Au Soudan, les pillages achèvent une économie déjà à genoux

Des Soudanais récoltent des légumes au sud de Khartoum, le 11 mai 2023 (Photo, AFP).
Des Soudanais récoltent des légumes au sud de Khartoum, le 11 mai 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 13 mai 2023

Au Soudan, les pillages achèvent une économie déjà à genoux

  • Après vingt ans de sanctions internationales, Khartoum avait fait son retour dans le concert des nations à la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019
  • A Khartoum Nord, les silos de blé de Saiqa, la plus grande minoterie du Soudan, ont été entièrement vidés, selon des témoins

KHARTOUM: Mohsen Abderrahmane n'avait pas encore ouvert sa joaillerie quand la guerre a débuté à Khartoum. Dix jours plus tard, il a reçu un appel du commerçant d'à côté: ses dix kilos d'or avaient disparu, comme tout dans le petit marché Saad Gichra.

Malgré le danger, il a tenu à revenir sur les lieux, bravant les raids aériens et les tirs à l'arme lourde qui ont ravagé Khartoum Nord, sa banlieue de l'autre côté du Nil qui découpe la capitale.

"Absolument tout ce que je possédais avait été pillé, tout les bijoux du magasin avaient été volés, il ne restait rien du tout", raconte-t-il à l'AFP.

Maintenant, "j'espère seulement que la guerre va se terminer pour pouvoir tout recommencer de zéro", dit-il encore.

Mais même si la guerre entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdane Daglo cessait bientôt, l'économie du Soudan, l'un des pays les plus pauvres au monde, est sinistrée depuis des décennies.

Après vingt ans de sanctions internationales, Khartoum avait fait son retour dans le concert des nations à la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019.

Mais le putsch en 2021 des deux généraux aujourd'hui en guerre n'a fait qu'aggraver la crise: il a entraîné l'arrêt par la communauté internationale de son aide de deux milliards de dollars qu'elle avait versés les deux années précédentes.

En un jour, l'Etat a perdu 40% de son budget, déjà grevé par la corruption, des années de sanctions économiques et l'indépendance en 2011 du Soudan du Sud.

A tel point que le régime putschiste n'a cessé de jouer sur les chiffres: il n'a jamais annoncé son budget 2023 mais se félicitait que l'inflation soit récemment tombée sous les 100%.

Pour les économistes, ce n'était pas le signe d'une reprise mais seulement de la récession désormais pleine et entière.

Cadenas brisé

Malgré tout, Khartoum gardait des semblants d'air de renouveau économique, entre restaurants internationaux ou bio et supermarchés achalandés de produits américains --souvent acheminés par les routes de la contrebande du Sahel.

Aujourd'hui, partout dans la capitale de plus de cinq millions d'habitants, les vitrines béantes de vendeurs de voitures ou d'appareils électroménagers, les chaînes brisées des portes des échoppes témoignent de l'intensité des pillages.

L'aéroport de Khartoum est à l'arrêt depuis le premier jour des combats le 15 avril et Port-Soudan, le poumon commercial du pays sur la mer Rouge (est), ne voit plus passer que des bateaux et des avions de civils fuyant la guerre ou d'aide humanitaire.

Les pillages n'ont épargné ni hôpitaux ni organisations humanitaires ni les maisons abandonnées par plus de 500 000 habitants de Khartoum, partis dans les villes des environs ou jusque dans les pays voisins.

Le magasin de téléphones portables de Noureddine Adam n'a pas échappé à la règle. Au cinquième jour de la guerre, il a vu que "le cadenas de la porte avait été brisé".

Depuis, il a tout perdu. "Ils n'ont rien laissé donc aujourd'hui, je ne possède plus rien", dit-il à l'AFP.

Police aux abonnés absents

Il assure connaître plusieurs commerçants qui, en plus d'avoir perdu leurs stocks, sont désormais criblés de dettes.

Car, rapporte un fonctionnaires sous couvert de l'anonymat, le terminal de dédouanement de Soba, dans le sud de Khartoum, a été entièrement pillé.

"Ce sont des produits venus de l'étranger qui attendaient là que leurs importateurs aient terminé leurs démarches administratives", assure-t-il à l'AFP.

"Mais ils n'ont jamais pu se présenter pour signer des papiers ou récupérer leurs biens à cause de la guerre", ajoute-t-il.

A Khartoum Nord, les silos de blé de Saiqa, la plus grande minoterie du Soudan, ont été entièrement vidés, selon des témoins, aggravant un peu plus les pénuries dans un pays où 19 millions de personnes pourraient souffrir de la faim dans six mois.

Abdeldaïm Omar, lui aussi, n'ouvrira plus jamais son magasin d'habillement.

"Au troisième jour de la guerre, une roquette est tombée sur le marché", rapporte-t-il à l'AFP. "Certaines échoppes ont été entièrement dévorées par les flammes et d'autres, comme mon magasin, ont en partie échappé à l'incendie, mais tout ce qui était à l'intérieur a été pillé".

