité kurde de la Syrie, espère que le président turc au pouvoir depuis vingt ans sera reconduit le 14 mai parce que, justifie-t-elle, "Recep Tayyip Erdogan nous aidera à rester ici".

Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, la Turquie accueille officiellement 3,7 millions de Syriens - probablement plus de 5 millions au total - qui ont fui le régime de Bachar al-Assad, les bombardements russes et les attaques du groupe jihadiste Etat islamique (EI).

A la veille du scrutin, la communauté qui vit en grande majorité sous le statut de "protection temporaire" redoute la victoire du candidat de l'opposition, Kemal Kiliçdaroglu (Parti républicain du peuple, CHP), qui promet le rapatriement des Syriens "dans les deux ans".

Neroz, 35 ans et son époux Adil Sheho, 38 ans, sont arrivés en Turquie en 2015: "Deux semaines après notre mariage, Kobané a été attaqué par l'EI", raconte l'homme.

Installée dans la ville de Sanliurfa (sud), à 40 km de la frontière syrienne, la famille considère la Turquie comme sa "seconde patrie", sourit Neroz sous son foulard ivoire.

"Nos quatre enfants sont nés ici, ils ne connaissent pas la Syrie", confirme Adil. "Au début, on nous a bien accueillis mais la situation a changé à cause de l'économie", s'inquiète-t-il alors que l'inflation a dépassé l'automne dernier 85% et que la livre turque a sombré.

"Même s'ils ne nous renvoient pas d'un coup, ils vont faire pression sur nous, exiger des papiers, augmenter les loyers, les factures...".

Factures d'eau multipliées par onze
En 2021, le maire CHP de Bolu (nord-ouest) avait supprimé les aides sociales et multiplié par onze les factures d'eau des réfugiés syriens, et plus que doublé la taxe pour enregistrer les mariages afin de les décourager: désavoué par son parti, il avait dû s'acquitter d'une amende.

Mais l'épisode a frappé les esprits.

Quelque 240.000 Syriens en Turquie ont obtenu la nationalité donc le droit de vote, par le biais d'investissements (dans des entreprises, achats de biens immobiliers...) ou, comme Hussein Utbah, en étudiant.

Hussein, 27 ans, naturalisé en 2020, votera pour la première fois mais il est le seul de sa famille, et pour l'avenir de sa mère Zara et de ses cinq frères et soeurs, il votera Erdogan.

"Avec mes amis, on partage le même avis: pas seulement parce qu'on est Syrien, mais parce qu'on voit ce qu'il a fait pour le pays", indique l'étudiant en ingénierie mécanique.

Hussein n'accorde aucun crédit au CHP quand il parle d'un "retour volontaire et dans la dignité": "On ne peut pas rentrer et faire confiance à Bachar al-Assad".

Arrivée de Raqqa en 2015, après l'irruption de l'EI qui en a fait sa "capitale", la famille n'envisage pas de repartir.

«Par une nuit sans lune»
Zara Dogbeh, la mère quinquagénaire, veuve depuis trois mois, a lancé un service de traiteur à domicile très apprécié dans son quartier. "On a déjà vécu 2018", la précédente présidentielle. "Mais cette fois on a bien plus peur: dans chaque discours (le CHP) parle de nous renvoyer".

"Ils vont nous chasser par une nuit sans lune", glisse-t-elle. "Même nos voisins turcs ont peur pour nous".

Devant sa permanence à Sanliurfa, le responsable du CHP, Halil Barut, se veut rassurant: "Le plus important c'est leur sécurité, ce sont nos frères. On ne peut pas les jeter au feu, les renvoyer dans la guerre", jure-t-il.

"Mais avec leur arrivée les prix des maisons, les loyers ont augmenté, ça nous a nui", affirme-t-il, même si les Syriens ont fourni une main d'oeuvre bon marché au textile turc, sur les chantiers et dans l'agriculture.

Pour Omar Kadkoy, chercheur du think-tank Tepav à Ankara, le scénario d'un rapatriement massif paraît toutefois "irréaliste". "Même avec la fin de la guerre en Syrie, il faudra s'assurer de la sécurité sur place, or on parle de disparitions, de persécutions, d'enlèvements qui continuent", relève-t-il.

