Le frère du directeur de la Banque du Liban face à des juges européens à Beyrouth

Des soldats montent la garde devant le palais de justice de Beyrouth, au Liban, le jeudi 4 mai 2023. (AP Photo)
Des soldats montent la garde devant le palais de justice de Beyrouth, au Liban, le jeudi 4 mai 2023. (AP Photo)
Short Url
Publié le Vendredi 05 mai 2023

Le frère du directeur de la Banque du Liban face à des juges européens à Beyrouth

  • La délégation judiciaire, dirigée par la juge française Aude Buresi, a entendu le témoignage de Salamé au palais de justice de Beyrouth
  • La procureure générale du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, a été démise de ses fonctions au sein de l'appareil judiciaire

BEYROUTH: Raja Salamé, le frère du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), a comparu jeudi devant une équipe de juges européens. Ces derniers enquêtent sur des crimes financiers et le blanchiment d'argent international à hauteur de plus de 330 millions de dollars (1 dollar = 0,91 euro).
La délégation judiciaire, dirigée par la juge française Aude Buresi, a entendu le témoignage de Salamé au palais de justice de Beyrouth dans le cadre d'enquêtes menées par des pays européens sur des transferts financiers en dehors du Liban et sur des transactions effectuées par Forry Associates, dont Salamé est le propriétaire.
Ce dernier avait manqué deux séances la semaine dernière en raison de problèmes de santé, selon un rapport médical soumis à la délégation européenne par son avocat, qui n'a pas assisté à la séance de jeudi, déclarant que son client était «un témoin, non un suspect».
Selon une source judiciaire, la séance a duré six heures et les enquêteurs européens ont posé cent quarante questions, ce qui a conduit Salamé, très agité, à se plaindre de la durée de l'audience.
Selon la loi libanaise, les juges européens ne peuvent pas interroger directement Salamé, mais ils peuvent lui poser des questions par l'intermédiaire d'un juge et d'un médiateur libanais. La délégation ne peut prendre aucune décision d'inculpation ou d'arrestation sur le territoire libanais.
Au moins trois pays, la France, l'Allemagne et le Luxembourg, enquêtent sur Riad Salamé, le gouverneur de la Banque du Liban, et sur son frère Raja. Les deux hommes auraient détourné plus de 330 millions de dollars de la banque entre 2002 et 2015.
La juge Buresi doit interroger Riad Salamé à Paris le 16 mai, mais la comparution du dirigeant de la banque devant la justice française demeure incertaine.
Les enquêteurs européens ont entendu les témoignages de plusieurs personnes parmi lesquelles des dirigeants et des employés de la banque.
Cette semaine, ils ont également interrogé l'assistante du gouverneur, Marianne Hoayek, ainsi que des auditeurs financiers. La délégation doit questionner ce vendredi le ministre des Finances intérimaire, Youssef Khalil; elle quittera le Liban le soir même.
En 2022, la justice libanaise a ouvert une enquête locale sur Salamé après que des enquêteurs européens l'ont interrogé sur son implication présumée dans des affaires de détournement de fonds.
Le ministère public de Beyrouth a accusé les frères Salamé et Hoayek de «détournement de fonds publics, falsification, enrichissement illicite, blanchiment d'argent et évasion fiscale».
L'État libanais, représenté par la juge Helena Iskandar, chef de l'autorité chargée des affaires du ministère de la Justice, a porté plainte contre les trois personnes. Il a demandé leur arrestation, la saisie de leurs biens et de leurs comptes bancaires ainsi que le gel des comptes, au Liban et à l'étranger, qui appartiennent à leurs épouses et à leurs enfants.
Le premier juge d'instruction de Beyrouth, Charbel Bou Samra, a fixé au 18 mai la date de l'audience avec Salamé en tant qu’accusé dans l'affaire locale, indépendamment de l'affaire européenne.
L'enquête locale sera confidentielle.
Une interdiction de voyager a été émise à l'encontre des frères Salamé, mais le gouverneur occupe toujours le poste qui est le sien depuis 1993 et son mandat doit expirer à la fin de ce mois.
Au mois de février, Salamé a répondu aux accusations portées contre lui; il a insisté sur son innocence.
Parallèlement aux enquêtes européennes, le conseil de discipline a décidé à l'unanimité de révoquer la procureure générale du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun.
Cette décision se fonde sur les allégations de violations de la loi présentées à l'encontre de Mme Aoun avant l'enquête judiciaire.
Réagissant à cette décision, Mme Aoun a déclaré: «Ils poursuivent le seul juge qui ose enquêter sur de telles affaires. Je n'ai rien inventé et j'ai des preuves; ils me poursuivent parce que je fais mon travail. Je ne crains personne, même s'ils ont l’intention de me tuer.»
Mme Aoun a fait appel de cette décision, mais le Conseil supérieur de la magistrature n'est pas tenu par un délai pour statuer sur cet appel. En attendant, elle se trouve dans l'incapacité de poursuivre son travail. Elle devrait prendre sa retraite dans deux ans et demi.
Mme Aoun avait poursuivi le gouverneur de la BDL ainsi qu'au moins six banques libanaises et une société de transfert d'argent pour blanchiment d'argent et fraude sur la base de revendications d'activistes.
Les banques libanaises sont en grève depuis le mois de février pour protester contre une convocation judiciaire émise par Mme Aoun et contre la levée de l'anonymat des responsables bancaires qu’elle a demandée.
Les banques ont fait valoir que «les actions de Mme Aoun ont porté préjudice à la réputation financière du secteur bancaire libanais à l'étranger, en particulier auprès des banques correspondantes pour des raisons liées à des différends politiques internes».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Des mouvements palestiniens d'accord pour la gestion de Gaza par un comité indépendant de technocrates