Le comble, s'emporte-t-il, c'est que "le commissariat principal du quartier se trouve à l'intérieur même du marché".

Mais, dit-il, "la police a complètement disparu et personne ne protège les magasins".


Gaza : Israël dit soutenir « pleinement » le plan américain pour l'aide humanitaire

Le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul (G), accompagné de son homologue israélien Gideon Saar, donne une conférence de presse au musée commémoratif de l'Holocauste Yad Vashem à Jérusalem, le 11 mai 2025, lors de sa visite en Israël. (Photo GIL COHEN-MAGEN / AFP)
Le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul (G), accompagné de son homologue israélien Gideon Saar, donne une conférence de presse au musée commémoratif de l'Holocauste Yad Vashem à Jérusalem, le 11 mai 2025, lors de sa visite en Israël. (Photo GIL COHEN-MAGEN / AFP)
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  • « Israël soutient pleinement le plan de l'administration Trump présenté vendredi par l'ambassadeur des États-Unis en Israël, M. Mike Huckabee », a déclaré M. Saar lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand, Johann Wadephul.
  • Depuis des semaines, des responsables de l'ONU et d'ONG multiplient les avertissements sur la pénurie de nourriture, de médicaments et de carburant dans le territoire palestinien assiégé.

JERUSALEM : Gideon Saar, le ministre israélien des Affaires étrangères, a affirmé dimanche que son pays soutenait « pleinement » l'initiative américaine de distribution d'aide humanitaire dans la bande de Gaza, qui ne prévoit pas de participation israélienne directe.

« Israël soutient pleinement le plan de l'administration Trump présenté vendredi par l'ambassadeur des États-Unis en Israël, M. Mike Huckabee », a déclaré M. Saar lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand, Johann Wadephul.

En guerre contre le Hamas depuis l'attaque sans précédent perpétrée par le mouvement islamiste palestinien le 7 octobre 2023, Israël bloque l'entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza depuis le 2 mars, où celle-ci est vitale pour les 2,4 millions d'habitants.

Depuis des semaines, des responsables de l'ONU et d'ONG multiplient les avertissements sur la pénurie de nourriture, de médicaments et de carburant dans le territoire palestinien assiégé.

« Le Hamas a volé cette aide au peuple et en a tiré profit. Il l'a utilisée pour alimenter sa machine de guerre. Il s'en est servi pour préserver sa position de force, au détriment de la population civile », a-t-il souligné.

« Si l'aide continue d'aller au Hamas plutôt qu'au peuple de Gaza, la guerre ne prendra jamais fin », a-t-il affirmé. 

Vendredi, M. Huckabee a levé un coin du voile sur une nouvelle initiative que les États-Unis comptent mettre en place prochainement pour venir en aide aux Palestiniens.

« Les Israéliens seront impliqués dans la fourniture de la sécurité militaire nécessaire, car c'est une zone de guerre, mais ils ne participeront ni à la distribution de la nourriture, ni même à son acheminement vers Gaza », a affirmé l'ambassadeur américain.

La sécurité aux points de distribution sera assurée par des prestataires privés, tandis que l'armée israélienne se chargera de la sécurité « à distance » pour les protéger des combats en cours, a-t-il ajouté.

Israël n'avait pas encore commenté ces annonces.

L'initiative américaine « permettra à l'aide d'aller directement au peuple », a déclaré M. Saar dimanche. « Le Hamas ne doit en aucun cas pouvoir y mettre la main ».

« Les soldats de l'armée israélienne ne distribueront pas l'aide, ils sécuriseront le périmètre », a-t-il confirmé.

Le chef de la diplomatie israélienne a aussi dit souhaiter coopérer avec « autant de pays et d'ONG que possible » pour la mise en œuvre du plan américain.

Un rapport basé sur un index de définition des stades de la faim à Gaza est attendu lundi.


Un documentaire affirme avoir identifié le meurtrier de Shireen Abu Akleh

Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
Cette photo obtenue par un ancien collègue de Shireen Abu Akleh, journaliste chevronnée d'Al-Jazira, montre son reportage à Jérusalem le 12 juin 2021. (Photo HANDOUT / AFP)
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  • Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.
  • Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

NEW-YORK : Qui a tué Shireen Abu Akleh ? Un nouveau documentaire affirme enfin révéler l'identité du soldat israélien soupçonné d'avoir tué la reporter vedette de la chaîne Al-Jazeera, trois ans après cet événement qui avait endeuillé le Moyen-Orient.

Retour en arrière. Le 11 mai 2022, une « alerte » retentit sur les chaînes d'information du monde entier. La journaliste américano-palestinienne, connue pour sa couverture du conflit israélo-palestinien, vient d'être abattue à l'entrée du camp de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Elle portait pourtant un casque et un gilet pare-balles siglé du mot « Press ».

Al-Jazeera et des témoins blâment aussitôt l'armée israélienne. Le Premier ministre israélien de l'époque, Naftali Bennett, estime quant à lui que les tirs proviennent de combattants palestiniens. Dans les semaines qui suivent, les enquêtes journalistiques s'accumulent et révèlent toutes la même origine des tirs : Israël. 