Le chercheur voit dans la rhétorique sur le "retour" des Syriens "un outil pratique" de campagne, "plutôt que de s'attaquer à des questions pressantes comme l'économie, la justice, la démocratie...".

Omar Kadkoy s'attend d'ailleurs à une très faible participation des Syriens en état de voter, et principalement "par dette morale envers Erdogan".

"On ne fait rien de mal ici, on est utile à la Turquie", fait valoir le fils de Zara et frère de Hussein, Mohamed Utbah, 25 ans, qui enfourche son scooter pour livrer les commandes avant de rejoindre son emploi de gardien d'immeuble.


Les voix féminines algériennes refont surface à travers les archives

Ce travail dépasse le simple devoir de mémoire : il redonne leur voix à des femmes qui, à travers leurs écrits, leurs actions et leur courage, ont façonné l’histoire dans l’ombre. (Photo Fournie)
Ce travail dépasse le simple devoir de mémoire : il redonne leur voix à des femmes qui, à travers leurs écrits, leurs actions et leur courage, ont façonné l’histoire dans l’ombre. (Photo Fournie)
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  • L'objectif, sauver de l’oubli les combats féminins menés entre 1988 et 1991, une période charnière de l’histoire contemporaine du pays.
  • Le 8 mars 1990, des milliers de femmes manifestent à Alger à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Elles exigent l’abrogation du Code de la famille de 1984, un texte largement dénoncé comme discriminatoire.

RIYAD :  Des tracts jaunis, des bulletins ronéotés, des lettres manuscrites, des cassettes VHS. Autant de fragments oubliés qui reprennent vie grâce à un projet inédit : Les Archives des luttes des femmes en Algérie, une initiative indépendante portée par un collectif de militantes, d’archivistes et de chercheuses.

L'objectif, sauver de l’oubli les combats féminins menés entre 1988 et 1991, une période charnière de l’histoire contemporaine du pays. Ce travail dépasse le simple devoir de mémoire : il redonne leur voix à des femmes qui, à travers leurs écrits, leurs actions et leur courage, ont façonné l’histoire dans l’ombre.

Entre 1988 et 1991, l’Algérie traverse une phase d’ouverture politique inédite. La fin du parti unique, les émeutes d’octobre 1988, puis l’adoption d’une nouvelle Constitution permettent l’émergence d’une société civile dynamique. C’est dans ce contexte que de nombreuses femmes s’organisent pour revendiquer leurs droits, dans la sphère publique comme dans la sphère privée.

« Nous étions peu nombreuses, mais déterminées. Les intimidations étaient constantes, mais nous avions la conviction que notre combat était juste », confie Nassira Belloula, journaliste et militante de la première heure.

Le 8 mars 1990, des milliers de femmes manifestent à Alger à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Elles exigent l’abrogation du Code de la famille de 1984, un texte largement dénoncé comme discriminatoire.

« Le Code de la famille nous avait reléguées au rang de mineures à vie. Il fallait dénoncer cette injustice », rappelle la juriste Nadia Aït-Zaï.

Mais au-delà des lois, c’est la question de la place des femmes dans l’espace public qui est au cœur de ces mobilisations.

« Ce n'était pas une question de religion, mais de droits. On voulait pouvoir exister dans l'espace public », explique Anissa Boumediene, ancienne Première dame et militante engagée.

Sur le terrain, l’organisation militante repose sur des méthodes artisanales, souvent menées dans la clandestinité. Les collectifs rédigent, impriment, distribuent des tracts, organisent des réunions, planifient des actions dans des conditions précaires.

« On écrivait, on collait des affiches la nuit, on se réunissait en secret. C’était un féminisme de terrain, dans l’urgence », raconte Latifa Ben Mansour, écrivaine et activiste.

Pour beaucoup de femmes, manifester ou militer était un acte de bravoure. Le contexte sécuritaire était tendu, et les violences,qu’elles soient policières ou familiales étaient omniprésentes.

« J’ai manifesté pour la première fois en 1989. J’avais peur, mais j’étais fière de marcher aux côtés de mes sœurs », se souvient Souhila Bensalah.

« Ma famille ne savait pas que je militais. Si mon frère l’avait su, il m’aurait battue. Mais je ne pouvais pas me taire », confie une militante anonyme d’Alger.

Les archives révèlent aussi la surveillance constante à laquelle étaient soumises les militantes.