Des Palestiniens marchent à travers les destructions causées par l'offensive aérienne et terrestre israélienne dans le camp d'Al-Shati, dans la ville de Gaza, vendredi. (AP)
Des Palestiniens marchent à travers les destructions causées par l'offensive aérienne et terrestre israélienne dans le camp d'Al-Shati, dans la ville de Gaza, vendredi. (AP)
Short Url
  • Réunis au Caire sous médiation égyptienne, le Hamas, le Fatah et d'autres factions palestiniennes ont convenu de confier provisoirement la gestion de Gaza à un comité indépendant de technocrates, à la suite du cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre
  • Les groupes ont également annoncé leur volonté de relancer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme représentant légitime du peuple palestinien, marquant une étape vers une possible réconciliation politique entre le Hamas et le Fatah

LE CAIRE: Des mouvements palestiniens réunis au Caire, dont le Hamas, se sont mis d'accord vendredi, dans un communiqué commun, pour remettre provisoirement la bande de Gaza à un comité indépendant de technocrates à la suite de l'accord de cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre et parrainé par Donald Trump.

Selon le document publié sur le site du Hamas, les différents groupes palestiniens ayant participé aux discussions ont convenu de la mise en place d'un "comité palestinien temporaire composé de résidents indépendants +technocrates+ (...) chargé de gérer les affaires de la vie et les services essentiels".

Les groupes palestiniens se sont aussi mis d'accord sur une stratégie nationale visant à "revitaliser l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) en tant que seul représentant légitime du peuple palestinien". Le Hamas ne fait pas partie de l'OLP.

Des délégations du Hamas et de son rival, le Fatah, s'étaient réunies jeudi en Egypte pour évoquer les dispositions à prendre après la guerre à Gaza, a indiqué à l'AFP une source proche des pourparlers.

Les deux mouvements entretiennent une rivalité politique ancienne, qui a souvent freiné les efforts de réconciliation nationale palestinienne.

Médiatrice de longue date dans le conflit israélo-palestinien, l'Egypte a accueilli ces réunions dans le cadre d'une initiative plus large visant à favoriser un consensus autour du plan de cessez-le-feu.

En parallèle des discussions entre le Hamas et le Fatah, le chef du renseignement égyptien, Hassan Rashad, a rencontré de hauts responsables d'autres factions palestiniennes, dont le Jihad islamique, allié du Hamas, ainsi que le Front démocratique (FDLP) et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Ces deux dernières formations marxistes sont membres de l'OLP.

En décembre 2024, le Hamas et le Fatah avaient annoncé un accord pour créer un comité visant à gérer la bande de Gaza après la guerre contre Israël. L'accord avait été critiqué notamment par des membres du Fatah.

Par la suite, plusieurs responsables politiques palestiniens ont évoqué la création du comité de gestionnaires non affiliés en charge d'administrer le territoire où le Hamas avait pris le pouvoir par la force en 2007.

Le Hamas a déjà fait savoir qu'il ne tenait pas à gouverner Gaza, ravagée par deux ans de guerre.

Le président américain Donald Trump a de son côté évoqué un "conseil de la paix" qu'il pourrait présider pour piloter l'après-guerre à Gaza.