Quelques mois plus tard, l'armée publie les « conclusions » de son enquête interne : « Il y a une forte probabilité que madame Abu Akleh ait été touchée accidentellement par un tir de l'armée israélienne visant des suspects identifiés comme des hommes armés palestiniens ».

Qui a tiré ? S'agissait-il vraiment d'un « accident » ? Le documentaire « Who killed Shireen ? » (« Qui a tué Shireen ? »), diffusé par le site indépendant Zeteo, pointe pour la première fois un suspect : le soldat d'élite Alon Scaggio.

« Israël a tout fait pour cacher l'identité du soldat. Ils ne voulaient pas transmettre cette information aux États-Unis, ne voulaient pas laisser les Américains l'interroger, ne voulaient pas leur transmettre son témoignage, ils ne voulaient pas leur donner son nom », explique à l'AFP Dion Nissenbaum, journaliste à l'origine du film. 

- Israël vs États-Unis -

Aidé notamment par la reporter Fatima AbdulKarim, qui travaille pour le New York Times en Cisjordanie occupée, et par le producteur Conor Powell, cet ex-correspondant du Wall Street Journal au Moyen-Orient a pu recueillir les témoignages de deux soldats israéliens présents à Jénine le 11 mai 2022 ainsi que ceux de hauts responsables américains.

Alon Scaggio, alors âgé de 20 ans, avait terminé une formation dans les Duvdevan, unité d'élite de l'armée israélienne, trois mois plus tôt, selon le documentaire.

« Il l'a tuée intentionnellement. Il n'y a pas de doute à ce sujet. La question est de savoir s'il savait qu'elle était journaliste et plus précisément qu'il s'agissait de Shireen Abu Akleh. Les ordres venaient-ils d'en haut ? Personnellement, je ne pense pas qu'il y ait eu d'ordre. Je ne pense pas qu'il savait qu'il s'agissait de Shireen, mais elle portait un gilet pare-balles tagué +Press+ », explique M. Nissenbaum. 

« Les preuves indiquent un meurtre intentionnel de Shireen Abu Akleh. Savaient-ils qui c'était ? Cela peut faire l'objet d'un débat, mais ils devaient absolument savoir qu'il s'agissait d'une personne des médias ou, au minimum, qu'il ne s'agissait pas d'un combattant », témoigne dans le documentaire un haut responsable de l'administration Biden d'avant Joe Biden sous couvert d'anonymat.

Le documentaire soutient également que les États-Unis n'ont pas fait pression outre mesure pour creuser cette affaire afin de ne pas entacher leur relation avec leur allié.

« Ce n'était pas un sujet dans les échanges entre le président (Joe Biden) et le Premier ministre », déclare le conseiller à la sécurité nationale de M. Bennett, Eyal Hulata.

Le sénateur américain Chris Van Hollen (démocrate) témoigne avoir demandé à Joe Biden, avec des collègues, qu'un rapport détaillé sur cette affaire soit « déclassifié ». En vain. 

- Impunité -

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), dont les données remontent à 1992, « il s'agit de la première fois qu'un suspect potentiel est nommé en lien avec le meurtre d'un journaliste par un Israélien ».

L'impunité de ce « meurtre » a, selon cette organisation basée à New York, « donné concrètement à Israël la permission d'en taire des centaines d'autres ». Selon Reporters sans frontières, environ 200 journalistes ont été tués en 18 mois de frappes israéliennes à Gaza. 

Un porte-parole de l'armée israélienne a dénoncé la divulgation « par la famille » du nom d'un soldat « alors qu'il n'y a pas de conclusion définitive » quant à l'identité du tireur.

Mais Alon Scaggio ne pourra jamais répondre aux questions : l'armée souligne qu'il est « tombé lors d'une opération ».

Au début de son enquête, l'équipe de Dion Nissenbaum pensait que le soldat avait été tué à Gaza, avant d'en arriver à la conclusion que sa mort est survenue à Jénine. Le 27 juin 2024, soit près de deux ans après la mort de Shireen Abu Akleh. 


Le ministre saoudien des Affaires étrangères reçoit son homologue iranien à Djeddah

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, s'adresse à l'AFP lors d'une interview au consulat iranien de Jeddah, le 7 mars 2025. (AFP)
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  • M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens
  • Cette visite précède d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui se tiendront dimanche à Oman.

RIYAD : Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal ben Farhane a reçu samedi son homologue iranien Abbas Araqchi à Djeddah, a rapporté la chaîne d'information Al Arabiya.

M. Araqchi s'est rendu à Djeddah pour rencontrer de hauts responsables saoudiens et discuter des questions bilatérales et des développements régionaux et internationaux.

Il devrait ensuite se rendre au Qatar pour participer au sommet du dialogue Iran-Monde arabe à Doha, a déclaré vendredi un porte-parole du ministère iranien.

Cette visite précède également d'éventuelles discussions indirectes entre les États-Unis et l'Iran, qui auront lieu dimanche à Oman.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com