« Le harcèlement policier était constant. Ils nous suivaient, nous photographiaient. Mais ça ne nous a pas arrêtées », témoigne Fatiha Maamoura, également active durant ces années.

À travers ce projet, ce sont des dizaines de documents, en arabe, tamazight ou français, qui ont été rassemblés et numérisés : croquis, bulletins, lettres collectives, extraits vidéo, dessins de presse. Autant de supports qui témoignent de la diversité des voix et des expressions féminines.

« Ce projet n’est pas seulement un regard tourné vers le passé, mais un outil pour le présent et l’avenir », souligne l’une des coordinatrices. « Nos archives parlent d’un temps où la rue appartenait aussi aux femmes. Il est temps de le rappeler. »

Comme la lutte ne s’est jamais arrêtée !  Aujourd’hui encore, dans un climat socio-économique marqué par le chômage, la précarité, les inégalités d’accès aux opportunités et une pression sociale constante, les femmes algériennes doivent sans cesse rappeler qu’elles ont le droit d’exister, de choisir, de s’exprimer.

Leur combat ne se limite plus aux rues ou aux tribunaux. Il se poursuit dans les universités, les entreprises, les médias, les réseaux sociaux, les espaces culturels et politiques. Elles innovent, créent, résistent, et affirment chaque jour leur rôle indispensable dans la construction du pays.

Ces archives ne sont pas seulement des fragments du passé. Elles sont des repères vivants, des héritages transmis, des sources d’inspiration pour toutes celles et ceux qui continuent à se battre pour une société plus juste, plus équitable, plus libre. 


Le chef du Hezbollah exclut de « capituler » sous la menace d'Israël

Des fidèles musulmans chiites scandent des slogans en passant devant les décombres des bâtiments détruits par les frappes israéliennes précédentes lors d'une procession funèbre dans le village de Kfarkila, situé dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël, le 5 juillet 2025. (Photo de Rabih DAHER / AFP)
Des fidèles musulmans chiites scandent des slogans en passant devant les décombres des bâtiments détruits par les frappes israéliennes précédentes lors d'une procession funèbre dans le village de Kfarkila, situé dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël, le 5 juillet 2025. (Photo de Rabih DAHER / AFP)
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  • « La menace ne nous fera pas capituler (…). Qu'on ne nous dise pas aujourd'hui d'assouplir nos positions (…), de rendre nos armes », a déclaré Naïm Qassem dans un discours télévisé.
  • Ce discours intervient alors qu'un émissaire américain, Tom Barrack, est attendu lundi à Beyrouth. Les autorités libanaises doivent lui transmettre leur réponse à sa demande de désarmement de la formation chiite d'ici la fin de l'année.

BEYROUTH : Le chef du Hezbollah, mouvement chiite pro-iranien au Liban, a affirmé dimanche que sa formation, sortie très affaiblie d'une guerre avec Israël, n'allait pas « capituler » ou rendre ses armes, alors qu'elle est sous forte pression pour désarmer.

« La menace ne nous fera pas capituler (…). Qu'on ne nous dise pas aujourd'hui d'assouplir nos positions (…), de rendre nos armes », a déclaré Naïm Qassem dans un discours télévisé retransmis devant des milliers de ses partisans rassemblés dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, à l'occasion de la commémoration religieuse chiite de l'Achoura.

Ce discours intervient alors qu'un émissaire américain, Tom Barrack, est attendu lundi à Beyrouth. Les autorités libanaises doivent lui transmettre leur réponse à sa demande de désarmement de la formation chiite d'ici la fin de l'année, selon une source officielle ayant requis l'anonymat.

Naïm Qassem a affirmé qu'Israël devait d'abord appliquer l'accord de cessez-le-feu avec le Liban, « se retirer des territoires occupés, arrêter son agression (…), libérer les prisonniers » libanais, et que la reconstruction des zones dévastées par la guerre, qui a pris fin en novembre, devait être entamée.

« À ce moment, nous serons prêts pour la deuxième étape, qui consistera à discuter de la sécurité nationale et de la stratégie de défense du Liban », a-t-il ajouté, un terme qui inclut la question du désarmement du Hezbollah.

Naïm Qassem a succédé au charismatique chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, tué dans une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth en septembre dernier, au cours de la guerre qui a opposé le mouvement chiite à Israël.

