Mort de 27 migrants dans la Manche fin 2021: cinq militaires inculpés en France

Quelque 46 000 migrants ont traversé la Manche en 2022, en majorité des Afghans, des Iraniens et des Albanais. Quelque 8 000 ont été secourus dans les eaux françaises (Photo, AFP)
Quelque 46 000 migrants ont traversé la Manche en 2022, en majorité des Afghans, des Iraniens et des Albanais. Quelque 8 000 ont été secourus dans les eaux françaises (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 25 mai 2023

Mort de 27 migrants dans la Manche fin 2021: cinq militaires inculpés en France

  • Les autorités françaises sont soupçonnées d'avoir été appelées à l'aide à une quinzaine de reprises et de ne pas être venues en aide aux migrants la nuit du naufrage
  • Le canot avait coulé au petit matin du 24 novembre 2021, emportant 27 migrants, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans

PARIS: Après les passeurs, les secours: cinq militaires travaillant dans un centre de sauvetage en mer ont été inculpés jeudi à Paris pour non-assistance à personne en danger dans l'enquête sur la mort de 27 migrants dans le naufrage de leur bateau dans la Manche fin 2021.

Neuf personnes, dont au moins cinq militaires du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Gris Nez (Cross), chargé des secours dans la Manche, avaient été placées en garde à vue ces derniers jours, selon une source judiciaire et une source proche du dossier.

Selon la source proche du dossier, cinq militaires, trois femmes et deux hommes, ont été présentés jeudi après-midi aux magistrats instructeurs de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée du tribunal judiciaire de Paris.

D'après une source judiciaire, ils ont été inculpés pour non-assistance à personne en danger et laissés libres. Le code de justice militaire restreint fortement les possibilités de placement sous contrôle judiciaire des militaires.

Les autorités françaises sont soupçonnées d'avoir été appelées à l'aide à une quinzaine de reprises et de ne pas être venues en aide aux migrants la nuit du naufrage.

Le canot avait coulé au petit matin du 24 novembre 2021, emportant 27 passagers, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans.

Personne ne leur était venu en aide. Ni côté français, ni côté britannique, chacun passant la nuit à se renvoyer la balle, selon des documents de l'enquête consultés par l'AFP et révélés par le quotidien Le Monde en novembre.

Dans une conversation téléphonique avec le Cross, dont l'AFP a eu connaissance, un migrant déclare: "Au secours s'il vous plaît (...) je suis dans l'eau". "Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises Monsieur", lui répond son interlocutrice. "Non, non pas les eaux anglaises, les eaux françaises, s'il vous plaît pouvez-vous venir vite", supplie-t-il encore, avant que la conversation ne soit coupée.

"Ah bah, t'entends pas, tu seras pas sauvé. +J'ai les pieds dans l'eau+, bah je t'ai pas demandé de partir", dit alors l'opératrice.

Tension entre Paris et Londres

Ces éléments, qui concordent avec les déclarations des deux survivants, avaient secoué le Cross et suscité la "consternation" des associations d'aide aux migrants.

Les retranscriptions de conversations laissent toutefois apparaître que le Cross a contacté à plusieurs reprises les garde-côtes britanniques.

Lors de précédentes auditions comme témoins dans cette enquête fin 2021, des agents du Cross avaient invoqué le manque de moyens qui contraint "à prioriser". Ce soir-là, le Cross a traité "des centaines voire des milliers d'appels", avait rapporté l'un d'eux.

Sollicité jeudi par l'AFP, le directeur du Cross Gris-Nez, n'a pas souhaité réagir.

"Tous les opérateurs actuellement au Cross Gris-Nez ou embarqués ont toute la confiance du préfet pour conduire les opérations de sauvetage en mer", a indiqué de son côté à l'AFP la Préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord.

"L'affaire suit son cours et l'instruction n’est pas de notre ressort", a-t-elle ajouté, se refusant à tout autre commentaire.

"Si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises", avait assuré en novembre le secrétaire d'Etat français Hervé Berville, reconnaissant un "effroi" à la lecture des informations de presse.

Dix passeurs présumés, majoritairement afghans, ont déjà été inculpés en France.

Une enquête est également en cours outre-Manche concernant ce drame, qui avait fait monter la tension entre Paris et Londres. Les autorités britanniques ont annoncé fin novembre avoir arrêté un homme, "suspecté d'être un membre du groupe criminel organisé qui a conspiré pour transporter les migrants au Royaume-Uni à bord d'un petit bateau".