En Cisjordanie, la récolte des olives perturbée par un pic de violences des colons

Des colons israéliens et un soldat israélien se tiennent dans un champ alors que des agriculteurs palestiniens sont empêchés de récolter des olives dans le village de Sa'ir, près de la ville d'Hébron en Cisjordanie occupée par Israël, le 23 octobre 2025. (AFP)
Des colons israéliens et un soldat israélien se tiennent dans un champ alors que des agriculteurs palestiniens sont empêchés de récolter des olives dans le village de Sa'ir, près de la ville d'Hébron en Cisjordanie occupée par Israël, le 23 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • En Cisjordanie occupée, une vidéo montrant un colon israélien masqué frappant une Palestinienne récoltant des olives à Turmus Ayya a ravivé les tensions, dans un contexte d’attaques accrues contre les agriculteurs palestiniens
  • L’ONU et plusieurs ONG dénoncent une impunité persistante face à ces violences, qui touchent des dizaines de villages et menacent une activité agricole essentielle à l’économie et à la vie sociale palestiniennes

Territoires palestiniens: La scène a fait le tour des réseaux sociaux en quelques heures: un jeune homme masqué frappe avec un bâton une Palestinienne qui cueille des olives en Cisjordanie occupée, et continue alors qu'elle est à terre.

L'incident s'est produit récemment à Turmus Ayya, près de Ramallah, épicentre cette année des violences accrues des colons israéliens contre les habitants du territoire palestinien occupé depuis 1967. Il a été filmé par un volontaire étranger, dont la présence est censée dissuader ces attaques.

"Tout le monde s'enfuyait, car les colons ont attaqué soudainement, ils étaient peut-être une centaine", raconte à l'AFP un employé municipal de Turmus Ayya, Yasser Alkam, présent sur les lieux, ajoutant qu'un volontaire suédois avait également eu le bras et la jambe cassés.

"Riposter ne ferait qu'attiser la violence, qui a parfois le soutien de l'armée", explique Naël al-Qouq, un agriculteur de Turmus Ayya.

La femme agressée, Oum Saleh Abou Aliya, 55 ans, attendait son fils pour quitter les lieux, affirme M. Alkam.

Non loin des lieux de l'affrontement, un drapeau israélien flotte sur un embryon d'implantation de colons.

-Multiplication des colonies-

L'armée israélienne est arrivée sur place et a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, a constaté un journaliste de l'AFP.

Au moins deux voitures ont été incendiées par le groupe de jeunes dont plusieurs étaient masqués et au moins un, l'agresseur de l'agricultrice, portait les tsitsit, ces franges qui dépassent des vêtements portées par les juifs pratiquants.

Le chef de la police israélienne en Cisjordanie, Moshe Pinchi, a ordonné à ses commandants de le retrouver, selon les médias israéliens.

L'armée israélienne a déclaré à l'AFP qu'elle "travaille en coordination avec la police israélienne pour faire respecter la loi concernant les Israéliens impliqués" dans de tels faits.

Des journalistes de l'AFP ont observé au moins six incidents distincts de Palestiniens empêchés d'accéder à leurs terres, attaqués par des colons ou victimes de dégradations durant la cueillette 2025.

Le pic des violences cette année va de pair avec la multiplication des colonies israéliennes dans un territoire menacé d'annexion par une partie de la classe politique israélienne. Même si tous les colons ne participent pas aux violences.

Dans le village d'al-Moughayer, Abdoul Latif Abou Aliya, 55 ans, déplore lui la destruction de son oliveraie, ordonnée par l'armée après qu'un Israélien a été blessé lors d'une altercation près de sa maison.

"Je possède dix dounams (un hectare) d'oliviers, mais il ne me reste que ceux du jardin de ma maison. Ils ont tout arraché", dit-il à l'AFP.

Son terrain est désormais à nu. En bordure, trois caravanes signalent l'installation récente d'un avant-poste, ces bourgeons de colonies, illégaux aussi bien au regard du droit international que pour les autorités israéliennes.

"C'est la pire saison depuis 60 ans", commente le ministre palestinien de l'Agriculture, Rizeq Salimia. D'autant que la production d'olives, qui constitue l'une des principales exportations de Cisjordanie, a été impactée cette année par des conditions climatiques défavorables.

Face à l'ampleur inédite des attaques, il a appelé la communauté internationale à protéger les agriculteurs.

-Impunité-

Les ONG recensent de nombreuses attaques contre des civils palestiniens menées par des colons en Cisjordanie, où vivent plus d'un demi-million d'Israéliens dans des implantations illégales au regard du droit international.