En dépit d'un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre, après plus d'un an d'hostilités incluant deux mois de guerre ouverte, l'armée israélienne mène régulièrement des frappes au Liban, affirmant viser la formation pro-iranienne.

L'armée israélienne, qui devait retirer complètement ses troupes du Liban, maintient également cinq positions dans le sud du pays.


Trêve à Gaza : Israël envoie une équipe de négociateurs au Qatar

Des personnes participent à une manifestation pour réclamer la fin de la guerre et la libération immédiate des otages détenus par le Hamas dans la bande de Gaza, et contre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Tel Aviv, en Israël, le 5 juillet 2025. (Photo AP via AN)
Des personnes participent à une manifestation pour réclamer la fin de la guerre et la libération immédiate des otages détenus par le Hamas dans la bande de Gaza, et contre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Tel Aviv, en Israël, le 5 juillet 2025. (Photo AP via AN)
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  • Vendredi soir, le mouvement islamiste palestinien Hamas avait annoncé être prêt à « engager immédiatement » des négociations sur une proposition de trêve parrainée par les États-Unis.
  • Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a indiqué avoir été notifié des « changements que le Hamas cherche à apporter à la proposition » de trêve et les a jugés « inacceptables ». 

JERUSALEM : Israël a annoncé samedi soir l'envoi d'une équipe de négociateurs au Qatar, dimanche, dans le but d'aboutir à un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages dans la bande de Gaza, où les opérations de l'armée israélienne ont fait 42 morts samedi, selon la Défense civile locale.

Vendredi soir, le mouvement islamiste palestinien Hamas avait annoncé être prêt à « engager immédiatement » des négociations sur une proposition de trêve parrainée par les États-Unis et transmise par le Qatar et l'Égypte, à laquelle il avait dit avoir présenté « sa réponse », sans donner plus de détails sur son contenu.

Dans un communiqué publié peu avant minuit (21 h 00 GMT) samedi, le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a indiqué avoir été notifié des « changements que le Hamas cherche à apporter à la proposition » de trêve et les a jugés « inacceptables ». 

M. Netanyahu a néanmoins « donné l'instruction de répondre à l'invitation pour des pourparlers indirects et de poursuivre les efforts en vue de récupérer nos otages sur la base de la proposition qatarie qu'Israël a acceptée », ajoute le texte, précisant que « l'équipe de négociation se rendra demain (dimanche) pour des discussions au Qatar ».

Deux sources palestiniennes proches des négociations ont indiqué à l'AFP que la proposition soumise au Hamas comprenait une trêve de 60 jours, durant laquelle le mouvement islamiste relâcherait 10 otages encore en vie ainsi qu'un certain nombre de corps, en échange de la libération de Palestiniens détenus par Israël. 

Selon deux sources palestiniennes, les modifications demandées par le Hamas concernent les modalités du retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza, les garanties qu'il souhaite obtenir pour assurer la poursuite de l'arrêt des combats au-delà de la période de 60 jours, ainsi que la reprise en main de la distribution de l'aide humanitaire par l'ONU et des organisations internationales reconnues.

Le président américain, Donald Trump, qui doit accueillir le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lundi à Washington, a estimé qu'un accord pourrait être conclu « la semaine prochaine ».

Selon son ministère, le chef de la diplomatie égyptienne, Badr Abdelatty, a discuté au téléphone avec l'émissaire américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, des « préparatifs en vue de la tenue de réunions indirectes entre les deux parties concernées ».

À l'occasion d'un rassemblement hebdomadaire à Tel-Aviv, le Forum des familles d'otages a de nouveau appelé les dirigeants israéliens à conclure un « accord global » qui permettrait de libérer tous les captifs d'un seul coup. 

« Il est temps de conclure un accord qui sauve tout le monde, sans sélection », a déclaré à la tribune Macabit Mayer, la tante de deux otages, Gali et Ziv Berman. « Quel Dieu peut composer une telle liste ? Et qu'est-ce que cela signifie pour nous : qu'un seul est sauvé et que l'autre reste captif ? »

Sur le terrain, l'armée israélienne étend son offensive militaire dans la bande de Gaza, plongée dans une situation humanitaire critique depuis près de 21 mois.

Selon Mahmoud Bassal, porte-parole de la Défense civile gazaouie, une organisation de premiers secours, 42 personnes y ont été tuées samedi.