Quelque 46.000 migrants ont traversé la Manche en 2022, en majorité des Afghans, des Iraniens et des Albanais. Quelque 8.000 ont été secourus dans les eaux françaises.


«Complément d'enquête» jeudi sur Hanouna, après des mois de polémiques

Après des mois d'investigations sous pression, France 2 dévoile jeudi soir un "Complément d'enquête" consacré à Cyril Hanouna (Photo d'illustration, AFP).
Après des mois d'investigations sous pression, France 2 dévoile jeudi soir un "Complément d'enquête" consacré à Cyril Hanouna (Photo d'illustration, AFP).
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  • Le but du documentaire n'est pas de «dézinguer, faire chuter» Cyril Hanouna, a assuré mercredi Virginie Vilar à une poignée de journalistes
  • Cyril Hanouna est notamment présenté par une source anonyme comme un «gourou»

PARIS: Débats artificiels, promesses d'anonymat non respectées, intimidations et insultes... Après des mois d'investigations sous pression, France 2 dévoile jeudi soir un "Complément d'enquête" consacré à Cyril Hanouna, animateur star mais controversé, décrit comme "le nouveau parrain du PAF".

Pour décrypter la mécanique à l'oeuvre dans les coulisses de "Touche pas à mon poste" (TPMP), l'émission phare de l'animateur, la journaliste Virginie Vilar a interrogé une trentaine de collaborateurs directs, dont 15 ont dénoncé "un climat difficile", la plupart sous couvert d'anonymat.

Cyril Hanouna est notamment présenté par une source anonyme comme un "gourou" et qui a le pouvoir de retirer ses chroniqueurs de l'antenne "comme ça, d'un coup".

L'homme fort de C8 y est également accusé d'avoir "briefé" ses troupes avant une émission sur un fait divers visant une enfant pour qu'au moins "deux d'entre eux" prétendent être pour la peine de mort.

Le documentaire revient sans surprise sur le style "sanguin et fleuri" de l'animateur, comme sur plusieurs des polémiques qui ont valu une pluie de mises en garde et sanctions de l'Arcom à C8 - pour un total de 7,5 millions d'euros - dont celle impliquant des invités présentés à tort comme des policiers de la Brav-M.

«Pas journaliste»

On y découvre notamment que leurs prénoms, coordonnées et carte professionnelle ont été transmis par la production sur "réquisition judiciaire", alors qu'elle leur avait promis l'anonymat. "On n'est pas journaliste, on n'est pas une agence de presse", répond Lionel Stan, bras droit de Cyril Hanouna et directeur général de sa société de production H20, dans le documentaire.

Cyril Hanouna "voulait être considéré comme journaliste au sens noble du terme", témoigne pourtant son défenseur Arnaud Lagardère, dont le groupe éponyme vient d'être racheté par Vivendi, la maison mère de C8, contrôlée par le milliardaire Vincent Bolloré.

Le but du documentaire n'est pas de "dézinguer, faire chuter" Cyril Hanouna, a assuré mercredi Virginie Vilar à une poignée de journalistes, dont l'AFP. Mais plutôt de "décortiquer la mécanique de l'émission", a abondé le présentateur de "Complément d'Enquête", Tristan Waleckx.

Cette diffusion jeudi à 23H00 est l'aboutissement d'une longue polémique entre le magazine de France 2 et le puissant animateur-producteur de 49 ans, qui a refusé d'être interviewé, à l'inverse du rappeur Booba, détracteur de Cyril Hanouna, qui interviendra en fin d'émission.

En mai, dans TPMP, Hanouna avait promis que ce numéro marquerait "la fin" de "Complément d'enquête", avant de plaider, par la suite, "une vanne".

Lundi dans TPMP, il a diffusé, goguenard, la bande-annonce de l'émission, lisant le communiqué de France Télé, qui lui attribue une fortune "estimée à 85 millions d'euros". Un "chiffre pas correct", selon lui. "Sinon le reste on n'est pas mal", a-t-il commenté.

«Représailles»

Pourtant chevronnée, Virginie Vilar a assuré à Télérama qu'il s'agissait de "l'enquête la plus compliquée de toute (s)a carrière", entre manoeuvres d'intimidations et accusations de payer de faux témoins.

Télérama a lui-même mené une enquête sur l'animateur et évoqué la "peur de représailles" de ses sources anonymes.

L'hebdomadaire pointe une forme d'omerta au sein des médias de l'empire Bolloré sur Cyril Hanouna, dont l'émission rapporte la moitié des revenus publicitaires de C8 ("7,5 millions en septembre"), selon "Complément d'Enquête".

Lancée en 2010 sur France 4 et transférée en 2012 sur D8, devenue C8, TPMP, en direct chaque avant-soirée en semaine, a réuni le mois dernier 1,8 million de téléspectateurs en moyenne sur sa tranche principale.

L'émission, qui mélange divertissement et débats d'actualité, est régulièrement accusée de privilégier les clashs voire de véhiculer de fausses informations. Ses défenseurs font toutefois valoir que TPMP attire un public plus populaire que les émissions équivalentes.

Chroniqueur de TPMP depuis la rentrée et lui-même ancien présentateur de "Complément d'enquête", Jacques Cardoze a récemment annoncé qu'il préparait pour début 2024 un contre-documentaire pour C8 sur le magazine de France 2. Il l'accuse de "dérive" et d'être devenu "politisé" à gauche.


Les ministères sommés de communiquer désormais via l'app française Olvid

La Première ministre française Elisabeth Borne assiste à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris le 28 novembre 2023 (Photo, AFP).
La Première ministre française Elisabeth Borne assiste à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris le 28 novembre 2023 (Photo, AFP).
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  • Elisabeth Borne demande de «prendre toutes les dispositions» pour déployer Olvid «pour le 8 décembre 2023 au plus tard»
  • En décembre l'ensemble du gouvernement utilisera @olvid_io, la messagerie instantanée la plus sûre du monde s'est félicité le ministre délégué au Numérique

PARIS: Après TikTok, c'est au tour de WhatsApp et consorts de disparaître pour des raisons de cybersécurité des téléphones des membres de cabinets ministériels français, selon une circulaire révélée mercredi qui préconise l'application inconnue du grand public Olvid.

Dans ce document daté du 22 novembre et repéré par l'hebdomadaire Le Point, Matignon demande aux membres du gouvernement et des cabinets ministériels d'installer ce système sur leurs téléphones et ordinateurs "en remplacement des autres messageries instantanées afin de renforcer la sécurité des échanges".

Selon les services de la Première ministre, "les principales applications de messagerie instantanée grand public" (WhatsApp, Messenger, Telegram, Signal...) "occupent une place grandissante dans nos communications", mais "ne sont pas dénuées de faille de sécurité".

Les messageries sécurisées sont un outil de travail et de communication de plus en plus prisés des politiques et des cabinets, qui raffolent des boucles WhatsApp pour s'adresser aux journalistes notamment.

Depuis la campagne présidentielle de 2017, l'entourage d'Emmanuel Macron est réputé faire un large usage de l'application russe Telegram.

Elisabeth Borne demande de "prendre toutes les dispositions" pour déployer Olvid "pour le 8 décembre 2023 au plus tard".

"L'intégration de cette solution constitue non seulement une prise de conscience en matière de cybersécurité, mais aussi une avancée vers une plus grande souveraineté française", avance-t-elle.

"Nous l'utilisons avec mon équipe depuis juillet 2022. En décembre l'ensemble du gouvernement utilisera @olvid_io, la messagerie instantanée la plus sûre du monde", s'est félicité mercredi le ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot sur X (anciennement Twitter).

Olvid a été créée en 2019 par des experts français en cybersécurité.

Son innovation: la suppression de l'annuaire centralisé d'utilisateurs, afin d'atteindre une sécurisation maximale des conversations.

Les messages sont chiffrés de bout-en-bout, une pratique désormais courante dans l'industrie, mais sur Olvid, leurs métadonnées (qui parle à qui et à quel moment) le sont également.

Disponible gratuitement sur Android, iPhone et sur ordinateur, l'application ne nécessite pas de numéro de téléphone pour s'inscrire.

Mais contrairement à ses concurrentes comme WhatsApp aux milliards d'utilisateurs, elle reste encore quasiment inconnue du grand public, pour lequel elle ne facilite d'ailleurs pas les choses: faute d'annuaire centralisé, l'ajout d'un contact se fait en scannant un QR code.

Des options payantes sont également disponibles pour passer des appels audio, utiliser plusieurs appareils ou faciliter l'utilisation en entreprise.

Certification

Cette circulaire "va plutôt dans le bon sens", a réagi auprès de l'AFP Baptiste Robert, chercheur en cybersécurité. "Les conversations professionnelles n'ont rien à faire sur des applis comme WhatsApp ou Telegram", ajoute-t-il.

Olvid dispose "depuis plusieurs années d'une bonne emprise dans les milieux étatiques", notamment grâce à la très stricte certification par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), qu'elle est la seule messagerie à détenir depuis septembre 2020.

Toutefois, Olvid qui compterait de l'ordre d'une dizaine de milliers d'utilisateurs "ne sera jamais virale comme WhatsApp. Les modèles sont différents", explique l'expert.

Comme les données ne sont pas conservées sur le serveur central, Olvid ne nécessite pas non plus une sécurisation particulière pour les données dites sensibles, précise la circulaire, qui mentionne aussi la possibilité d'utiliser Tchap, une messagerie réservée aux agents de la fonction publique.

En mars, le gouvernement français avait déjà tenté d'enrayer l'usage d'applications étrangères et potentiellement non sécurisées par les fonctionnaires.

Emboîtant le pas à de nombreux exécutifs et parlements occidentaux, il leur avait notamment interdit d'installer le réseau social chinois TikTok et plus largement les "applications récréatives".

Pour les experts en sécurité, l'utilisation encore limitée d'Olvid ne permet pas de prouver sa fiabilité lors d'un passage à l'échelle.

L'application n'a pas répondu mercredi aux sollicitations de l'AFP.


France: 10 mois de prison avec sursis requis contre le ministre du Travail

Le ministre français du Travail Olivier Dussopt au palais de justice de Paris le 27 novembre 2023 (Photo, AFP).
Le ministre français du Travail Olivier Dussopt au palais de justice de Paris le 27 novembre 2023 (Photo, AFP).
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  • Le parquet a fustigé de graves «manquements» au «devoir d'exemplarité» des élus dans l'espoir d'un «gain politique»
  • Les faits reprochés au ministre sont sans aucun lien avec ses actuelles fonctions au gouvernement

PARIS: Dix mois d'emprisonnement avec sursis et 15.000 euros d'amende ont été requis mercredi à l'encontre du ministre français du Travail, Olivier Dussopt, cheville ouvrière de réforme des retraites, jugé pour des soupçons de favoritisme dans un marché public quand il était maire.

A l'encontre du ministre, le parquet a fustigé de graves "manquements" au "devoir d'exemplarité" des élus dans l'espoir d'un "gain politique", des faits qui concourent à "dégrader la confiance dans les institutions". Mais il n'a pas demandé de peine d'inéligibilité "au regard de l'ancienneté des faits", datant de 2009.

Le tribunal correctionnel de Paris rendra sa décision le 17 janvier.

Le parquet a demandé cette condamnation alors que l'autre membre du gouvernement français en jugement, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, était lui reconnu non-coupable et relaxé mercredi, dans une affaire de conflits d'intérêts, par la Cour de justice de la République.

Avec deux co-prévenus, M. Dussopt comparait depuis lundi, poursuivi pour une "rupture d'égalité entre les candidats" lors de l'attribution du marché d'exploitation de l'eau potable - de 5,6 millions d'euros - de la ville d'Annonay, dans le sud de la France, dont il était alors maire.

Les faits reprochés au ministre sont sans aucun lien avec ses actuelles fonctions au gouvernement, où il a porté la réforme relevant de 62 à 64 ans l'âge de départ à la retraite, défiant plusieurs semaines de mobilisation début 2023.

L'accusation s'appuie sur deux documents, découverts lors d'une perquisition en août 2020 au domicile d'Olivier Dussopt, dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte après un article du site d'informations Mediapart.

A l'ouverture du procès lundi, M. Dussopt a souhaité que l'audience "permette d’établir" sa "bonne foi".

Georges Holleaux, avocat d'Olivier Dussopt, a dépeint un maire d'à peine 30 ans "qui a agi pour le bien de sa commune" et "n'a rien à se reprocher".

La défense concède certaines "informations anticipées", mais estime que les candidats au marché ont été "remis sur un terrain d'égalité" lors de la publication de l'appel d'offres.

Elle soutient aussi que les faits sont prescrits, ce que rejette l'accusation pour qui ils étaient "dissimulés" jusqu'à ce leur découverte avec la perquisition.

La Première ministre Elisabeth Borne avait renouvelé sa confiance à M. Dussopt à son renvoi en procès, confirmant un changement de doctrine sur les affaires judiciaires en France, où auparavant, et en vertu d'une règle non-écrite, un ministre quittait ses fonctions quand il était mis en examen (équivalent d'inculpation en droit français).

L'exécutif défend désormais une application au cas par cas, qui a notamment valu au ministre de la Justice d'être maintenu en fonctions avant sa relaxe, à l'issue du premier procès en France d'un Garde des sceaux en exercice.