Ajith Sunghay, responsable au Bureau des droits de l'homme de l'ONU dans les territoires palestiniens, condamne de "graves attaques" et déplore des "niveaux dangereux d'impunité" pour leurs auteurs.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a lui dénombré 27 villages de Cisjordanie touchés par des attaques liées à la récolte, durant la seule semaine du 7 au 13 octobre.

"Les incidents comprenaient des attaques contre les cueilleurs, des vols de récoltes et de matériel, ainsi que des actes de vandalisme contre les oliviers, entraînant des blessés, des dégâts matériels ou les deux", détaille l'Ocha.

La Cisjordanie compte plus de huit millions d'oliviers pour environ trois millions d'habitants, selon le recensement agricole de 2021.

Emaillée ces dernières années d'attaques et de violences accrues impliquant colons israéliens, soldats, cueilleurs palestiniens et bénévoles étrangers, la récolte marque traditionnellement un temps convivial du calendrier palestinien, rassemblant fermiers mais aussi citadins.


Syrie: accord de cessez-le-feu entre jihadistes français et forces armées

Un membre des nouvelles forces de sécurité des autorités syriennes monte la garde devant un bureau de vote où les membres des comités locaux syriens ont voté dans le cadre du processus de sélection visant à désigner un parlement provisoire, à Damas, le 5 octobre 2025. (AFP)
Un membre des nouvelles forces de sécurité des autorités syriennes monte la garde devant un bureau de vote où les membres des comités locaux syriens ont voté dans le cadre du processus de sélection visant à désigner un parlement provisoire, à Damas, le 5 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • L'accord prévoit un cessez-le-feu entre les jihadistes retranchés dans un camp de la région de Harem, dan la province d'Idleb, près de la frontière turque, et les forces gouvernementales, selon le texte obtenu par l'AFP
  • Le cessez-le-feu est respecté depuis mercredi, selon un responsable local de la sécurité et une source des jihadistes français, contactés par l'AFP

IDLEB: Les autorités syriennes et les jihadistes français dirigés par Oumar Diaby sont parvenus à un accord pour mettre fin à leurs combats dans le nord-ouest de la Syrie, ont indiqué des sources concordantes jeudi à l'AFP.

L'accord prévoit un cessez-le-feu entre les jihadistes retranchés dans un camp de la région de Harem, dan la province d'Idleb, près de la frontière turque, et les forces gouvernementales, selon le texte obtenu par l'AFP.

Le cessez-le-feu est respecté depuis mercredi, selon un responsable local de la sécurité et une source des jihadistes français, contactés par l'AFP.

Mardi, les forces de sécurité syriennes avaient encerclé le camp, accusant Oumar Diaby, alias Omar Omsen, d'avoir enlevé une fillette et de refuser de se livrer aux autorités.

"Il y a eu un accord prévoyant un cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes" et permettant aux autorités syriennes d'entrer dans le camp, a affirmé le responsable local de la sécurité qui a requis l'anonymat.

L'accord prévoit en outre que l'affaire de l'enlèvement de la fillette soit confiée au ministère de la Justice.

Les combats mardi étaient les premiers annoncés par les autorités avec des jihadistes étrangers depuis qu'elles ont pris le pouvoir en décembre 2024, après avoir renversé Bachar al-Assad.

Le gouvernement d'Ahmad al-Chareh, qui veut rompre avec son passé jihadiste, avait appelé tous les groupes armés à se dissoudre et intégrer la nouvelle armée.

Les jihadistes dirigés par Oumar Diaby, un ancien délinquant franco-sénégalais de 50 ans devenu prêcheur, sont estimés à quelques dizaines et sont retranchés dans le camp avec leurs familles.

Selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des "jihadistes étrangers", en particulier d'Asie centrale, avaient "mené une médiation" mardi pour parvenir à une issue pacifique.

Les jihadistes français qui se font appeler "Firqat al Ghouraba" (le groupe des étrangers) constituent un rassemblement marginal et sans lien avec le groupe Etat islamique, qui avait régné par la terreur en Syrie et en Irak avant d'être défait.

Des milliers de jihadistes étrangers, dont des Occidentaux, avaient afflué en Syrie pendant la guerre civile qui a éclaté après la répression par l'ex-président Bachar al-Assad d'un soulèvement populaire en 2011.

Le conflit a pris fin en décembre 2024 avec la prise du pouvoir par une coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh.