La réduction des subventions gouvernementales pousse les Libanais dans la rue

Des travailleurs libanais manifestent à Beyrouth contre le détournement de fonds publics. Les travailleurs des secteurs public et privé comptent se mettre en grève la semaine prochaine. (Photo, AFP)
Des travailleurs libanais manifestent à Beyrouth contre le détournement de fonds publics. Les travailleurs des secteurs public et privé comptent se mettre en grève la semaine prochaine. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 10 décembre 2020

La réduction des subventions gouvernementales pousse les Libanais dans la rue

  • La livre libanaise a perdu 80% de sa valeur depuis le début de la crise financière dans le pays l’année dernière
  • Les employés reçoivent 1 million de livres (123 dollars), ce qui n'est même pas suffisant pour payer une facture d'électricité. Le taux de pauvreté extrême est passé à 40 pour cent

BEYROUTH: Des milliers de travailleurs des secteurs public et privé au Liban devraient se mettre en grève la semaine prochaine, dans le cadre d'un mouvement national contre les réductions des dépenses gouvernementales paralysantes.

Les membres du Syndicat général du travail du pays, qui comprend 43 syndicats et fédérations, se joindront à une grève tournante mercredi pour protester contre les dernières mesures d'austérité.

Le chef du syndicat, Bechara Al-Asmar, a déclaré à Arab News que «cette grève nationale est le début d’actions plus élargies qui se dérouleront dans le pays contre la suppression des subventions de l'État pour les produits de base. Nous crions haut et fort que nous ne pouvons pas rester les bras croisés. S'ils (les dirigeants politiques du pays) forment un gouvernement, il n’y aura pas lieu de débuter une grève, mais la situation ne fait qu’empirer».

M. Al-Asmar ajoute que «Le taux de la pauvreté au Liban atteint les 75% d’après les estimations internationales, car ces employés reçoivent 1 million de livres (123 dollars), ce qui n'est même pas suffisant pour payer une facture d'électricité. Le taux de pauvreté extrême est passé à 40 pour cent.

«A titre d’exemple, le secteur du tourisme à lui seul compte 110 000 licenciements, et si les banques appliquent la directive de fusion reçue de la Banque centrale, 10 000 employés seront aussi au chômage. Il n'y aura pas de possibilités de réembauche, compte tenu de la fermeture d'autres institutions », a affirmé Al-Asmar.

Des manifestations ont enflammé Saida à la suite d'une annonce faite par Ali Ibrahim, chef de l'Union des syndicats de boulangeries, que l'État a cessé de subventionner la farine. Les manifestants ont bloqué les routes principales et des pneus ont été incendiés devant le palais du gouvernement.

Un manifestant a déclaré à Arab News: «Auparavant, j'achetais une galette au thym, un aliment populaire bon marché, pour 1 000 livres libanaises. Aujourd'hui, après l’annonce de la levée des subventions, elles sont passées à 2 500 livres. Comment les pauvres vont-ils survivre? Qu'est-ce qui nous attend?

Lors d'une conférence de presse, Shadi Al-Sayed, chef du Syndicat des chauffeurs publics dans le nord du Liban, a déclaré: «L'étincelle de la colère proviendra sans doute de Tripoli si les autorités décident de tuer le citoyen qui ne veut que préserver son gagne-pain». Il affirme que les manifestations vont se poursuivent jusqu'à ce que «les choses reviennent à la normale».

La livre libanaise a perdu 80% de sa valeur depuis le début de la crise financière dans le pays l’année dernière. Les banques libanaises ont de plus imposé des restrictions sur les dépôts de leurs clients.

Les revenus devraient encore chuter de manière considérable, les revenus fiscaux et non fiscaux continuant de baisser en raison du ralentissement de l'activité économique au Liban.

Le gouvernement intérimaire de Hassan Diab a organisé mardi des réunions intensives dans le but de rationaliser les subventions pour le carburant, la farine et les médicaments. Une source gouvernementale a informé Arab News que: «Diab refuse catégoriquement de tenir son gouvernement responsable des conséquences de la décision de lever les subventions».

S'adressant aux ateliers, Diab a déclaré: «Le gouvernement intérimaire n'a pas l'intention de lever les subventions, notre approche consiste plutôt à les redistribuer efficacement. Les produits de base du citoyen libanais, comme les médicaments et la farine, sont une ligne rouge pour nous. Les conditions économiques et financières difficiles que traverse le Liban sont la conséquence logique de nombreuses années de mauvaises politiques», a-t-il ajouté.

Les réunions ont eu une semaine pour «produire un plan clair» pour lutter contre la crise financière.

Al-Asmar a signalé: «Au lieu de chercher à récupérer les fonds dilapidés et à mettre fin à la corruption systémique, l'État veut lever les subventions sur la farine et à réduire les subventions des carburants de 40 à 60% en vue de les lever complètement. Parallèlement, les politiciens et le Premier ministre désigné (Saad Hariri) se traînent les pieds dans la formation du gouvernement, bien que ce soit la seule solution pour attirer l’aide internationale».

Le chef de la commission parlementaire de la santé au Liban, le député Assem Araji, a indiqué que le gouvernement espère «économiser 250 millions de dollars en redistribuant les fonds dédiés aux subventions de médicaments».

George Brax, membre du Syndicat libanais des propriétaires de stations-service, a confirmé: «Diab essaie de trouver une solution en garantissant l'importation de carburant d'un pays étranger (que l'on pense être l'Irak) sans avoir à payer immédiatement».

Le président libanais Michel Aoun et Hariri ont tenu mercredi une deuxième réunion en l'espace de 72 heures, sans vraiment réussir à faire avancer les plans de former un nouveau cabinet.

Le Conseil de l'UE a exprimé ses inquiétudes croissantes face à «la grave crise financière, économique, sociale et politique qui s'est installée au Liban, et qui continue de s'aggraver depuis des mois».

Dans un communiqué diffusé par son ambassade à Beyrouth, il déclare: «L'UE appelle les leaders politiques libanais à écouter les aspirations et les préoccupations de la population, à prendre ses demandes au sérieux, à exploiter ses visions et à lancer les réformes sans plus attendre».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.