L'économie allemande dit adieu aux années fastes

Le chancelier allemand Olaf Scholz arrive à la session de clôture du sommet du nouveau pacte financier mondial, le 23 juin 2023 à Paris. (Photo, AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz arrive à la session de clôture du sommet du nouveau pacte financier mondial, le 23 juin 2023 à Paris. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 24 juin 2023

L'économie allemande dit adieu aux années fastes

  • Tombée en récession cet hiver, l'économie allemande devrait finir l'année dans le rouge, en queue de peloton des pays de la zone euro
  • Le gouvernement est encore le seul à tabler sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2023, quand les principaux instituts économiques et le FMI s'attendent désormais à un recul estimé entre 0,2 et 0,4%

BERLIN: Lorsqu'il visite une usine de semi-conducteurs ou de voitures électriques, le chancelier Olaf Scholz dépeint une Allemagne menant tambour battant sa transformation industrielle. "Insuffisant", répondent patrons et experts qui prédisent des temps difficiles pour la première économie européenne.

Tombée en récession cet hiver, l'économie allemande devrait finir l'année dans le rouge, en queue de peloton des pays de la zone euro. Le gouvernement est encore le seul à tabler sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2023, quand les principaux instituts économiques et le FMI s'attendent désormais à un recul estimé entre 0,2 et 0,4%.

Inflation, hausse des taux d'intérêt, reprise poussive en Chine, prix de l'énergie pèsent sur l'activité.

Mais le mal serait plus profond: "nous voyons actuellement le pays face à une montagne de défis croissants", s'est alarmé cette semaine le président de la Fédération de l'industrie allemande (BDI), Siegfried Russwurm.

"De plus en plus d'entreprises, jusque dans les PME, envisagent de délocaliser une partie de leur création de valeur hors d'Allemagne", a-t-il prévenu lors du congrès annuel de la Fédération, qui rassemble l'élite politique et économique allemande.

Dans les journaux, le spectre d'une Allemagne "homme malade de l'Europe" est de retour, en référence à la période, au début des années 2000, où le pays, plombé par son manque de compétitivité et un chômage élevé, avait hérité de ce qualificatif.

C'est à une autre période de l'histoire récente qu'Olaf Scholz, arrivé au pouvoir fin 2021, préfère se référer.

Dans une interview, en mars, il s'est dit convaincu que la transformation nécessaire pour atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2045 allait permettre à l'Allemagne de "retrouver pendant un certain temps des taux de croissance comme dans les années 1950 et 1960", époque du "miracle économique" pour un pays alors en pleine reconstruction.

Nouveau miracle ?

Pour le dirigeant social-démocrate, les dépenses massives nécessaires pour installer des éoliennes, construire des voitures électriques, décarboner la production d'acier ou la chimie, fabriquer des pompes à chaleur remplaçant le chauffage au gaz vont créer un cercle vertueux.

Mais le scénario d'un nouvel âge d'or porté par la transition énergétique et les industries vertes laisse plus d'un expert sceptique.

Car cette transition va d'abord engloutir des milliards d'euros "pour remplacer un stock de capital existant" — le thermique par de l'électrique ; le charbon par des renouvelables — "à des coûts nettement plus élevés", a répliqué cette semaine M. Russwurm.

"Cela ne nous apportera pas de croissance économique supplémentaire dans un premier temps", a-t-il observé.

"Nous ne récolterons les fruits de cette transformation que dans un avenir lointain, lorsque nous aurons effectivement réussi à réduire les gaz à effet de serre. A court terme, cela consommera des ressources (...) et cela va d'abord nous ralentir", a également expliqué également Timo Wollmershäuser, directeur de l'institut économique Ifo, à la presse cette semaine.

Des années de croissance poussive, avec des hausses annuelles du PIB inférieures à 1%, attendent l'Allemagne, prédisent les principaux instituts économiques du pays.

"La croissance devrait être nettement plus faible au cours de cette décennie que dans les années 2010, associés à la prospérité du pays", affirme Marcel Fratzscher, directeur de l'institut DIW.

Pas attractif

Au chantier de la transition énergétique s'ajoutent des faiblesses structurelles qui freinent les performances économiques: lenteurs bureaucratiques, retard dans le modernisation numérique et surtout vieillissement démographique qui entraîne une pénurie de main-d'œuvre que les entreprises ressentent déjà de façon aiguë.

"Si la population diminue durablement, le PIB finira par ne plus pouvoir croître non plus", prévient Timo Wollmershäuser.

Avec un modèle économique reposant fortement sur l'activité industrielle — qui pèse plus de 20% du PIB —, le pays va aussi souffrir de prix de l'énergie voués à rester durablement élevés, même s'ils se sont assagis après les records atteints dans le sillage du déclenchement de la guerre en Ukraine.

La Russie a longtemps été le premier fournisseur de gaz du pays, livré à des tarifs avantageux.

"Coût de l'énergie, manque de main-d'œuvre qualifiée, bureaucratie: pour nous, produire en Allemagne n'est plus attractif", a assuré, lors du congrès de l'Industrie, Ingeborg Neumann, présidente de l'association allemande des entreprises du textile.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.